Avis n° 151 (2018-2019) de MM. Jacques GROSPERRIN et Antoine KARAM , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 novembre 2018

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME III

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Par MM. Jacques GROSPERRIN et Antoine KARAM,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Avec un montant global de plus de 71 milliards d'euros, dont près de 93 % de dépenses de personnel, qui financent plus d'un million d'emplois, la mission « Enseignement scolaire », placée sous la double responsabilité du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation en charge de l'enseignement technique agricole, est le premier budget de l'État. Elle est aussi et surtout la plus haute responsabilité et le plus grand investissement de la Nation.

Votre commission aborde l'analyse transversale du budget de la mission « Enseignement scolaire » pour 2019 selon deux thématiques complémentaires :

- l'avis de M. Jacques Grosperrin (première partie) sur les cinq programmes relevant du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, retrace les grandes évolutions de crédits et d'emplois et les effets des politiques éducatives ; il dresse le bilan de la relance de la scolarisation des enfants de moins de trois mise en oeuvre depuis 2012 ;

- l'avis de M. Antoine Karam (deuxième partie ) porte sur l'analyse des crédits alloués à l'enseignement technique agricole.

PREMIÈRE PARTIE - L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

I. L'EXAMEN DES CRÉDITS INSCRITS AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019

A. UN BUDGET QUI TRADUIT UNE PRIORITÉ FORTE AU PRIMAIRE

1. Une augmentation modeste des crédits, une légère réduction des emplois
a) Une augmentation modeste, portée par les dépenses de personnel

Contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » comprises, les crédits des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » relevant de l'éducation nationale progresseront de 1,2 milliard d'euros en 2019, pour atteindre près de 71,3 milliards d'euros .

Évolution des crédits des programmes de la mission (structure courante)

Programme

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

P140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

22 036,4

22 541,4

+ 2,3 %

P141 « Enseignement scolaire public du second degré »

32 751,7

33 192,9

+ 1,3 %

P230 « Vie de l'élève »

5 412,3

5 682,9

+ 5,0 %

P139 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

7 552,8

7 601,3

+ 0,6 %

P214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale »

2 356,8

2 275,7

- 3,4 %

Total éducation nationale

70 109,9

71 294,2

+ 1,7 %

Source : PAP 2019

(1) Une augmentation réalisée intégralement dans les dépenses de personnel, du fait des mesures catégorielles et du glissement vieillesse technicité (GVT)

L'augmentation des crédits est intégralement réalisée parmi les dépenses de personnel , dites de titre 2, qui représentent 66,7 milliards d'euros, soit 93,4 % des dépenses de la mission.

Cette augmentation provient des facteurs suivants :

- le glissement vieillesse-technicité (GVT) dont le solde est prévu à 427,9 millions d'euros (M€) ;

- des mesures catégorielles, pour une somme totale de 388,2 M€, dont 294,3 M€ au titre de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et 58,7 M€ au titre de la revalorisation du dispositif indemnitaire en éducation prioritaire ;

- de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2018 , pour un coût de 90,7 M€ ; le schéma d'emplois pour 2019 (cf. infra) se traduit par une moindre dépense de 13,1 M€.

(2) Les crédits hors dépenses de personnel : une stabilité apparente

La diminution importante des crédits de fonctionnement (titre 3) prévue en 2019 (- 117,3 millions d'euros en AE et - 70,5 millions d'euros en CP) est principalement imputable à l'extinction du dispositif des « loyers budgétaires » en 2019.

En sens inverse, la progression des crédits d'intervention (titre 6) de la mission résulte de plusieurs mouvements :

- une forte diminution des crédits prévus au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (-167,7 M€), tirant les conséquences du choix d'un grand nombre de communes - 87 % d'entre elles à la rentrée 2018 - d'organiser la semaine scolaire des écoles primaires sur quatre jours, comme le permet à titre dérogatoire le décret du 27 juin 2017 1 ( * ) ;

- une augmentation de la dotation au titre de la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) de 143,5 M€ ; cette dotation devrait permettre de recruter en 2019 4 500 AESH supplémentaires afin de répondre à l'augmentation des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;

- un transfert de crédits de l'ordre de 124 M€ du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi » vers le programme 230 « Vie de l'élève » au titre de la transformation des contrats aidés dans le secteur non-marchand (CUI-CAE) en CUI-PEC, ces derniers, principalement affectés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap, étant désormais rémunérés par le ministère de l'éducation nationale.

b) L'évolution des emplois traduit une priorité réelle donnée à l'école primaire

Après un exercice 2018 globalement neutre, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de 1 800 postes dans le périmètre de l'éducation nationale.

Dans un contexte de baisse attendue des effectifs d'élèves (- 63 000 élèves en 2019, - 73 000 en 2020, et - 86 000 en 2021), 1 800 emplois seront créés dans l'enseignement scolaire public du premier degré.

Hormis le programme 230 « Vie de l'élève », l'ensemble des autres programmes connaissent des suppressions d'emplois, participant ainsi à l'effort global imposé à l'État : 2 650 emplois d'enseignants dans le second degré public, 550 emplois dans l'enseignement privé et 400 postes administratifs sont supprimés.

Schéma d'emplois initial des programmes
de la mission « Enseignement scolaire » relevant de l'éducation nationale

(en ETP)

Programme

Catégorie d'emplois

Schéma d'emplois

Enseignement scolaire public du premier degré

Enseignants titulaires

2 850

Enseignants stagiaires

- 1 050

Total

1 800

Enseignement scolaire public du second degré

Enseignants titulaires

- 2 250

Enseignants stagiaires

- 400

Total

- 2650

Vie de l'élève

Total

0

Enseignement privé

Enseignants du premier degré

- 189

Enseignants du second degré

- 361

Total

- 550

Soutien de la politique de l'éducation nationale

Personnels administratifs, technique et de service

- 400

Solde

- 1 800

Source : PAP 2019

À l'instar de son prédécesseur, notre ancien collègue Jean-Claude Carle, votre rapporteur pour avis regrette l'absence d'une programmation pluriannuelle des effectifs et des recrutements, qui permettrait de donner de la lisibilité à l'action ministérielle et de préserver l'attractivité des concours de recrutement .

Le plafond d'emplois augmente en 2019 de 5 807 ETPT. Cette augmentation résulte de la transformation de 6 400 équivalents temps plein travaillé (ETPT) de contrats aidés (CUI-CAE) en contrats d'AESH

2. Un budget qui confirme un effort centré sur l'enseignement primaire et l'acquisition des fondamentaux
a) Un rééquilibrage bienvenu de la dépense d'éducation en faveur de l'enseignement primaire

L'analyse de la dépense d'éducation par élève selon le niveau d'étude met en évidence un déséquilibre, prononcé et de longue date, au détriment de l'enseignement primaire .

Évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau d'enseignement
(aux prix 2017)

Primaire

Secondaire

Supérieur

Total

Total Md€

par élève (€)

Total Md€

par élève (€)

Total Md€

par élève (€)

Total Md€

par élève (€)

2015

43,1

6 270

58,2

9 700

30,2

11 690

131,5

8 480

2016

43,5

6 330

58,6

9 740

30,8

11 610

132,9

8 510

2017*

45,0

6 550

60,0

9 890

31,4

11 670

136,4

8 690

Champ : France métropolitaine + Dom y compris Mayotte.
* Données provisoires.

Source : MENJ- DEPP

Alors même que la réussite à l'école primaire revêt une importance décisive pour l'avenir scolaire et professionnel des élèves, la France dépense un tiers de moins par élève de l'enseignement primaire que par élève de l'enseignement secondaire et près de moitié moins que pour un étudiant.

L'OCDE rappelle ainsi que « les dépenses annuelles par élève en 2015 sont plutôt faibles au niveau élémentaire (7 400 USD contre 8 500 USD), équivalentes à la moyenne de l'OCDE au niveau du collège (10 300 USD contre 9 900 USD) et très élevées au niveau du lycée (13 800 USD contre 10 100 USD). Au niveau de l'enseignement supérieur, les dépenses annuelles (y compris les activités de recherche et développement) par élève s'établissent à 16 100 USD en France, contre 15 500 USD pour la moyenne des pays de l'OCDE » 2 ( * ) .

Cet écart résulte notamment du taux d'encadrement dans l'enseignement primaire, sensiblement inférieur en France à celui observé dans les autres pays de l'OCDE3 ( * ), quand il est bien supérieur dans le second degré.

Poursuivant la tendance engagée en 2018, le projet de loi de finances pour 2019 procède à une forme de redéploiement en faveur de l'enseignement primaire, en y réservant les créations de postes (cf. supra ), à laquelle votre rapporteur pour avis ne peut être que favorable.

Le rééquilibrage devrait être facilité par la diminution attendue des effectifs d'élèves de l'école primaire, qui agira comme un effet de levier. Le ministère prévoit en effet une baisse importante des effectifs du premier degré, liée à la baisse de la démographie.

Prévision des effectifs d'élèves dans le premier degré
pour les rentrées 2018 à 2022

Source : ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse

b) Une dégradation préoccupante des résultats des élèves dès l'école primaire
(1) Un nombre trop important d'élèves ne maîtrise pas les fondamentaux à l'entrée au collège

À la différence des études sur échantillon menées par le passé, le ministère a mis en place depuis 2017 des évaluations standardisées exhaustives, visant à mesurer les acquis des élèves et, partant, à fournir des repères en la matière aux enseignants comme au ministère. En novembre 2017, plus de 810 000 élèves de sixième ont participé à cette évaluation.

Il s'avère qu'en début d'année scolaire 2017-2018, 85,3 % des élèves de sixième ont une maîtrise satisfaisante ou une très bonne maîtrise des connaissances et des compétences en français. Les résultats sont moins probants en mathématiques où les éléments nécessaires à l'acquisition des connaissances et des compétences ne sont correctement assimilés que par 73,3 % des élèves.

Les performances des élèves varient selon plusieurs facteurs :

- les élèves ayant redoublé présentent un écart considérable, de 44 points en mathématiques, dans la maîtrise des connaissances et compétences évaluées ;

- les filles obtiennent de meilleurs résultats en français que les garçons (+ 6,1 points) ; en mathématiques, les performances selon le sexe sont identiques ;

- la proportion d'élèves ayant acquis les attendus des connaissances et des compétences évaluées en français et en mathématiques est également plus basse parmi les élèves des REP et REP+ ; a contrario , les établissements privés affichent les meilleurs résultats ;

- le classement des collèges selon un indice de position sociale met en évidence de fortes disparités selon le profil social du collège, particulièrement marquées entre les groupes 1 (les 20 % de collèges les moins favorisés) et 5 (les 20 % des collèges les plus favorisés).

La comparaison géographique révèle de fortes disparités selon les académies : plus de la moitié des académies présentent une proportion d'élèves maîtrisant les attendus en début de sixième supérieure à 85 %. Ce taux est le plus élevé pour les académies de Paris (91,3 %), Rennes (90,3 %), Besançon (88,3 %) et Versailles (88,1 %). Il est inférieur à 75 % outre-mer. Pour les mathématiques, plus de trois élèves sur quatre ont au moins un niveau de maîtrise satisfaisant dans six académies, dont Rennes (81,0 %), Paris (79,6 %), Nantes (78,4 %) et Besançon (78,3 %). En revanche, ce taux n'atteint pas 55 % dans les académies d'outre-mer.

Une dégradation des acquis corroborée par les études internationales

L'étude PIRLS et la compréhension de l'écrit

L'étude internationale PIRLS 2016 mesure les performances en compréhension de l'écrit des élèves à la fin du CM1. Depuis PIRLS 2001, la performance globale française baisse progressivement à chaque évaluation.

En 2016, avec un score de 511 points, la France se situe au-delà de la moyenne internationale (500 points) mais en deçà de la moyenne européenne (540 points) et de celle de l'OCDE (541 points). Ainsi, lorsque l'on ordonne tous les élèves des pays européens participants en fonction de leur score et que l'on découpe cet ensemble en quarts, on observe que les élèves français se trouvent surreprésentés dans le groupe le plus faible : ils sont 39 %, au lieu des 25 % attendus. À l'inverse, seuls 12 % des élèves français, au lieu des 25 % attendus, font partie du quart européen le plus performant.

Les compétences en mathématiques et en sciences des élèves de CM1 mesurées par l'étude TIMSS

L'étude internationale TIMSS 2015 mesure les performances en mathématiques et en sciences des élèves à la fin de la quatrième année de scolarité obligatoire (CM1 pour la France). Avec un score de 488 points en mathématiques et de 487 points en sciences, la France se situe en deçà de la moyenne internationale (500 points en mathématiques et en sciences) et de la moyenne européenne (527 points en mathématiques ; 525 points en sciences).?

Des échelles de scores rendent compte des performances aux domaines de contenus des deux disciplines. Pour chaque échelle, le score français se place en deçà de la moyenne européenne.

Source : ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse

c) L'acquisition des fondamentaux érigée en priorité
(1) La poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire

Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire (REP) et REP renforcé (REP+) constitue la principale mesure mise en oeuvre par le gouvernement en vue de favoriser la réussite à l'école primaire. Il s'agit d'offrir aux élèves concernés un taux d'encadrement d'un professeur pour 12 élèves environ . Ce taux s'élevait, en 2016, à un professeur pour 22,5 élèves en REP+ et un pour 23 en REP, contre un pour 24 élèves hors éducation prioritaire 4 ( * ) .

Elle constitue un effort considérable, puisqu'elle implique la mobilisation de 11 000 postes d'enseignants en pleine charge , pour un coût brut (hors redéploiements) estimé à 500 millions d'euros.

Calendrier du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP +

Source : ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse

La rentrée 2019 devrait voir l'achèvement du déploiement de cette mesure , qui consommera 3 900 postes d'enseignants. L'ensemble des classes de CP et de CE1 situées en REP et REP + seront alors dédoublées.

Si votre rapporteur pour avis n'est pas défavorable à cette mesure volontariste, dans la mesure où les évaluations des acquis des élèves soulignent l'écart important entre ceux scolarisés en éducation prioritaire et ceux qui ne le sont pas, il émet plusieurs réserves :

En premier lieu, il invite le ministère à mener au plus tôt une évaluation rigoureuse de ce dispositif ainsi que du dispositif « Plus de maîtres que de classes » qui a été largement réduit à son profit. Il rappelle que l'expérimentation de classes de CP à effectifs réduits menée de 2002 à 2004 s'était révélée décevante, comme le rappelle un article de la DEPP 5 ( * ) .

La compensation des investissements exigés des communes , pourtant prévue dans le cadre des dotations que sont la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) 6 ( * ) ou encore la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), semble avoir été très imparfaite . Du fait de la gestion départementale de ces dotations, le ministère n'est pas capable de mesurer la part de ces dotations effectivement versée en vue de financer les investissements liés au dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+.

Enfin, votre rapporteur pour avis s'inquiète des fermetures de classes en milieu rural , liées pour partie à la nécessité de redéployer des postes pour financer le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Le 17 juillet 2017, s'exprimant au Sénat lors de la conférence des territoires, le Président de la République avait déclaré que « les territoires, en particulier les plus ruraux, ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'économie. C'est pourquoi d'ici là en particulier il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires » 7 ( * ) . Contrairement à cet engagement, au moins 300 fermetures de classes ont eu lieu à la rentrée 2018 en milieu rural, où l'école, qui est parfois le dernier service public présent dans les communes, revêt une importance particulière. Outre les longs trajets imposés aux enfants et à leurs parents, ces mesures participent d'une perte d'attractivité et de la désertification de tout un pan de notre pays.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis propose un amendement visant à créer 300 postes de professeurs des écoles supplémentaires afin de mettre fin aux fermetures de classes dans les écoles rurales.

(2) Les stages de réussite

La relance des « stages de réussite » en faveur des élèves de CM2 constitue un autre axe de la politique visant à réduire la difficulté scolaire.

Gratuits, ces stages de remise à niveau s'adressent aux élèves volontaires qui rencontrent des difficultés scolaires, en vue notamment de préparer l'entrée au collège.

Cette impulsion se traduit par une légère hausse des effectifs concernés : 85 800 élèves de CM1 et de CM2 de l'enseignement public et privé ont bénéficié de stages de réussite à l'été 2018, contre 78 600 environ à l'été 2017. Près de 15 000 enseignants des premier et second degrés se sont portés volontaires pour encadrer ces stages , président .

(3) L'abaissement à trois ans de l'obligation d'instruction

À l'occasion des Assises de l'école maternelle qui se sont tenues au printemps 2018, le Président de la République a annoncé l'abaissement à 3 ans de l'âge de début de l'obligation d'instruction obligatoire, aujourd'hui fixé à 6 ans 8 ( * ) .

Le projet de loi pour une école de la confiance, qui devrait être examiné par le Parlement au premier semestre 2019, constituera le véhicule législatif de cette mesure et devrait entrer en vigueur à la rentrée 2019.

Le taux de scolarisation des enfants de 3 ans s'élève aujourd'hui à 98,9 %. Il est cependant beaucoup plus faible dans les territoires d'outre-mer. En outre, la fréquentation de l'école maternelle est marquée par une assiduité relative.

Selon le ministère, cette mesure se traduirait par une augmentation du nombre d'enfants scolarisés située entre 23 000 et 26 000 , compensée par la baisse attendue du nombre d'élèves prévue en 2019 (cf. supra ). Cette mesure devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales estimé à 100 millions d'euros ; du fait des délais d'instruction des demandes, la compensation de ce surcoût ne devrait être versée qu'en 2020.

Votre rapporteur pour avis sera par conséquent particulièrement vigilant à ce que le surcoût engendré pour les collectivités territoriales concernées soit intégralement compensé.

B. LES DEMANDES D'OUVERTURES DE CRÉDITS POUR 2019

1. L'enseignement scolaire public du premier degré

Les crédits du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » s'élèvent, pour 2019, à 22,54 milliards d'euros, soit une augmentation de 505 millions d'euros (+ 2,3 %) .

Évolution des crédits du programme 140

(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

1° Enseignement préélémentaire

5 294,8

5 386,0

+ 1,7 %

2° Enseignement élémentaire

10 781,1

11 078,8

+ 2,8 %

3° Besoins éducatifs particuliers

1 867,7

1 897,1

+ 1,6 %

4° Formation des personnels enseignants

852,5

865,8

+ 1,6 %

5° Remplacement

1 851,0

1 898,2

+ 2,6 %

6° Pilotage et encadrement pédagogique

1 292,4

1 317,3

+ 1,9 %

7° Personnels en situations diverses

96,7

98,1

+ 1,5 %

Total

22 036,4

22 541,4

+ 2,3 %

Source : PAP 2019

2. L'enseignement scolaire public du second degré

Il est prévu une augmentation de 441,2 millions d'euros des crédits (+ 1,3 %) du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré ».

Le financement du GVT (+ 179,3 M€) et des mesures catégorielles (+ 187,6 M€) expliquent en grande partie cette augmentation de crédits. En outre, le volume d'heures supplémentaires année (HSA) prévu pour 2019 augmente de 18,1 M€, le ministère ayant annoncé son intention de compenser en partie les suppressions d'emploi dans le second degré par un recours accru aux heures supplémentaires .

Pour ce faire, il est prévu qu'à partir de la rentrée 2019 les chefs d'établissement pourront imposer une seconde heure supplémentaire aux enseignants dans l'intérêt du service , contre une seule actuellement 9 ( * ) .

Évolution des crédits de paiement du programme 141

(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

1° Enseignement en collège

11 586,9

11 728,5

+ 1,2%

2° Enseignement général et technologique en lycée

7 267,9

7 358,6

+ 1,2%

3° Enseignement professionnel sous statut scolaire

4 420,2

4 445,5

+ 0,6%

4° Apprentissage

7,3

7,3

-

5° Enseignement post-baccalauréat en lycée

2 124,3

2 139,5

+ 0,7%

6° Besoins éducatifs particuliers

1 226,9

1 300,9

+ 6,0%

7° Aide à l'insertion professionnelle

58,3

57,5

- 1,4%

8° Information et orientation

324,4

327,7

+ 1,0%

9° Formation continue des adultes et VAE

124,1

125,1

+ 0,8%

10° Formation des personnels enseignants et d'orientation

688,6

677,7

- 1,6%

11° Remplacement

1 483,3

1 483,9

-

12° Pilotage, administration et encadrement pédagogique

3 345,8

3 445,5

+ 3,0%

13° Personnels en situations diverses

93,6

95,1

+ 1,6%

Total

32 751,7

33 192,9

+ 1,3 %

Source : PAP 2019

a) Une rationalisation de l'offre scolaire engagée au lycée

Conformément à la position défendue de longue date par le Sénat, les réformes engagées dans le second degré vont dans le sens d'une rationalisation de l'offre et d'une optimisation de l'emploi des moyens.

La réforme du baccalauréat général et technologique , dont la mise en oeuvre progressive s'achèvera en 2021, devrait permettre de rationaliser l'offre scolaire et d'optimiser la taille des classes, notamment par :

- la suppression des séries dans la voie générale ;

- l'allègement des horaires , de l'ordre de 3 % en moyenne par élève, en lycée général ;

- la fin des « points supplémentaires » accordés au titre des options , à l'exception des langues et cultures de l'Antiquité ;

- l'introduction d'une part de contrôle continu et l'allègement du nombre d'épreuves terminales du baccalauréat , dont il est attendu une moindre perte d'heures d'enseignement en fin d'année scolaire.

Dans la voie professionnelle, la réforme annoncée au printemps dernier , qui se fonde sur le rapport sur l'avenir de la voie professionnelle remis en février 2018 10 ( * ) par notre collègue députée Céline Calvez et de M. Régis Marcon, devrait aboutir à une rationalisation de l'offre scolaire en vue d'une meilleure professionnalisation des diplômés . Les axes de travail envisagés sont :

- la création de classes de seconde professionnelle sectorielles , correspondant à des familles de métiers présentant des compétences communes - à la rentrée 2019 seront proposées des classes de seconde correspondant aux métiers de la construction durable, du bâtiment et des travaux publics, aux métiers de la gestion administrative, du transport et de la logistique et aux métiers de la relation client ;

- la refonte des grilles horaires de CAP et du baccalauréat professionnel , qui se traduirait par une légère baisse des volumes horaires élève et un renforcement de l'accompagnement personnalisé des élèves ;

- une personnalisation accrue des parcours menant au baccalauréat professionnel , avec, selon le projet de l'élève, des modules d'aide à la poursuite d'études ou à l'insertion professionnelle ;

- la redynamisation des campus des métiers et des qualifications et l'insertion des lycées professionnels dans le tissu économique local ;

- une offre de formation mieux adaptée à la réalité économique et orientée vers les secteurs les plus porteurs.

b) « Devoirs faits » au collège : un dispositif à évaluer

Le dispositif « devoirs faits » , mis en place en 2017, vise à offrir aux collégiens volontaires un accompagnement gratuit après la classe , assuré par des enseignants, des assistants d'éducation, des volontaires du service civique, ou des associations de soutien scolaire, leur permettant de faire leurs devoirs dans l'établissement où ils sont scolarisés.

Son coût est estimé, en 2019, à 247 millions d'euros , dont :

- 110 millions d'euros au titre des heures supplémentaires versées aux enseignants participants ;

- 80 millions d'euros portés par le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », liés à la rémunération des volontaires du service civique mobilisés ;

- 57 millions d'euros au titre de la rémunération des assistants d'éducation et des subventions aux associations.

S'il est globalement favorable à cette mesure, votre rapporteur pour avis souhaite qu'un bilan exhaustif en soit établi. Les témoignages qu'il a recueillis font état d'une réalisation en-deçà des ambitions du ministère, tant en matière du volume horaire proposé, plus proche de deux heures hebdomadaires que de quatre, que du public concerné. Les organisations syndicales de personnels de direction estiment que 10 % à 20 % des collégiens, selon les établissements, bénéficient de ce dispositif.

