ANNEXES
Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
MERCREDI 7 NOVEMBRE 2018
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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative, MM. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Je vous proposerai, dans votre propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget.
Puis je céderai la parole à nos rapporteurs pour avis des crédits de votre ministère, Jacques Grosperrin et Jacques-Bernard Magner, puis à l'ensemble des collègues qui souhaiteront vous interroger.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le remaniement a permis de clarifier les compétences de mon ministère en y incluant la jeunesse. Derrière ces mots transparaît notre engagement et le projet de service national universel (SNU).
Ce budget traduit la priorité accordée à l'éducation par le gouvernement. Je tiens à souligner la notion de puissance éducative que le Président de la République a évoquée lors de sa dernière intervention télévisée, ce qui souligne l'importance de l'éducation pour le rayonnement international de notre pays et au niveau intérieur. La France peut être une puissance éducative du XXI e siècle.
Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière et dont l'objectif est clair : l'élévation générale du niveau et la justice sociale. Ces deux points sont corrélés. C'est parce que nous sommes ambitieux et exigeants avec les élèves que l'école est à la hauteur de sa mission républicaine de progrès social.
Le budget qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros - hors cotisations aux pensions de l'État -, avec une augmentation de 1,7 %, soit 861 millions d'euros supplémentaires.
Avec 811 millions d'euros supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous continuons la transformation profonde du système éducatif que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs :
- donner plus à ceux qui ont besoin de plus, conformément au principe de fraternité ;
- transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves, en personnalisant davantage nos pédagogies, conformément au principe de justice et d'égalité ;
- mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'étude ou d'insertion professionnelle, conformément au principe de liberté.
Cette transformation sera possible grâce à l'unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut davantage investir dans la formation, et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante allant de pair avec une politique de rémunération.
Le budget que nous présentons répond à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.
À l'école primaire, l'objectif prioritaire porte sur les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Rien de solide ni de durable ne peut se faire si tous les élèves ne les maîtrisent pas. Sinon, il leur est impossible de se projeter dans la culture et de se saisir de leur vie. Les 20 % des enfants qui quittent l'école primaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, sont, en grande partie, les plus défavorisés socialement. Nous devons corriger cette injustice.
Cette priorité accordée à l'école primaire se justifie plus encore par le niveau de nos dépenses, puisque la France dépense moins pour son école primaire et plus pour son enseignement secondaire que la moyenne des pays de l'OCDE. Alors que moins d'élèves sont attendus dans l'école primaire, nous faisons de cette dernière une priorité.
Ainsi, la rentrée prochaine verra la création de 2 325 postes devant élèves, alors même que nous accueillerons 60 000 élèves en moins. Dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement de l'école primaire va s'améliorer. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.
Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes du gouvernement : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation renforcés (REP et REP+). Après 60 000 élèves à la rentrée 2017 et 190 000 cette année, ce seront 300 000 élèves qui bénéficieront de la mesure de dédoublement des classes à la rentrée 2019. Un écart s'avère parfaitement mesurable entre les REP et REP+ et le reste du pays en termes de maîtrise de la lecture et de l'écriture.
Les élèves de CE1, qui ont bénéficié du dispositif de REP+, savent presque tous lire et écrire de manière fluide. Cette démarche va à la racine des inégalités. La France est pionnière en la matière.
Cette priorité s'accompagnera de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, qui constitue une autre grande mesure sociale. 20 000 élèves supplémentaires, dont certains seraient voués à la marginalisation, seront concernés et la France sera le pays qui scolarisera le plus tôt dans son école maternelle, qui fait sa fierté depuis son invention en 1848.
La seconde priorité est d'accompagner les élèves vers la réussite au travers de son second degré. Le volume d'enseignement y sera maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d'enseignement sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. Cette mesure permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et garantit aux professeurs une rémunération complémentaire.
Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de 27 millions d'euros, pour atteindre 247 millions d'euros en 2019. Cette mesure est décisive pour les collèges et fait évoluer notamment les relations avec les parents d'élèves ainsi qu'entre les enseignants et leurs élèves.
Le soutien aux élèves les plus fragiles passe aussi par l'aide directe dans le cadre scolaire. La fragilité sociale est prise en compte dans ce budget avec une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Cela représente 739 millions d'euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permet de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. Je crois beaucoup au rôle du chef d'établissement et de son équipe éducative en matière sociale, ce qui motive l'importance accordée aux fonds sociaux dans la composition de ce budget et les initiatives que nous prenons, à l'instar des cités éducatives que nous avons annoncées avec Julien Denormandie, dans la continuité du rapport de Jean-Louis Borloo et des annonces du Président de la République sur la politique de la ville. Certains établissements devraient être dotés de moyens supplémentaires pour devenir des acteurs de la politique sociale, en lien avec les collectivités locales et les administrations.
Venir en soutien des élèves les plus fragiles conduit à garantir une éducation pleinement inclusive pour les élèves en situation de handicap. En 2019, le ministère consacrera 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Notre détermination est sans faille sur cette question. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dépasse celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'à alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019, avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d'AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite de transformation des contrats aidés en AESH, ainsi que de 6 000 AESH supplémentaires par recrutements directs. Ces accompagnants bénéficieront également de 60 heures de formation annuelle. En outre, le programme de création d'Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) se poursuivra en 2019.
La troisième priorité de ce budget est de renforcer l'attractivité du métier de professeur. C'est un enjeu à la fois national et mondial. Dans le cadre de l'agenda social du ministère, nous échangeons en continu avec les organisations syndicales sur les mesures nécessaires afin d'y parvenir. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou vont l'être prochainement : le développement du pré-recrutement présente une dimension sociale, en aidant les étudiants se destinant au professorat et en renforçant notre système éducatif grâce à l'élargissement du vivier de leur recrutement. La transformation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ÉSPÉ, tout en maintenant leur cadre universitaire, permettra d'améliorer le niveau général des formations qui y sont dispensées et sur lesquelles le ministère de l'éducation nationale doit exercer une certaine maîtrise. Il n'est pas normal que certains futurs professeurs reçoivent moins de vingt heures de formation sur les enjeux de la lecture, alors qu'il en faudrait cent ! Nous aborderons ce point lors de la discussion prochaine du projet de loi relatif à l'école de la confiance.
La gestion des ressources humaines de proximité, au plus près du terrain, sera généralisée, après avoir commencé à titre expérimental. Il s'agit d'un enjeu pour la gestion des carrières et la formation de nos professeurs.
Dès à présent, deux mesures essentielles sont prises : la valorisation de l'engagement des professeurs, en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en réseaux d'éducation renforcés (REP+). Cette mesure significative se traduit, dès cette rentrée, par une prime de mille euros et, à la rentrée 2019, par une prime de deux mille euros. J'ai confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot sur la dimension territoriale de la politique éducative. Ils ont notamment la charge de réfléchir aux moyens de moderniser nos outils de l'éducation prioritaire pour donner des résultats plus efficaces, dans un but de justice sociale. Il s'agit de concilier la revalorisation du statut de nos professeurs avec la réussite des élèves des zones d'éducation prioritaire.
Nous poursuivons également la relance de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Cette démarche se traduira par la poursuite du soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Enfin, les parcours de carrière seront dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022. Cette revalorisation devrait représenter un milliard d'euros. Elle permettra d'améliorer la situation matérielle des professeurs, ainsi que de revaloriser la considération dont ils bénéficient au sein de la société française.
Ce budget de l'année 2019 traduit les priorités que je viens d'indiquer et se veut cohérent avec les valeurs d'engagement et l'importance conférée à la jeunesse. Le renfort de Gabriel Attal contribuera au succès de cette démarche, dont le service national universel fournira le jalon. Nous voulons un collège où l'on s'engage et réalise les valeurs de la République en les pratiquant. J'ai signé un accord avec la Croix-Rouge afin qu'il y ait davantage de classes Croix-Rouge dans les établissements. Ce sera également vrai en aval du SNU, avec le développement du service civique et de toutes les formes positives d'engagement que nous pouvons souhaiter pour notre jeunesse et auxquelles notre système scolaire doit donner l'impulsion décisive. Je laisse, à présent, Gabriel Attal le soin de vous présenter la dimension jeunesse et vie associative de ce budget.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le budget « jeunesse et vie associative » illustre la cohérence d'un portefeuille ministériel tourné vers l'avenir et destiné à donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour se projeter en confiance vers leur avenir. Avec une augmentation de 50 millions d'euros, il traduit la priorité que nous accordons à la jeunesse ; le périmètre jeunesse et vie associative s'établit ainsi à 614 millions d'euros. Ce programme articule le temps des apprentissages, que porte l'enseignement scolaire, et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement, que soutient le présent programme budgétaire. Il se décline en quatre axes.
Premier axe : développer l'engagement au service des autres. Avec un budget de 497 millions d'euros inscrits au PLF 2019, le service civique poursuivra sa croissance pour offrir, à terme, à 150 000 jeunes la possibilité d'effectuer une mission d'intérêt général. Cette dotation est augmentée de 49 millions d'euros. Ce dispositif est plébiscité par les jeunes : l'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Reflet de la diversité de notre jeunesse, il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. Il représente une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est donc une école de la vie. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation au dispositif « devoirs faits » à hauteur de 10 000 volontaires supplémentaires. Fort de sa réussite, le service civique trouvera tout son sens en articulation avec le service national universel (SNU).
Second axe : la mobilité internationale des jeunes. Le ministère consacrera 16 millions d'euros aux dispositifs d'échanges internationaux. Plus de deux millions d'euros seront consacrés en 2019 aux programmes portés par l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Notre politique de mobilité pour les jeunes permet donc de soutenir le projet européen en faisant se rencontrer les jeunesses, par-delà ses statuts scolaires.
