B. LES INCERTITUDES SUR LES CONSÉQUENCES DE LA CRÉATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL SUR LE SERVICE CIVIQUE
1. Les grandes lignes du service national universel
Promesse de campagne du candidat Macron, le service national universel (SNU) reste un projet controversé dont les modalités pratiques n'ont pas encore été arrêtées complètement et qui soulève de nombreuses interrogations, notamment au regard de son coût.
En avril dernier, le groupe de travail sur le service national universel a remis un rapport 7 ( * ) qui arrête les principes suivants.
Le service national universel s'organiserait en deux phases majeures :
- la phase I, obligatoire, interviendrait après la classe de la troisième, entre 15 et 18 ans et comprendrait un temps de cohésion (15 jours en hébergement, centrés sur les valeurs, les savoir-faire et les savoir-être) et un temps de projet collectif (15 jours également, mais sans hébergement). Concrètement ce sont 800 000 à 900 000 jeunes qui devraient être appelés chaque année pour réaliser leur service national universel ;
- la phase II, non obligatoire, reposerait sur l'engagement volontaire, pour une durée de trois à six mois, avant 25 ans. Deux types d'engagement sont envisagés : les engagements militaires ou dans la sphère de la sécurité publique qui seraient réservés aux nationaux ; les engagements civils, « qui s'inspireraient très largement de ceux proposés par le service civique aujourd'hui » . Quatre filières d'engagement sont envisagées : la diffusion de la culture patrimoniale et numérique (notamment dans une optique de solidarité intergénérationnelle, territoriale ou envers les plus défavorisés) ; l'environnement et le développement durable ; l'aide aux personnes ; le tutorat (y compris au service des jeunes accomplissant leur service national).
2. Une articulation avec le service civique à préciser
Le rapport précité indique que « les engagements civils s'opéreront, pour l'essentiel, en généralisant le modèle existant du service civique, par l'exercice de fonctions pour lesquelles idéalement plusieurs jeunes sont placés auprès d'un tuteur qui supervise l'accomplissement des tâches, et demeure, notamment, le garant du professionnalisme et de la compétence nécessaire dans leur exécution ».
Il apparaît donc que le service civique a vocation à être intégré dans le service national universel. Néanmoins, la durée retenue jusqu'à présent pour la phase « volontaire » du service national universel - trois à six mois - est plus courte que la durée actuelle moyenne du service civique - huit mois. Or, depuis la création de ce dernier, les associations, mais de manière générale toutes les institutions accueillant des volontaires, soulignent la nécessité d'une durée minimale afin que le temps passé à former le jeune et à l'intégrer dans la structure puisse in fine profiter au service d'accueil. Si les périodes d'engagement correspondent à la durée de formation des jeunes volontaires, l'attrait de ce dispositif pour les structures d'accueil risque de se réduire considérablement, entraînant une diminution rapide du nombre d'offres pour réaliser un volontariat.
Le Mouvement associatif l'a confirmé avec force lors de son audition : « L'inscription dans un temps long fait partie des fondamentaux qui font la réussite de l'engagement du service civique. Il n'est pas souhaitable d'imposer une limitation de durée qui reviendrait sur ce principe ». 8 ( * )
La réduction de la durée de l'engagement volontaire serait également préjudiciable pour les jeunes. En effet, au-delà de l'objectif d'engagement au service de la communauté défendu par le service civique, celui-ci constitue également une période d'orientation pour de nombreux jeunes et aide ces derniers à la fois à prendre conscience de leurs centres d'intérêt et de leurs capacités ainsi qu'à définir leur projet professionnel. Toutefois, le service civique ne peut jouer ce rôle que s'il s'étale sur une durée suffisamment longue.
Enfin, à l'heure actuelle, le nombre d'offres de service civique est insuffisant. Il ne faudrait pas que la moindre durée de l'engagement volontaire introduite par le service national universel soit une manière de gérer la pénurie des offres de service civique par rapport à la demande .
* 7 Rapport relatif à la création d'un service national universel établi par le général de division Daniel Menaouine, Juliette Méadel, Kleber Arhoul, Marion Chapulut, Thierry Tuot, Emmanuelle Pérès, Guy Lavocat, 26 avril 2018.
* 8 Audition du 25 octobre 2018