3. La vie de l'élève

Évolution des crédits de paiement du programme 230

(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

1° Vie scolaire et éducation à la responsabilité

2 478,4

2 474,9

- 0,1 %

2° Santé scolaire

505,7

511,7

+ 1,2 %

3° Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap

1 169,9

1 552,1

+ 32,7 %

4° Action sociale

878,8

912,8

+ 3,9 %

5° Politique de l'internat et établissement à la charge de l'État

55,4

77,6

+ 40,1 %

6° Actions éducatives complémentaires aux enseignements

324,0

153,7

- 52,6 %

Total

5 412,2

5 682,9

+ 5,0 %

Source : PAP 2019

Les crédits du programme 230 « Vie de l'élève » connaissent une augmentation de 270 millions d'euros (+ 5,0 %).

a) L'inclusion des élèves handicapés

Comme les années précédentes, les crédits de l'action n° 3 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » connaissent une très forte hausse (+ 32,7 %) , pour atteindre plus d'1,55 milliard d'euros.

Dans un contexte de forte croissance des effectifs d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire (+ 96 000 élèves depuis 2012, soit une hausse de 42,5 %, aussi bien dans le premier que dans le second degré ), le respect des orientations fixées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances exige des investissements importants .

Le PLF 2019 prévoit une augmentation de la dotation au titre de la rémunération des AESH (+143,5 M€), afin de financer :

- le recrutement de 1 500 AESH dès janvier 2019 pour faire face aux besoins en augmentation constante ;

- le recrutement direct de 4 500 AESH supplémentaires à la rentrée 2019 ;

- la poursuite de la politique de professionnalisation de l'accompagnement des élèves handicapés, par la transformation de 11 200 contrats aidés en 6 400 contrats d'AESH à la rentrée 2019.

Cette augmentation résulte également pour partie (124 M€) du transfert de crédits lié à l'évolution des modalités de prise en charge des contrats aidés (cf. supra ), devenus des contrats uniques d'insertion - parcours emploi compétences (CUI-PEC).

b) La santé scolaire

Les crédits consacrés à la santé scolaire croissent de 1,2 %, pour atteindre 511,7 millions d'euros . L'augmentation régulière des crédits comme les créations de postes de la législature précédente n'ont toutefois pas permis d'endiguer la baisse continue des effectifs de médecins scolaires.

Effectifs des médecins de l'éducation nationale depuis 2008
(personnes physiques)

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

Évolution 2008/2018

1 242

1 201

1 133

1 113

1 120

1 223

1 084

1 032

1 002

936

- 25 %

Source : PAP 2019

Le taux de réalisation des visites médicales de la sixième année demeure très insuffisant . L'indicateur 2.1 du programme 230 met en évidence qu'en 2017 48 % des élèves scolarisés en REP+ et 55 % de ceux en REP n'ont pas bénéficié de la visite médicale dans leur sixième année . L'indicateur de performance ne concernant que les élèves scolarisés en éducation prioritaire, ce qui laisse penser que le taux de couverture serait significativement moindre : en 2012-2013, une enquête par le ministère avait conclu à un taux de couverture global de 41 %, contesté par certains syndicats.

Le partenariat avec le ministère chargé des solidarités et de la santé
en faveur de la santé des élèves

Une convention-cadre de partenariat entre le ministère chargé de l'éducation nationale et le ministère chargé des solidarités et de la santé a été signée le 29 novembre 2016. Cette convention prévoit, notamment, la promotion d'habitudes de vie favorables à la santé, dont l'alimentation et l'activité physique, la lutte contre les conduites addictives ou le développement d'actions en faveur de la santé mentale.

Cette convention-cadre est déclinée par des conventions entre les agences régionales de santé (ARS) et les rectorats. Remaniées, à la suite de la réforme territoriale, elles intègrent l'ensemble des thématiques de la région académique afin de mieux adapter les projets et les réponses aux besoins territoriaux. Ainsi, une cartographie des points à problèmes (par exemple en matière d'obésité et de diabète) peut être dressée afin que les actions puissent mieux cibler certaines populations, ou se déployer dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et notamment dans les réseaux d'éducation prioritaire

Dans le cadre du programme national pour la sécurité des patients (PNSP) plusieurs dispositifs sont prévus en faveur de la santé et du bien-être des élèves, dont la mise en place d'un parcours santé-accueil-éducation de 0 à 6 ans.

L'objectif est de repérer les troubles ou les difficultés de santé pouvant avoir un impact sur les apprentissages avant l'âge de 6 ans, de la première socialisation à l'entrée au CP. Cela consiste à construire un parcours de coordination renforcée santé-accueil-éducation de l'enfant, en faisant appel à l'ensemble des acteurs des champs sanitaire, éducatif et social, et en y associant les parents.

Source : ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse

c) Les bourses et fonds sociaux

Les crédits dédiés aux bourses de collège et de lycée augmentent de 31,4 millions d'euros , afin de tenir compte des effectifs de boursiers attendus à la rentrée 2019 et de l'indexation des échelons de bourses de collège et de lycée sur l'évolution de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).

Au total, 804,45 millions d'euros sont inscrits au titre de l'action sociale en faveur des élèves au PLF 2019, dont :

- 730,5 millions d'euros sur le programme 230 dont 670,9 millions pour les bourses et 59,5 millions pour les fonds sociaux ;

- 73,9 millions d'euros sur le programme 139 dont 68,4 millions pour les bourses et 5,5 millions pour les fonds sociaux.

4. L'enseignement privé du premier et du second degrés

Le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » connaît une stabilité globale de ses crédits (+ 48,5 millions d'euros, soit + 0,6 %) par rapport à l'année précédente.

Les 7,6 milliards d'euros de ce programme financent, à près de 90 %, la prise en charge par l'État de la rémunération des enseignants des établissements privés sous contrat d'association.

L'autre composante majeure du programme est la part du forfait d'externat relevant de l'État, qui finance la rémunération des personnels non enseignants afférente à l'externat des collèges et des lycées sous contrat d'association. Son montant prévu en 2019 s'élève à 668,7 millions d'euros .

5. Le soutien de la politique de l'éducation nationale

Évolution des crédits de paiement du programme 214

(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

1° Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives

427,1

431,9

+ 1,1%

2° Évaluation et contrôle

82,5

83,4

+ 1,1%

3° Communication

14,1

14,1

-

4° Expertise juridique

17,1

17,1

-

5° Action internationale

13,9

13,5

- 2,9%

6° Politique des ressources humaines

731,3

726,7

- 0,6%

7° Établissements d'appui de la politique éducative

156,7

158,1

+ 0,9%

8° Logistique, système d'information, immobilier

707,2

622,8

- 11,9%

9° Certification

203,5

204,7

+ 0,6%

10° Transports scolaires

3,3

3,3

-

Total

2 356,8

2 275,7

- 3,4 %

Source : PAP 2019

Enfin, le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale », qui rassemble les crédits de l'administration centrale et déconcentrée, les services supports et de différents opérateurs, voit ses crédits de paiement réduits de près de 80 millions d'euros (- 3,4 %) , du fait notamment de la fin de la pratique des « loyers budgétaires » (cf. supra ).

Votre rapporteur pour avis prend acte de l'abandon par le ministère du programme SIRHEN (système d'information de gestion des moyens et des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale), comme le Sénat l'y avait à plusieurs reprises invité, eu égard à l'explosion de son coût et de ses délais de livraison, pour une performance très insuffisante.

II. LA SCOLARISATION DES ENFANTS DE MOINS DE TROIS ANS

A. UNE POLITIQUE CONTROVERSÉE, DES OBJECTIFS AMBITIEUX

1. L'accueil des enfants de deux ans à l'école maternelle : une politique controversée
(1) Une politique relativement ancienne

Comme le rappelait les inspections générales, « à sa création, l'école maternelle fut conçue pour accueillir les enfants de deux à six ans ; c'est donc bien dès l'origine que les enfants de deux à trois ans constituent un public commun aux institutions de toute nature qui accueillent des jeunes enfants » 11 ( * ) . L'article premier du décret du 18 janvier 1887, pris en application de la loi « Goblet » du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire, prévoit en effet que « dans les écoles maternelles et les classes enfantines, les enfants peuvent être admis dès l'âge de deux ans révolus et restent jusqu'à l'âge de six ans » 12 ( * ) .

L'accueil des enfants de deux ans ne s'est vraiment développé qu'à partir des années 1960 , parallèlement à la généralisation de la scolarisation des enfants de trois à cinq ans. Nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin écrivaient que « l'école maternelle a laissé venir à elle les enfants de deux ans » lorsque le contexte démographique - chute de la natalité - et socio-économique - développement du travail des femmes - l'a permis 13 ( * ) .

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, le taux de scolarisation des enfants de deux ans a atteint environ 35,5 % début des années 1980, au niveau auquel il s'est maintenu jusqu'au début des années 2000.

Évolution du taux de scolarisation des enfants de deux ans

1960-1961

1970-1971

1975-1976

1980-1981

1990-1991

2000-2001

2005-2006

2010-2011

2011-2012

9,9

17,9

26,6

35,7

35,2

34,5

24,5

13,6

11,6

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat d'après des données MENJ-DEPP

Dès cette époque, l'accueil des enfants de deux ans à l'école maternelle était perçu comme un instrument de justice sociale. La loi du 10 juillet 1989, dite « Lang », précise que « l'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne » 14 ( * ) .

À partir du début des années 2000, la scolarisation des enfants de deux ans s'est progressivement réduite sous l'effet de la conjonction de l'arrivée de générations nombreuses, de restrictions budgétaires et d'une remise en cause de son bien-fondé et de ses conditions.

(2) Des modalités et un bien-fondé remis en question

En effet, « les conditions d'accueil de ces très jeunes enfants n'ont pas été alors pensées en fonction de leurs besoins et les observateurs les plus avisés l'ont d'emblée repéré » 15 ( * ) . Dans l'immense majorité des cas, les enfants de deux ans n'étaient pas accueillis au sein de classes spécifiques mais complétaient les effectifs des classes de petite section voire de classes mixtes accueillant des élèves jusqu'à la grande section.

Dans son rapport annuel au Président de la République et au Parlement de 2003, la défenseure des enfants, Claire Brisset, mit en cause la scolarisation des enfants de deux ans, se faisant l'écho des préoccupations exprimées par des spécialistes de la petite enfance et se prononçait « pour un arrêt de l'extension de cette forme de scolarisation, pour une conférence nationale permettant de définir une politique d'accueil adaptée à cet âge et pour une modification de la loi prenant en compte ses résultats. » 16 ( * ) . Ces inquiétudes portaient sur quatre domaines :

- le non-respect des rythmes biologiques des enfants concernés, peu pris en compte dans le cadre de classes mixtes dans lesquelles ils sont minoritaires ;

- le peu d'interactions langagières adaptées , liées au faible nombre d'adultes par rapport au nombre d'enfants : un enseignant et, éventuellement, un ATSEM pour 25 à 30 enfants en moyenne, quand le ratio d'encadrement en crèche s'élève à un adulte pour huit enfants ; de surcroît, dans des classes mixtes où les enfants de deux ans sont minoritaires, les adultes tendent à se concentrer sur les enfants plus âgés au détriment des plus jeunes ;

- la mise à mal du développement psychologique de l'enfant du fait de l'insertion dans des groupes non individualisés ; la contrainte de l'acquisition précoce de la propreté, requise pour être accueilli à l'école, est également citée ; « les contraintes d'une telle scolarisation, soulignent les pédiatres et pédopsychiatres, semblent façonner de très jeunes enfants plus anxieux qu'ils ne devraient l'être à cet âge, plus agressifs et colériques, hypersensibles aux séparations » 17 ( * ) ;

- sur le plan des acquisitions cognitives, « l'utilité d'une quatrième année d'école maternelle (...) semble également contestable » ; en effet, « le développement des moins de 3 ans n'est pas celui des « apprentissages » de type scolaire, le processus engagé à cet âge étant d'un tout autre ordre » 18 ( * ) .

Le bien-fondé de l'accueil des enfants de deux ans à l'école maternelle, et les conditions de celui-ci, furent également mises en cause par plusieurs rapports publiés entre 2007 et 2009. Outre celui de nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin 19 ( * ) , le rapport de Michèle Tabarot sur l'offre d'accueil de la petite enfance 20 ( * ) et le rapport sur l'école maternelle d'Alain Bentolila et de plusieurs de ses collègues concluait que « l'école maternelle n'apporte pas actuellement une réponse satisfaisante et honorable à des enfants de deux ans qui sont à un moment crucial de leur développement. Comment peut-on en effet imaginer que 30 enfants réunis dans une salle de 50 à 60 m 2 , confiés aux bons soins d'une institutrice qui n'a pas été formée pour cela, puissent trouver des conditions favorables à leur développement psychologique, linguistique et social ? 21 ( * ) ».

Ces rapports prônaient le développement de l'offre de crèches et le renforcement de leur dimension éducative ; le rapport du Sénat proposait de promouvoir la création de jardins d'éveil, structure intermédiaire entre l'école maternelle et la crèche, en s'inspirant notamment des classes passerelles. Menée à partir de 2010, leur expérimentation s'est révélée décevante : les inspections générales remarquent que leurs « objectifs de développement n'ont pas été atteints ; les obstacles à leur création sont encore mal élucidés (questions de coûts, idéologie, blocages autres) » 22 ( * ) .

(3) Une chute rapide des effectifs à partir des années 2000

Sous la conjonction de l'augmentation des effectifs d'élèves, des doutes émis sur son bien-fondé et des conditions d'accueil puis des suppressions de postes dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) du début des années 2000, le taux de scolarisation a été divisé par trois en une décennie, passant de 35 % environ en 2000 à 12 % environ à partir de 2010 .

Évolution du taux de scolarisation des enfants de deux ans 1999-2012 (%)

Source : MENJ-DEPP

L'accueil des enfants de deux ans s'est toutefois maintenu dans certains départements , notamment ceux de l'Ouest, du Massif central et du Nord. L'expliquent notamment le poids de l'histoire, la scolarisation des enfants de deux ans y étant traditionnellement forte, et la concurrence avec le privé, qui amène à proposer un accueil dès le plus jeune âge.

Taux de scolarisation des enfants de deux ans selon les départements en 2011

Source : MENJ-DEPP

2. La refondation de l'école : la relance de l'accueil des enfants de deux ans

« Le développement de l'accueil en école maternelle des enfants de moins de trois ans est un aspect essentiel de la priorité donnée au primaire dans le cadre de la refondation de l'école », selon les mots de la circulaire du 18 décembre 2012, qui organisait la relance de la scolarisation des enfants de deux ans 23 ( * ) .

La circulaire prévoit que « cette scolarisation précoce doit donc être développée en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales et de montagne ainsi que dans les départements et régions d'outre-mer », sans l'y réserver.

Tirant les leçons des critiques formulées à l'encontre des conditions d'accueil de ces enfants, la circulaire précise que « cette scolarisation requiert une organisation des activités et du lieu de vie qui se distinguent nettement de ce qui existe dans les autres classes de l'école maternelle » et prescrit un travail partenarial avec les autres structures de la petite enfance et l'environnement local. Pour ce faire, elle fixe dix principes de référence (cf. infra ).

La circulaire prévoit trois modes d'accueil , sans en privilégier aucun explicitement :

- la classe spécifique au profit des enfants de deux ans, dite de toute petite section ;

- l'accueil dans des classes de l'école maternelle comportant un ou plusieurs autres niveaux ; la circulaire précise que celui-ci « présente l'avantage de la stimulation apportée par les pairs, mais constitue un cadre moins favorable à une prise en compte des besoins des jeunes enfants » ;

- les classes passerelles , associant services de petite enfance et l'école maternelle.

La loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation de la refondation de l'école de la République a modifié l'article L. 113-1 du code de l'éducation relatif à la scolarisation à l'école maternelle, pour préciser que l'accueil des enfants de deux ans a lieu « dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif » 24 ( * ) .

Son rapport annexé prévoit la création de 3 000 ETP sur la durée de la législature en faveur de cette mesure , de sorte de pouvoir porter à 30 % le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire à l'horizon 2017. À l'occasion du comité interministériel « égalité et citoyenneté » du 6 mars 2015, cet objectif est porté à 50 % pour les REP+.

Les principes de référence pour la mise en place de dispositifs d'accueil
et de scolarisation des enfants de moins de trois ans

Les différents principes sont communs à toutes les modalités d'accueil et de scolarisation d'enfants de moins de trois ans.

Les dix points énoncés sont les principes nationaux qui doivent permettre une mise en oeuvre adaptée aux besoins locaux et aux moyens réunis pour mener à bien chaque projet. Ce cadre peut être complété en fonction des conditions de mise en oeuvre des projets ; c'est par exemple le cas lorsque les dispositifs prévoient l'usage de transports scolaires.

1. La scolarisation des enfants de moins de trois ans concerne les enfants dès l'âge de deux ans, ce qui peut conduire à un accueil différé au-delà de la rentrée scolaire en fonction de la date anniversaire de l'enfant.

2. La scolarisation des enfants de moins de trois ans nécessite un local adapté, ou une adaptation des locaux et un équipement en matériel spécifique, définis en accord avec la collectivité compétente.

3. La structure mise en place accueille prioritairement des enfants du secteur de l'école où elle est implantée.

4. Le projet pédagogique et éducatif est inscrit au projet d'école. Lorsqu'un dispositif d'accueil est implanté hors des locaux d'une école maternelle, il est inscrit au projet de l'école de laquelle il dépend.

5. Le projet pédagogique est présenté aux parents. Dans les secteurs les plus défavorisés un travail avec les partenaires locaux concernés est déterminant.

6. Le projet pédagogique et éducatif prévoit explicitement les modalités d'accueil et de participation des parents à la scolarité de leur enfant.

7. Les horaires d'entrée et de sortie le matin et l'après-midi peuvent être assouplis par rapport à ceux des autres classes, en conservant toutefois un temps significatif de présence de chaque enfant selon une organisation régulière, négociée avec les parents qui s'engagent à la respecter.

8. Dans les écoles qui les scolarisent, les enfants de moins de trois ans sont comptabilisés dans les prévisions d'effectifs de rentrée.

9. Les enseignants qui exercent dans ces structures reçoivent une formation dont certaines actions peuvent être communes avec les personnels des collectivités territoriales. Ces formations concernent l'ensemble des membres de l'équipe d'école pour maîtriser les connaissances et compétences spécifiques à la scolarisation des moins de trois ans.

10. Les formateurs, et notamment les conseillers pédagogiques des circonscriptions concernées par ces dispositifs, suivront une formation adaptée au niveau départemental ou académique pour faciliter l'accompagnement des équipes dans la définition et la mise en oeuvre de leur projet.

Source : circulaire du 18 décembre 2012 précitée

B. UNE RÉALISATION EN-DEÇÀ DES ATTENTES, UNE LÉGITIMITÉ QUI RESTE À FONDER

1. Un bilan décevant sur le plan quantitatif
a) Une stagnation globale de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, y compris dans les territoires prioritaires

Depuis 2012, la scolarisation des enfants de moins de trois ans progresse lentement ; elle a même ralenti à la rentrée 2017 . À cette date, près de 92 900 enfants de deux ans étaient scolarisés dans les écoles publiques et privées, soit 11,7 % des enfants de cet âge. On estime à 14 300 le nombre d'enfants de deux ans qui ont rejoint l'école entre octobre et janvier, ce qui porte le taux de scolarisation à 12,9 %.

Malgré un discours volontariste, le nombre d'enfants de deux ans scolarisés demeure globalement stable depuis 2013 , fluctuant autour de 75 000 enfants accueillis à la rentrée scolaire dans l'enseignement public et autour de 20 000 dans le privé - où il baisse de manière continue dans les établissements sous contrat d'association mais augmente nettement dans le hors contrat.

Évolution des effectifs d'enfants de deux ans scolarisés
depuis 2010 selon le secteur

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Public

84 852

72 107

69 206

75 129

74 285

73 239

76 163

73 526

Privé

26 963

22 638

21 878

22 027

22 114

20 345

20 393

19 359

dont privé sous contrat

25 925

21 546

20 644

20 748

20 643

18 922

18 571

17 243

dont privé hors contrat

1 038

1 092

1 234

1 279

1 471

1 423

1 822

2 116

Ensemble

111 815

94 745

91 084

97 156

96 399

93 584

96 556

92 885

* Y compris classes sous et hors contrat
Champ : France métropolitaine + DOM, écoles publiques et privées.

Source : MENJ-DEPP, Constat 1 er degré.

L'objectif de scolariser 30 % des enfants de deux ans en REP et 50 % en REP+ n'est pas atteint : à la rentrée 2017, le taux de scolarisation s'élève à 22,3 % en REP+ et ne dépasse pas 20 % en REP (19,3 %).

Évolution du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire depuis 2010

Source: MENJ-DEPP

N.B. Rupture de série entre 2014 et 2015,

du fait du changement de périmètre de l'éducation prioritaire

La situation demeure très contrastée selon les territoires et n'est proche des objectifs annoncés que dans ceux où la scolarisation des enfants de deux ans s'était maintenue (cf. supra ). À la rentrée 2016, l'objectif de scolariser 30 % des enfants de deux ans en REP était atteint par douze académies (elles étaient neuf dans ce cas en 2015). A contrario , quatre académies ne dépassaient pas les 10 %, dont Créteil (7,6 %) et Paris (5,6 %). De même, l'objectif d'un taux de scolarisation à 50 % en REP+ n'était atteint que par les académies de Rennes et Dijon (avec respectivement des taux de scolarisation de 83,4 % et 58,5 %).

Taux de scolarisation à deux ans par département à la rentrée 2017

Champ : France métropolitaine + DOM, écoles publiques et privées.

Source: MENJ-DEPP, Constat 2017 + Démographie des enfants de 2 ans

Conformément à l'esprit de la réforme, dans certains départements à l'instar de celui du Jura, le choix a été de privilégier les dispositifs spécifiques dans les zones prioritaires et la qualité de l'accueil plutôt que de viser l'augmentation brute des effectifs . La progression du nombre d'enfants accueillis au sein de ces dispositifs, qui a quasiment doublé depuis 2013, va de pair avec une baisse globale du nombre d'enfants de deux ans scolarisés.

Nombre d'enfants de deux ans scolarisés dans le département du Jura

Source : direction académique du Jura

Moins de la moitié des postes devant être créés en direction de la scolarisation des enfants de deux ans l'ont effectivement été . Alors que le rapport annexé de la loi du 8 juillet 2013 prévoyait la création à cet effet de 3 000 postes, 1 413 ETP étaient recensés comme dédiés à la scolarisation des enfants de moins de trois ans à la rentrée 2017 (contre 1 274 l'année précédente), principalement en éducation prioritaire :

- 393,5, soit 27,8 %, étaient affectés en REP+ ;

- 517, soit 36,5 %, en REP ;

- 503, soit 35,6 %, hors de l'éducation prioritaire.

b) Des freins nombreux et difficilement surmontés
(1) L'absence de demande, voire d'adhésion, des publics prioritaires

Le premier frein invoqué est l'absence de demande, voire la réticence, de la part des populations cibles de la politique de scolarisation précoce ; l'inspection générale observait que « la demande sociale n'apparaît pas vraiment, surtout là où les besoins semblent avérés » 25 ( * ) . Pour les familles les plus éloignées de l'école et de la culture scolaire, inscrire son enfant à l'école dès son deuxième anniversaire n'est souvent pas souhaité ; lorsque ces réticences d'ordre culturel ont été surmontées, c'est au prix d'un long travail de conviction associant caisse des allocations familiales, services sociaux et PMI, etc.

Au-delà de la fréquentation de l'école, des responsables académiques pointent l'impératif d'une meilleure « compréhension, par les parents, des enjeux de la scolarisation » 26 ( * ) .

A contrario , d'autres acteurs ont pointé le risque d'une « vampirisation » du dispositif par des familles plus favorisées, qui y voient une solution de garde gratuite.