Troisième axe : le développement de l'accès des jeunes à l'information dans tous les domaines, afin de favoriser leur autonomie. Le service national universel nous permettra de progresser en termes d'emplois, de logement et de culture. Les jeunes se heurtent trop souvent au trop plein d'informations qui leur sont soumises. Pour résorber ces difficultés, le ministère entend repositionner le réseau Information jeunesse, fort de 1 300 points d'accueil répartis sur l'ensemble du territoire, et capable de délivrer une information généraliste et précise. C'est là un outil qu'il nous faut conforter. Par ailleurs, le ministère a décidé de développer un outil numérique, la « boussole des jeunes », qui vient d'être expérimentée dans plusieurs territoires et vous sera prochainement présentée. Le jeune est ainsi considéré comme un usager et y bénéficie d'une information lisible.
Quatrième axe : le développement de la vie associative. Les associations sont une école de la démocratie notamment pour nos jeunes. Avec 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés les associations occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la nation. Elles sont au coeur de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide, qui constitue le fondement du projet présidentiel. Le Gouvernement entend répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : autant les grandes associations nationales, employant plusieurs dizaines, voire des centaines de salariés - celles-ci vont bénéficier de la baisse du niveau des charges en 2019 à hauteur de 1,4 milliard d'euros - que les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale locale. Ces dernières seront confortées par la création du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui sera doté de 25 millions d'euros et accompagnera leurs différents projets. Des commissions ont été organisées dans les départements et les informations dont nous disposons laissent augurer que le FDVA a réussi dans sa mission d'assistance aux petites associations de terrain. Je veux ici rendre hommage aux conseillers d'éducation populaire et aux inspecteurs qui ont travaillé à la mise en place de ce fonds, dont l'instauration s'est avérée complexe pour les agents de l'administration déconcentrée ainsi que pour les parlementaires qui n'ont pas toujours eu le temps de le promouvoir, au coeur de l'été dernier, localement. Nous veillerons, l'an prochain, à ce que le calendrier soit plus adapté.
En 2019, le ministère consacrera près de 90 millions d'euros, hors dépenses fiscales, au développement de la vie associative et l'effort cumulé de l'État en faveur des associations s'élève à plus de 5,3 milliards d'euros.
Nous travaillons également, avec Jean-Michel Blanquer, à une feuille de route sur la vie associative qui fait suite au rapport remis par le mouvement associatif en juin dernier et au lancement, par le premier ministre, du programme de développement de la vie associative, aux Grands Voisins, en novembre 2017.
Ce budget traduit donc le plein engagement du gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative. Il fait, plus que jamais, du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse le ministère de l'avenir. Cette action déterminée sera complétée et renforcée par l'engagement du Président de la République de mettre en place un service national universel, dont les modalités sont en cours d'élaboration.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le ministère de l'éducation nationale se veut un ministère d'avenir. Vous n'avez pas mentionné de plan d'action sur la formation au numérique ni le financement jusqu'à présent assuré par les programmes d'investissement d'avenir (PIA) et les collectivités territoriales. Hier, nous avons d'ailleurs abordé ce sujet de prime importance avec Frédérique Vidal lors de son audition budgétaire.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le numérique est en effet un sujet d'importance pour 2019. La rentrée 2019 sera l'occasion de mettre en oeuvre des innovations pédagogiques dont les élèves de seconde ont d'ores et déjà été informés grâce au fascicule sur l'orientation en classe de première. La création d'une nouvelle filière sciences informatiques et numérique, dans certains lycées, est une démarche inédite aux plans national et mondial. Son programme, disponible sur internet, n'est pas encore arrêté et il est encore possible d'y apporter des modifications jusqu'à décembre prochain. Conformément à vos préconisations, la généralisation de l'apprentissage de la programmation devrait être assurée à l'école primaire et au collège. Les enjeux d'une telle démarche sont non seulement budgétaires mais relèvent aussi de la gestion des ressources humaines. C'est pourquoi un plan volontariste de formation continue en informatique destiné principalement aux professeurs de mathématiques et de sciences a été lancé, ainsi qu'une étude sur les ressources humaines en informatique dans le système scolaire français.
L'équipement en informatique est un autre sujet d'importance : 240 millions d'euros sont consacrés, par le PIA3, à la dotation en équipement informatique de l'enseignement secondaire et supérieur. L'objectif est de mettre en oeuvre des politiques ciblées, plutôt qu'un financement indifférencié, notamment pour la dotation numérique des écoles en milieu rural qui impliquera des appels à projet à hauteur de 25 millions d'euros.
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de la mission enseignement scolaire . - Notre commission aurait souhaité obtenir plus rapidement les réponses au questionnaire budgétaire.
L'effort consacré à l'enseignement scolaire, surtout dans le secteur primaire, permettra, sans doute, de combler les lacunes mises au jour par le classement PISA. Vous avez parlé de justice sociale. Or, celle-ci me paraît impliquer l'égalité de tous nos territoires, y compris ruraux et très ruraux, dans le domaine de l'éducation. En outre, dans les REP+, certains chefs d'établissements se sentent parfois très isolés.
Le budget 2019 prévoit la suppression de 1 800 postes, qui cache une poursuite des créations de postes dans le primaire compensée par des suppressions dans le second degré. Si ces suppressions de postes demeurent relativement limitées, leur annonce et l'absence de visibilité peuvent décourager les futurs candidats. Comme mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, je ne peux que regretter l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois du ministère ; celle-ci assurant la visibilité des candidats au début de leur formation. Nous souhaiterions donc connaître, monsieur le ministre, l'évolution des emplois jusqu'en 2022, telle que fixée par la lettre-plafond du Premier ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Les 800 chefs d'établissement, à l'instar des 45 000 personnels de l'éducation nationale et des 3 800 IATOS affectés en REP+, bénéficient d'une prime spécifique.
En effet, la programmation pluriannuelle n'est pas actuellement établie. Je tiens à souligner qu'il n'y aura pas d'effet de zigzags sur la création de postes par discipline. D'autres facteurs que ceux de la création ou de la suppression de postes, comme le nombre de départs à la retraite ou l'évolution des disciplines, doivent être pris en compte. Quelle que soit la programmation budgétaire pluriannuelle, il serait impossible d'assurer une programmation des concours sur une durée de quatre années.
Le nombre de recrutements de professeurs des écoles va se stabiliser, avec un peu plus de 10 000 postes ouverts par an, tandis que le nombre de postes ouverts dans l'enseignement secondaire évoluera, sans diminution drastique, en fonction des disciplines. Ainsi, en philosophie, discipline qui sort renforcée de la réforme du baccalauréat, le nombre de postes ouverts est appelé à augmenter, en raison de l'extension de son enseignement à quatre heures hebdomadaires et de la création d'une spécialité « littérature, philosophie et humanités » destinée aux élèves de première et de terminale.
M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - La rentrée 2019 verra l'achèvement du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, pour un coût total de 11 000 postes. Une partie de ces postes provient du redéploiement d'enseignants affectés au remplacement, au dispositif « plus de maîtres que de classes » ou dans des classes à faibles effectifs, notamment en zone rurale. Et ce, alors même que le Président de la République s'était engagé, à l'été 2017, à mettre fin aux fermetures de classes dans les communes rurales qui posent des difficultés d'acheminement aux élèves concernés. Pourriez-vous nous communiquer le nombre de classes ayant fermé en milieu rural à la rentrée 2018 ? En outre, disposez-vous des résultats de l'évaluation scientifique du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et, en parallèle, du dispositif « plus de maîtres que de classes » annoncée l'année dernière ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Notre vision n'est pas purement comptable. Pour preuve, 2 325 postes à l'école primaire vont être créés, tandis que le nombre des élèves, en diminution de 60 000, aurait dû normalement générer une baisse de 3 000 postes. Les dédoublements des enseignants en classe de CP et de CE1 vont ainsi être assurés.
Nous avons les moyens de compenser, en partie, la baisse de la démographie dans la ruralité. La question de l'école en milieu rural est avant tout démographique : comment l'école, combinée à d'autres stratégies comme le numérique, peut-elle contribuer au rebond démographique en milieu rural ?