(2) Une tension sur le bâti scolaire et les emplois dans les territoires prioritaires, des problèmes liés aux transports scolaires en milieu rural

L'autre difficulté majeure est celle liée aux conditions matérielles d'accueil, en particulier le manque de locaux en éducation prioritaire .

La pression démographique et la saturation des infrastructures scolaires en éducation prioritaire s'observe particulièrement en Île-de-France, mais également dans d'autres académies. La direction académique du Doubs fait état que « le taux de TPS accueillis en REP+ dans les écoles maternelles de Besançon reste limité par le manque de salles de classes » 27 ( * ) .

La tension sur les infrastructures scolaires a été encore accrue par le dédoublement des classes de CP et de CE1 de l'éducation prioritaire. Votre rapporteur pour avis rappelle l'importance de la mobilisation effective des dotations de l'État afin de soutenir l'investissement des communes concernées (cf. supra ).

Enfin, en milieu rural et périurbain peut se poser le problème des transports scolaires, inadaptés à la prise en charge d'enfants de deux ans.

(3) Un coût financier important pour les collectivités territoriales

Parce qu'elle nécessite la mise à disposition d'un ATSEM et de locaux et de mobilier adaptés, l'accueil des enfants de deux ans, particulièrement au sein de classes spécifiques, exige un investissement conséquent des communes ou, le cas échéant, des EPCI.

Au-delà de l'opposition de principe de certains élus, les responsables académiques se heurtent au scepticisme des maires ; l'IGAENR indique « les communes sont réticentes à implanter ce type de structure compte tenu du coût, toujours en ATSEM, souvent en mobilier, voire en garderie pré et post scolaire et au niveau de la restauration » 28 ( * ) . Ces réticences peuvent également être fondées par des considérations sur la préservation de l'emploi local, notamment des assistantes maternelles.

La politique de scolarisation des enfants de deux ans s'est déployée dans un contexte financier peu favorable , marqué par la baisse des dotations versées aux collectivités territoriales. Ces dernières en effet « ont beau jeu de mettre l'État face à ses contradictions au moment où le Gouvernement leur demand [ait] de réduire leurs dépenses et de limiter les recrutements de personnels et donc d'ATSEM » 29 ( * ) . De même, le retour concurrent de la semaine de quatre jours et demi à l'école primaire - qui a exigé des communes des dépenses importantes, supérieures à un milliard d'euros, et que très insuffisamment compensées par l'État 30 ( * ) - ont obéré les marges de manoeuvre des communes.

Compte tenu des revirements politiques récents en la matière, le peu de confiance quant à la pérennité du dispositif constitue l'un des motifs invoqués pour expliquer le peu d'entrain de certains élus à consentir les investissements nécessaires.

2. Des conditions pour un accueil de qualité qui ne sont pas toujours réunies
a) Les conditions d'accueil
(1) L'accueil au sein d'une classe dédiée demeure largement minoritaire

Comme l'observait le correspondant académique de l'académie de Créteil, « il apparaît très nettement que le développement de la scolarisation des moins de trois ans passe principalement par la création de classe dédiée. A contrario , lorsque, dans un souci d'optimisation des moyens, l'option consistant à compléter les capacités d'accueil des petites sections est privilégiée, les résultats s'avèrent décevants » 31 ( * ) .

Ainsi, dès 2013, les inspections générales constataient que « toutes les sources d'observation convergent pour indiquer que les classes spécifiques ou dispositifs partenariaux sont mieux placés pour satisfaire l'ensemble [des conditions d'un accueil adapté aux besoins des enfants de deux ans] » ; elles préconisaient en conséquence de « favoris [er] à chaque fois que possible les classes spécifiques ou les dispositifs partenariaux » 32 ( * ) .

Faute d'évaluation (cf. infra ), les considérations sur le sujet se fondent essentiellement sur des constats empiriques. Agnès Florin, professeure émérite de psychologie de l'enfant à l'université de Nantes, rappelait qu'« il n'a pas été démontré à ma connaissance que des classes « pures » du point de vue de l'âge avaient des impacts différents des classes « mixtes » du type « petite famille » ; or il est tout à fait possible d'avoir dans la journée, pour certaines activités, des groupes de besoins (ou d'âges) différenciés dans la classe, tout en offrant à d'autres moments l'opportunité aux tout-petits d'échanger avec des plus grands, comme cela se fait naturellement dans bien des familles ; de telles situations de tutorat s'avèrent bénéfiques pour les plus jeunes (stimulations, imitations, etc.) et pour les plus âgés (adaptation aux plus petits, valorisations de leurs responsabilités), notamment dans les interactions sociales » 33 ( * ) .

Le constat des inspections générales - privilégier les classes spécifiques et les dispositifs passerelles - est néanmoins très largement partagé , à condition que la taille des groupes soit adaptée. Pascale Garnier, docteure en sociologie et professeure en sciences de l'éducation à l'université Paris-13, souligne que dans une classe mixte où les enfants de deux ans sont minoritaires - selon la DEPP, ils ne sont en moyenne que cinq par classes - le risque est avéré que leurs besoins spécifiques ne soient pas pris en compte 34 ( * ) .

Toutefois, l'accueil en classe dédiée demeure très largement minoritaire , en dépit des préconisations des inspections générales : elles ne représentaient que 7 % des classes de maternelle en 2015, une proportion toutefois en nette augmentation depuis 2012, quand elle s'élevait qu'à 2 % 35 ( * ) . Si une part importante des moyens nouveaux a été fléchée vers la constitution de classes spécifiques, cela n'a pas été le cas partout . En 2017, l'IGEN observait que « la recommandation (...) de favoriser les classes dédiées n'a pas toujours été relayée, même quand des opportunités existaient (...). Les IA-DASEN font alors parfois observer qu'il est difficile de trouver des enseignants pour exercer auprès d'enfants de deux ans, ce qui autorise à s'interroger sur la spécificité - et la qualité - de la prise en charge de ces enfants dans des classes qui accueillent aussi de plus grands » 36 ( * ) .

(2) Une adaptation nécessaire de l'école maternelle

Pour qu'elle soit réussie, la scolarisation des enfants de deux ans exige que l'école soit, sans cesser d'être éducative, moins scolaire .

Outre les conditions matérielles et liées à la qualité de l'encadrement, Pascale Garnier cite comme nécessaires à un accueil de qualité :

- une souplesse dans les modalités d'accueil , échelonné à partir de la rentrée en fonction de la maturité des enfants, et les horaires d'entrée et de sortie ;

- le respect des besoins spécifiques des enfants de deux ans , en particulier s'agissant de l'aménagement de l'espace, des activités de la journée - en particulier concernant la sieste ;

- l'acceptation de modalités moins conventionnelles pour l'école : repas dans la classe, admission des enfants portant encore des couches, etc. 37 ( * )

L'inscription dans un projet pédagogique concerté et partagé par l'ensemble de l'école constitue également une des conditions de réussite citées.

S'agissant du contenu des activités, les nouveaux programmes de l'école maternelle élaborés en 2015 38 ( * ) sont perçus comme positifs par la grande majorité des interlocuteurs, en ce qu'ils prennent en compte la spécificité de l'accueil des enfants de toute petite section.

Il semble toutefois que leur application effective laisse parfois à désirer . Observant une classe mixte de toute petite section et de petite section, Pascale Garnier concluait que « les exigences scolaires auxquelles [les enfants de deux ans] sont d'emblée confrontés font obstacle à la réalisation des objectifs d'une politique de scolarisation précoce, en même temps qu'elles mettent en question leur bien?être (Brougère, 2010). Dans une maternelle devenue « école de plein exercice » (MEN, 2002), la scolarisation des enfants en fait d'emblée des élèves, au lieu de constituer une transition souple entre le milieu familial et le cadre scolaire (Garnier, 2016c) » 39 ( * ) .

b) La qualité des professionnels

La qualité de l'accueil des enfants de deux ans à l'école maternelle dépend bien sûr de celle des professionnels qui les prennent en charge.

L'encadrement d'une classe de maternelle se compose d'un professeur des écoles et, souvent mais pas systématiquement à temps plein, d'un ATSEM mis à disposition par la commune 40 ( * ) . Ces derniers sont recrutés sur concours et sont le plus souvent titulaires d'un CAP « Petite enfance », même si, par le biais de concours internes, des ATSEM peuvent exercer sans qualification.

Dans les classes passerelles, ce binôme est complété par un éducateur de jeunes enfants (EJE), spécialiste de l'éveil des jeunes enfants et titulaire d'un diplôme d'État de niveau III .

(1) Les enseignants : une formation et des règles d'affectation qui ne sont pas à la hauteur des enjeux

S'agissant des professeurs des écoles, les insuffisances encore nombreuses, reflètent les difficultés de gestion des ressources humaines de l'éducation nationale . Elles portent sur :

- la formation initiale dispensée au sein des ÉSPÉ, qui prend insuffisamment en compte les spécificités de la scolarisation des enfants de deux ans et, plus largement, de l'école maternelle et ne prépare pas à exercer dans ces classes ;

- l'affectation des enseignants ; malgré le caractère très spécifique de l'exercice auprès d'enfants aussi jeunes, qui amène d'ailleurs des enseignants interrogés à dire qu'il s'agit là d'un « autre métier », le recrutement sur profil n'est pas systématique et parfois limité aux seuils classes dédiées ; l'inspection générale a même pu constater l'affectation de stagiaires dans des classes de maternelle de petite section ou accueillant des enfants de deux ans, sans accompagnement spécifique, qu'elle ne considère « pas souhaitable » 41 ( * ) ;

- la formation continue , organisée dans le cadre départemental sous la responsabilité de l'IEN « maternelle » ou d'un conseiller pédagogique de circonscription référent, est tributaire des capacités de remplacement et son volume demeure globalement insuffisant ; dans certains départements, un effort important a été fait pour assurer la formation à la prise de poste des professeurs des écoles concernés.

ð Recommandation n° 1 : Rendre systématique le recrutement sur profil des professeurs des écoles exerçant dans une classe accueillant des enfants de deux ans.

ð Recommandation n° 2 : Proposer une formation spécifique à la prise de poste en faveur de ces enseignants.

(2) Les ATSEM : reconnaître et mieux former

L'ensemble des interlocuteurs mettent en avant l'importance du rôle de l'ATSEM dans l'accueil des enfants de deux ans et, plus généralement, dans le bon fonctionnement de l'école maternelle.

Si la pédagogie doit demeurer du ressort de de l'éducation nationale, la reconnaissance du rôle éducatif et d'assistance pédagogique des ATSEM est nécessaire et méritée , comme l'ont recommandé deux rapports consacrés à leur métier 42 ( * ) . Le décret du 1 er mars 2018 a largement consacré cette évolution, en affirmant qu'ils « appartiennent à la communauté éducative » et « peuvent participer à la mise en oeuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers » 43 ( * ) . Un projet de charte pour une meilleure reconnaissance professionnelle de ces agents est en cours de négociation entre l'État et l'Association des maires de France.

Le contenu de la formation initiale des ATSEM a fait l'objet d'une refonte afin d'en accroître la dimension éducative ; suivant les préconisations de Sylviane Giampino 44 ( * ) , un CAP rénové intitulé « Accompagnant éducatif petite enfance » a été institué en 2017 45 ( * ) , la première session devant avoir lieu en 2019. L'hypothèse d'un allongement de la formation, à l'instar de ce qui a cours dans d'autres pays européens où un diplôme de niveau IV ou III est requis 46 ( * ) , n'a pas été retenue.

La création d'une culture commune avec les professeurs des écoles et l'association effective à la vie de l'équipe éducative sont également citées comme des facteurs importants d'un accueil de qualité des enfants. Cette culture commune procède en partie de l'organisation de formations communes entre les enseignants et les ATSEM.

c) Un travail partenarial essentiel

Enfin, le partenariat entre l'école, les parents et les autres acteurs de la petite enfance - commune, PMI, CAF, etc. - est cité comme l'une des conditions de réussite de la scolarisation des enfants de deux ans.

Avec les parents d'élèves, il permet de mener un travail de conviction et d'association au projet de scolarisation de leur enfant. Les représentants du SI.EN-UNSA ont souligné que celle-ci offrait l'occasion de mener un travail plus global sur la parentalité, associant les CCAS et la PMI 47 ( * ) . Dans certaines écoles, des ateliers parentalité sont organisés ; il s'agit de rencontres régulières au cours desquelles une assistante sociale et l'enseignant explicitent les attendus du dispositif et aident à la compréhension du sens de cette scolarisation.

La CAF joue également un rôle important, notamment dans la promotion du dispositif. Dans certains départements, elle adresse aux familles des secteurs jugés prioritaires un courrier les incitant à scolariser leurs enfants de deux ans révolus.

Les liens avec les autres structures de la petite enfance sont variables : les remontées font état de liens inexistants pour les classes mixtes ; ils semblent en revanche plus développés dans les classes dédiées.

Dans son rapport sur la scolarisation en petite section de maternelle, l'inspection générale de l'éducation nationale préconise un renforcement des relations avec les partenaires de l'école , notamment par :

- la mise en place de comités de pilotage locaux des dispositifs dédiés aux enfants de moins de trois ans ;

- l'engagement d'une « mise en oeuvre d'une démarche qualité sur la scolarisation des moins de trois ans », celle-ci supposant « le développement d'une vraie professionnalité des enseignants et des personnels qui exercent auprès de ce public » et appelant à cet effet « un engagement conjoint de la collectivité et de l'éducation nationale autour de quelques principes structurants » 48 ( * ) .

3. Un manque criant d'évaluation

Aucune évaluation par l'éducation nationale des effets sur les élèves d'une scolarisation précoce n'a été réalisée ou prévue ; comme le souligne l'inspection générale, « la question de l'évaluation des dispositifs est un angle mort du système » 49 ( * ) , y compris s'agissant de la comparaison entre l'accueil dans des classes dédiées ou des classes mixtes.

Ce manque constitue une nouvelle illustration de ce que l'éducation nationale peine à faire sienne une véritable culture de l'évaluation .

Cela est d'autant plus urgent que les travaux d'évaluation réalisés par le passé, qui visent à mesurer l'efficacité scolaire de l'accueil à l'école maternelle dès deux ans, ne mettent pas clairement en évidence un effet positif de celle-ci.

Les témoignages recueillis par votre rapporteur pour avis font état de gains en matière d'acculturation et de socialisation scolaire, d'acquisition de la langue française, tant son vocabulaire, sa syntaxe que sa compréhension. Ces bénéfices concernent tout particulièrement les enfants allophones et éloignés de la culture scolaire . Toutefois, nombre d'interlocuteurs insistent sur le fait que tous les enfants de deux ans ne tireraient pas de bénéfice d'une scolarisation précoce et n'ont pas leur place à l'école .

Les travaux menés par le passé n'ont pas abouti à des résultats concluants : certains soulignent un effet positif, quoique limité, notamment pour les populations défavorisées et issues de l'immigration 50 ( * );51 ( * ) , d'autres n'ont pas permis de conclure à un quelconque effet mesurable et durable 52 ( * );53 ( * ) .

L'étude la plus récente sur le sujet, publiée en janvier 2018 par France Stratégie, conclut quant à elle à l'absence d'impact significatif d'une quatrième année de maternelle, voire à un effet négatif , faible mais observable, sur les résultats à l'entrée au collège 54 ( * ) . Cette étude a été menée sur des données de la DEPP issues du suivi de la cohorte d'élèves entrée en classe de sixième en 2007, donc ayant été scolarisés à l'école maternelle entre 1999 et 2003, à l'époque des controverses sur leurs conditions d'accueil (cf. infra ). L'auteur met en garde contre le fait que ces résultats, « s'ils ne réussissent pas à asseoir le bien-fondé de la préscolarisation précoce », ne doivent pas conduire à la rejeter en bloc.

Dans l'édition 2017 de son rapport Petite enfance, grands défis , l'OCDE met en évidence que les bénéfices de l'accueil dans des établissements d'accueil des jeunes enfants (EAJE) sont importants mais obéissent à la loi des rendements décroissants . Ainsi, pour un élève en fin de collège, on observe un écart important, même après prise en compte du profil socioéconomique, entre ceux ayant fréquenté pendant au moins trois ans une structure d'EAJE et ceux ne l'ayant pas fait. Si elle ne mesure pas l'effet d'une quatrième année de fréquentation d'une structure d'EAJE, cette observation de rendements décroissants , qui tendent à un écart peu significatif entre les élèves ayant fréquenté une structure d'EAJE plus de trois ans et ceux qui l'ont fait plus de deux ans mais moins de trois ans, conduisent à s'interroger sur l'intérêt d'une quatrième année de maternelle .

Écart de résultat moyen aux épreuves de sciences de PISA 2015
dans les pays de l'OCDE, selon le nombre d'années passées
entre l'âge de 3 et 6 ans dans une structure d'EAJE

Source : OCDE 55 ( * )

C. UN DISPOSITIF À ÉVALUER D'URGENCE, QUI AGIT COMME UN RÉVÉLATEUR DES FAIBLESSES DE L'ÉCOLE MATERNELLE ET DE LA PRISE EN CHARGE DE LA PETITE ENFANCE

1. L'urgence d'une évaluation

Au regard des enjeux de réussite scolaire et des ressources mobilisées par ce dispositif - 1 413 ETP d'enseignants, soit environ 60 millions d'euros de dépenses de personnel hors charges pour pensions, ainsi que les investissements consentis par les collectivités territoriales - il est impératif que son évaluation soit menée au plus tôt par le ministère . Celle-ci viserait à déterminer tant les effets de la scolarisation sur les performances des élèves qu'à comparer les différents modes d'accueil (cf. supra ).

D'ici les résultats de cette évaluation, i l conviendrait de consolider le dispositif, en donnant une priorité claire à l'accueil au sein de dispositifs spécifiques - classe dédiée et dispositifs passerelles - et ce dans les territoires prioritaires . Ces derniers ne doivent pas se limiter à l'éducation prioritaire mais inclure, selon le contexte local, les quartiers prioritaires de la ville (QPV), certains territoires ruraux et de montagne.

ð Recommandation n° 3 : Évaluer les conséquences pour les élèves de la scolarisation à deux ans selon ses différentes modalités.

ð Recommandation n° 4 : Donner une priorité claire à l'accueil des enfants de deux ans au sein des dispositifs spécifiques et dans les territoires prioritaires.

2. Un révélateur des faiblesses de l'école maternelle et de l'accueil de la petite enfance

Les résultats très décevants des élèves français à l'école primaire, mis en évidence par les enquêtes PIRLS et TIMSS (cf. supra ), et leur tendance à la baisse, doivent mener à s'interroger sur la qualité de l'accueil dès les premières années de scolarisation. En effet, les travaux de recherche mettent en évidence l'importance décisive que revêtent les premières années dans l'acquisition du langage, de la numération ou encore d'autres compétences comme les relations sociales ou la capacité à contrôler ses émotions 56 ( * ) .

a) Une offre insuffisante et inégale

Malgré une progression sensible quoiqu'en deçà des objectifs fixés 57 ( * ) , l'offre d'accueil des enfants de moins de trois ans demeure en-deçà des besoins , à 56,6 places pour 100 enfants en 2015, dont 17,8 places dans des structures d'EAJE 58 ( * ) , soit moins que dans des pays comparables comme l'Allemagne 59 ( * ) .

Cette offre est très inégale selon les territoires , avec une « capacité d'accueil [théorique] qui varie de 10 places en Guyane à près de 92 places en Haute-Loire » 60 ( * ) .

Les disparités d'ordre social sont également très prononcées . L'enquête « Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants » menée par la DREES en 2013 révèle que 5 % seulement des enfants de moins de trois ans issus des 20 % des ménages les moins favorisés sont accueillis à titre principal dans une structure collective, contre 22 % pour le quintile le plus favorisé ; 88 % sont gardés par leurs parents 61 ( * ) .

La convention d'objectif et de gestion de la branche famille de la Sécurité sociale 2018-2022 prévoit la création de 30 000 places supplémentaires en crèches et de 1 000 places en relais d'assistantes maternelles, ayant vocation à être implantées en priorité dans les QPV. Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée en septembre 2018, a été annoncée la mise en place d'un mécanisme d'incitation financière à l'accueil des enfants les moins favorisés dans les structures d'EAJE.

b) Une qualité de l'accueil à renforcer
(1) Renforcer le contenu éducatif des crèches

Comme le rappelait Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation de l'OCDE, l'enjeu d'un développement satisfaisant de l'accueil des jeunes enfants « impose une réflexion sur la qualité de la prise en charge dans les crèches » et les autres structures d'EAJE 62 ( * ) . Un rapport de Terra Nova constatait, en 2014, que celles-ci étaient « encore trop partiellement des lieux d'éducation » et qu'il convenait de renforcer la dimension éducative de ces structures, en s'inspirant des « exemples de crèches à haute qualité éducative ayant fait leur preuve », à l'instar de celles mettant en oeuvre le programme « Parler Bambin » 63 ( * ) .

Outre la rénovation du CAP « Petite enfance » (cf. supra ), le Gouvernement a annoncé, en septembre 2018, la mise en oeuvre d'un plan de formation continu et un nouveau référentiel pour 600 000 professionnels de la petite enfance pour favoriser le développement de l'enfant et l'apprentissage du langage avant l'entrée à l'école maternelle. L'élaboration du référentiel devrait être confiée au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), sans que soient précisées les modalités d'association de l'éducation nationale, ce qui témoigne du cloisonnement des systèmes d'accueil (cf. infra ).

ð Recommandation n° 5 : Poursuivre la démarche de renforcement du contenu éducatif des structures dEAJE, en y associant l'éducation nationale.

(2) Donner une priorité réelle à l'école maternelle

Alors que la France a été un pays précurseur en matière d'école préélémentaire, les comparaisons internationales révèlent une forme de décrochage de l'école maternelle, lié notamment à :

- un sous-investissement manifeste par rapport aux autres pays de l'Union européenne : en 2014, la France dépensait 7 760 dollars en parité de pouvoir d'achat (PPA) par élève, quand la moyenne des pays de l'UE-22 64 ( * ) se situait à 8 850 dollars PPA 65 ( * ) ;

- un taux d'encadrement plus faible en France, où l'on compte en moyenne 23 enfants par enseignant contre 14 en moyenne dans les pays de l'OCDE et 13 dans les pays de l'UE-22 ; la note d'analyse de France Stratégie rappelle qu'« avec 25,5 élèves par classe en moyenne au cours des trois dernières années, la France dépasse la taille maximale des classes autorisée dans la quasi-totalité des pays de l'Union européenne pour la tranche d'âge 3-5 ans » 66 ( * ) ;

- une prise en compte insuffisante du développement de l'enfant au profit d'une précocité des apprentissages scolaires , jugée peu efficace ; à cet égard, la mise en oeuvre des programmes de 2015 peine à se faire sentir, faute d'une formation continue suffisante des enseignants ;

- si les enseignants français ont le degré de formation le plus élevé, la formation des professeurs des écoles prend peu en compte les spécificités de l'exercice en maternelle et est même, de l'aveu général, très insuffisante à cet égard ; sans remettre en cause l'unicité du corps des professeurs des écoles, votre rapporteur pour avis partage le constat dressé par Agnès Florin, pour qui « tant que l'on n'aura pas distingué dans la formation des enseignants du premier degré un tronc commun et un enseignement modulaire orienté vers la maternelle d'une part, pour ceux qui s'y destinent, ou vers l'élémentaire pour les autres, il n'y a guère à attendre pour une amélioration de la qualité de cette formation » 67 ( * ) ;

- les ATSEM jouent un moindre rôle éducatif que leurs homologues étrangers et leur niveau de qualification est moindre (cf. supra ) ;

- enfin, du fait de l'organisation administrative particulière de l'école primaire, les écoles françaises bénéficient d'une autonomie et d'une capacité d'innovation sensiblement plus faibles .

ð Recommandation n° 6 : Au sein de la future architecture de la formation initiale des professeurs des écoles, instaurer un module dédié à la maternelle.