Suite à notre travail avec Alain Duran et certains d'entre vous, nous sommes en mesure de proposer aux départements une stratégie pluriannuelle des écoles rurales reposant sur des enjeux qualitatifs. Comment renforcer l'attractivité des territoires ruraux au point d'inciter des familles à s'y réinstaller ? Le plan internat, prochainement annoncé, pourrait notamment y contribuer. La dimension quantitative de ce problème doit être prise en compte. Dans les 45 départements les plus ruraux, 400 postes ont été créés en deux ans. En Lozère, les écoles accueillent 14 élèves par classe en moyenne - 15 en Vendée et 17 dans le Cantal - de la petite section au CM2. C'est sans doute la raison pour laquelle l'école primaire en milieu rural est celle de la réussite. Nous voulons un rebond de l'école rurale au cours des prochaines années dans un contexte marqué par des tendances démographiques défavorables et le besoin d'instiller l'espoir au sein de la population. Cet espoir alimentera un cercle vertueux. L'éducation nationale fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale, comme l'indique encore la création, dans notre département du Doubs, monsieur le rapporteur, de 14 postes tandis qu'une baisse de 327 élèves est constatée. Les dédoublements en REP et REP+ ne concernent pas que les zones urbaines. Dans le département de l'Aine, 40 % des dédoublements concernent le milieu rural. Cette démarche suscite un effet de halo : favoriser, dans des petites classes, le déploiement de techniques pédagogiques, hors REP et REP+, permet d'éviter les fermetures d'école ou de classe. L'académie de Reims, où les sections de CP accueillent une douzaine d'élèves, est pionnière en la matière.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Ma dernière question porte sur le grand absent de ce budget, le Service national universel (SNU), dont le décret d'attribution vous a donné la responsabilité. Alors qu'il devrait débuter à l'été prochain, pas un euro ne se trouve dans le budget de votre ministère, ni dans les autres. Où trouvera-t-on l'argent ? Dans quelle mesure l'éducation nationale sera-t-elle mise à contribution ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - 2019 sera l'année de préfiguration du SNU. Conformément aux recommandations du groupe de travail piloté par le général Menaouine, une cohorte de quelques centaines, voire milliers de jeunes, sera appelée. C'est la raison pour laquelle l'inscription d'un budget dédié au service national dans le PLF 2019 n'était pas opportune, puisque les coûts minimes de cette faible incorporation seront notamment pris en charge par des redéploiements interministériels. En revanche, nous travaillons sur l'évaluation de son coût global, en fonction des arbitrages opérationnels, pour le budget 2020 où seront présentées une ligne dédiée et une trajectoire pluriannuelle.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et vie associative . - Initialement, sous le quinquennat de François Hollande, le nombre de volontaires du service civique devait atteindre 150 000 en 2017, voire même 350 000 à la fin de 2018. Or, depuis près de trois ans, on constate une réelle difficulté à atteindre l'objectif des 150 000 volontaires par an, alors que les candidats ne manquent pas. Comment expliquez-vous cette situation ? Le service civique sera-t-il intégré dans le service universel ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Ce n'est pas la seule projection ambitieuse du gouvernement précédent. Il est d'ailleurs toujours aisé d'être très ambitieux sur un programme dont on n'assume pas la charge ! Notre progression est cependant réelle : avec 497 millions d'euros, le ministère assume la principale part de l'effort consacré à la vie associative et à la jeunesse. Le chiffre de 150 000 volontaires nous paraît réaliste. Ce volontarisme, quantitatif sur le plan budgétaire, est aussi qualitatif : il s'agit d'assurer la cohérence entre le SNU et le service civique.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - Cette année, l'objectif est d'accueillir 138 000 jeunes et ce n'est qu'en 2020 que le nombre de 150 000 sera atteint. Depuis ces deux dernières années, nous sommes attentifs à la qualité des missions dans les organismes d'accueil afin d'éviter les substitutions à l'emploi et d'assurer la formation des tuteurs. L'objectif du SNU est de favoriser l'engagement et sa phase obligatoire de deux fois deux semaines permettra aux jeunes de remplir une mission d'intérêt général. Il permettra à certains, qui réalisent actuellement un service civique à l'issue d'un parcours scolaire en échec, de développer, plus tôt, un réel goût pour l'engagement.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Depuis des années, les crédits accordés par l'État au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont en diminution constante : en 2018, ils s'élevaient à 15,7 millions d'euros avant l'amendement gouvernemental visant à compenser en partie la disparition de la réserve parlementaire. Ces crédits sont très insuffisants si on compare le nombre d'associations - 1,5 million - et le nombre potentiel de volontaires à former - entre 15 et 17 millions de personnes. À l'occasion de l'examen du projet de loi égalité et citoyenneté, l'idée avait déjà avancée de récupérer l'argent figurant sur les comptes inactifs des associations pour le verser au FDVA, soit au total près de 80 millions d'euros. Malheureusement, cette mesure a été écartée par le Conseil constitutionnel. Je vais néanmoins proposer à la commission un amendement d'appel dans le projet de finances, afin que le Gouvernement consigne, dans un rapport, les montants susceptibles d'abonder le FDVA. Je souhaiterais connaître votre position sur ce sujet.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'année passée, les crédits de l'État affectés à la vie associative ont, de fait, augmenté de 25 millions d'euros, suite à la suppression de la réserve parlementaire. La feuille de route relative à la vie associative, à laquelle nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, comprend plusieurs axes : la formation des bénévoles, l'organisation territoriale, le dégagement d'économies d'échelle lié à leur regroupement et le financement. Nous travaillons actuellement afin de résoudre la question des comptes inactifs. A priori , la disposition que vous proposez nous paraît intéressante, puisqu'elle conduirait les banques à transmettre les informations nécessaires à l'avancement de ce dossier.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Le 9 novembre dernier, soit il y a près d'un an jour pour jour, vous aviez lancé le plan de développement pour la vie associative du gouvernement. En mai dernier, le travail collectif des associations a été publié dans le rapport intitulé « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d'une société de l'engagement ». Un accent particulier a été mis sur la nécessité d'une politique de soutien à l'emploi associatif au regard de la réduction drastique des contrats aidés dont bénéficiaient les associations et de l'inadaptation du dispositif Parcours Emploi Compétences pour les associations. Or, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement. Je souhaite donc vous interroger sur la stratégie du gouvernement en direction des associations : alors qu'elles sont toujours plus sollicitées comme partenaires des pouvoirs publics, comme en témoigne l'implication qui est attendue de leur part dans le futur service national universel, elles sont fragilisées dans leur existence et dans leurs structures par les mêmes pouvoirs publics.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - La mise en oeuvre de notre politique de transformation revendique plus de clarté et de cohérence. Elle a conduit à la diminution des contrats aidés dont les deux-tiers étaient consommés lors de notre entrée en fonction. J'insiste sur ce point. La baisse des contrats aidés est totalement assumée. Nous souhaitons éviter l'enfermement des personnes, notamment handicapées, dans des contrats précaires, et la mise en oeuvre de notre politique peut rencontrer, sur le terrain, les difficultés propres à toute transition. Néanmoins, ses mesures commencent à porter leurs fruits et nous travaillons, en partenariat avec la ministre du travail, pour que l'arrivée des contrats parcours emploi compétence (CPEC), destinés à acquérir de réelles compétences et à s'orienter vers des emplois durables, soit intégrée par le milieu associatif. Les moyennes et les grandes associations vont ainsi bénéficier pleinement de la baisse de 1,6 milliard d'euros des cotisations sociales prévue dans le PLF 2019.
Les associations plus petites bénéficient, quant à elles, du dispositif qui a remplacé la réserve parlementaire, ainsi que d'autres mesures qualitatives - comme la reconnaissance des bénévoles et la formation des personnels travaillant dans les associations - prises par Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation. S'il reste à faire beaucoup pour ces associations, notamment en milieu rural, les mesures contenues par le PLF 2019 leur sont favorables, comme le plan mercredi qui, via les caisses d'allocation familiales (CAF), implique le doublement des aides destinées à aider les municipalités en difficulté dans l'organisation, le mercredi, d'activités pour les enfants. Si ces associations ont pu se plaindre, en 2018, des changements opérés, elles vont retrouver de nouveaux moyens à ce titre. En outre, l'instauration des cités éducatives, conçues avec Julien Denormandie, va permettre à certains établissements d'obtenir de 200 000 à 300 000 euros pour favoriser le développement de la vie associative dans un sens social cohérent avec les objectifs éducatifs. Il ne s'agit pas de faire pleuvoir de l'argent de manière indistincte, mais plutôt d'accorder des financements en cohérence avec notre projet éducatif. Si l'aide aux devoirs a pu impliquer, par le passé, des associations tantôt excellentes tantôt discutables, la nouvelle manière de concevoir ce dispositif va renforcer la capacité du maire et du chef d'établissement de choisir ses partenaires. Le quantitatif et le qualitatif doivent ainsi se rejoindre.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'essentiel de l'emploi associatif est non-aidé et seuls 8 % des emplois associatifs, principalement dans les secteurs de la culture et du sport, étaient des emplois aidés. Peu d'associations sont conscientes des 1,4 milliard d'euros d'allègements de charges dont elles vont bénéficier. Il s'agit bel et bien d'un soutien massif au monde associatif.
Mme Annick Billon . - Le double rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture et au ministère de l'éducation nationale freine les mobilités des personnels enseignants et 452 directeurs d'établissement sont dans l'attente d'une décision sur leur affiliation. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de l'enseignement agricole ?
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous entendons prochainement Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur cette question.
Mme Annick Billon . - Les conventions ruralité, qui promeuvent une organisation nouvelle afin d'éviter les fermetures d'établissement, devaient bénéficier à certains territoires. En Vendée, initialement retenue, on constate une chute des naissances depuis dix ans. Comment comptez-vous maintenir les conventions actuelles ?
Vous avez également évoqué la reconnaissance des enseignants sur laquelle ont travaillé nos deux collègues Max Brisson et Françoise Laborde. Comment comptez-vous assurer une meilleure reconnaissance des AESH et des auxiliaires de vie scolaire (AVS), impliquant moins de précarité et une meilleure rémunération ? En outre, il semble que les effectifs des classes ULIS ne soient pas pris en compte dans les calculs d'effectifs, ce qui peut conduire à la fermeture d'établissements dans des départements où la natalité est en régression.