Votre rapporteur pour avis se félicite de l'inscription, dans le projet de loi de finances pour 2019, d'une dotation de 22 millions d'euros visant à aider les communes comportant un QPV à créer des postes d'ATSEM, en vue de pouvoir garantir les services d'un ATSEM par classe. Il conviendrait d'étudier l'extension de ce dispositif aux communes rurales bénéficiant de la dotation de solidarité rurale (DSR), qui, pour certaines, rencontrent de grandes difficultés à mettre à disposition un nombre suffisant d'ATSEM.

ð Recommandation n° 7 : Aider les communes éligibles à la DSR à recruter des ATSEM, en vue de garantir les services d'un ATSEM par classe en maternelle.

c) Une gouvernance éclatée

À la différence de plus de la moitié de pays de l'OCDE, où la gouvernance de l'accueil de la petite enfance, soit du début de la garde d'un enfant à ses six ans, est dite « intégrée » car relevant d'un seul ministère, la France se caractérise par un système « dual », où l'accueil de ces enfants relève d'institutions différentes.

Les établissements d'accueil collectif non scolaires et les assistantes maternelles relèvent du ministère chargé de la famille, quand l'accueil à l'école maternelle relève de celui de l'éducation nationale. Si l'âge de trois ans agit comme une césure, celle-ci est toute relative comme en témoigne la scolarisation dès deux ans ou l'accueil en jardin d'enfants, possible jusqu'à six ans.

Se fondant sur les résultats de l'enquête « Petite enfance, grands défis » de l'OCDE, Éric Charbonnier pointait que les systèmes intégrés se caractérisaient généralement par de meilleures performances, tant en matière d'accès, de qualité de l'accueil et de prise en charge que de transitions entre les structures 68 ( * ) .

Une note d'analyse de France Stratégie parue en mars 2018 prône une intégration progressive de la gouvernance de l'accueil et de l'éducation du jeune enfant, qui se traduirait par la création progressive de « structures communes accueillant l'ensemble des enfants de 1 à 5 ans, encadrés par des enseignants et autres professionnels de la petite enfance (éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, Atsem, etc.) » 69 ( * ) .

En conclusion, votre rapporteur pour avis considère que l'extension prévue aux enfants âgés de trois à six ans de l'obligation d'instruction doit être l'occasion d'une réflexion sur la qualité de l'enseignement dispensé à l'école maternelle. À défaut, cette disposition, conçue une mesure de justice sociale, se contentera d'être une mesure d'affichage, sans conséquence sur les résultats des élèves.

*

* *

Sous réserve de l'adoption de son amendement, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes relevant de l'éducation nationale au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2019.

SECONDE PARTIE - L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

I. UN BUDGET DE CONSOLIDATION

A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN 2019 : UNE AUGMENTATION MODÉRÉE, LIÉE AUX DÉPENSES DE PERSONNEL

1. Une hausse globale de 1,4 %

La version initiale du projet de loi de finances (PLF) pour 2019 prévoit une augmentation des crédits consacrés à l'enseignement technique agricole de 19,9 millions d'euros en AE et en CP (+ 1,4 %), par rapport au budget précédent. Les crédits demandés au profit de programme 143 s'élèvent à 1,468 milliard d'euros.

Évolution des crédits de l'enseignement agricole LFI 2018-PLF 2019

Crédits de paiement
(millions d'euros)

Ouverts en LFI 2018

Demandés en PLF 2019

Évolution en montant

Taux d'évolution

Titre 2 (dépenses de personnel)

951,5

972,1

+ 20,6

+ 2,2 %

Hors titre 2

487,2

486,5

- 0,7

- 0,1 %

Total

1 448,3

1 468,2

+ 19,9

+ 1,4 %

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation, PAP 2019

L'augmentation relève intégralement des dépenses de personnel, qui augmentent de 20,6 millions d'euros, alors même que le PLF 2019 prévoit la suppression de 50 équivalents temps plein (ETP).

2. Les dépenses de personnel : revalorisations et suppressions de postes

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit la suppression de 50 emplois du programme 143, dont 38 ETP d'enseignants et 12 ETP de personnels techniques et administratifs.

Le PLF 2019 marque un renversement de tendance, après un exercice 2018 neutre et la création de 1 015 postes de 2012 à 2017 dans le cadre de la refondation de l'école.

Le plafond d'emplois du programme est fixé à 15 361 ETP, soit une hausse de 6 ETP qui découle :

- de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2018 (+ 16 ETP) ;

- des flux d'entrées/sorties prévus en 2019 (- 36 ETP) ;

- de mesures de périmètre, dont les transferts (+ 1 ETP) et la prise en charge sur le titre 2 des contrats d'accompagnants d'élèves en situation de handicap en CDI après 6 ans d'exercice (+ 25 ETP).

La réduction du volume d'emplois s'accompagne toutefois d'une hausse de la masse salariale du programme de plus de 20 millions d'euros (M€) (+ 2,2 %), qui provient notamment :

- du glissement vieillesse technicité, dont le solde s'élève à 9 M€ ;

- de la mise en oeuvre du protocole dit « parcours professionnels, des carrières et des rémunérations » (PPCR), qui se traduit par une restructuration des grilles indiciaires, pour un impact de 2,7 M€ ;

- de diverses mesures catégorielles, pour une dépense de 2,6 M€ ;

- de la revalorisation indemnitaire d'agents occupant des fonctions de direction d'établissement (0,8 M€) et des agents contractuels d'enseignement (1,6 M€).

Le remplacement mobilise 8,3 millions d'euros, qui financent 120 ETPT de personnels enseignants et d'éducation et 43 ETPT de personnels administratifs et techniciens, ainsi que des vacataires dans la limite de 200 heures annuelles. Ces moyens ne sont pas des personnels permanents à l'instar des TZR de l'éducation nationale mais un plafond de dépense pour le recrutement de contractuels.

Comme l'année précédente, votre rapporteur pour avis regrette l'absence de mesure de l'efficacité du remplacement : jusqu'en 2014, seule existait une enquête de satisfaction des usagers sur la qualité de la formation dispensée. Depuis, aucun indicateur ne permet d'apprécier la manière dont les absences sont remplacées.

3. Une stabilité globale des crédits de l'enseignement public hors dépenses de personnel

Après une forte augmentation l'année précédente, les crédits hors titre 2 de l'enseignement public connaissent une stabilité globale, avec une diminution de 300 000 euros. Celle-ci provient de la réduction de la prise en compte de la compensation des charges de pension des agents titulaires sur budget (ATB) des CFA et CFPPA (- 0,5 M€).

Évolution des crédits de paiement hors titre 2 de l'action n° 1

PLF 2018

(M€)

PLF 2019

(M€)

PLF 2018/
LFI 2017 (M€)

PLF 2018/ LFI 2017 (%)

Total action n° 1 : « Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements publics »

45,4

45,1

- 0,3

- 0,9 %

dont pensions des CFA-CFPPA

2,1

1,6

- 0,5

- 24 %

dont assistants d'éducation

33,4

33,4

-

-

dont actions ponctuelles à caractère pédagogique

3,9

3,9

-

-

dont fonctionnement et investissements dans les lycées agricoles d'outre-mer

1,0

1,2

+ 0,2

+ 20 %

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

4. La baisse des dépenses liées à l'aide sociale masque un effort important en faveur de l'accueil des élèves handicapés

Les crédits demandés au titre de l'action n° 3 « Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé) » connaissent une diminution globale de 8,6 M€.

Elle masque une forte réduction des crédits liés aux bourses : 74,9 M€, soit une baisse de 12 M€ (- 14 %). Cette réduction s'explique par une baisse du nombre d'élèves et d'étudiants remplissant les conditions d'éligibilité - dans un contexte général de baisse des effectifs - ainsi que d'une surestimation manifeste des crédits demandés en 2018 au regard de la consommation des années précédentes (87 M€ demandés, 73 M€ consommés en 2015 et 77 M€ en 2016).

Les crédits consacrés au fonds social lycée s'élèvent pour 2019 à 1 M€ (0,9 M€ en 2019).

En revanche, les crédits destinés à la prise en charge du handicap poursuivent leur augmentation tendancielle. Pour 2019, celle-ci s'élève à 3,5 M€ (+ 44 %) ; elle s'explique par :

- la progression constante des prescriptions d'aide humaine ou matérielle (+ 20 % par an entre les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018) ;

- une prise en charge accrue par le ministère des contrats d'auxiliaires de vie scolaire, devenus des parcours emploi compétence ;

- la professionnalisation des accompagnants, sous la forme de contrats d'AESH ; les AESH concluant un contrat de durée indéterminée (CDI) à l'issue de six années d'exercice sont pris en charge sur le titre 2 du programme, ce qui se traduit par une dépense supplémentaire de 0,7 M€.

5. Si la situation financière des établissements publics s'améliore globalement, des fragilités demeurent

Votre rapporteur pour avis note que la situation financière des établissements publics tend à s'améliorer. À l'issue de l'exercice 2017, plus de la moitié des établissements présentaient une situation financière saine.

Classement de la situation financière des EPLEFPA selon l'inspection de l'enseignement agricole (2013-2017)

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution

Crise (4)

52

(31 %)

51

(30 %)

48

(28 %)

36

(21 %)

28

(16 %)

- 24

- 15 pts

Inquiétude (3)

48

(28 %)

39

(23 %)

37

(21 %)

54

(31 %)

52

(30 %)

+4

- 2 pts

Questionnement (2)

38

(22 %)

44

(26 %)

54

(31 %)

49

(28 %)

56

(32 %)

+ 18

+ 10 pts

Saine (1)

31

(18 %)

35

(21 %)

34

(19 %)

34

(19 %)

37

(21 %)

+ 6

+ 3 pts

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

La revalorisation des dotations en faveur des assistants d'éducation et de la compensation des charges de pension des ATB engagées en 2018 devraient permettre de poursuivre cette tendance.

Cependant, pour un certain nombre d'établissements, seuls des excédents dégagés par les structures d'enseignement permettent de compenser les déficits structurels engendrés par les exploitations et, parfois, les CFPPA. La baisse de 500 000 euros de la prise en compte de la compensation des charges de pension des ATB prévue en 2019 (cf. supra ) risque donc de dégrader la situation des établissements qui concentrent ces personnels.

S'agissant de la situation des directeurs d'établissement , votre rapporteur pour avis prend acte du refus de l'attribution d'un statut de corps aux directeurs d'établissement. Renforcer l'attractivité de cette fonction, supposerait une amélioration de leur statut d'emploi, qui passerait notamment par une revalorisation indemnitaire et un accroissement des possibilités de déroulement de carrière.

B. LE RENOUVELLEMENT DES PROTOCOLES D'ACCORD AVEC LES FÉDÉRATIONS DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ : UNE SOLUTION ÉQUILIBRÉE

Les établissements privés sous contrat relevant de l'enseignement agricole sont financés par le budget du programme 143 :

- l'État prend en charge la rémunération des enseignants des établissements d'enseignement du « temps plein » et verse une subvention de fonctionnement ;

- les établissements du « rythme approprié » reçoivent une subvention globale destinée à couvrir la rémunération de l'ensemble de leurs personnels et leur fonctionnement.

Les modalités de subventionnement des établissements privés sont fixées par les dispositions du code rural et de la pêche maritime, issues en grande partie de la loi « Rocard » du 31 décembre 1984.

Confronté à la nécessité de maîtriser ses dépenses, l'État a obtenu la conclusion d'accords lui permettant de déroger partiellement à ses obligations en encadrant le montant de la subvention aux établissements privés : accords Gaymard-Forissier de 2004, protocoles Barnier de 2009 et, dernièrement, les protocoles conclus en 2013 et renouvelés pour un an en 2017.

L'année 2018 a vu la conclusion de protocoles d'accord entre l'État et les différentes fédérations :

- pour les établissements relevant du rythme approprié, deux protocoles ont été conclus avec l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFREO) et l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), respectivement le 30 mars et le 25 mai ; le montant des subventions allouées à ces fédérations est fixé respectivement à 208,5 M€ (+ 3 M€) et 10,35 M€ (+ 0,2 M€) ;

- pour les établissements relevant du temps plein, un protocole d'accord a été conclu le 30 juillet 2018 avec le conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) et l'UNREP : le montant maximal de la subvention de fonctionnement passe de 127 M€ à 131,7 M€ (+ 4,7 M€, soit + 3,7 %).

Ces protocoles permettent de pérenniser le financement des établissements privés. Votre rapporteur pour avis se félicite notamment de l'inclusion dans le protocole d'accord du 30 juillet 2018 concernant l'enseignement privé du temps plein, d'une clause visant à faciliter l'optimisation des moyens et de l'offre de formation.

II. UN ENJEU MAJEUR : L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

A. L'ÉROSION DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES SE POURSUIT

À la rentrée 2017, les effectifs de l'enseignement agricole sont de 162 066 élèves, soit une baisse de 2 708 élèves (- 1,7 %) par rapport à la rentrée précédente.

Les effectifs consolidés pour l'année 2018 ne sont pas encore connus ; les chiffres provisoires s'élèvent à 156 555 environ (- 3,4 %). Même en intégrant les quelques centaines d'élèves supplémentaires qui seront pris en compte en cours d'année, les effectifs d'élèves devraient demeurer en-deçà de la barre des 160 000, ce qui constitue un point bas historique depuis plus de vingt ans.

Évolution des effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole

Rentrée scolaire

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (p)

Nombre d'élèves

170 314

171 175

171 686

174 104

170 108

170 991

165 662

166 028

164 774

162 066

156 555

Variation annuelle

N/A

+ 0,5 %

+ 0,3 %

+1,4 %

-2,3 %

+ 0,5 %

- 3,6 %

+ 0,5 %

- 0,8 %

- 1,7%

- 3,4 %

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

La diminution des effectifs d'élèves concerne l'ensemble des niveaux d'enseignement, à l'exception notable des classes de collège.

Fait alarmant, elle est particulièrement marquée dans les classes d'entrée au lycée : seconde professionnelle (- 3,8 %), seconde générale et technologique (- 3,7 %) et première année de CAP (- 3,6 %). Cette évolution se fait, pour les classes de seconde générale et technologique, à rebours des évolutions démographiques que connaît l'éducation nationale, qui prévoit une stabilité globale de ses effectifs d'élèves à la rentrée 2018.

Plusieurs facteurs expliquent la poursuite de la baisse des effectifs :

- un manque d'information des élèves sur l'offre de formation de l'enseignement agricole ;

- pour certaines filières professionnelles, une moindre orientation due à la promotion de l'enseignement général et technologique ;

- le maintien d'une forme de concurrence entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, particulièrement dans les zones où les effectifs d'élèves tendent à se réduire ;

- une absence de visibilité quant à la traduction dans l'enseignement agricole des réformes touchant le lycée général et technologique ainsi que la voie professionnelle (cf. infra ).

B. LES RÉSULTATS EN MATIÈRE D'INSERTION PROFESSIONNELLE DEMEURENT ENVIABLES

1. L'insertion dans l'emploi demeure satisfaisante

Taux d'insertion dans l'emploi des sortants de l'enseignement agricole
sept mois après la sortie de formation (%)


2015*


2016*


2016


2017

2018
(Prévision actualisée)

2019
(Prévision)

2019
(Cible)

BTSA

75,0

78,1

70,3

ND

71

72

70

Bac Pro

67,2

69,1

58,7

ND

59

60

62

CAPA

36,5

40,7

30,5

ND

31

31

33

Source : projet annuel de performance pour 2019

*ancienne méthodologie

L'indicateur d'insertion professionnelle à sept mois a fait l'objet d'un changement de son mode de calcul afin de le rendre directement comparable à celui publié par le ministère de l'éducation nationale.

Comme l'explique le tableau ci-contre, sont désormais pris en compte l'ensemble des élèves sortant de formation (et non les seuls diplômés). Au dénominateur, les sortants inactifs comptés avec ceux en emploi et en recherche d'emploi.

Comparaison des méthodologies de calcul de l'indicateur d'insertion
dans l'emploi à sept mois

Méthodologie précédente

Nouvelle méthodologie

Indicateur

Taux net d'emploi

= Individus en emploi / (Individus en emploi + Individus en recherche d'emploi)

Taux d'emploi

= Individus en emploi / (Individus en emploi + Individus en recherche d'emploi + Individus inactifs )

Champ

diplômés qui sortent de la voie scolaire de l'enseignement agricole

élèves qui sortent de la voie scolaire de l'enseignement agricole (diplômés ou non)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Ce nouveau mode de calcul fait logiquement apparaître une dégradation du taux d'emploi, qui recule de 7,8 points pour le BTSA, 10,2 pour le CAPA et 10,4 pour le baccalauréat professionnel.

La comparaison avec les taux d'emploi des formations professionnelles de l'éducation nationale demeure flatteuse. En 2016, sept mois après la sortie de formation, l'écart en matière de taux d'insertion par rapport aux titulaires d'un diplôme équivalent de l'éducation nationale s'établissait à 8,5 points en faveur des titulaires d'un BTSA, et l'écart avec les titulaires d'un baccalauréat professionnel et d'un CAPA respectivement de 16,4 et 3,2 70 ( * ) .

Comparaison des taux d'emploi sept mois
après la sortie de formation (2016) (%)

Formation

Enseignement
agricole

Éducation
nationale

Écart

BTS

70,3

61,8

8,5

Bac Pro

58,7

42,3

16,4

CAP

30,5

27,3

3,2

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

À plus long terme, l'insertion professionnelle des diplômés de l'enseignement agricole demeure très satisfaisante : trente-trois mois après l'obtention de leur diplôme dans la voie scolaire, 67,7 % des titulaires d'un CAPA sont en emploi, comme 82,5 % des bacheliers professionnels et 90 % des titulaires d'un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) 71 ( * ) .

2. Des poursuites d'études nombreuses

Contrairement à certaines idées reçues, l'enseignement agricole ne ferme pas la porte à l'enseignement supérieur ; au contraire, après l'obtention du diplôme, la grande majorité des élèves et des étudiants poursuit des études.

Une part importante de ces poursuites d'études s'effectue dans des formations de l'éducation nationale (ou autres), que cela soit en vue de l'obtention d'un diplôme de niveau supérieur ou dans une spécialité différente : elles concernent 18 % des titulaires d'un CAPA, 41,5 % des titulaires d'un baccalauréat professionnel, 62 % des titulaires d'un baccalauréat S et 68 % des titulaires d'un BTSA.

Poursuite d'études des diplômés de l'enseignement agricole,
33 mois après l'obtention du diplôme

Diplôme

Population

Taux de poursuite d'études (%)

Orientation la plus fréquente

CAPA

(diplômés en 2011)

élèves

62

Baccalauréat professionnel agricole (56 %)

apprentis

54

Baccalauréat professionnel

(diplômés en 2012)

élèves

59

BTS agricole

(54 %)

apprentis

39

Baccalauréat technologique STAV (diplômés en 2009)

élèves

93

BTS agricole

(78 %)

BTSA

(diplômés en 2013)

élèves

61

Licence professionnelle

(54 %)

apprentis

41

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

La poursuite d'études est le choix de la majorité des diplômés ; les taux varient nettement selon la voie de formation, la spécialité de formation ainsi que le sexe. Quel que soit le diplôme, les filles poursuivent plus souvent des études que les garçons, avec des taux de poursuite d'études allant jusqu'à 15 points de plus pour les diplômés du BTSA.

C. UNE SPÉCIFICITÉ À CONSERVER, UNE ATTRACTIVITÉ À MAINTENIR

1. L'enseignement agricole doit s'adapter à plusieurs réformes d'ampleur

L'année 2019 constitue une année de transition pour l'enseignement agricole, dont les composantes sont directement concernées par une série de réformes majeures :

- celle du baccalauréat général et technologique et des enseignements au lycée ;

- la rénovation de la voie professionnelle ;

- la réforme de l'apprentissage, prévue par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Si les services du ministère affirment avoir été pleinement associés à la conception de ces réformes, menées respectivement par les ministères de l'éducation nationale et du travail, nombre d'interlocuteurs ont déploré une attitude qu'ils qualifient de « suiviste » ou d'« attentiste » devant des réformes vécues comme largement exogènes.

Ces critiques expriment un double enjeu : celui du maintien de la spécificité et de l'attractivité de l'enseignement agricole.

a) La réforme du baccalauréat général et technologique

Dans la voie technologique, la série « sciences et technologies de l'agronomie et du vivant » (STAV), seule proposée dans les établissements d'enseignement agricole, est maintenue.

S'agissant de la voie générale, les établissements de l'enseignement agricole ne préparent aujourd'hui qu'au baccalauréat général de la série scientifique, proposant une spécialité « Écologie, agronomie et territoires » spécifique à l'enseignement agricole.

Dans le cadre de la nouvelle organisation des enseignements, il a été fait le choix de conserver le caractère scientifique du baccalauréat général proposé par les établissements relevant de l'enseignement agricole et de privilégier la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur dans le domaine des sciences du vivant.

En classe de première, trois enseignements de spécialité seront proposés : mathématiques, physique-chimie et biologie-écologie, cette dernière étant spécifique à l'enseignement agricole. Deux de ces trois spécialités seront conservées par les élèves en classe de terminale.

L'attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur la nécessité de donner aux élèves le plus large choix possible de spécialités ; nombre d'interlocuteurs ont exprimé la crainte que l'absence affichée de choix décourage l'orientation vers l'enseignement agricole.

Afin de répondre à ces préoccupations, le ministère a annoncé que des marges de manoeuvre seront dégagées afin que chaque établissement puisse proposer deux doublettes de spécialités aux élèves de terminale.

La doublette réunissant les spécialités biologie-écologie et physique-chimie sera systématiquement offerte dans les établissements. Elle pourra s'accompagner :

- d'une seconde doublette constitué d'une de ces deux spécialités et de la spécialité mathématiques ; ou bien

- de deux enseignements optionnels dont celui des mathématiques complémentaires, « ce triptyque correspondant au schéma pédagogique le plus équilibré pour une poursuite d'études vers l'enseignement supérieur long » 72 ( * ) , notamment vers les classes préparatoires BCPST.

Le ministère souligne que « la possibilité de proposer des enseignements optionnels spécifiques dans les établissements de l'enseignement agricole est maintenue (hippologie équitation, unité facultative engagement citoyen...) ».

Votre rapporteur pour avis estime toutefois qu'il conviendra de faire preuve de vigilance quant à l'attractivité des formations proposées par l'enseignement agricole.

b) La réforme de la voie professionnelle

La réforme de la voie professionnelle entreprise dans l'éducation nationale ne devrait avoir que des conséquences très limitées sur le dispositif de formation dans l'enseignement agricole.

En effet, bon nombre des pistes de travail annoncées par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse - création de classes de seconde professionnelle sectorielles, meilleure articulation de l'enseignement général et de l'enseignement professionnel, différenciation et individualisation des parcours, articulation avec le monde économique et professionnel - s'inspirent plus ou moins directement de ce qui a cours dans l'enseignement agricole.

De même, la réduction annoncée du volume horaire global d'enseignement du baccalauréat professionnel dans l'éducation nationale, aujourd'hui de 31 heures hebdomadaires, devrait le rapprocher de celui mis en oeuvre dans l'enseignement agricole, où il s'élève à 28 heures.

La DGER a toutefois annoncé réfléchir à une « meilleure imbrication entre enseignements généraux et enseignements techniques en baccalauréat professionnel » ainsi qu'à « augmenter plus encore les semaines de formation en milieu professionnel, demande plébiscitée par les jeunes et les entreprises ».

c) La réforme de l'apprentissage

Les composantes de l'enseignement agricole ont formé en 2017-2018 plus de 34 000 apprentis, faisant de l'enseignement agricole un acteur majeur de la formation en alternance.

Les interrogations suscitées par la réforme de l'apprentissage portent principalement sur son financement - celui-ci passant d'un financement à la classe avec une subvention d'équilibre à un financement à l'apprenti, selon un barème défini par l'opérateur de compétences (OPCO) - et sur la concurrence à laquelle les établissements de l'enseignement agricole seront exposés.