Mme Céline Brulin . - Je voudrais, après notre collègue rapporteur, revenir sur les dédoublements des CP et de CE1 en REP et en REP+ qui ont entraîné, dans certains territoires, des retraits de postes. La définition de la ruralité doit évoluer ; certaines villes se dépeuplent au profit de communes périurbaines, comme en Seine Maritime. Comme je l'ai fait par écrit, je vous interpelle sur l'absence de suivi par vos services des décisions du tribunal administratif. Vous avez assumé cette priorité sur l'école primaire et les suppressions de postes dans le secondaire qui devrait accueillir pourtant près de 40 000 élèves supplémentaires. Quel va être le taux d'encadrement ? Avec 19 élèves par enseignant dans le secondaire, la France est loin de la moyenne de 15 élèves définie par l'OCDE. Vous avez évoqué, à juste titre, les événements récents qui plaident en faveur de l'amélioration de cet encadrement. Par ailleurs, vous mettez en avant les augmentations budgétaires de votre ministère, mais son périmètre a changé et il vous faut financer de nouvelles mesures, comme la transformation des emplois d'AVS en AESH. Enfin, pourquoi la préfiguration du service national universel, dont la mise en oeuvre effective impliquera un budget très conséquent, n'est- elle aucunement mentionnée dans les éléments budgétaires ?
M. Antoine Karam . - Je suis le rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole et la semaine prochaine, nous allons entendre le ministre de l'agriculture sur cet enseignement trop souvent considéré comme une voie de garage, alors qu'il constitue un formidable outil d'insertion et qu'il peut conduire ses élèves à devenir ingénieurs. J'ai pu constater, avec mon collègue Pierre Ouzoulias, la déception des partenaires de l'enseignement agricole sur ce point. J'ai également eu l'occasion, la semaine passée, d'intervenir au sujet des enfants handicapés en milieu scolaire, suite à l'incident survenu au lycée Damas de Rémire-Montjoly, en Guyane. Enfin, on ne peut que se réjouir de l'abaissement de la scolarisation obligatoire à trois ans ! Cette réforme fera de l'école maternelle un formidable outil d'insertion et de progrès social. Cependant, si en France hexagonale 90 % des enfants âgés de trois ans sont scolarisés, c'est loin d'être le cas dans les outre- mer, et tout particulièrement en Guyane et à Mayotte, seul département où la double-vacation a été instaurée. Dans ces territoires, la scolarisation à trois ans induit des défis tant sur le plan des infrastructures que des ressources humaines. Quel est votre sentiment sur cette problématique et comment comptez-vous préparer la rentrée de 2019, en garantissant à tous les enfants de France hexagonale et des outre-mer le droit à l'instruction ? Alors que le manque d'établissement est patent à chaque rentrée, ne faudrait-il pas construire de nouveaux établissements selon un modèle plus souple ?
Mme Mireille Jouve . - Ma première question concerne l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire dès la rentrée 2019. Cette réforme aura des effets significatifs sur les collectivités locales qui n'étaient pas jusqu'alors tenues de participer au financement des activités des maternelles des établissements privés sous contrat. Même si cette question ne sera pas prise en compte en 2019, pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez éviter de pénaliser les collectivités locales ?
Ma seconde question portera sur les heures supplémentaires dans le secondaire. La baisse des effectifs budgétaires doit y être compensée par un recours aux heures supplémentaires. 65 millions d'euros y sont destinés. Initialement tenus d'accepter une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d'en refuser deux, si leur établissement leur en fait la demande. Or, la moitié des professeurs assument déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. Ne craignez-vous pas que la marge d'augmentation d'heures de cours dispensés ne soit trop réduite pour pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?
M. Max Brisson . - Mes questions porteront sur l'attractivité du métier d'enseignant. Vous vous présentez comme le ministre des professeurs. Il n'y a pas d'école de la confiance sans professeurs en confiance. Le concours me paraît la clef pour une bonne formation pratique et théorique. Le ministère de l'éducation nationale sera-t-il en mesure de préciser la maquette des formations dispensées en ÉSPÉ ? Je vous rejoins sur le pré-recrutement, tant il est essentiel de corriger les fausses représentations des postulants au métier d'enseignant. En revanche, je suis plus dubitatif sur la rémunération des professeurs. S'il vaut mieux rémunérer les enseignants affectés en REP+, votre confirmation du PPCR provoquera le retard de la rémunération des jeunes enseignants, au bénéfice de leurs aînés dans la carrière. N'oublions pas que les jeunes professeurs dans les grandes métropoles sont des travailleurs pauvres et l'augmentation de 1 000 euros sur une année n'améliorera pas leur sort !
Nous sommes d'accord avec vous sur la nécessaire gestion des ressources humaines individualisées et de proximité. Le principe de l'indifférenciation des profils des professeurs et des postes ne doit-il pas être remis en cause ? Rassurez les professeurs de l'enseignement professionnel sur la voie générale quant à la part d'enseignement des disciplines de culture générale dans la voie professionnelle rénovée. Enfin, je salue la qualité du travail effectué par la présidente du Conseil supérieur des programmes.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Votre budget demeure en-deçà des objectifs de la loi de programmation de 2013. La création d'un observatoire du pouvoir d'achat des professeurs est certes louable. Où sont inscrits les crédits affectés à l'augmentation annuelle de 1 000 euros dans les bleus budgétaires ? Je vous donne cependant acte de la préservation réussie des moyens pour l'enseignement scolaire, avec la poursuite des dédoublements des classes de CP et de CE1 en REP+, ainsi que de votre engagement d'améliorer l'encadrement dans les milieux urbain et rural les plus difficiles. Mais il faut constater que le second degré paie un lourd tribut, avec la perte de 2 650 emplois, alors que les effectifs augmentent d'année en année. Pensez-vous que le recours massif aux heures supplémentaires permettra de suppléer à cette diminution de postes ? Vous êtes dans l'optique du « travaillez plus pour gagner plus », mais où sont les crédits correspondants ?
On constate une baisse des crédits affectés à la formation des enseignants et à l'orientation. Comment appliquer les nouvelles exigences qui découlent de la réforme du baccalauréat, comme l'instauration de deux professeurs référents par classe, du contrôle continu et d'une orientation des élèves plus approfondie ? Enfin, je rappellerai que la transformation des contrats aidés en contrats d'accompagnateurs des élèves en situation de handicap (AESH) avait déjà débuté sous le gouvernement précédent.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous avons été choqués par la transformation des relations entre les élus et l'inspection académique en bataille juridique. Plusieurs de nos collègues ont gagné des recours formés devant le tribunal administratif à l'encontre de fermeture de classes en milieu rural. Je souhaitais vous alerter sur cette situation totalement anormale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - J'ai beaucoup de considération pour l'enseignement agricole qui entretient d'excellentes relations avec l'enseignement général. Facteur de réussite pour les élèves, il est un partenaire essentiel de l'éducation nationale. En pratique, lorsque la réforme du baccalauréat a été conduite, nous avons instauré une nouvelle spécialité « écologie, agronomie et territoire » qui peut également s'adresser aux élèves des lycées généraux. Sa visibilité va devenir plus forte pour un thème important pour les élèves, à l'instar de la révolution numérique.
Les conventions de ruralité ne devraient pas être modifiées ; l'objectif étant de couvrir l'ensemble des 66 départements considérés comme ruraux. Avec le sénateur Alain Duran, nous avons ajouté dix départements au dispositif existant et chaque contrat a été rediscuté, afin d'aboutir à une vision stratégique qualitative. Je souhaite que la Vendée soit bénéficiaire d'un contrat de ruralité.
Les AESH sont un sujet important. Avec Sophie Cluzel, nous avons entamé un cycle de discussions avec l'ensemble des acteurs qui doit se terminer en février. Puisque les contrats aidés sont voués à disparaître, nous souhaitons que les AESH soient mieux rémunérés et bien formés. Certes, tous les AESH n'exercent pas à temps plein, ce qui obère leur rémunération. Cette réflexion nous conduit à envisager le temps de l'enfant et à préconiser un lien plus fort entre le scolaire et le périscolaire. L'État et les collectivités locales doivent concevoir ce temps ensemble, afin d'améliorer l'accompagnement de l'enfant et la rémunération des AESH qui doivent également bénéficier de soixante heures de formation annuelle.
Les professeurs doivent également être formés à l'accueil des 340 000 enfants handicapés dans l'école désormais inclusive et bénéficier d'une formation favorisant, dans la durée, la personnalisation des parcours.
La Seine-Maritime est en effet un cas particulier et je ne vous détaillerai pas la manière avec laquelle je compte parvenir à un résultat. La vie de l'éducation nationale ne saurait être contentieuse et la judiciarisation de la vie scolaire, déjà présente, n'a pas à être accentuée. Ce département doit également bénéficier d'une convention de qualité.
Avec 850 000 enseignants pour 12 millions d'élèves, le taux d'encadrement n'est pas, en soi, un problème, puisqu'il faut y ajouter d'autres paramètres comme le nombre d'heures et la répartition territoriale. Nous devons assumer l'ensemble des conséquences de notre modèle éducatif. Ce sujet est plutôt qualitatif : le taux d'encadrement variera peu ou pas avec la mise en oeuvre de nos mesures, parmi lesquelles la seconde heure supplémentaire obligatoire. Quand bien même ces heures supplémentaires, à l'échelle d'un établissement, s'avéreraient insuffisantes, leur impact devrait se limiter à un élève pour trois classes.
La priorité pour le premier degré est clairement assumée et le second degré va connaître une baisse démographique à la suite de celle enregistrée dans l'enseignement primaire. C'est là un cap à passer. Valoriser la fonction de professeur et avoir une école primaire qui parvient à envoyer dans le secondaire des élèves aux compétences consolidées sont des enjeux qualitatifs auxquels nous tenons.
Les recteurs sont attentifs, au cas par cas, aux situations de handicap, à l'instar des épisodes qui viennent de se dérouler en Guyane et en Seine Maritime et relèvent avant tout des ressources humaines.