S'il ne méconnaît pas l'important travail d'adaptation que les établissements de l'enseignement agricole devront effectuer, votre rapporteur pour avis est résolument optimiste quant à leur place dans le nouveau système. L'enseignement agricole possède en effet de nombreux atouts : des formations de qualité, un savoir-faire reconnu, des relations étroites avec le tissu économique et une faculté à répondre aux besoins des territoires et des entreprises.

De plus, les conseils régionaux, qui conserveront une compétence en matière d'investissements, pourront également abonder le financement forfaitaire versé par l'OPCO dans un souci d'aménagement du territoire ou d'aide à des publics particuliers.

Votre rapporteur pour avis note avec satisfaction qu'un travail d'accompagnement des équipes pédagogiques de l'enseignement public est engagé par la DGER dans le cadre d'un plan triennal, afin de préparer au mieux les établissements à la nouvelle donne créée par la loi du 5 septembre 2018.

2. Une complémentarité avec l'éducation nationale à renforcer

S'il est attaché à la spécificité de l'enseignement agricole, votre rapporteur pour avis est favorable au renforcement des mutualisations avec l'éducation nationale , et cela en vue d'améliorer l'efficience et la qualité du service rendu .

En raison de leur dispersion sur le territoire, les établissements de l'enseignement agricole ont tout à gagner à s'appuyer sur le maillage plus resserré de l'éducation nationale .

Malgré les protestations rituelles d'entente, les exemples de coopérations à l'échelon local entre les deux réseaux relèvent jusqu'à présent davantage d'initiatives individuelles que d'une volonté politique affirmée . En particulier, les relations demeurent tendues et difficiles dans les régions qui connaissent une baisse de leur démographie et où tend à naître une forme de concurrence de l'offre de formation.

Votre rapporteur pour avis ne peut dès lors que saluer la conclusion par les deux ministres concernés , le 27 février 2018, d'une convention identifiant les domaines dans lesquels l'éducation nationale et l'enseignement agricole vont collaborer plus étroitement . La convention cite ainsi :

- l'orientation et l'affectation des élèves ;

- l'élaboration des référentiels de formation ;

- la conduite des politiques éducatives, en particulier l'accueil des élèves handicapés et la lutte contre le décrochage ;

- l'éducation artistique et culturelle ;

- la cohérence de l'offre de formation et la mobilisation de la ressource humaine (remplacement, formation continue, solutions de mobilité) ;

- les partenariats en matière statistique et de systèmes d'information.

La convention institue un comité de suivi ; réuni tous les ans, il a pour mission d'effectuer le bilan des collaborations de l'année scolaire et de fixer le programme de travail pour l'année scolaire suivante. Pour l'année scolaire 2018-2019, un premier programme de travail a été élaboré et validé le 6 juillet 2018 . Sont notamment mis en avant l'orientation, afin de garantir à tous les jeunes une meilleure connaissance de l'offre de formation de l'enseignement agricole et d'y faciliter l'affectation des élèves , ainsi que la convergence des systèmes d'information. Le ministère fait état d'un travail « prioritaire à mener sur l'identifiant national élève (INE), ce numéro étant indispensable pour générer un LSU (livret scolaire unique) ».

La convention est déclinée dans chaque région, en prenant parfois appui sur des conventions préexistantes. Par exemple, dans la région Grand Est, une convention avait été conclue en 2017 entre la région académique et la DRAAF. Elle prévoit des actions de formation continue communes, notamment dans le cadre de la mise en place de l'environnement numérique de travail (ENT) Grand Est et du déploiement du lycée dit « 4.0 ».

Ce partenariat renforcé s'inscrit dans une démarche positive : promouvoir l'enseignement agricole dans le cadre de l'orientation des élèves est un enjeu existentiel pour ce dernier ; comme le rappelait M. Philippe Poussin, président du CNEAP, « 100 % des jeunes de l'enseignement agricole proviennent de l'éducation nationale » 73 ( * ) .

La pérennité de l'enseignement agricole est en effet un enjeu majeur dans la mesure où celui-ci, à la fois voie d'excellence et de promotion sociale, permet de répondre à certains des grands défis auxquels est confronté notre pays : la transition agro-écologique, l'aménagement équilibré du territoire, la capacité à faire réussir tous les élèves, la montée en gamme de la formation professionnelle et son adéquation aux besoins des entreprises.

Votre rapporteur pour avis se réjouit donc du lancement annoncé en 2019 d'une campagne d'information visant à faire connaître l'enseignement agricole et les métiers auxquels il prépare.

*

* *

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

*

* *

Sous réserve de l'adoption de son amendement, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2019.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2018

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, l'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » et du programme « Enseignement technique agricole ».

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire » . - Je souhaiterais rendre hommage à notre ancien collègue Jean-Claude Carle, qui fut rapporteur de ce budget pendant de longues années, sans que celles-ci n'entament sa passion pour l'éducation. Je retiendrai tout particulièrement sa conviction forte que l'enseignement des apprentissages fondamentaux est à la racine de la réussite et de l'échec d'un système éducatif et que, comme il le disait lui-même, « la qualité d'un budget ne se mesure pas à l'aune de ses crédits ».

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation des crédits des cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire » de 1,2 milliard d'euros en 2019, soit une augmentation de 1,7 % ; à titre de comparaison, il avait augmenté de 2,4 % par an en moyenne de 2012 à 2017. Le budget de l'éducation nationale atteindra alors près de 71,3 milliards d'euros constitué à 93,4 % de dépenses de personnel.

L'intégralité de l'augmentation des crédits provient des dépenses de personnel, dont la hausse procède de plusieurs facteurs :

- le glissement vieillesse-technicité (GVT), soit l'augmentation naturelle des dépenses liée à l'avancement des agents, dont le solde est prévu à 428 millions d'euros ;

- des mesures de revalorisation catégorielles, pour une somme totale de 388 millions d'euros, dont 294 au titre de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et 59 millions d'euros au titre de la revalorisation du dispositif indemnitaire en éducation prioritaire ;

- et enfin de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2018.

S'agissant des emplois, 1 800 emplois sont supprimés, ce qui est relativement faible au regard des effectifs de la mission, dont le plafond d'emplois s'élève à 1 043 000 ETPT.

Comme le budget précédent, le budget 2019 donne une priorité forte et claire à l'école primaire. Elle se traduit par la forte augmentation des crédits consacrés au primaire, qui s'élève à 2,3 %, et la création de 2 850 postes d'enseignants titulaires à la rentrée 2019, essentiellement destinés à achever le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire.

Ces créations de postes sont compensées par la suppression de 1 050 postes d'enseignants stagiaires dans le premier degré, 2 650 postes d'enseignants dans le second degré, 550 dans l'enseignement privé et 400 de personnels administratifs. Je regrette l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois, qui permettrait de donner au système éducatif de la stabilité et de la prévisibilité, ce dont il a tant besoin.

Le budget 2019 poursuit le rééquilibrage de la dépense d'éducation en direction du primaire. L'école primaire, moment de l'acquisition des fondamentaux - lire, écrire, compter, respecter autrui - fait l'objet d'un sous-investissement continu dans notre pays. La France dépensait en effet 6 550 euros par écolier en 2017, soit un tiers de moins que pour un élève du secondaire et près de moitié moins que pour un étudiant.

Le rééquilibrage devrait être facilité par la diminution attendue des effectifs d'élèves de l'école primaire, qui agira comme un effet de levier. Le ministère prévoit en effet une baisse importante des effectifs du premier degré, liée à une baisse inquiétante de la démographie : on attend 63 000 élèves de moins à l'école primaire en 2019, 73 000 en 2020 et 86 000 en 2021.

Dans le premier degré, la mesure principale demeure la réduction à douze de l'effectif des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Elle présente un coût substantiel, estimé à 11 000 postes à l'horizon 2020 et un coût brut de 500 millions d'euros.

Si cette mesure volontariste va dans le bon sens, en ce qu'elle vise à réduire l'échec scolaire à la racine et alors que les évaluations montrent un écart important dans les acquis des élèves selon qu'ils sont ou non en éducation prioritaire, j'émettrai néanmoins plusieurs réserves.

En premier lieu, je regrette l'absence d'évaluation de ce dispositif ainsi que du dispositif « plus de maîtres que de classes » qui a été largement réduit à son profit. Cela est d'autant plus important qu'une expérimentation analogue de classes de CP à effectifs réduits en éducation prioritaire, menée de 2002 à 2004, s'était révélée très décevante.

Deuxièmement, il semble que la compensation des investissements consentis par les communes a été très imparfaite. Ce n'est pas faute de dotations prévues à cet effet, puisqu'étaient notamment fléchées la dotation politique de la ville (DPV), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou encore la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Mais il semble que beaucoup de communes n'en ont pas eu connaissance à temps ; selon les départements, les priorités ont également pu varier.

Enfin, on ne peut que déplorer que cette mesure ait entrainé de nombreuses fermetures de classes en milieu rural. En juillet 2017, à l'occasion de la conférence des territoires, le Président de la République s'était engagé à ce qu'il n'y ait plus de fermeture de classes dans les écoles rurales. Contrairement à cet engagement, au moins 300 fermetures de classes ont eu lieu à la rentrée 2018 en milieu rural. Vous le savez, mes chers collègues, l'école est souvent le dernier service public présent dans les communes. Il n'y revêt pas seulement une dimension symbolique : outre les longs trajets imposés aux enfants et à leurs parents, les fermetures de classes participent d'une perte d'attractivité et de la désertification de nos campagnes. C'est tout un pan de notre pays qui se sent oublié ; lui prendre pour donner à d'autres ne peut être la solution : c'est opposer une France à l'autre ! C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à transférer 10 millions d'euros de dépenses de titre 2 vers l'enseignement primaire, afin de créer des postes supplémentaires en faveur de l'école rurale.

L'autre mesure importante est l'abaissement à trois ans de l'obligation d'instruction, qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2019, après l'adoption du projet de loi pour une école de la confiance, dont elle constitue une mesure phare.

Selon le ministère, cette mesure se traduirait par une augmentation du nombre d'enfants scolarisés située entre 23 000 et 26 000, compensée en partie par l'arrivée de classes d'âge creuses. Cette mesure devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales estimé à 100 millions d'euros ; du fait des délais d'instruction des demandes, la compensation de ce surcoût ne devrait être versée qu'en 2020. C'est pourquoi le PLF 2019 ne prévoit rien à cet effet. Il conviendra d'être particulièrement vigilant à ce que le surcoût engendré pour les collectivités territoriales concernées soit intégralement compensé.

Dans le second degré, le ministère a annoncé son intention de compenser en partie les suppressions d'emploi par un recours accru aux heures supplémentaires. Pour ce faire, il est prévu qu'à partir de la rentrée 2019 les chefs d'établissement pourront imposer une seconde heure supplémentaire aux enseignants dans l'intérêt du service, contre une seule actuellement. C'est une mesure qui me semble de bon sens et qui permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des enseignants, à plus forte raison dans la mesure où ces heures supplémentaires seront exonérées de cotisations sociales.

L'année 2019 verra la mise en oeuvre des réformes du lycée général et technologique et de la voie professionnelle. Conformément à la position défendue de longue date par le Sénat, ces réformes vont dans le sens d'une optimisation de l'emploi des moyens.

La réforme du baccalauréat général et technologique, dont la mise en oeuvre progressive s'achèvera en 2021, devrait permettre de rationaliser l'offre scolaire et d'optimiser la taille des classes, notamment par :

- la suppression des séries dans la voie générale ;

- l'allègement des horaires, de l'ordre de 3 % en moyenne par élève, en lycée général ;

- l'introduction d'une part de contrôle continu et l'allègement du nombre d'épreuves terminales du baccalauréat, dont il est attendu une moindre perte d'heures d'enseignement en fin d'année scolaire.

Dans la voie professionnelle, la réforme annoncée au printemps dernier, devrait aboutir à une rationalisation de l'offre scolaire en vue d'une meilleure professionnalisation des diplômés. Les axes de travail envisagés sont :

- la création de classes de seconde professionnelle sectorielles, correspondant à des familles de métiers présentant des compétences communes ;

- la refonte des grilles horaires de CAP et du baccalauréat professionnel, qui se traduirait par une légère baisse des volumes horaires élève et un renforcement de l'accompagnement personnalisé des élèves ;

- une personnalisation accrue des parcours menant au baccalauréat professionnel, avec, selon le projet de l'élève, des modules d'aide à la poursuite d'études ou à l'insertion professionnelle ;

- la redynamisation des campus des métiers et des qualifications et l'insertion des lycées professionnels dans le tissu économique ;

- une offre de formation mieux adaptée à la réalité économique et orientée vers les secteurs les plus porteurs.

Au collège, le dispositif « devoirs faits » continuera sa montée en puissance, pour un coût de 247 millions d'euros, qui finance à la fois les heures supplémentaires des professeurs qui y participent ainsi que la rémunération des assistants d'éducation, des associations et des volontaires du service civique impliqués. Si l'on ne peut être que favorable à cette mesure de bon sens, il me semble qu'une évaluation de ce dispositif est nécessaire ; les remontées du terrain font état d'une réalisation en-deçà des ambitions du ministère, tant en matière du volume horaire proposé que du public concerné.

Je passerai rapidement sur les autres points saillants de ce budget, qui sont :

- la forte diminution des crédits prévus au titre du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (- 168 millions d'euros) ; il s'agit de la conséquence du choix d'un grand nombre de communes - 87 % d'entre elles à la rentrée 2018 - de revenir à la semaine de quatre jours, comme le permet le décret du 27 juin 2017 ;

- la considérable augmentation des crédits consacrés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap (+ 380 millions d'euros, soit + 33 %) ; si elle procède, pour 124 millions d'euros, d'un transfert de crédits lié à la prise en charge accrue du financement des contrats aidés par le ministère, cette augmentation finance également le recrutement de 1 500 AESH dès janvier 2019 pour faire face aux besoins en croissance constante, le recrutement direct de 4 500 AESH supplémentaires à la rentrée 2019 ainsi que la poursuite de la politique de professionnalisation de l'accompagnement des élèves handicapés, par la transformation de 11 200 contrats aidés en 6 400 contrats d'AESH à la rentrée 2019 ;

- enfin, le ministère a annoncé l'abandon du programme SIRHEN, son logiciel RH dont le surcoût et le retard semblaient hors de contrôle. Son remplacement est d'ores et déjà programmé.

J'en viens désormais à la question de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, sur laquelle j'ai souhaité porter un éclairage.

Prévu dès l'origine de l'école maternelle, l'accueil des enfants de deux ans est une exception française - ou plutôt francophone puisque seule la Belgique wallone le met aussi en oeuvre. Il ne s'est vraiment développé qu'à partir des années 1960, parallèlement à la généralisation de la scolarisation des enfants de trois à cinq ans. Nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin écrivaient que « l'école maternelle a laissé venir à elle les enfants de deux ans » quand le contexte démographique et socio-économique l'a permis. Schématiquement, 5 à 6 enfants de deux ans étaient accueillis pour remplir une classe de 20 ou de 25 enfants plus âgés. De 1980 à 2001, le taux de scolarisation des enfants de deux ans s'est maintenu à environ 35 %, avant de fondre rapidement - en 2010, il n'était que de 12 %.

Cette diminution rapide a plusieurs causes : l'augmentation des effectifs d'élèves, les suppressions de postes intervenues dans l'éducation nationale, mais également une remise en question profonde, sinon de son bien-fondé, du moins des conditions de cet accueil. Le rapport annuel de 2003 du défenseur des enfants se faisait l'écho des inquiétudes exprimées par divers spécialistes de la petite enfance sur les conséquences négatives qu'entraînait l'intégration des enfants de deux ans au sein de classes de petite section voire de classes mixtes accueillant des élèves jusqu'à la grande section. En 2007 et en 2008, de nombreux rapports, comme celui d'Alain Bentolila ou de nos anciens collègues Monique Papon et Pierre Martin ont remis en cause cette politique et appelé au développement de crèches ou à la mise en place de jardins d'éveil - l'expérimentation de ces derniers, menée à partir de 2010, s'est révélée toutefois décevante.

La relance de la scolarisation des enfants de moins de trois ans constitue une des priorités de la refondation de l'école mise en oeuvre à partir de 2012. La loi du 8 juillet 2013 a prévu que l'accueil des enfants de deux ans, orienté en priorité vers les familles les plus éloignées de la langue française et de la culture scolaire, devait avoir lieu « dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif ». Son rapport annexé prévoyait la création de 3 000 ETP sur la durée de la législature en faveur de cette mesure, devant permettre d'atteindre l'objectif de porter à 30 % le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire à l'horizon 2017. À l'occasion du comité interministériel « égalité et citoyenneté » du 6 mars 2015, cet objectif a été porté à 50 % pour les REP+.

D'un point de vue quantitatif, cet objectif n'a pas été atteint : à la rentrée 2017, 12 % environ des enfants de deux ans étaient scolarisés, soit une proportion globalement stable par rapport à 2010, le taux de scolarisation ne dépassant pas 20 % en REP (elle s'y élève à 19,3 %) et atteignant 22,3 % en REP+.

La situation demeure très contrastée selon les territoires et n'est véritablement satisfaisante que dans ceux où la scolarisation des enfants de deux ans s'était maintenue : l'Ouest, le Nord et le Massif central. Il est particulièrement faible en Île-de-France, y compris dans l'éducation prioritaire, et en Rhône-Alpes. Sur les 3000 postes prévus, 1 413 seulement ont été créés, à 70 % en éducation prioritaire.

Pourquoi ? Le premier frein invoqué est l'absence de demande, voire la réticence, de la part des populations cibles de la politique de scolarisation précoce, particulièrement dans un contexte de chômage.

L'autre difficulté majeure est celle liée aux conditions matérielles d'accueil, en particulier le manque de locaux en éducation prioritaire, particulièrement criant en Île-de-France, mais également dans d'autres académies, d'autant qu'ils sont sollicités pour le dédoublement des classes de CP et de CE1. En milieu rural et périurbain se pose plutôt le problème des transports scolaires, inadaptés à la prise en charge d'enfants aussi jeunes.

Enfin, parce qu'elle nécessite la mise à disposition de locaux et de mobilier adaptés et presque toujours d'un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), l'accueil des enfants de deux ans, particulièrement au sein de classes spécifiques, exige un investissement conséquent des communes. Sous le double mouvement de la baisse des dotations et des dépenses imposées par la réforme des rythmes scolaires, peu de communes ont pu dégager les moyens suffisants. Celles qui ne l'ont pas fait invoquent aussi l'absence de confiance dans la pérennité du dispositif : il est difficile de consentir de tels investissements lorsque l'on n'a pas foi dans l'engagement de l'État.

Sur le plan qualitatif, le bilan de la relance de la scolarisation à deux ans est difficile à établir, faute d'évaluation sérieuse. On ne peut qu'être surpris de savoir qu'aucune évaluation de cette politique n'a été prévue.

Il n'existe sur ce sujet que des évaluations sur des données anciennes. Si certaines études aboutissent à des résultats positifs, la plus récente, publiée par France Stratégie en janvier 2018, trouve un effet neutre, voire légèrement négatif, de la scolarisation à deux ans telle qu'elle était menée au début des années 2000. Sans mesurer ce qu'apporte une quatrième année de maternelle, les travaux de l'OCDE sur la petite enfance montrent des rendements décroissants de la scolarisation préélémentaire.

Ce qui est certain, c'est que les conditions d'un accueil de qualité ne sont toujours pas réunies.

Premièrement, l'accueil au sein de classes dédiées demeure largement minoritaire. Dit autrement, la plupart des enfants de deux ans scolarisés complètent des classes accueillant des enfants plus grands. Il s'agit clairement de la configuration la moins favorable, en ce qu'elle aboutit souvent à méconnaître les rythmes et les besoins particuliers de ces enfants. Ils reçoivent aussi moins d'attention de la part des enseignants. D'autre part, les classes passerelles, qui constituent une solution très intéressante, demeurent rares car coûteuses.

L'école doit également s'adapter aux enfants de deux ans et être éducative en étant moins scolaire. Si les programmes de 2015 sont satisfaisants, donnant une large place au jeu et à l'éveil, il semble que leur mise en oeuvre laisse souvent à désirer. Observant une classe mixte, des chercheurs ont pu décrire des enfants de deux ans confrontés à des exigences scolaires qui ne sont pas adaptées et qui les mettent en échec.

La qualité des encadrants n'est pas toujours au rendez-vous. Exercer auprès d'enfants de deux ans est un autre métier qu'enseigner à des enfants plus grands. Pourtant, sa spécificité est peu prise en compte par l'institution : les postes en classes spécifiques ne sont pas toujours profilés, voire sont occupés par des débutants, la formation en école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) est inexistante et doit être compensée par des formations organisées au niveau local. Les interlocuteurs ont pu décrire l'importance du rôle de l'ATSEM, exerçant de préférence à plein temps, ce qui représente un coût important pour la commune. Il convient de reconnaître pleinement sa dimension éducative et de construire une culture commune avec les enseignants, notamment par des formations partagées.

Enfin, le succès du dispositif repose sur la qualité du partenariat entre l'école et les autres acteurs de la petite enfance : commune, PMI, CAF, etc.

Quelles conclusions faut-il en tirer ?

Il me semble urgent d'évaluer la scolarisation des enfants de deux ans selon ses différentes modalités, afin d'en connaître les effets sur les élèves.

Tous les élèves n'ont pas vocation à être scolarisés dès l'âge de deux ans ; les remontées du terrain ne font état de bénéfices réels que pour certains, notamment les allophones et ceux qui sont très éloignés de la culture scolaire.

Pour autant, je ne préconise pas de mettre fin à la scolarisation des enfants de deux ans. Notre système éducatif pâtit de ces allers-retours incessants ; il a besoin de stabilité et de prévisibilité. En revanche, là où cela est encore nécessaire, il convient de concentrer les efforts sur les classes dédiées dans les zones prioritaires ainsi que sur les classes passerelles.

Surtout, ce sujet m'amène à partager avec vous deux réflexions sur la qualité de l'accueil de la petite enfance et de notre école maternelle.

La France se distingue d'autres pays de l'OCDE, notamment les pays nordiques, par le caractère dual de sa politique de la petite enfance, dont les formes d'accueil relève d'institutions différentes. Au contraire, d'autres pays possèdent un système intégré, souvent sous l'égide du ministère chargé de l'éducation, qui prend en charge les enfants de leur première à leur sixième année, lorsqu'ils entrent à l'école élémentaire. Il ressort du rapport de l'OCDE que la France semble désormais « à la traîne » du point de vue des financements publics fléchés vers la petite enfance.

L'offre de places en accueil collectif demeure en-deçà des besoins (57 places pour 100 enfants) et marqué par de fortes disparités sociales : en 2013, seuls 5 % d'enfants défavorisés étaient accueillis en crèche, contre 22 % des enfants les plus favorisés. La dimension éducative en crèche est trop peu présente.

Le Gouvernement a annoncé la création de 30 000 places en crèches et 1 000 en relais d'assistantes maternelles ainsi qu'un plan de formation continue de 600 000 professionnels de la petite enfance avec un nouveau référentiel favorisant l'apprentissage de la langue française par les tout-petits, qui sera élaboré sous l'égide du Haut conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HCFEA). L'éducation nationale y sera, je l'espère, associée - en tout cas cela illustre les cloisonnements de notre système de prise en charge de la petite enfance.