Je vous remercie de souligner l'importance de la scolarisation à l'âge de trois ans pour l'outre-mer. Cette démarche se traduit par des créations de postes en Guyane et à Mayotte où la faible scolarisation des enfants en bas âge explique, pour partie, les difficultés scolaires qu'ils éprouvent une fois à l'école élémentaire. Le PLF 2019, avec 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement, permet de financer un plan volontariste inédit pour Mayotte. Conformément aux attentes, l'État s'y engage budgétairement dans la durée et travaille activement avec les Comores pour limiter le flux migratoire. Il est désormais possible d'être optimiste pour Mayotte, même si de nombreux obstacles restent à franchir. La création d'un rectorat, comme l'y invite le projet de loi qui vous sera soumis début 2019, est à cet égard significative. Dans le domaine éducatif, nos engagements du plan Guyane seront également tenus.
C'est la première fois qu'est véritablement instaurée cette mesure, annoncée pourtant par le passé, de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. L'acquis que représente l'instruction obligatoire à trois ans est plus important que le problème posé. Il s'agit bel et bien d'une avancée.
Les collectivités seront accompagnées financièrement par l'État pour couvrir les frais générés par l'instruction obligatoire à trois ans, dans le respect de la constitution et avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur. L'évaluation financière se fera progressivement, puisque les 25 000 élèves supplémentaires que nous allons accueillir en maternelle doivent être rapportés à la baisse globale du nombre de 60 000 élèves. Les frais supplémentaires, qui seront, à cette occasion, engagés par les communes, seront compensés par l'État.
Les préconisations du rapport présenté par la sénatrice Laborde et le sénateur Brisson, tout comme celles du rapport sur le numérique de la présidente Morin-Desailly, auront une influence sur le contenu de la prochaine loi.
Une mission, conduite par l'ancien recteur Bernard Saint-Girons, sur la place du concours, devrait bientôt rendre ses conclusions. Il s'agit de faire évoluer la situation actuelle, avec une vision différente pour les premier et second degrés. L'exigence du niveau master demeurera inchangée, mais nos professeurs entreront dans la carrière de manière progressive, soit dans le cadre du pré-recrutement, soit suite au positionnement du concours lui- même. Il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale contribue, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur, à la définition des formations dispensées en ÉSPÉ. Il faut susciter des vocations de professeur, dès le collège et le lycée, en octroyant par la suite des bourses spécifiques et en favorisant la mixité sociale au sein de notre corps enseignants.
Si le PPCR peut renforcer le système à l'ancienneté, des mesures en faveur des jeunes professeurs sont prises. Nous faisons évoluer le système. La hausse de 1 000 euros annuel, qui vient s'ajouter à la désocialisation des heures supplémentaires qu'il sera plus aisé d'obtenir, représente un acquis à la fin du quinquennat au profit des jeunes certifiés et des jeunes professeurs des écoles. C'est pourquoi, la création d'un observatoire de la rémunération des professeurs, sous l'égide du directeur des ressources humaines du ministère, nous permettra d'évaluer concrètement les conséquences de ces mesures.
La gestion des ressources humaines (GRH) de proximité va permettre d'accompagner le développement des postes à profil, afin de tenir compte des particularités des territoires et des établissements ; le dédoublement des classes de CP et de CE1, ouvert aux enseignants volontaires, a permis le profilage des postes.
Nous devons renforcer l'enseignement général dans l'enseignement professionnel, car la culture générale et les savoirs fondamentaux de nos élèves doivent être consolidés. Cette démarche doit être avant tout qualitative. L'élève de l'enseignement professionnel reçoit déjà 34 heures d'enseignement par semaine. Dans la lignée du rapport de Régis Marcon et de Céline Calvez, la co-intervention, c'est-à-dire un enseignement général mieux articulé avec l'enseignement professionnel, est privilégiée pour favoriser la progression des élèves.
Je vous remercie de vos propos sur le conseil supérieur des programmes. Les professeurs sont d'ailleurs particulièrement invités à améliorer le contenu des programmes disponibles sur internet ; l'objectif ultime étant d'élever le niveau général des élèves.
Enfin, nos choix budgétaires se traduisent en dépenses salariales : 810 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation du salaire des professeurs.
Merci également d'avoir souligné que l'engagement en faveur de l'école primaire, à travers notamment la création de postes, transparaît dans le budget. La baisse des crédits de la formation des professeurs n'est que le produit de la sincérisation des moyens que nous y consacrons. Cela n'exclut pas du tout de futures augmentations budgétaires en faveur de la formation des professeurs, à la condition de les articuler à des fins.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente.- Nous souhaitons qu'à l'avenir, du fait de l'existence des deux missions budgétaires, nous ayons, avec chacun d'entre vous, une audition distincte.
M. Claude Kern . - L'augmentation du budget consacré aux échanges internationaux et destiné à favoriser la mobilité européenne de nos jeunes concernera-t-elle les stages pour les baccalauréats professionnels et les brevets de technicien supérieur (BTS) ? Qu'en est-il de l'intégration de l'apprentissage au dispositif Erasmus ?
Ensuite, dans le cadre du programme Action publique 2022, les politiques destinées à la jeunesse et à la vie associative sont transférées aux collectivités qui devront assumer de nouvelles charges. C'est inacceptable. Ce transfert se fera au détriment des services de proximité dédiés et impliquera une meilleure mise en réseau des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) sur la totalité des territoires. Les régions ont-elles les moyens de récupérer la compétence jeunesse et sport, sans aucun transfert de moyens financiers supplémentaires ?
Enfin, je ne peux passer sous silence le bilinguisme, en liaison avec le projet de création de la collectivité européenne Alsace. Ce chapitre bilinguisme peut-il être mis en oeuvre avant le 1 er janvier 2028 et sera-t-il bénéficiaire de moyens financiers spécifiques ?
M. Laurent Lafon . - Quels sont les moyens consacrés à la mise en oeuvre des nouvelles filières d'enseignement ? Où en est la création d'un CAPES ou d'une agrégation d'informatique que préconisait le rapport présenté par Pierre Mathiot ?
En outre, le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire met au jour les écarts significatifs entre académies, en matière de coûts spécifiques et d'allocations budgétaires. Pour preuve, l'allocation de l'Académie de Créteil s'avère inférieure de 22 % à la moyenne nationale, sans parler de l'écart avec l'Académie de Dijon où l'allocation atteint 2 200 euros. Comment expliquer de telles différences ? Enfin, que pensez-vous du nouveau mécanisme d'allocation des moyens, destinés à restreindre les effets de seuil, dont la création est préconisée par la Cour des comptes ?
Mme Françoise Laborde . - Les membres de la réserve citoyenne pourraient-ils participer au service national universel comme tuteurs ?
L'abaissement du nombre des rectorats à 13 vous paraît-elle de nature à favoriser la proximité qu'attendent, notamment, les habitants et les élus des zones rurales ?
Mme Maryvonne Blondin . - Les contractuels sont désormais recrutés dans le premier degré. Allons-nous vers une contractualisation accrue au détriment du recrutement de fonctionnaires ? Les lauréats des concours, inscrits sur des listes complémentaires, ne pourraient-ils pas être affectés à des remplacements, pour répondre aux besoins dans des secteurs où sont employés des contractuels ? L'évolution du service de santé scolaire demeure préoccupante. En outre, l'enseignement public bilingue est inclus dans le pacte girondin qu'appelle de ses voeux le Président de la République.
M. Olivier Paccaud . - En 2016, du temps de la réserve parlementaire, 4 000 associations se partageaient 50 millions d'euros. Le fonctionnement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) s'avère opaque pour les élus et le monde associatif. Ne pourrait-on pas s'inspirer du fonctionnement des commissions instaurées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) en instaurant une commission, à laquelle participeraient les élus et les parlementaires, pour la gestion du FDVA ?
M. Christian Manable . - Quels seront les formateurs, l'encadrement et les lieux d'accueil du service national universel ?
Mme Sonia de la Provôté . - Il faudrait, dès ce budget, annoncer des mesures pour le collège, dont les élèves vont être confrontés à la réforme des lycées. Il faut qu'ils soient accompagnés, au même titre que leurs successeurs.
Les classes passerelles, destinées aux enfants de moins de trois ans, permettent d'assurer leur scolarisation. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?
Enfin, les enfants sourds sont peu, voire mal accompagnés par l'éducation nationale. Ainsi à Caen, des parents ont porté plainte contre le rectorat qui a dû ouvrir une classe destinée aux enfants sourds. La surdité doit être considérée comme un handicap à part entière.
M. Pierre Ouzoulias . - La place de la philosophie va être valorisée dans le nouveau baccalauréat. La note finale de l'examen de philosophie va- t-elle être intégrée dans Parcoursup ?
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le numérique participe de la nécessaire réforme des ÉSPÉ qui se trouvent, dans ce domaine, dans une position indigente.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le volet international du budget fait partie de nos priorités, comme l'a souligné le Président de la République dans son discours de la Sorbonne en promouvant l'apprentissage de deux langues vivantes par tous les élèves. C'est là un très vaste sujet qui inclut les élèves de l'enseignement professionnel et des filières BTS.
Le soutien au bilinguisme apporté par la création d'une collectivité européenne en Alsace contribuera au dynamisme de l'apprentissage de l'allemand au niveau national, qui a dépassé le seuil des 500 000 élèves.
S'agissant des moyens budgétaires spécifiques pour les nouveaux enseignements de lycée, notre système se finance de la même façon que précédemment. La disparition des séries, à partir de la classe de première, induira celle des disparités d'effectifs selon les sections. Rien n'interdit désormais à un proviseur d'avoir quatre classes de terminales à 27 élèves et d'organiser le système de spécialités. Ce dispositif permettra ainsi d'assumer certains surcoûts susceptibles d'être générés par les spécialités.
Le rapport de la Cour des comptes est positif pour ce que nous avons commencé à faire dans l'éducation prioritaire. Il souligne les avancées et préconise les mesures que nous comptons prendre. Les préconisations de la mission Azéma-Mathiot visent à porter un terme aux effets de seuil pour améliorer l'éducation prioritaire.
La réserve citoyenne représente effectivement un capital de bonne volonté civique qui pourrait bénéficier au tutorat dans le cadre du SNU. Nous allons oeuvrer, avec Gabriel Attal, pour faire évoluer les choses. D'autres bonnes volontés, au sein des fédérations des délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN) ou de l'association des membres de l'ordre des palmes académiques (AMOPA), s'expriment autour de l'éducation nationale et gagneraient à être employées à l'occasion de la mise en oeuvre du SNU.
Il faut être créatif dans le monde rural en s'inspirant des bonnes pratiques. L'ouverture de nouvelles classes peut également être la conséquence de regroupements territoriaux.
L'instauration de la GRH de proximité, qui va de pair avec une gestion plus personnalisée, est une priorité. La contractualisation, qui concerne 4 % des enseignants du second degré et 0,5 % du premier degré, n'est pas vouée à être accrue, mais contribue à la souplesse du fonctionnement de notre dispositif. Même si ces contrats diffèrent de ceux évoqués par le ministre des comptes publics, la réflexion actuellement conduite par Bercy peut aboutir à un meilleur compromis entre l'actuelle instabilité et le statut de fonctionnaire.
Nous allons de l'avant dans la continuité du rapport de Chantal Manès et d'Alex Taylor qui préconise notamment le bilinguisme dès l'école primaire et l'amélioration de l'apprentissage des langues étrangères sur laquelle je m'exprimerai prochainement.
Le FDVA, dont le fonctionnement peut être amélioré, accorde déjà une place aux élus locaux.
La formation et la diversité des profils d'encadrement seront essentielles au fonctionnement du SNU qui représente également une opportunité pour la revitalisation des territoires ruraux.
L'orientation au collège et au lycée est essentielle. Dans le cadre du plan étudiant, que nous avons en partage avec le ministère de l'enseignement supérieur, les filières seront présentées aux élèves jusqu'à la classe de sixième, en commençant dès cette année par les élèves en seconde, à raison de 54 heures par an. Cette démarche sera conduite en partenariat avec les régions compétentes en matière d'information et d'orientation.
J'ai bien entendu votre intervention sur le handicap.
Enfin, l'importance de la philosophie fait consensus. La spécialité « littérature, philosophie et humanités » représente une opportunité de débuter son enseignement dès la classe de première. Les enseignements relevant du bloc général sont complémentaires de ceux donnés en spécialité. L'intégration de la note de philosophie dans Parcoursup présente une difficulté technique, puisque les dossiers seront adressés avant qu'elle ne soit délivrée. La philosophie est la seule discipline commune à tous que l'on passe à la fin du parcours secondaire.
Je suis persuadé de l'importance de la place du numérique dans la formation des professeurs. Ce thème sera d'ailleurs abordé lors de l'examen du projet de loi.
Enfin, s'agissant de la santé scolaire, 687 millions d'euros au titre des dépenses de personnels, et 3,8 millions d'euros pour les frais de déplacement des personnels itinérants sont prévus. Les services de santé scolaire des collectivités locales et les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté bénéficieront respectivement de 2,79 millions et de un million d'euros. Au-delà de ces augmentations, ces sujets sont avant tout d'ordre qualitatif. Confrontés au manque de recrutement, nous sommes engagés à l'effectivité de la visite médicale des élèves de trois à six ans, en mobilisant, le cas échéant, la médecine civile. Un début de progrès a été amorcé, comme en témoigne l'évolution de nos relations avec le ministère de la santé.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le volume de nos questions s'explique par le caractère contraint du débat en séance publique. Les questions doivent ainsi être posées en amont et nous vous remercions d'y avoir répondu.
Audition de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation (crédits « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » et crédits « Enseignement supérieur et recherche agricoles » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »)
MARDI 13 NOVEMBRE 2018
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Mme Catherine Morin-Desailly , présidente.- Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, la bienvenue dans cette salle que vous connaissez bien puisque vous êtes, pour quelques jours encore, membre de notre commission, et vous félicitons chaleureusement pour votre nomination.
Nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement agricole et à la recherche agricole.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.- Membre de cette commission, je m'étais étonné jusqu'à présent du fait, qu'à une exception près, la présentation du budget de l'enseignement agricole ait échu au ministre de l'éducation nationale. Or, l'enseignement agricole est un joyau qui doit demeurer au ministère de l'agriculture et je suis fier de vous le présenter, comme ministre de l'agriculture, pour la première fois !
Ce budget représente 35 % du budget global du ministère de l'agriculture et de l'alimentation soit près de 1,8 milliard d'euros : 315 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche et 1,47 milliard d'euros pour l'enseignement technique. Il mobilise également 60 % des fonctionnaires du ministère. Outre une mission de formation et d'insertion professionnelle, le législateur lui a également confié des missions d'animation du territoire, d'expérimentation et de coopération internationale tout à fait spécifiques.
L'enseignement technique agricole, ce sont 800 établissements et 160 000 jeunes scolarisés de la 4ème au BTS. 40 % le sont dans des établissements publics et les autres se répartissent également entre les maisons familiales rurales (MFR) et les lycées privés. Il compte également 34 000 apprentis et forme 250 000 adultes. Je veux ainsi être le ministre de toutes ces formations, comme je l'ai signalé à plusieurs reprises. Aujourd'hui, l'enseignement agricole ne compte plus que 10 % d'enfants d'agriculteurs mais joue un rôle majeur dans la formation des jeunes de milieu modeste des zones rurale et périurbaine auxquels il offre de bons taux de réussite aux examens et des taux d'insertion professionnelle remarquable. L'enseignement agricole a considérablement évolué pour répondre aux nouveaux besoins du monde rural et périurbain : 40 % des formations sont en lien avec l'agriculture, les industries agroalimentaires, la filière forêt bois et les métiers de l'environnement et des paysages, 30 % concernent les services à la personne et aux territoires et 30 % consistent en des formations générales et technologiques. La plupart des jeunes qui rejoignent nos établissements ne se destinent donc pas à devenir agriculteurs, mais à exercer une profession dans le secteur de l'environnement, de l'alimentation ou des services à la personne.
J'ai souhaité faire de l'enseignement et de la recherche l'une des priorités de mon action au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. En effet, la jeunesse, qui représente l'avenir de notre pays, l'avenir de nos filières et de nos territoires, est la priorité du Gouvernement. La formation, l'expérimentation et l'innovation sont les leviers indispensables de la transformation agro-écologique de notre agriculture et de nos filières. Comme l'a dit le Président de la République, l'enseignement agricole est à la fois un système qui fonctionne et une voie de réussite et d'excellence. Il obtient d'excellents résultats en termes de réussite aux examens, d'insertion professionnelle et forme des citoyens épanouis et ouverts sur l'Europe et sur le monde.
C'est pourquoi je voudrais affirmer aujourd'hui trois ambitions fortes pour l'enseignement agricole. Première ambition : l'enseignement agricole doit former plus de jeunes. Malheureusement, il en accueille, d'année en d'année, de moins en moins ! Un défaut de communication est manifeste ; les jeunes ne connaissant pas ses filières. Il faut ainsi améliorer l'orientation des jeunes, en lien avec l'éducation nationale, et renforcer l'attractivité de ses métiers. Je souhaite que les filières - l'une relative à l'environnement et l'autre sanitaire - évoquées lors des États-généraux de l'alimentation soient créées.
Deuxième ambition : l'enseignement agricole doit participer à la transformation de notre agriculture, de nos filières et de nos territoires. La performance économique, sociale, environnementale et sanitaire représente des attentes à la fois du législateur et de la société. L'enseignement agricole représente un levier essentiel pour répondre à ces attentes, transformer notre système productif et réaliser cette transition irréversible vers l'agro-écologie.
Troisième ambition : faire confiance aux établissements, aux acteurs locaux, pour répondre aux besoins de tous les territoires. Les programmes et les formations peuvent être adaptés à l'échelon territorial. Il faut donner davantage d'autonomie aux établissements agricoles pour qu'ils s'adaptent au contexte local et répondent aux souhaits des jeunes. Ce mouvement est déjà largement engagé dans l'enseignement agricole, puisque les équipes enseignantes disposent de 20 à 25 % d'heures non affectées dans les référentiels pour mener des projets locaux. Je souhaite que ce quota d'heures soit augmenté. C'est grâce à cette souplesse accrue que nous réaliserons le schéma d'emplois qui est demandé, avec une baisse de 50 équivalents temps plein (ETP) qui n'induira ni mutation dans l'intérêt du service, ni fermeture nette de classe.
Je souhaite également réussir les réformes en cours, tant celle du baccalauréat que de l'apprentissage, qui constitue une opportunité formidable de réussite dans le secteur de l'agriculture.
Je voudrais également évoquer la recherche et l'enseignement supérieur agricole. Le rapprochement entre l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) va permettre de disposer, au 1 er janvier 2020, d'un acteur de premier rang mondial dans les domaines de l'agronomie, des sciences du vivant et de l'environnement. Dans le même esprit, la fin de la mandature va notamment être marquée par le transfert d'AgroParisTech à Saclay, le rapprochement des écoles agronomiques et la recherche de synergies entre nos quatre écoles vétérinaires, afin de refonder notre enseignement vétérinaire et de mieux répondre aux besoins de la ruralité.