Enfin, ma seconde réflexion porte sur la qualité de notre école maternelle. Alors que notre pays a été précurseur et a longtemps été en pointe, la prise en charge des enfants de même âge s'est fortement développée dans les autres pays de l'OCDE. Les taux d'encadrement y sont plus élevés qu'à l'étranger, avec un enseignant pour 23 élèves en France contre un pour quinze dans l'OCDE. La maternelle est la grande oubliée de la formation initiale des professeurs des écoles ; un de nos interlocuteurs nous disait qu'il y avait plus de différences entre un enfant de maternelle et un enfant en élémentaire qu'entre ce dernier et un enfant de collège. Cette spécificité est aujourd'hui peu prise en compte. Sans spécialiser trop tôt les enseignants, il serait profitable qu'une mention « maternelle » soit créée dans la formation initiale et que la formation continue à leur égard soit rénovée. La question du statut, de la formation et du rôle des ATSEM est également cruciale.

Alors que le Gouvernement envisage de rendre obligatoire l'instruction dès trois ans, encore faut-il que la qualité de l'enseignement soit au rendez-vous ! Sinon je crains que celle-ci ne se réduise à une mesure d'affichage.

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous présente, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du PLF 2019.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » . - L'exercice 2019 voit le budget de l'enseignement agricole marqué par la stabilité, dans un contexte de baisse des effectifs d'élèves et de nombreuses réformes de fond.

Alors que l'exercice 2018 marquait une consolidation après cinq années de créations de postes, 50 emplois seront supprimés en 2019. Cette réduction, parallèle à celle constatée dans le second degré de l'éducation nationale, est relativement minime, surtout au regard de la baisse continue des effectifs d'élèves, sur laquelle je reviendrai.

Rappelons également que les effectifs par classe sont singulièrement plus faibles dans l'enseignement agricole, ce qui aurait pu justifier une ponction autrement plus douloureuse.

Toutefois, cette réduction de cinquante emplois marque clairement un renversement de tendance, alors même que l'enseignement agricole doit engager un redéploiement de ses moyens pour répondre à l'évolution de la démographie.

Au total, les crédits du programme 143 augmentent de 20 millions d'euros, soit une augmentation de 1,4 %. L'augmentation des crédits est toute entière concentrée sur les dépenses de personnel, finançant par là les revalorisations liées à la pleine mise en oeuvre du protocole PPCR, la revalorisation de la rémunération des enseignants contractuels et le glissement vieillesse-technicité, c'est-à-dire l'augmentation naturelle des dépenses compte tenu de l'avancement des agents.

Les crédits qui ne relèvent pas des dépenses de personnel, qui avaient fortement augmentés l'année dernière, demeurent stables.

Le seul point d'alerte est à mon sens la réduction de la prise en compte de la compensation des charges de pension des agents titulaires sur budget des centres de formation d'apprentis (CFA) et CFPPA. Celle-ci diminue de 500 000 euros en 2019, ce qui reviendra à la mettre à la charge des établissements publics. Il ne faudrait pas, en effet, contrarier la dynamique d'amélioration de leur situation financière, qui demeure globalement fragile : à peine plus de la moitié des établissements présentent une situation financière satisfaisante.

S'agissant de l'aide sociale aux élèves, les crédits liés aux bourses diminuent de 12 millions d'euros (- 14 %). Cette baisse s'explique avant tout par une surestimation manifeste des crédits demandés en 2018 ainsi que par une baisse du nombre d'élèves et d'étudiants remplissant les conditions d'éligibilité, dans un contexte général de diminution des effectifs.

En revanche, les crédits destinés à la prise en charge du handicap poursuivent leur augmentation tendancielle. Pour 2019, celle-ci s'élève à 3,5 millions d'euros (+ 44 %) ; elle s'explique par :

- la progression constante des prescriptions d'aide humaine ou matérielle (+ 20 % par an entre les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018) ;

- une prise en charge accrue par le ministère des contrats d'auxiliaires de vie scolaire, devenus des contrats aidés « parcours emploi compétence » ;

- la professionnalisation des accompagnants, sous la forme de contrats d'AESH ; les AESH concluant un contrat de durée indéterminée (CDI) à l'issue de six années d'exercice sont pris en charge sur le titre 2 du programme, ce qui se traduit par une dépense supplémentaire de 700 000 euros. En 2019, ils seront 25 dans ce cas.

J'en viens aux relations avec les établissements privés, qui accueillent plus de 60 % des élèves de l'enseignement agricole. On y distingue l'enseignement privé du temps plein - analogue à l'enseignement sous contrat « classique » - et celui du rythme approprié, dispensé par les maisons familiales rurales (MFR), qui proposent une pédagogie originale centrée sur l'alternance.

Ces établissements sont financés par des subventions de l'État versées en application et selon les modalités déterminées par la loi « Rocard » du 31 décembre 1984. Depuis 2002, des accords ont été conclus avec l'enseignement privé afin d'encadrer le montant des subventions versées.

L'année 2018 a vu la conclusion de nouveaux protocoles d'accord entre l'État et les différentes fédérations :

- pour les établissements relevant du rythme approprié, deux protocoles ont été conclus avec l'Union nationale des maisons familiales rurales (UNMFREO) et l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP) ; le montant des subventions allouées à ces fédérations augmente respectivement de 3 millions d'euros et de 200 000 euros ;

- pour les établissements relevant du temps plein, un protocole d'accord a été conclu le 30 juillet 2018 avec le conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) et l'UNREP : le montant maximal de la subvention de fonctionnement augmente de près de 4,7 millions d'euros.

Ces protocoles, qui permettent de pérenniser le financement des établissements privés, me semblent constituer une solution équitable. Les familles de l'enseignement privé sont une composante essentielle de l'enseignement agricole ; l'augmentation de leur financement permet d'envisager un nouvel avenir pour l'enseignement agricole privé, alors que certains territoires, notamment l'Ouest et les outre-mer, constituent un terreau favorable à son développement.

Ce développement est pour moi, mes chers collègues, l'enjeu central.

Dire de l'enseignement agricole qu'il est une filière de réussite et d'excellence est quasiment devenu un élément de langage convenu, tant je l'entends répéter par tous et partout.

Et pourtant, alors que nous le répétons sans cesse, nous voyons les effectifs d'élèves se réduire année après année. Ils devraient passer sous la barre des 160 000 élèves cette année, soit 6 % de moins qu'en 2008.

Cette baisse concerne toutes les composantes de l'enseignement agricole et tous les niveaux, y compris au lycée général et technologique où l'on attend pourtant une hausse des effectifs au niveau national.

Pourquoi ? Plusieurs facteurs expliquent la baisse des effectifs :

- l'implantation traditionnelle de l'enseignement agricole dans des régions en baisse démographique, et a contrario une sous-représentation dans les régions où la demande existe ;

- le maintien d'une forme de concurrence entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, surtout là où les effectifs d'élèves diminuent ;

- surtout, un défaut de visibilité auprès des élèves, peu informés sur l'enseignement agricole et ce qu'il offre ; combien de collégiens savent que l'on peut devenir ingénieur en intégrant une classe de première technologique agricole ? Combien savent que sept mois après sa sortie de formation, un élève de terminale professionnelle agricole a 59 % de chance de trouver un emploi, contre 42 % pour son homologue de l'éducation nationale ?

Je ne vous surprendrai pas, mes chers collègues, en vous disant à quel point je crois en l'avenir de l'enseignement agricole. La préservation de l'environnement et des ressources naturelles, la transition agro-écologique, les nouvelles formes d'agriculture, dont par exemple l'agriculture urbaine, sont des enjeux de la plus haute importance, auxquels l'enseignement agricole peut apporter des réponses.

J'ai été satisfait d'apprendre qu'une campagne de communication devrait être lancée en 2019, visant à mettre en avant l'enseignement agricole et la diversité des métiers auxquels il prépare. Elle devrait être menée en partenariat avec la FNSEA pour les métiers agricoles, et surtout avec l'éducation nationale. Une convention a d'ailleurs été conclue entre les deux ministres le 27 février 2018, identifiant les domaines dans lesquels l'éducation nationale et l'enseignement agricole vont collaborer plus étroitement. La convention cite ainsi

- l'orientation et l'affectation des élèves ;

- l'élaboration des référentiels de formation ;

- la conduite des politiques éducatives, en particulier l'accueil des élèves handicapés et la lutte contre le décrochage ;

- l'éducation artistique et culturelle ;

- la cohérence de l'offre de formation et la mobilisation de la ressource humaine (remplacement, formation continue, solutions de mobilité) ;

- les partenariats en matière statistique et de systèmes d'information, afin notamment de faciliter la transmission des dossiers.

Vous savez que je suis très attaché à la coopération entre ces deux ministères ; l'enseignement agricole a tout à y gagner. Espérons qu'elle se traduira de manière concrète, au niveau local.

Enfin, l'année 2019 verra l'achèvement des chantiers d'ampleur - réforme du baccalauréat général et technologique, réforme de la voie professionnelle, réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle - qui ne seront pas sans conséquence sur l'enseignement agricole.

En premier lieu, vous remarquerez que beaucoup d'éléments de ces réformes s'inspirent de ce qui a déjà cours dans l'enseignement agricole : l'importance accordée à l'oral, l'accompagnement individuel, le contrôle continu, la place importante des stages et de l'expérience professionnelle, etc.

Au milieu de ces changements, l'enseignement agricole devra maintenir tant sa spécificité que de son attractivité.

S'agissant de la réforme de la voie professionnelle, les conséquences sur les maquettes de formation dans l'enseignement agricole devraient être limitées, en ce que le volume horaire de formation y est déjà inférieur à celui de l'éducation nationale. Le ministère annonce tout de même réfléchir à une meilleure articulation entre les enseignements généraux et professionnels et à une augmentation des périodes de stages.

En ce qui concerne la réforme du lycée général et technologique, le baccalauréat « sciences et technologies de l'agronomie et du vivant » (STAV), seul baccalauréat technologique proposé dans l'enseignement agricole, ne devrait pas être substantiellement modifié.

Il en va autrement dans la voie générale, sachant que n'est proposée aujourd'hui dans l'enseignement agricole que la filière S, avec une spécialité spécifique : « écologie, agronomie et territoires ». Dans le cadre de la nouvelle organisation, il a été fait le choix de conserver le caractère scientifique du baccalauréat général proposé par les lycées agricoles.

En classe de première, trois enseignements de spécialité seront proposés : mathématiques, physique-chimie et biologie-écologie, cette dernière étant spécifique à l'enseignement agricole. Deux de ces trois spécialités seront conservées par les élèves en classe de terminale. Après une période de flottement, le ministère a confirmé que tous les lycées agricoles seront en mesure d'offrir aux élèves une certaine liberté dans le choix des spécialités en terminale.

En effet, alors que la réforme du lycée général met en avant la liberté de choix des élèves, il était à craindre que n'afficher qu'un choix limité, voire absent, décourage l'orientation vers l'enseignement agricole. Il conviendra de demeurer vigilant sur cette question, au regard de l'évolution des effectifs d'élèves.

Enfin, la mise en oeuvre de la loi du 5 septembre 2018, qui réforme en profondeur la formation professionnelle et l'apprentissage, exigera un important travail d'adaptation des établissements de l'enseignement agricole. Le ministère vient de lancer un plan triennal d'accompagnement des équipes pédagogiques, afin de les préparer au mieux à la nouvelle donne. Je suis néanmoins résolument optimiste quant à la place de l'enseignement agricole dans le nouveau système. Il possède en effet de nombreux atouts : des formations de qualité, un savoir-faire reconnu, des établissements qui entretiennent des relations étroites avec le tissu économique et qui possèdent la faculté de répondre vite et bien aux besoins des territoires et des entreprises.

Vous le voyez, mes chers collègues, en ces temps de réformes profondes, c'est un message d'espoir que je porte. L'enseignement agricole a un rôle à jouer dans les territoires, il y répond à un réel besoin.

Cette ambition, je me réjouis de savoir que le nouveau ministre, notre collègue Didier Guillaume, la porte avec nous, comme il l'a exposé hier devant notre commission.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je recommande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Jacques-Bernard Magner . - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je tiens à souligner les insuffisances de ce projet de budget. Les moyens ne sont en effet pas à la hauteur des ambitions. J'en veux pour preuve le recours aux heures supplémentaires, qu'il est dommage d'imposer aux enseignants et qui de surcroît, ne sont pas assez nombreuses pour compenser les suppressions de postes. Il n'est pas certain que cela bénéficie aux élèves. En ce qui concerne la maternelle, je rappelle que 97 % des enfants de trois ans et plus sont scolarisés. La maternelle donne de très bons résultats et les nouveaux programmes semblent donner satisfaction. L'extension de l'obligation de scolarité devra être accompagnée de moyens supplémentaires et d'une profonde réorganisation, par exemple pour les transports scolaires.

S'agissant de l'enseignement agricole, je prends acte des propos du ministre, qui s'engageait à rendre indolores les suppressions de postes.

Mme Céline Brulin . - L'audition du conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO) a montré que le système scolaire reproduisait les inégalités. La conjonction entre les mesures budgétaires et les réformes annoncées devrait encore les renforcer que ce soit au niveau social, territorial, ou encore dans l'insuffisante prise en compte du handicap. Il faudrait plus de moyens pour ces enfants pour lesquels les élus locaux peinent à trouver des solutions année après année. Le Gouvernement essaie de faire croire à un rééquilibrage mais les moyens pour les REP et REP+ sont encore insuffisants et mènent à la suppression de postes d'enseignants dans les écoles rurales. Ainsi 2 650 suppressions de postes sont prévues dans le secondaire, alors même que les effectifs augmentent et que les phénomènes de violence en milieu scolaire nécessitent un encadrement renforcé. De même, tous les bassins de vie et tous les territoires ne pourront pas proposer l'ensemble des spécialités prévues par la réforme du baccalauréat. Enfin, lors de son audition la semaine dernière, j'ai trouvé le ministre très peu précis sur les moyens accordés aux collectivités territoriales au regard de l'obligation de scolarité à trois ans. Je constate avec regret que le projet de loi finances pour 2019 ne prévoit aucun crédit pour sa mise en oeuvre.

M. Olivier Paccaud . - La présentation des rapporteurs m'amène à poser deux questions.

La première concerne le soutien à la ruralité qui génère beaucoup de mécontentement. Je rappelle que moins d'1 % des collèges classés en éducation prioritaire sont en zone rurale ce qui fait de ces territoires les oubliés de la République. Il faudrait revoir les modalités de classification en REP pour lever les incompréhensions de nos concitoyens.

D'autre part, en ce qui concerne le plan numérique en faveur des zones rurales, je m'étonne de son caractère très flou et m'interroge sur son financement.

Mme Annick Billon . - Je m'interroge sur l'attractivité du métier d'enseignant. Les mesures prises pour les renforcer sont clairement insuffisantes, comme l'a montré le travail de nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde.

En ce qui concerne les ouvertures et fermetures des classes, il convient effectivement d'accorder une grande attention aux territoires ruraux, comme la Vendée. Notre collègue Alain Duran mène actuellement un travail sur les conventions de ruralité qu'il faudra suivre de près. Je ne peux que faire part de mon inquiétude quant à la concentration des moyens sur les zones en difficultés qui conduit à négliger les autres territoires. Il n'est pas possible de fermer des classes sans s'interroger sur les transports. Enfin, la réduction des postes administratifs ne me paraît pas répondre aux nouvelles problématiques de l'enseignement.

Mme Colette Mélot . - Je félicite les rapporteurs pour leur présentation très riche et conforme à la réalité. Ce budget prévoit un rééquilibrage en faveur du primaire afin de lutter à la racine contre l'échec scolaire. Mon département de Seine-et-Marne compte un grand nombre d'établissements classés en REP et REP+ et je confirme que le dédoublement des classes permet d'obtenir des résultats notamment sur l'acquisition de la lecture. On part de très loin.

La transformation des contrats aidés en AESH est positive, pour autant qu'elle s'accompagne d'une formation, car la bonne volonté ne peut remplacer la compétence.

Il faudra attendre pour pouvoir se prononcer sur la réforme de l'orientation. Je tiens également à souligner la qualité de l'enseignement agricole. À propos des territoires ruraux, il faut faire preuve de réalisme concernant les regroupements. Le Président de la République s'est engagé à ne pas fermer d'écoles, ce qui ne signifie pas qu'il n'y aura pas de fermetures de classes. Je soutiendrai les rapporteurs dans leurs propositions d'avis.

Mme Françoise Laborde . - Nous sommes satisfaits du rééquilibrage en faveur du primaire. Cependant, si on évoque une diminution du nombre d'élèves dans le primaire, c'est aussi que les enfants nés lors du « baby-boom » des années 2000 sont aujourd'hui dans le secondaire. On ne voit pas dans ces lignes budgétaires l'adéquation avec la réforme du baccalauréat.

Nous nous abstiendrons sur les crédits de l'enseignement scolaire mais donnerons un avis favorable sur ceux de l'enseignement agricole.

M. Claude Kern . - J'observe que les AESH sont dans une situation précaire et que beaucoup décident de quitter leur poste. Le budget prévoit 380 millions d'euros en plus mais cela ne répond pas au problème de reconnaissance qu'ils connaissent en tant que professionnels du handicap. Il faudrait leur accorder un statut au sein de la fonction publique.

Mme Dominique Vérien . - Je m'exprimerai seulement sur l'enseignement agricole. Je déplore la fragilisation financière des CFA et des CFPPA sur la réduction des subventions pour la prise en charge des agents sur budget. C'est une source d'inquiétude réelle compte tenu du désengagement des régions et du risque de fermeture de places.

Mme Laure Darcos . - Sur le numérique, j'ai exprimé mon inquiétude concernant les manuels qui sont souvent à la charge des régions. C'est le cas en Ile-de-France pour 35 millions d'euros. Le ministre de l'éducation a évoqué la possibilité que des crédits d'investissement soient mobilisés, on peut penser au plan Peillon sur l'investissement dans le numérique. Je n'ai pas eu connaissance, par contre, de crédits affectés à l'achat de manuels numériques.

M. Pierre Ouzoulias . - Les enseignants ne pourront pas supporter de se voir imposer une heure supplémentaire de plus devant leur classe. Ce serait prendre le risque que nombre d'entre eux choisissent le temps partiel avec, pour conséquence, une baisse du temps global travaillé.

Je rejoins Max Brisson sur le mal-être enseignant. Nous sommes à la limite de la rupture. Il existe des disparités dans l'accès à l'enseignement qui sont devenues insupportables. Concernant l'enseignement technique agricole et Parcoursup des différences de traitement ont été constatées entre les candidats issus de l'enseignement général et ceux de l'enseignement technologique et professionnel en termes de délai de réponse qui pose question et nécessite un examen approfondi. J'aimerais savoir ce qu'il en est pour l'enseignement agricole. Il y a une forme de malhonnêteté à ne pas faire le bilan de Parcoursup dans ce budget.

Je rejoins ce qu'a dit notre collègue Dominique Vérien sur les CFA. Notre projet consiste à transformer la société par l'éducation et les CFA ont un rôle à jouer. Les moyens publics sont importants pour préparer les filières d'avenir. Je prends l'exemple de la filière bois en Nouvelle-Aquitaine, où il est fait preuve d'une réelle volonté politique pour son développement.

M. Stéphane Piednoir . - Peu de métiers sont aussi exigeants que celui d'enseignant, en termes de connaissances et de formation, et aussi mal payés tout au long de la carrière. Au demeurant, les professeurs sont assimilés à des cadres et, à ce titre, les heures supplémentaires me paraissent faire partie des contraintes liées à ce statut. Gardons à l'esprit la souplesse que cette seconde heure supplémentaire est susceptible d'apporter aux chefs d'établissement dans l'organisation des nécessités de service.

Je m'étonne du flou entretenu par le Gouvernement sur le financement de l'obligation d'instruction à partir de trois ans. Il n'est fait mention que d'investissements, surtout dans les départements d'outre-mer. L'impact financier de cette nouvelle mesure ne sera pas neutre pour les collectivités territoriales. Une nouvelle fois, je constate que le Gouvernement impose aux collectivités territoriales des dépenses qui ne leur incombent pas.

M. Laurent Lafon . - Il me parait difficile de comprendre les conséquences budgétaires des réformes décidées par le Gouvernement, ce qui rend délicat l'exercice de notre mission de contrôle. Est-il envisagé de recruter des enseignants pour les nouveaux enseignements, à l'instar de la nouvelle spécialité numérique et sciences informatiques ? Il est clair que le corps des enseignants ne dispose pas aujourd'hui de ressources ni suffisamment compétentes, ni suffisamment nombreuses en la matière.

Je regrette qu'aucun accent particulier n'ait été mis sur la question de la formation continue. Le CNESCO prévoyait d'évaluer l'efficacité de la dépense en matière de formation continue. J'espère que cette évaluation sera effectivement réalisée en dépit de l'évolution à venir de cet organe.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire met en lumière une véritable décorrélation entre les priorités retenues en la matière, les budgets qui y sont alloués et la manière dont les crédits sont effectivement affectés dans les différentes zones prioritaires. Il s'avère que les moyens n'arrivent pas forcément là où ils sont souhaités et attendus. Il me semblerait intéressant que nous procédions à des auditions à ce sujet.

Mme Claudine Lepage . - Je souhaitais attirer votre attention sur le fait que le dédoublement des classes a un impact direct sur les écoles françaises à l'étranger, puisqu'il réduit mécaniquement le nombre d'enseignants susceptibles d'être détachés dans ces écoles, obligeant à procéder à des recrutements locaux. La qualité de l'enseignement dispensé pourrait s'en ressentir, sans oublier le coût que cela constituera pour les familles dont les enfants fréquentent ces établissements, dans la mesure où le recrutement d'un enseignant local est entièrement à la charge des familles.

M. Max Brisson . - Deux ambitions me paraissent faire défaut dans ce projet de budget.

D'une part, la formation continue : il faut que le ministère fasse preuve de volonté rapidement sur ce sujet et que des crédits soient débloqués en conséquence. Lorsque nous avons travaillé avec Françoise Laborde sur le métier d'enseignant, nous avons insisté sur l'intérêt qu'il y aurait à rendre obligatoire la formation continue, en particulier pour les professeurs du secondaire.

D'autre part, je regrette que la nécessité de revaloriser les rémunérations des jeunes professeurs ne soit pas prise en compte. C'est un élément clé de l'attractivité et de la dignité du métier d'enseignant. Je crois cependant que la revalorisation des rémunérations des professeurs doit aller de pair avec une réforme de leur temps de travail. L'annualisation est une nécessité, non forcément pour que les professeurs travaillent plus, mais pour qu'ils travaillent de manière plus adaptée aux besoins des élèves et plus innovante.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Sur tous ces sujets qui viennent d'être évoqués, je rappelle que notre commission a essayé de faire passer des amendements ou des idées au cours de l'année écoulée, que ce soit à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ou avec mon rapport sur la formation à l'heure du numérique. Les réponses apportées par les ministres n'ont jamais été pleinement satisfaisantes. Il existe une vraie carence dans la formation au numérique dans les ÉSPÉ aujourd'hui. Sans oublier le plan informatique mis en place sous le précédent quinquennat, qui avait pour vertu d'inciter les collectivités territoriales à investir ces questions, mais qui semble désormais abandonné.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Je me suis efforcé de faire l'évaluation des crédits de la manière la plus objective possible. Je partage vos interrogations sur la question des heures supplémentaires. Il y avait bien plus de volontaires parmi les enseignants pour effectuer des heures supplémentaires lorsque celles-ci étaient défiscalisées jusqu'à deux heures par semaine. C'était aussi un moyen d'améliorer la rémunération des enseignants, notamment de celle des jeunes professeurs, qui pose particulièrement problème.

La réforme abaissant l'âge de l'obligation d'instruction à trois ans n'est rien d'autre qu'un écran de fumée, puisque 98 % des enfants de trois ans sont déjà scolarisés. Si elle n'engendrera, somme toute, qu'un surcroît modeste pour l'État, elle aura indéniablement un impact sur les finances des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la formation des enseignants, j'observe un fossé de plus en plus important dans les ÉSPÉ. Enseigner aux enfants en maternelle est un métier très spécifique. Dans plusieurs pays européens où l'âge de la scolarité obligatoire n'est pas aussi précoce, un travail plus important est fait dans les jardins d'enfants sur le développement sensoriel.