Le budget du programme 143 connait une légère hausse (+1,44 %), soit 25 millions d'euros supplémentaires, par rapport à celui de l'an passé. Pour l'enseignement supérieur, cette dotation permettra d'augmenter de deux millions d'euros, soit de 2,5 %, les crédits de fonctionnement de nos écoles, ce qui permettra d'accueillir davantage d'étudiants dans de bonnes conditions et d'augmenter de 5,5 millions d'euros, soit 2,6 % de hausse, les rémunérations des personnels. Pour l'enseignement technique, le ministère dispose de huit millions d'euros de plus pour accompagner les établissements privés du temps plein et les maisons familiales rurales. Cet effort est important, compte tenu de la baisse des effectifs du privé - 12 600 jeunes en moins depuis 2011 -, et permettra de rapprocher la dépense publique par élève entre l'enseignement public et privé. Les systèmes d'information seront aussi modernisés. La hausse des crédits de personnels permettra d'améliorer la situation des enseignants et non enseignants de l'enseignement agricole, ce qui renforcera l'attractivité de ces métiers. Par ailleurs, les crédits consacrés au handicap augmentent de 44 % et 25 ETP d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sont créés pour un montant de 700 000 euros.
Nous réussirons notre mandature en agriculture si, à la fin du quinquennat, plus d'élèves rejoignent l'enseignement agricole. Nous aurons alors transformé notre modèle agricole pour répondre aux nouvelles attentes.
M. Antoine Karam , rapporteur pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ». - Nous avons entendu, ces quinze derniers jours, l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole, y compris le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je voudrais vous remercier d'avoir consacré votre première visite ministérielle à des établissements de l'enseignement agricoles dans l'Isère. C'est là un gage de l'importance que vous lui accordez.
Année après année, nous assistons à la diminution du nombre d'élèves, qui devrait passer cette année sous la barre des 160 000, franchie dans les années 1990. Quelle politique allez-vous mener pour rendre à l'enseignement agricole sa vitalité et son attractivité ? Que ferez-vous pour réhabiliter une image encore trop dévalorisante ?
Par ailleurs, la coopération avec l'éducation nationale est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, par exemple en matière de remplacement, d'accompagnement d'élèves en situation de handicap ou d'orientation. Comme me le faisait remarquer l'un de mes interlocuteurs, tous les élèves de l'enseignement agricole sont issus de l'éducation nationale. Quel regard portez-vous sur la coopération avec le ministère de l'éducation nationale ? Quelles perspectives souhaitez-vous lui donner ?
Enfin, j'ai été saisi, à plusieurs reprises, de la question du statut des directeurs d'établissement public, qui sont une des chevilles ouvrières de l'enseignement agricole. Si l'hypothèse d'un corps interministériel semble définitivement écartée, comment comptez-vous renforcer l'attractivité des fonctions de directeur d'établissement ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Mon premier déplacement ministériel s'est déroulé dans plusieurs établissements : un lycée d'enseignement public, un lycée d'enseignement privé et une maison familiale rurale situés dans deux départements. La baisse du nombre d'élèves doit être enrayée. La communication sur les métiers de l'enseignement agricole est essentielle : les formations dispensées ne se limitent pas au seul métier d'agriculteur et préparent notamment aux métiers de services en milieu rural. Je partage votre constat quant à l'importance de la coopération avec l'éducation nationale pour l'orientation des élèves.
Le statut des directeurs d'établissement est essentiel. Si la création d'un corps spécifique destiné aux directeurs d'établissement a été refusée par le ministre en charge de l'action et des comptes publics, le projet d'un statut d'emploi rénové a été, l'année passée, élaboré en concertation avec les organisations syndicales. Ce projet, dont le ministère de l'action et des comptes publics a été saisi en août 2018, prévoit la création d'une grille indiciaire rénovée en fonction du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) en vigueur pour les personnels de direction de l'éducation nationale. La réponse du guichet unique devrait intervenir au cours des prochaines semaines. Conscient de l'importance de fournir des gages de reconnaissance aux directeurs, je suis favorable à ce qu'ils aient un statut.
M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits enseignement supérieur du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». - Les États-généraux de l'alimentation ont suscité de réels espoirs au sein de la profession agricole, que la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM » a très vite anéantis. L'attractivité des métiers agricoles représente un réel enjeu. Or, les attaques médiatiques récurrentes sur les pratiques agricoles et les agriculteurs nuisent considérablement à l'image du métier et à l'enseignement agricole. Comment comptez-vous, au sein de ce Gouvernement où les sensibilités sur l'agriculture peuvent diverger, revaloriser globalement l'enseignement agricole ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Si les attaques contre l'agriculture se multiplient, nous n'y parviendrons pas ! Je veux être le bouclier des agriculteurs et des agricultrices qui sont souvent des bouc-émissaires. Non ! Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs ! Leurs pratiques ont évolué : l'utilisation de l'eau a baissé de 30 % en quinze ans et la transition vers l'agro-écologie est une réalité. Les instituts de recherche travaillent également à l'élaboration de nouvelles méthodes destinées à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Les États-généraux ont généré de réels espoirs et la loi EGALIM, qui vient d'être promulguée, sera progressivement mise en application. La qualité sanitaire et alimentaire des produits de l'agriculture française est réelle. Certes, des progrès peuvent encore être réalisés : une étude de notre ministère indique l'augmentation sur ces trois dernières années de l'utilisation des produits phytosanitaires, en dépit des plans Écophytos. Le travail conduit par les organisations syndicales agricoles, et notamment la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) avec ses contrats de solution, ainsi que les perspectives ouvertes par la « start-up nation pour les bonnes pratiques » lancée par le Président de la République, devrait bénéficier à l'agronomie sur notre territoire, alors que la sortie du glyphosate a été annoncée pour 2020. Enfin, il faut réconcilier le rural et l'urbain, et avec eux, l'agriculture et la société, ainsi que l'agriculteur et son voisin.
Mme Laure Darcos , rapporteur pour avis des crédits recherche du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». - Les motivations de la fusion de l'INRA avec l'IRSTEA sont-elles avant tout scientifiques ? Les personnels sont inquiets. Me confirmez-vous que cette fusion bénéficiera des crédits supplémentaires à hauteur des 4,8 millions d'euros qui ont été annoncés ?
M. Didier Guillaume, ministre. - L'IRSTEA et l'INRA sont deux instituts de taille distincte aux compétences complémentaires. Un travail remarquable a été conduit en interne. Il ne s'agit pas d'une fusion motivée par des considérations strictement budgétaires, mais d'une démarche visant à obtenir l'excellence mondiale. Cette fusion n'implique aucune réduction ni de budget ni du nombre de postes. Ces deux instituts travaillent également de concert pour déterminer leur implantation optimale. Les chercheurs sont les plus à même de se prononcer sur les modalités concrètes de cette fusion qui contribue à notre primauté en agronomie.
Mme Dominique Vérien . - Que vont devenir les petits centres de formation d'apprentis (CFA) en secteur rural, avec la disparition des financements régionaux ? La baisse annoncée du nombre d'ETP devrait conduire à la fermeture du centre d'application de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort situé à Champignelles, dans le département de l'Yonne, dont le CFA est également menacé. En outre, si la dotation budgétaire de la scolarisation des élèves en situation de handicap devrait connaître une hausse, de l'ordre de 3,4 millions d'euros, l'aide sociale devrait, quant à elle, connaître une baisse de 12 millions d'euros. Celle-ci concernera les bourses et les fonds sociaux, alors que la part des élèves boursiers dans l'enseignement agricole demeure plus élevée que dans les établissements de l'éducation nationale.
M. Jean-Yves Roux . - Les agriculteurs de mon département des Alpes de Haute-Provence expérimentent, en coopération avec les instituts de recherche, de nouvelles techniques au service d'une agriculture plus durable et économe en eau. Faute de pouvoir consacrer la totalité de leur temps à la recherche, ces agriculteurs ne sont pas éligibles au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Or, les recherches qu'ils conduisent participent à la transition vers une agriculture biologique et durable. Avez-vous l'intention de promouvoir des appels d'offres spécifiques et d'associer plus étroitement, y compris financièrement, les groupements d'agriculteurs engagés dans une telle démarche ?
M. Pierre Ouzoulias . - Nous vous avons entendu, comme sénateur, lors du débat sur la loi sur l'alimentation et l'agriculture. L'agriculture aborde un tournant essentiel de son histoire. La formation est cruciale pour accompagner ces agriculteurs qui ne doivent être ni culpabilisés ni laissés seuls face aux défis qui sont immenses. L'enseignement agricole est essentiel à tous nos territoires ainsi qu'à notre conception de la République et à nos racines paysannes. Cependant, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 prévoit une suppression de 5 millions d'euros de crédits du programme 142. Cette mesure, dont vous n'êtes pas responsable, s'inscrit à l'inverse de nos convictions communes. C'est là un signal préjudiciable à l'ensemble de l'enseignement et de la recherche agricoles.
J'ai rencontré les représentants syndicaux sur le statut des directeurs d'établissement. L'appartenance à un corps leur permettrait d'accéder à la mobilité, y compris vers l'éducation nationale. J'ai pris note de votre volonté de faire avancer ce dossier, même si la création de nouveaux corps ne semble guère dans l'air du temps.
M. Jacques Grosperrin . - L'enseignement agricole ne manquera pas de subir, à moyen terme, les conséquences de la baisse des élèves annoncée dans l'enseignement primaire. Or, de nombreux projets voient le jour, comme, dans la région Bourgogne-Franche-Comté, le lancement d'un logiciel de gestion de parcs forestiers par le numérique, l'inclusion des MFR dans Erasmus, ou encore la création d'un nouveau campus des métiers et qualifications agricoles à Vesoul. Or, ces initiatives se heurtent parfois à la pesanteur de l'éducation nationale : la Bourgogne et la Franche-Comté ont chacune un recteur, ce qui complexifie la situation. Pourrez-vous désigner un chef de file sur de tels projets ?