Je partage votre sentiment sur le fait que les réponses du ministre à nos questions sur la réforme du baccalauréat la semaine dernière ont été floues. Je voudrais souligner à cet égard le problème que la réforme risque de susciter en milieu rural où la formule du baccalauréat à la carte ne permettra pas, en réalité, aux élèves de ces zones géographiques de choisir, contrairement à ceux qui résident en ville.

La suppression de classes dans les écoles situées en milieu rural est une vraie préoccupation. Dans ce contexte, il serait intéressant d'entendre notre collègue Alain Duran, chargé par le Gouvernement d'une mission sur les conventions de ruralité.

En matière d'éducation prioritaire, le ministère n'annoncera aucune nouvelle mesure dans l'attente des conclusions du rapport Mathiot-Azéma. Il faudrait dresser toutefois une évaluation sérieuse des résultats obtenus depuis la mise en place du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+.

Il y a certainement une réflexion à mener sur la répartition des postes administratifs au niveau de l'administration centrale et dans les rectorats, de manière à « dégraisser le mammouth » pour reprendre les mots d'un ancien ministre de l'éducation nationale. Il faut en tout état de cause éviter toute suppression de poste parmi les emplois dans les établissements.

L'augmentation du nombre d'élèves pour des raisons démographiques concerne essentiellement le second degré. Une baisse des effectifs est en revanche constatée dans le primaire. Cela devrait donner quelques marges de manoeuvre au Gouvernement.

Les inquiétudes concernant la situation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont légitimes. Un mouvement de professionnalisation et de titularisation de ces accompagnants est toutefois engagé.

Le projet de loi de finances pour 2019 ne comporte pas d'augmentation notable du financement dédié aux manuels scolaires.

Mme Laure Darcos . - Les nouveaux professeurs attendent pourtant un outil pour les premières années.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Aucun recrutement pour les enseignements liés au numérique n'est prévu. Ceux-ci seront assurés par les personnels en place.

La formation continue du corps enseignant a été négligée au détriment de la formation initiale depuis de nombreuses années.

Le temps de travail des enseignants doit être repensé à travers une présence plus importante dans les établissements ou une annualisation. Cette réflexion doit être conduite en prenant en compte la disparité des territoires.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis . - J'ai voulu vous faire partager mon inquiétude concernant la baisse des effectifs dans des lycées agricoles qui ne relève pas, surtout de mon point de vue, de la baisse démographique dans les territoires ruraux. Il convient d'adapter le lycée agricole à l'évolution du monde rural et urbain. L'enseignement agricole ne doit pas être considéré comme une voie de garage. Il y a un véritable travail de communication à réaliser pour redorer le blason de cet enseignement car celui-ci a de l'avenir !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous en sommes tous convaincus.

M. Jacques Grosperrin . - Je propose un avis favorable à l'adoption des crédits sous réserve de l'adoption de cet amendement qui propose de transférer 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement de titre 2 du programme 141 au profit du programme 140 afin de financer la création de 300 postes d'enseignants supplémentaires dans le primaire au profit des écoles rurales. En effet, une école qui ferme dans un village, souvent c'est un village qui meurt.

Mme Françoise Laborde . - Nous ne voterons pas cet amendement, le symbole déshabiller Pierre pour habiller Paul ne nous convient pas.

Par ailleurs, pour rebondir sur les propos d'Annick Billon, je précise qu'en Vendée il n'y a pas suffisamment d'écoles publiques et que, trop souvent, il n'existe dans les villages ou communes qu'une école privée.

M. Jacques-Bernard Magner . - Pour les mêmes raisons que celles invoquées par Mme Laborde, nous ne pouvons voter un amendement qui dépouillerait l'enseignement secondaire, qui a trop de besoins non satisfaits.

L'amendement est adopté .

M. Jacques-Bernard Magner . - Notre groupe s'abstiendra sur l'ensemble des crédits de la mission.

Mme Françoise Laborde . - Notre groupe portant un regard négatif sur les crédits de l'enseignement scolaire et un avis positif sur les crédits de l'enseignement agricole, nous nous abstiendrons également et donnerons un avis définitif lors de l'examen des crédits de la mission.

M. Pierre Ouzoulias . - J'ai été impressionné par la qualité du travail effectué par nos collègues rapporteurs ainsi que par leur état d'esprit. L'accès de l'ensemble des sénateurs de la commission, aux auditions des rapporteurs permet un contact direct, simple et très enrichissant avec les personnes entendues. Ceci étant dit, je vous précise que notre groupe votera contre l'adoption des crédits de la mission.

M. Jacques Grosperrin . - Je précise que sur la suppression de 300 emplois d'enseignants stagiaires en contrepartie de l'ouverture de 300 postes dans les écoles rurales est une contrainte liée à l'application des règles de la loi organique relative aux lois de finance.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances 2019 .

AMENDEMENT

présenté par

M. Grosperrin,

au nom de la commission de la culture

_________________

ARTICLE 39

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

Vie de l'élève
dont titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

Soutien de la politique de l'éducation nationale

dont titre 2

Enseignement technique agricole

dont titre 2

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

OBJET

Cet amendement transfère 10 millions d'euros en AE et en CP de titre 2 du programme 141 (action n° 10) au profit du programme 140 (action n° 4) afin de financer la création de 300 postes d'enseignants supplémentaires au profit des écoles rurales.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Auditions de M. Jacques Grosperrin ,
Rapporteur pour avis sur les crédits
de la mission « Enseignement scolaire »

Mercredi 17 octobre 2018

- SNPDEN-UNSA : M. Pascal CHARPENTIER et M. Joël LAMOISE , secrétaires nationaux, et ID-FO : M. Fabrice ARNOULD et M. Cyrille ROGER , secrétaire national.

- SNUIPP-FSU : M. Olivier KOSC , Secrétaire national, M. Arnaud MALAISÉ , Secrétaire général.

- Secrétariat général de l'enseignement catholique : M. Yann DIRAISON , Adjoint au secrétaire général et M. Pierre MARSOLLIER , Délégué général chargé des relations politiques.

- Mme Marie-Hélène LELOUP , inspectrice générale de l'éducation nationale.

Jeudi 18 octobre 2018

- OCDE : M. Éric CHARBONNIER , analyste à la direction de l'éducation et Mme Victoria LIBERATORE , consultante petite enfance.

- SIEN-UNSA : M. Franck MONTUELLE , secrétaire adjoint, M. Alain ZILBERSCHLAG , membre du bureau national.

Mardi 23 octobre 2018

- M. Jean-Michel COIGNARD , directeur de l'académie de Paris.

Mercredi 24 octobre 2018

- Association des maires de France : Mme Agnès LE BRUN , vice-présidente, maire de Morlaix et Mme Charlotte DE FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement.

- SGEN-CFDT : Mme Annie CATELAS , secrétaire nationale, M. Bruno JAOUEN , chargé de mission.

- Cabinet du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse : M. David KNECHT , conseiller budgétaire et Mme Marie DUTERTRE , conseillère parlementaire.

Jeudi 25 octobre 2018

- France Stratégie : M. Arthur HEIM , chef de projet.

- SNPI-FSU : Mme Evelyne COLLIN , secrétaire générale adjointe.

- Mme Pascale GARNIER , docteur en sociologie, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris-13.

- M. Jean-François CHANET , recteur de l'académie de Besançon.

Mardi 30 octobre 2018

- M. Daniel AUVERLOT , recteur de l'académie de Créteil.

Contribution écrite :

- Mme Agnès FLORIN , professeur émérite de psychologie de l'enfant à l'université de Nantes.

Auditions de M. Antoine Karam ,
Rapporteur pour avis sur les crédits
de la mission « Enseignement technique agricole »

Vendredi 19 octobre 2018

- SNETAP-FSU : M. Serge PAGNIER , secrétaire général adjoint.

- Conseil national de l'enseignement agricole privé : M. Philippe POUSSIN , secrétaire général.

- SEA-UNSA : M. Guy SIGALA , secrétaire général, M. Nicolas MARTEL , Mmes Gwendoline PROSPER , Béatrice LAUGRAUD et Josiane SARANT .

Lundi 22 octobre 2018

- Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation : M. Dominique RAVON , président, et M. Roland GRIMAULT , directeur.

- SGEN - CFDT : Mme Catherine NAVE-BEKHTI , secrétaire générale , Mme Gisèle BAULAND et M. Didier LOCICERO , secrétaires fédéraux pour l'enseignement agricole public.

Lundi 5 novembre 2018

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : M. Philippe VINÇON , directeur général de l'enseignement et de la recherche (DGER), M. Jean-Luc TRONCO , chef du service de l'enseignement technique, et M . Gilbert THUILLIER , chef de la mission d'appui au pilotage et des affaires transversales.

ANNEXES

Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

MERCREDI 7 NOVEMBRE 2018

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement scolaire ainsi qu'à la jeunesse et à la vie associative, MM. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Je vous proposerai, dans votre propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget.

Puis je céderai la parole à nos rapporteurs pour avis des crédits de votre ministère, Jacques Grosperrin et Jacques-Bernard Magner, puis à l'ensemble des collègues qui souhaiteront vous interroger.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le remaniement a permis de clarifier les compétences de mon ministère en y incluant la jeunesse. Derrière ces mots transparaît notre engagement et le projet de service national universel (SNU).

Ce budget traduit la priorité accordée à l'éducation par le gouvernement. Je tiens à souligner la notion de puissance éducative que le Président de la République a évoquée lors de sa dernière intervention télévisée, ce qui souligne l'importance de l'éducation pour le rayonnement international de notre pays et au niveau intérieur. La France peut être une puissance éducative du XXI e siècle.

Ce budget approfondit le sillon de la politique initiée l'année dernière et dont l'objectif est clair : l'élévation générale du niveau et la justice sociale. Ces deux points sont corrélés. C'est parce que nous sommes ambitieux et exigeants avec les élèves que l'école est à la hauteur de sa mission républicaine de progrès social.

Le budget qui vous est proposé pour 2019 s'établit à 51,7 milliards d'euros - hors cotisations aux pensions de l'État -, avec une augmentation de 1,7 %, soit 861 millions d'euros supplémentaires.

Avec 811 millions d'euros supplémentaires sur le périmètre de l'enseignement scolaire, nous continuons la transformation profonde du système éducatif que les Français demandent. Cette augmentation nous donne les moyens d'être à la hauteur des principes républicains que nous défendons et d'atteindre ainsi nos objectifs :

- donner plus à ceux qui ont besoin de plus, conformément au principe de fraternité ;

- transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves, en personnalisant davantage nos pédagogies, conformément au principe de justice et d'égalité ;

- mieux les accompagner dans la conception de leur projet de poursuite d'étude ou d'insertion professionnelle, conformément au principe de liberté.

Cette transformation sera possible grâce à l'unité de la société autour de son école et de ses professeurs, pour lesquels il nous faut davantage investir dans la formation, et mieux les accompagner tout au long de leur carrière grâce à une politique de ressources humaines innovante allant de pair avec une politique de rémunération.

Le budget que nous présentons répond à des choix budgétaires en parfaite cohérence avec le projet politique qui vise à permettre à chacun d'avoir la maîtrise de son avenir.

À l'école primaire, l'objectif prioritaire porte sur les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. Rien de solide ni de durable ne peut se faire si tous les élèves ne les maîtrisent pas. Sinon, il leur est impossible de se projeter dans la culture et de se saisir de leur vie. Les 20 % des enfants qui quittent l'école primaire sans maitriser ces savoirs fondamentaux, sont, en grande partie, les plus défavorisés socialement. Nous devons corriger cette injustice.

Cette priorité accordée à l'école primaire se justifie plus encore par le niveau de nos dépenses, puisque la France dépense moins pour son école primaire et plus pour son enseignement secondaire que la moyenne des pays de l'OCDE. Alors que moins d'élèves sont attendus dans l'école primaire, nous faisons de cette dernière une priorité.

Ainsi, la rentrée prochaine verra la création de 2 325 postes devant élèves, alors même que nous accueillerons 60 000 élèves en moins. Dans chaque département de France, à chaque rentrée scolaire, le taux d'encadrement de l'école primaire va s'améliorer. Les moyens de remplacement seront préservés et l'école rurale sera consolidée.

Ce volontarisme budgétaire nous permet aussi de donner sa pleine dimension à l'une des mesures de justice sociale les plus importantes du gouvernement : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation renforcés (REP et REP+). Après 60 000 élèves à la rentrée 2017 et 190 000 cette année, ce seront 300 000 élèves qui bénéficieront de la mesure de dédoublement des classes à la rentrée 2019. Un écart s'avère parfaitement mesurable entre les REP et REP+ et le reste du pays en termes de maîtrise de la lecture et de l'écriture.

Les élèves de CE1, qui ont bénéficié du dispositif de REP+, savent presque tous lire et écrire de manière fluide. Cette démarche va à la racine des inégalités. La France est pionnière en la matière.

Cette priorité s'accompagnera de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, qui constitue une autre grande mesure sociale. 20 000 élèves supplémentaires, dont certains seraient voués à la marginalisation, seront concernés et la France sera le pays qui scolarisera le plus tôt dans son école maternelle, qui fait sa fierté depuis son invention en 1848.

La seconde priorité est d'accompagner les élèves vers la réussite au travers de son second degré. Le volume d'enseignement y sera maintenu en 2019. En effet, la diminution de 2 450 moyens d'enseignement sera compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires. Cette mesure permet d'apporter une réponse plus souple aux besoins des établissements et garantit aux professeurs une rémunération complémentaire.

Au collège, nous accompagnons plus et mieux tous les élèves vers la réussite. C'est tout le sens de la mesure « devoirs faits ». Mis en oeuvre à l'automne 2017 dans tous les collèges de France, ce dispositif poursuit sa montée en charge, avec une augmentation de 27 millions d'euros, pour atteindre 247 millions d'euros en 2019. Cette mesure est décisive pour les collèges et fait évoluer notamment les relations avec les parents d'élèves ainsi qu'entre les enseignants et leurs élèves.

Le soutien aux élèves les plus fragiles passe aussi par l'aide directe dans le cadre scolaire. La fragilité sociale est prise en compte dans ce budget avec une augmentation de 4 % des moyens alloués en faveur des bourses de collège et de lycée. Cela représente 739 millions d'euros en 2019. En complément, une enveloppe de 65 millions d'euros de fonds sociaux permet de répondre ponctuellement aux difficultés de certaines familles qui peuvent survenir en cours d'année. Je crois beaucoup au rôle du chef d'établissement et de son équipe éducative en matière sociale, ce qui motive l'importance accordée aux fonds sociaux dans la composition de ce budget et les initiatives que nous prenons, à l'instar des cités éducatives que nous avons annoncées avec Julien Denormandie, dans la continuité du rapport de Jean-Louis Borloo et des annonces du Président de la République sur la politique de la ville. Certains établissements devraient être dotés de moyens supplémentaires pour devenir des acteurs de la politique sociale, en lien avec les collectivités locales et les administrations.

Venir en soutien des élèves les plus fragiles conduit à garantir une éducation pleinement inclusive pour les élèves en situation de handicap. En 2019, le ministère consacrera 2,7 milliards d'euros à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Notre détermination est sans faille sur cette question. Il s'agit d'offrir aux élèves un accompagnement de qualité par des personnels formés et disposant d'un emploi stable. Pour la première fois, à la rentrée 2018, le nombre d'accompagnants ayant le statut d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dépasse celui des emplois aidés, majoritaires jusqu'à alors. Ce mouvement se poursuivra en 2019, avec le financement de 12 400 nouveaux emplois d'AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite de transformation des contrats aidés en AESH, ainsi que de 6 000 AESH supplémentaires par recrutements directs. Ces accompagnants bénéficieront également de 60 heures de formation annuelle. En outre, le programme de création d'Unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) se poursuivra en 2019.

La troisième priorité de ce budget est de renforcer l'attractivité du métier de professeur. C'est un enjeu à la fois national et mondial. Dans le cadre de l'agenda social du ministère, nous échangeons en continu avec les organisations syndicales sur les mesures nécessaires afin d'y parvenir. Plusieurs mesures qualitatives sont prises ou vont l'être prochainement : le développement du pré-recrutement présente une dimension sociale, en aidant les étudiants se destinant au professorat et en renforçant notre système éducatif grâce à l'élargissement du vivier de leur recrutement. La transformation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ÉSPÉ, tout en maintenant leur cadre universitaire, permettra d'améliorer le niveau général des formations qui y sont dispensées et sur lesquelles le ministère de l'éducation nationale doit exercer une certaine maîtrise. Il n'est pas normal que certains futurs professeurs reçoivent moins de vingt heures de formation sur les enjeux de la lecture, alors qu'il en faudrait cent ! Nous aborderons ce point lors de la discussion prochaine du projet de loi relatif à l'école de la confiance.

La gestion des ressources humaines de proximité, au plus près du terrain, sera généralisée, après avoir commencé à titre expérimental. Il s'agit d'un enjeu pour la gestion des carrières et la formation de nos professeurs.

Dès à présent, deux mesures essentielles sont prises : la valorisation de l'engagement des professeurs, en poursuivant la montée en charge de l'engagement présidentiel de relever de 3 000 euros par an les rémunérations des personnels en réseaux d'éducation renforcés (REP+). Cette mesure significative se traduit, dès cette rentrée, par une prime de mille euros et, à la rentrée 2019, par une prime de deux mille euros. J'ai confié une mission à Mme Ariane Azéma et M. Pierre Mathiot sur la dimension territoriale de la politique éducative. Ils ont notamment la charge de réfléchir aux moyens de moderniser nos outils de l'éducation prioritaire pour donner des résultats plus efficaces, dans un but de justice sociale. Il s'agit de concilier la revalorisation du statut de nos professeurs avec la réussite des élèves des zones d'éducation prioritaire.

Nous poursuivons également la relance de la mise en oeuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). Cette démarche se traduira par la poursuite du soutien aux jeunes professeurs, avec une revalorisation progressive des débuts de carrière. À titre d'exemple, le traitement des jeunes professeurs certifiés aura augmenté de plus de 1 000 euros sur la durée du quinquennat. Enfin, les parcours de carrière seront dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022. Cette revalorisation devrait représenter un milliard d'euros. Elle permettra d'améliorer la situation matérielle des professeurs, ainsi que de revaloriser la considération dont ils bénéficient au sein de la société française.

Ce budget de l'année 2019 traduit les priorités que je viens d'indiquer et se veut cohérent avec les valeurs d'engagement et l'importance conférée à la jeunesse. Le renfort de Gabriel Attal contribuera au succès de cette démarche, dont le service national universel fournira le jalon. Nous voulons un collège où l'on s'engage et réalise les valeurs de la République en les pratiquant. J'ai signé un accord avec la Croix-Rouge afin qu'il y ait davantage de classes Croix-Rouge dans les établissements. Ce sera également vrai en aval du SNU, avec le développement du service civique et de toutes les formes positives d'engagement que nous pouvons souhaiter pour notre jeunesse et auxquelles notre système scolaire doit donner l'impulsion décisive. Je laisse, à présent, Gabriel Attal le soin de vous présenter la dimension jeunesse et vie associative de ce budget.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Le budget « jeunesse et vie associative » illustre la cohérence d'un portefeuille ministériel tourné vers l'avenir et destiné à donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour se projeter en confiance vers leur avenir. Avec une augmentation de 50 millions d'euros, il traduit la priorité que nous accordons à la jeunesse ; le périmètre jeunesse et vie associative s'établit ainsi à 614 millions d'euros. Ce programme articule le temps des apprentissages, que porte l'enseignement scolaire, et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement, que soutient le présent programme budgétaire. Il se décline en quatre axes.

Premier axe : développer l'engagement au service des autres. Avec un budget de 497 millions d'euros inscrits au PLF 2019, le service civique poursuivra sa croissance pour offrir, à terme, à 150 000 jeunes la possibilité d'effectuer une mission d'intérêt général. Cette dotation est augmentée de 49 millions d'euros. Ce dispositif est plébiscité par les jeunes : l'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Reflet de la diversité de notre jeunesse, il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. Il représente une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, de la découverte et de l'estime de soi. C'est donc une école de la vie. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation au dispositif « devoirs faits » à hauteur de 10 000 volontaires supplémentaires. Fort de sa réussite, le service civique trouvera tout son sens en articulation avec le service national universel (SNU).

Second axe : la mobilité internationale des jeunes. Le ministère consacrera 16 millions d'euros aux dispositifs d'échanges internationaux. Plus de deux millions d'euros seront consacrés en 2019 aux programmes portés par l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Notre politique de mobilité pour les jeunes permet donc de soutenir le projet européen en faisant se rencontrer les jeunesses, par-delà ses statuts scolaires.

Troisième axe : le développement de l'accès des jeunes à l'information dans tous les domaines, afin de favoriser leur autonomie. Le service national universel nous permettra de progresser en termes d'emplois, de logement et de culture. Les jeunes se heurtent trop souvent au trop plein d'informations qui leur sont soumises. Pour résorber ces difficultés, le ministère entend repositionner le réseau Information jeunesse, fort de 1 300 points d'accueil répartis sur l'ensemble du territoire, et capable de délivrer une information généraliste et précise. C'est là un outil qu'il nous faut conforter. Par ailleurs, le ministère a décidé de développer un outil numérique, la « boussole des jeunes », qui vient d'être expérimentée dans plusieurs territoires et vous sera prochainement présentée. Le jeune est ainsi considéré comme un usager et y bénéficie d'une information lisible.

Quatrième axe : le développement de la vie associative. Les associations sont une école de la démocratie notamment pour nos jeunes. Avec 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés les associations occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la nation. Elles sont au coeur de la société de la confiance, de l'engagement et de l'entraide, qui constitue le fondement du projet présidentiel. Le Gouvernement entend répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : autant les grandes associations nationales, employant plusieurs dizaines, voire des centaines de salariés - celles-ci vont bénéficier de la baisse du niveau des charges en 2019 à hauteur de 1,4 milliard d'euros - que les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale locale. Ces dernières seront confortées par la création du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui sera doté de 25 millions d'euros et accompagnera leurs différents projets. Des commissions ont été organisées dans les départements et les informations dont nous disposons laissent augurer que le FDVA a réussi dans sa mission d'assistance aux petites associations de terrain. Je veux ici rendre hommage aux conseillers d'éducation populaire et aux inspecteurs qui ont travaillé à la mise en place de ce fonds, dont l'instauration s'est avérée complexe pour les agents de l'administration déconcentrée ainsi que pour les parlementaires qui n'ont pas toujours eu le temps de le promouvoir, au coeur de l'été dernier, localement. Nous veillerons, l'an prochain, à ce que le calendrier soit plus adapté.

En 2019, le ministère consacrera près de 90 millions d'euros, hors dépenses fiscales, au développement de la vie associative et l'effort cumulé de l'État en faveur des associations s'élève à plus de 5,3 milliards d'euros.

Nous travaillons également, avec Jean-Michel Blanquer, à une feuille de route sur la vie associative qui fait suite au rapport remis par le mouvement associatif en juin dernier et au lancement, par le premier ministre, du programme de développement de la vie associative, aux Grands Voisins, en novembre 2017.