Mme Colette Mélot . - Les élèves de l'enseignement agricole doivent bénéficier de l'ensemble des formations disponibles. Le ministre de l'éducation nationale a annoncé que sur les 16 millions d'euros consacrés aux dispositifs d'échanges internationaux, 2 millions d'euros abonderont les programmes portés par l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Les établissements et les enseignants doivent y être impliqués. L'enseignement agricole pourra-t-il bénéficier de ces financements ?
M. Jacques-Bernard Magner . - Votre arrivée au ministère se fait dans un contexte budgétaire contraint. En 2012, l'un de vos prédécesseurs, Stéphane Le Foll, avait annoncé la création de 1 250 postes durant le précédent quinquennat. Vos ambitions pour l'enseignement agricole nous sont connues. La réforme du baccalauréat pourrait entraîner, selon les organisations syndicales, une perte de près de soixante postes pour l'enseignement agricole. En outre, comment l'enseignement agricole peut-il contribuer à faire de l'agro-écologie une priorité ? Enfin, comment comptez-vous assurer la promotion des femmes dans l'enseignement agricole ?
M. Didier Guillaume, ministre. - Toutes les questions auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre, du fait de ma prise de poste récente, feront l'objet de réponses écrites.
La formation professionnelle suscite l'inquiétude. J'ai réuni l'ensemble des formateurs de l'enseignement public de mon ministère, avec la ministre du travail, pour aborder ce sujet. Les CFA, qui peuvent soulever des fonds, disposent de moyens de financement plus importants que d'autres structures. La situation du centre que vous évoquiez m'est connue et je vais essayer d'y répondre. Le budget pour 2019 prévoit une dotation de 600 000 euros pour les CFA, sans présager du soutien des régions.
Mme Dominique Vérien . - La région soutient déjà, avec 100 000 euros annuels, le CFA de Champigneulles !
M. Didier Guillaume, ministre. - L'effort de réduction de 50 ETP est partagé entre l'enseignement public et privé. Si les exploitations agricoles ne sont pas exclues du CICE, encore faut-il qu'elles en respectent les critères ! La simplification de ce dispositif ne me paraît cependant pas souhaitable.
Le transfert de 5 millions d'euros vers l'enseignement technique, que prévoit le projet de loi de finances rectificative, n'aura guère d'incidence sur les activités de notre ministère.
La création d'un corps spécifique aux directeurs des établissements d'enseignement agricole, actuellement débattue, me paraît une première forme de reconnaissance.
La baisse des effectifs de l'enseignement primaire nous pose en effet problème. La communication sur nos filières et nos métiers est, encore une fois, essentielle pour inciter les jeunes à rejoindre l'enseignement agricole, qui est également le champion d'Erasmus Plus. Cette réussite doit perdurer tant ces échanges permettent souvent à des jeunes, issus de milieux défavorisés, de partir pour l'étranger pour la première fois.
Durant le quinquennat précédent, 1 250 ETP ont été créés. Aujourd'hui, le nombre d'enseignants dont nous disposons est suffisant à l'exercice de nos missions.
L'agro-écologie figure déjà dans les programmes de l'enseignement agricole. Je souhaite que la transition environnementale et sanitaire y soit également incluse, dès l'année prochaine. La promotion des femmes est problématique dans les métiers de base de l'agriculture, tandis qu'elle est plutôt assurée dans les formations du supérieur. Si des mesures ont déjà été prises, en concertation avec Marlène Schiappa et Stéphane Travert, sur les congés maternité et les remplacements, d'autres progrès sont encore nécessaires.
Mme Françoise Laborde . - Les dernières réformes de l'enseignement général induisent des conséquences sur l'enseignement agricole. Les inquiétudes suscitées par la dernière réforme du baccalauréat général a cristallisé des inquiétudes dans les filières techniques. J'ai, à ce sujet, interpellé Jean-Michel Blanquer lors du débat initié par notre commission, le 3 octobre dernier.
En outre, la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel a semé le trouble dans plusieurs CFA ruraux, notamment publics, du fait de leurs futures difficultés de financement.
Quelle sera la répartition entre l'enseignement agricole public et privé de la suppression des 50 ETP ? Par ailleurs, les maisons familiales rurales ne sont pas des lieux où l'apprentissage est tourné vers l'agriculture, mais plutôt vers les services à la personne, ce qui n'est pas sans créer de la confusion lors de l'examen du budget consacré à l'enseignement agricole. En outre, le rapport sur le métier d'enseignant, établi avec mon collègue Max Brisson, n'abordait pas l'enseignement agricole, du fait de ses spécificités, tant de ses enseignements que de ses personnels.
Mme Annick Billon . - Dans son rapport de 2018 sur la thématique « femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires », la délégation aux droits des femmes du Sénat a émis de nombreuses préconisations dont l'une, sur le congé maternité, a été reprise par Madeleine Schiappa. Ne vous privez pas d'aller chercher de bonnes idées dans ce rapport toujours pertinent !
Comment les 44 % des moyens supplémentaires pour les élèves en situation de handicap seront-ils répartis entre l'enseignement public et privé ? À quelle échéance le nouveau statut de directeur d'établissement d'enseignement agricole sera-t-il instauré ? Enfin, selon quels critères les 38 postes d'enseignement seront-ils supprimés ?
Mme Maryvonne Blondin . - Les lycées aquacoles bénéficient d'équipements et de partenariats spécifiques. Leur relation avec le ministère en charge de l'écologie ne doit-elle pas être affirmée ? Le budget consacré aux actions culturelles et sportives au sein de ces établissements doit également être amputé de 500 000 euros au profit du compte d'affectation spéciale consacré aux pensions. Ne risque-t-on pas d'entraîner la suppression pure et simple de telles activités, malgré leur importance pour les élèves ?
Mme Sonia de la Provôté . - La filière équine forme depuis le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) jusqu'au niveau Master. Elle représente 180 000 emplois. Son financement est spécifique puisqu'il repose à la fois sur le fonds éperon et les recettes du PMU. L'actuelle remise en cause de son financement risque de fragiliser cette filière et de menacer, plus largement, la situation des jeunes qui y sont scolarisés et y trouvent un avenir. En outre, l'excellence de la recherche dans la filière équine est reconnue, comme en témoignent les travaux réalisés dans le centre de Goustranville sur les cartilages qui peuvent avoir des applications sur l'homme. Je compte sur votre soutien pour cette filière qui rassemble également une grande diversité d'exploitations !
M. Didier Guillaume, ministre. - L'enseignement agricole dépend de mon ministère. J'assume d'ailleurs mes propos de l'année dernière. La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel suscite de nombreuses questions au sein de la filière professionnelle.
S'agissant des CFA, ils pourront trouver d'autres financements, en complément de celui des régions qui continueront de pouvoir les aider.
La baisse du nombre d'élèves est plus forte dans le privé que dans le public. Je suis un ardent défenseur des maisons familiales rurales depuis de nombreuses années. Celles-ci proposent non seulement des formations qualifiantes dans les services en milieu rural et dans l'agriculture, mais aussi des passerelles vers l'enseignement supérieur.
Je ne manque jamais d'être inspiré par les travaux du Sénat, et notamment par ce rapport de la délégation sénatoriale au droit des femmes. Si l'enseignement agricole accueille, à parité, les garçons et les filles, les écoles vétérinaires accueillent désormais 80 % de femmes par promotion. Les syndicats vétérinaires m'ont alerté sur les risques de pénurie à terme de vétérinaires en milieu rural, puisque la majorité des jeunes praticiens choisissent d'exercer en ville, à la fin de leurs études. Or, le milieu rural a besoin de vétérinaires privés travaillant aux côtés des vétérinaires publics !
Je souhaite que la question du statut spécifique aux directeurs d'enseignement agricole soit réglée en 2019. Mon approche consiste à dire rapidement aux directeurs si un statut est mis en place ou si on y renonce clairement.
Le handicap est une priorité de la mandature. La convention signée avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse au salon international de l'agriculture de février dernier comporte un volet sur l'accompagnement des jeunes en situation de handicap. Le ministère accueille également un grand nombre de jeunes en situation de handicap, dans le cadre des projets personnalisés de scolarisation (PPS), passés de 1 400 en 2010 à 4 200 lors de cette rentrée. Le ministère a obtenu de nouveaux moyens qui se traduisent, dès le PLF 2019, et vise, d'une part, la transformation sur cinq ans des contrats aidés en contrats d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) ; d'autre part, l'augmentation des crédits de personnels à hauteur de 25 ETP pour des contrats à durée indéterminée d'AESH et, enfin, la régulation des contrats AESH, qui ne seraient pas sur la base d'une durée de travail, de 39 à 45 semaines.
Je n'oublie pas les lycées aquacoles. La création d'un réseau de lycées de la mer, sous l'égide du ministère de l'agriculture et du ministère de la transition écologique et solidaire, vient de faire l'objet d'un rapport de l'inspection générale.
J'ai été interpellé par le président de la région Normandie sur la filière équine. C'est un sujet qui mérite d'être approfondi. La formation au sein de la filière équine est de qualité et les débouchés de sa recherche sont en effet nombreux.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - Nous vous remercions, Monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Vous êtes le deuxième ministre de l'agriculture que nous auditionnons. Nous espérons désormais avoir l'occasion d'échanger régulièrement avec vous sur l'enseignement agricole à l'occasion du débat budgétaire.