Ce budget traduit donc le plein engagement du gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative. Il fait, plus que jamais, du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse le ministère de l'avenir. Cette action déterminée sera complétée et renforcée par l'engagement du Président de la République de mettre en place un service national universel, dont les modalités sont en cours d'élaboration.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le ministère de l'éducation nationale se veut un ministère d'avenir. Vous n'avez pas mentionné de plan d'action sur la formation au numérique ni le financement jusqu'à présent assuré par les programmes d'investissement d'avenir (PIA) et les collectivités territoriales. Hier, nous avons d'ailleurs abordé ce sujet de prime importance avec Frédérique Vidal lors de son audition budgétaire.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le numérique est en effet un sujet d'importance pour 2019. La rentrée 2019 sera l'occasion de mettre en oeuvre des innovations pédagogiques dont les élèves de seconde ont d'ores et déjà été informés grâce au fascicule sur l'orientation en classe de première. La création d'une nouvelle filière sciences informatiques et numérique, dans certains lycées, est une démarche inédite aux plans national et mondial. Son programme, disponible sur internet, n'est pas encore arrêté et il est encore possible d'y apporter des modifications jusqu'à décembre prochain. Conformément à vos préconisations, la généralisation de l'apprentissage de la programmation devrait être assurée à l'école primaire et au collège. Les enjeux d'une telle démarche sont non seulement budgétaires mais relèvent aussi de la gestion des ressources humaines. C'est pourquoi un plan volontariste de formation continue en informatique destiné principalement aux professeurs de mathématiques et de sciences a été lancé, ainsi qu'une étude sur les ressources humaines en informatique dans le système scolaire français.

L'équipement en informatique est un autre sujet d'importance : 240 millions d'euros sont consacrés, par le PIA3, à la dotation en équipement informatique de l'enseignement secondaire et supérieur. L'objectif est de mettre en oeuvre des politiques ciblées, plutôt qu'un financement indifférencié, notamment pour la dotation numérique des écoles en milieu rural qui impliquera des appels à projet à hauteur de 25 millions d'euros.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis des crédits de la mission enseignement scolaire . - Notre commission aurait souhaité obtenir plus rapidement les réponses au questionnaire budgétaire.

L'effort consacré à l'enseignement scolaire, surtout dans le secteur primaire, permettra, sans doute, de combler les lacunes mises au jour par le classement PISA. Vous avez parlé de justice sociale. Or, celle-ci me paraît impliquer l'égalité de tous nos territoires, y compris ruraux et très ruraux, dans le domaine de l'éducation. En outre, dans les REP+, certains chefs d'établissements se sentent parfois très isolés.

Le budget 2019 prévoit la suppression de 1 800 postes, qui cache une poursuite des créations de postes dans le primaire compensée par des suppressions dans le second degré. Si ces suppressions de postes demeurent relativement limitées, leur annonce et l'absence de visibilité peuvent décourager les futurs candidats. Comme mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, je ne peux que regretter l'absence d'une programmation pluriannuelle des emplois du ministère ; celle-ci assurant la visibilité des candidats au début de leur formation. Nous souhaiterions donc connaître, monsieur le ministre, l'évolution des emplois jusqu'en 2022, telle que fixée par la lettre-plafond du Premier ministre.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Les 800 chefs d'établissement, à l'instar des 45 000 personnels de l'éducation nationale et des 3 800 IATOS affectés en REP+, bénéficient d'une prime spécifique.

En effet, la programmation pluriannuelle n'est pas actuellement établie. Je tiens à souligner qu'il n'y aura pas d'effet de zigzags sur la création de postes par discipline. D'autres facteurs que ceux de la création ou de la suppression de postes, comme le nombre de départs à la retraite ou l'évolution des disciplines, doivent être pris en compte. Quelle que soit la programmation budgétaire pluriannuelle, il serait impossible d'assurer une programmation des concours sur une durée de quatre années.

Le nombre de recrutements de professeurs des écoles va se stabiliser, avec un peu plus de 10 000 postes ouverts par an, tandis que le nombre de postes ouverts dans l'enseignement secondaire évoluera, sans diminution drastique, en fonction des disciplines. Ainsi, en philosophie, discipline qui sort renforcée de la réforme du baccalauréat, le nombre de postes ouverts est appelé à augmenter, en raison de l'extension de son enseignement à quatre heures hebdomadaires et de la création d'une spécialité « littérature, philosophie et humanités » destinée aux élèves de première et de terminale.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - La rentrée 2019 verra l'achèvement du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, pour un coût total de 11 000 postes. Une partie de ces postes provient du redéploiement d'enseignants affectés au remplacement, au dispositif « plus de maîtres que de classes » ou dans des classes à faibles effectifs, notamment en zone rurale. Et ce, alors même que le Président de la République s'était engagé, à l'été 2017, à mettre fin aux fermetures de classes dans les communes rurales qui posent des difficultés d'acheminement aux élèves concernés. Pourriez-vous nous communiquer le nombre de classes ayant fermé en milieu rural à la rentrée 2018 ? En outre, disposez-vous des résultats de l'évaluation scientifique du dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et, en parallèle, du dispositif « plus de maîtres que de classes » annoncée l'année dernière ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Notre vision n'est pas purement comptable. Pour preuve, 2 325 postes à l'école primaire vont être créés, tandis que le nombre des élèves, en diminution de 60 000, aurait dû normalement générer une baisse de 3 000 postes. Les dédoublements des enseignants en classe de CP et de CE1 vont ainsi être assurés.

Nous avons les moyens de compenser, en partie, la baisse de la démographie dans la ruralité. La question de l'école en milieu rural est avant tout démographique : comment l'école, combinée à d'autres stratégies comme le numérique, peut-elle contribuer au rebond démographique en milieu rural ?

Suite à notre travail avec Alain Duran et certains d'entre vous, nous sommes en mesure de proposer aux départements une stratégie pluriannuelle des écoles rurales reposant sur des enjeux qualitatifs. Comment renforcer l'attractivité des territoires ruraux au point d'inciter des familles à s'y réinstaller ? Le plan internat, prochainement annoncé, pourrait notamment y contribuer. La dimension quantitative de ce problème doit être prise en compte. Dans les 45 départements les plus ruraux, 400 postes ont été créés en deux ans. En Lozère, les écoles accueillent 14 élèves par classe en moyenne - 15 en Vendée et 17 dans le Cantal - de la petite section au CM2. C'est sans doute la raison pour laquelle l'école primaire en milieu rural est celle de la réussite. Nous voulons un rebond de l'école rurale au cours des prochaines années dans un contexte marqué par des tendances démographiques défavorables et le besoin d'instiller l'espoir au sein de la population. Cet espoir alimentera un cercle vertueux. L'éducation nationale fait preuve de bienveillance vis-à-vis de la réalité rurale, comme l'indique encore la création, dans notre département du Doubs, monsieur le rapporteur, de 14 postes tandis qu'une baisse de 327 élèves est constatée. Les dédoublements en REP et REP+ ne concernent pas que les zones urbaines. Dans le département de l'Aine, 40 % des dédoublements concernent le milieu rural. Cette démarche suscite un effet de halo : favoriser, dans des petites classes, le déploiement de techniques pédagogiques, hors REP et REP+, permet d'éviter les fermetures d'école ou de classe. L'académie de Reims, où les sections de CP accueillent une douzaine d'élèves, est pionnière en la matière.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Ma dernière question porte sur le grand absent de ce budget, le Service national universel (SNU), dont le décret d'attribution vous a donné la responsabilité. Alors qu'il devrait débuter à l'été prochain, pas un euro ne se trouve dans le budget de votre ministère, ni dans les autres. Où trouvera-t-on l'argent ? Dans quelle mesure l'éducation nationale sera-t-elle mise à contribution ?

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - 2019 sera l'année de préfiguration du SNU. Conformément aux recommandations du groupe de travail piloté par le général Menaouine, une cohorte de quelques centaines, voire milliers de jeunes, sera appelée. C'est la raison pour laquelle l'inscription d'un budget dédié au service national dans le PLF 2019 n'était pas opportune, puisque les coûts minimes de cette faible incorporation seront notamment pris en charge par des redéploiements interministériels. En revanche, nous travaillons sur l'évaluation de son coût global, en fonction des arbitrages opérationnels, pour le budget 2020 où seront présentées une ligne dédiée et une trajectoire pluriannuelle.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et vie associative . - Initialement, sous le quinquennat de François Hollande, le nombre de volontaires du service civique devait atteindre 150 000 en 2017, voire même 350 000 à la fin de 2018. Or, depuis près de trois ans, on constate une réelle difficulté à atteindre l'objectif des 150 000 volontaires par an, alors que les candidats ne manquent pas. Comment expliquez-vous cette situation ? Le service civique sera-t-il intégré dans le service universel ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Ce n'est pas la seule projection ambitieuse du gouvernement précédent. Il est d'ailleurs toujours aisé d'être très ambitieux sur un programme dont on n'assume pas la charge ! Notre progression est cependant réelle : avec 497 millions d'euros, le ministère assume la principale part de l'effort consacré à la vie associative et à la jeunesse. Le chiffre de 150 000 volontaires nous paraît réaliste. Ce volontarisme, quantitatif sur le plan budgétaire, est aussi qualitatif : il s'agit d'assurer la cohérence entre le SNU et le service civique.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - Cette année, l'objectif est d'accueillir 138 000 jeunes et ce n'est qu'en 2020 que le nombre de 150 000 sera atteint. Depuis ces deux dernières années, nous sommes attentifs à la qualité des missions dans les organismes d'accueil afin d'éviter les substitutions à l'emploi et d'assurer la formation des tuteurs. L'objectif du SNU est de favoriser l'engagement et sa phase obligatoire de deux fois deux semaines permettra aux jeunes de remplir une mission d'intérêt général. Il permettra à certains, qui réalisent actuellement un service civique à l'issue d'un parcours scolaire en échec, de développer, plus tôt, un réel goût pour l'engagement.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Depuis des années, les crédits accordés par l'État au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) sont en diminution constante : en 2018, ils s'élevaient à 15,7 millions d'euros avant l'amendement gouvernemental visant à compenser en partie la disparition de la réserve parlementaire. Ces crédits sont très insuffisants si on compare le nombre d'associations - 1,5 million - et le nombre potentiel de volontaires à former - entre 15 et 17 millions de personnes. À l'occasion de l'examen du projet de loi égalité et citoyenneté, l'idée avait déjà avancée de récupérer l'argent figurant sur les comptes inactifs des associations pour le verser au FDVA, soit au total près de 80 millions d'euros. Malheureusement, cette mesure a été écartée par le Conseil constitutionnel. Je vais néanmoins proposer à la commission un amendement d'appel dans le projet de finances, afin que le Gouvernement consigne, dans un rapport, les montants susceptibles d'abonder le FDVA. Je souhaiterais connaître votre position sur ce sujet.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'année passée, les crédits de l'État affectés à la vie associative ont, de fait, augmenté de 25 millions d'euros, suite à la suppression de la réserve parlementaire. La feuille de route relative à la vie associative, à laquelle nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer, comprend plusieurs axes : la formation des bénévoles, l'organisation territoriale, le dégagement d'économies d'échelle lié à leur regroupement et le financement. Nous travaillons actuellement afin de résoudre la question des comptes inactifs. A priori , la disposition que vous proposez nous paraît intéressante, puisqu'elle conduirait les banques à transmettre les informations nécessaires à l'avancement de ce dossier.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Le 9 novembre dernier, soit il y a près d'un an jour pour jour, vous aviez lancé le plan de développement pour la vie associative du gouvernement. En mai dernier, le travail collectif des associations a été publié dans le rapport intitulé « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d'une société de l'engagement ». Un accent particulier a été mis sur la nécessité d'une politique de soutien à l'emploi associatif au regard de la réduction drastique des contrats aidés dont bénéficiaient les associations et de l'inadaptation du dispositif Parcours Emploi Compétences pour les associations. Or, il n'y a eu aucune réaction de la part du gouvernement. Je souhaite donc vous interroger sur la stratégie du gouvernement en direction des associations : alors qu'elles sont toujours plus sollicitées comme partenaires des pouvoirs publics, comme en témoigne l'implication qui est attendue de leur part dans le futur service national universel, elles sont fragilisées dans leur existence et dans leurs structures par les mêmes pouvoirs publics.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - La mise en oeuvre de notre politique de transformation revendique plus de clarté et de cohérence. Elle a conduit à la diminution des contrats aidés dont les deux-tiers étaient consommés lors de notre entrée en fonction. J'insiste sur ce point. La baisse des contrats aidés est totalement assumée. Nous souhaitons éviter l'enfermement des personnes, notamment handicapées, dans des contrats précaires, et la mise en oeuvre de notre politique peut rencontrer, sur le terrain, les difficultés propres à toute transition. Néanmoins, ses mesures commencent à porter leurs fruits et nous travaillons, en partenariat avec la ministre du travail, pour que l'arrivée des contrats parcours emploi compétence (CPEC), destinés à acquérir de réelles compétences et à s'orienter vers des emplois durables, soit intégrée par le milieu associatif. Les moyennes et les grandes associations vont ainsi bénéficier pleinement de la baisse de 1,6 milliard d'euros des cotisations sociales prévue dans le PLF 2019.

Les associations plus petites bénéficient, quant à elles, du dispositif qui a remplacé la réserve parlementaire, ainsi que d'autres mesures qualitatives - comme la reconnaissance des bénévoles et la formation des personnels travaillant dans les associations - prises par Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation. S'il reste à faire beaucoup pour ces associations, notamment en milieu rural, les mesures contenues par le PLF 2019 leur sont favorables, comme le plan mercredi qui, via les caisses d'allocation familiales (CAF), implique le doublement des aides destinées à aider les municipalités en difficulté dans l'organisation, le mercredi, d'activités pour les enfants. Si ces associations ont pu se plaindre, en 2018, des changements opérés, elles vont retrouver de nouveaux moyens à ce titre. En outre, l'instauration des cités éducatives, conçues avec Julien Denormandie, va permettre à certains établissements d'obtenir de 200 000 à 300 000 euros pour favoriser le développement de la vie associative dans un sens social cohérent avec les objectifs éducatifs. Il ne s'agit pas de faire pleuvoir de l'argent de manière indistincte, mais plutôt d'accorder des financements en cohérence avec notre projet éducatif. Si l'aide aux devoirs a pu impliquer, par le passé, des associations tantôt excellentes tantôt discutables, la nouvelle manière de concevoir ce dispositif va renforcer la capacité du maire et du chef d'établissement de choisir ses partenaires. Le quantitatif et le qualitatif doivent ainsi se rejoindre.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État . - L'essentiel de l'emploi associatif est non-aidé et seuls 8 % des emplois associatifs, principalement dans les secteurs de la culture et du sport, étaient des emplois aidés. Peu d'associations sont conscientes des 1,4 milliard d'euros d'allègements de charges dont elles vont bénéficier. Il s'agit bel et bien d'un soutien massif au monde associatif.

Mme Annick Billon . - Le double rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture et au ministère de l'éducation nationale freine les mobilités des personnels enseignants et 452 directeurs d'établissement sont dans l'attente d'une décision sur leur affiliation. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de l'enseignement agricole ?

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous entendons prochainement Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur cette question.

Mme Annick Billon . - Les conventions ruralité, qui promeuvent une organisation nouvelle afin d'éviter les fermetures d'établissement, devaient bénéficier à certains territoires. En Vendée, initialement retenue, on constate une chute des naissances depuis dix ans. Comment comptez-vous maintenir les conventions actuelles ?

Vous avez également évoqué la reconnaissance des enseignants sur laquelle ont travaillé nos deux collègues Max Brisson et Françoise Laborde. Comment comptez-vous assurer une meilleure reconnaissance des AESH et des auxiliaires de vie scolaire (AVS), impliquant moins de précarité et une meilleure rémunération ? En outre, il semble que les effectifs des classes ULIS ne soient pas pris en compte dans les calculs d'effectifs, ce qui peut conduire à la fermeture d'établissements dans des départements où la natalité est en régression.

Mme Céline Brulin . - Je voudrais, après notre collègue rapporteur, revenir sur les dédoublements des CP et de CE1 en REP et en REP+ qui ont entraîné, dans certains territoires, des retraits de postes. La définition de la ruralité doit évoluer ; certaines villes se dépeuplent au profit de communes périurbaines, comme en Seine Maritime. Comme je l'ai fait par écrit, je vous interpelle sur l'absence de suivi par vos services des décisions du tribunal administratif. Vous avez assumé cette priorité sur l'école primaire et les suppressions de postes dans le secondaire qui devrait accueillir pourtant près de 40 000 élèves supplémentaires. Quel va être le taux d'encadrement ? Avec 19 élèves par enseignant dans le secondaire, la France est loin de la moyenne de 15 élèves définie par l'OCDE. Vous avez évoqué, à juste titre, les événements récents qui plaident en faveur de l'amélioration de cet encadrement. Par ailleurs, vous mettez en avant les augmentations budgétaires de votre ministère, mais son périmètre a changé et il vous faut financer de nouvelles mesures, comme la transformation des emplois d'AVS en AESH. Enfin, pourquoi la préfiguration du service national universel, dont la mise en oeuvre effective impliquera un budget très conséquent, n'est- elle aucunement mentionnée dans les éléments budgétaires ?

M. Antoine Karam . - Je suis le rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole et la semaine prochaine, nous allons entendre le ministre de l'agriculture sur cet enseignement trop souvent considéré comme une voie de garage, alors qu'il constitue un formidable outil d'insertion et qu'il peut conduire ses élèves à devenir ingénieurs. J'ai pu constater, avec mon collègue Pierre Ouzoulias, la déception des partenaires de l'enseignement agricole sur ce point. J'ai également eu l'occasion, la semaine passée, d'intervenir au sujet des enfants handicapés en milieu scolaire, suite à l'incident survenu au lycée Damas de Rémire-Montjoly, en Guyane. Enfin, on ne peut que se réjouir de l'abaissement de la scolarisation obligatoire à trois ans ! Cette réforme fera de l'école maternelle un formidable outil d'insertion et de progrès social. Cependant, si en France hexagonale 90 % des enfants âgés de trois ans sont scolarisés, c'est loin d'être le cas dans les outre- mer, et tout particulièrement en Guyane et à Mayotte, seul département où la double-vacation a été instaurée. Dans ces territoires, la scolarisation à trois ans induit des défis tant sur le plan des infrastructures que des ressources humaines. Quel est votre sentiment sur cette problématique et comment comptez-vous préparer la rentrée de 2019, en garantissant à tous les enfants de France hexagonale et des outre-mer le droit à l'instruction ? Alors que le manque d'établissement est patent à chaque rentrée, ne faudrait-il pas construire de nouveaux établissements selon un modèle plus souple ?

Mme Mireille Jouve . - Ma première question concerne l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire dès la rentrée 2019. Cette réforme aura des effets significatifs sur les collectivités locales qui n'étaient pas jusqu'alors tenues de participer au financement des activités des maternelles des établissements privés sous contrat. Même si cette question ne sera pas prise en compte en 2019, pourriez-vous nous indiquer comment vous comptez éviter de pénaliser les collectivités locales ?

Ma seconde question portera sur les heures supplémentaires dans le secondaire. La baisse des effectifs budgétaires doit y être compensée par un recours aux heures supplémentaires. 65 millions d'euros y sont destinés. Initialement tenus d'accepter une heure supplémentaire par semaine, les professeurs ne seront plus en mesure d'en refuser deux, si leur établissement leur en fait la demande. Or, la moitié des professeurs assument déjà au moins deux heures supplémentaires par semaine. Ne craignez-vous pas que la marge d'augmentation d'heures de cours dispensés ne soit trop réduite pour pallier la baisse des effectifs budgétaires dans le second degré ?

M. Max Brisson . - Mes questions porteront sur l'attractivité du métier d'enseignant. Vous vous présentez comme le ministre des professeurs. Il n'y a pas d'école de la confiance sans professeurs en confiance. Le concours me paraît la clef pour une bonne formation pratique et théorique. Le ministère de l'éducation nationale sera-t-il en mesure de préciser la maquette des formations dispensées en ÉSPÉ ? Je vous rejoins sur le pré-recrutement, tant il est essentiel de corriger les fausses représentations des postulants au métier d'enseignant. En revanche, je suis plus dubitatif sur la rémunération des professeurs. S'il vaut mieux rémunérer les enseignants affectés en REP+, votre confirmation du PPCR provoquera le retard de la rémunération des jeunes enseignants, au bénéfice de leurs aînés dans la carrière. N'oublions pas que les jeunes professeurs dans les grandes métropoles sont des travailleurs pauvres et l'augmentation de 1 000 euros sur une année n'améliorera pas leur sort !

Nous sommes d'accord avec vous sur la nécessaire gestion des ressources humaines individualisées et de proximité. Le principe de l'indifférenciation des profils des professeurs et des postes ne doit-il pas être remis en cause ? Rassurez les professeurs de l'enseignement professionnel sur la voie générale quant à la part d'enseignement des disciplines de culture générale dans la voie professionnelle rénovée. Enfin, je salue la qualité du travail effectué par la présidente du Conseil supérieur des programmes.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis . - Votre budget demeure en-deçà des objectifs de la loi de programmation de 2013. La création d'un observatoire du pouvoir d'achat des professeurs est certes louable. Où sont inscrits les crédits affectés à l'augmentation annuelle de 1 000 euros dans les bleus budgétaires ? Je vous donne cependant acte de la préservation réussie des moyens pour l'enseignement scolaire, avec la poursuite des dédoublements des classes de CP et de CE1 en REP+, ainsi que de votre engagement d'améliorer l'encadrement dans les milieux urbain et rural les plus difficiles. Mais il faut constater que le second degré paie un lourd tribut, avec la perte de 2 650 emplois, alors que les effectifs augmentent d'année en année. Pensez-vous que le recours massif aux heures supplémentaires permettra de suppléer à cette diminution de postes ? Vous êtes dans l'optique du « travaillez plus pour gagner plus », mais où sont les crédits correspondants ?

On constate une baisse des crédits affectés à la formation des enseignants et à l'orientation. Comment appliquer les nouvelles exigences qui découlent de la réforme du baccalauréat, comme l'instauration de deux professeurs référents par classe, du contrôle continu et d'une orientation des élèves plus approfondie ? Enfin, je rappellerai que la transformation des contrats aidés en contrats d'accompagnateurs des élèves en situation de handicap (AESH) avait déjà débuté sous le gouvernement précédent.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous avons été choqués par la transformation des relations entre les élus et l'inspection académique en bataille juridique. Plusieurs de nos collègues ont gagné des recours formés devant le tribunal administratif à l'encontre de fermeture de classes en milieu rural. Je souhaitais vous alerter sur cette situation totalement anormale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - J'ai beaucoup de considération pour l'enseignement agricole qui entretient d'excellentes relations avec l'enseignement général. Facteur de réussite pour les élèves, il est un partenaire essentiel de l'éducation nationale. En pratique, lorsque la réforme du baccalauréat a été conduite, nous avons instauré une nouvelle spécialité « écologie, agronomie et territoire » qui peut également s'adresser aux élèves des lycées généraux. Sa visibilité va devenir plus forte pour un thème important pour les élèves, à l'instar de la révolution numérique.

Les conventions de ruralité ne devraient pas être modifiées ; l'objectif étant de couvrir l'ensemble des 66 départements considérés comme ruraux. Avec le sénateur Alain Duran, nous avons ajouté dix départements au dispositif existant et chaque contrat a été rediscuté, afin d'aboutir à une vision stratégique qualitative. Je souhaite que la Vendée soit bénéficiaire d'un contrat de ruralité.

Les AESH sont un sujet important. Avec Sophie Cluzel, nous avons entamé un cycle de discussions avec l'ensemble des acteurs qui doit se terminer en février. Puisque les contrats aidés sont voués à disparaître, nous souhaitons que les AESH soient mieux rémunérés et bien formés. Certes, tous les AESH n'exercent pas à temps plein, ce qui obère leur rémunération. Cette réflexion nous conduit à envisager le temps de l'enfant et à préconiser un lien plus fort entre le scolaire et le périscolaire. L'État et les collectivités locales doivent concevoir ce temps ensemble, afin d'améliorer l'accompagnement de l'enfant et la rémunération des AESH qui doivent également bénéficier de soixante heures de formation annuelle.

Les professeurs doivent également être formés à l'accueil des 340 000 enfants handicapés dans l'école désormais inclusive et bénéficier d'une formation favorisant, dans la durée, la personnalisation des parcours.

La Seine-Maritime est en effet un cas particulier et je ne vous détaillerai pas la manière avec laquelle je compte parvenir à un résultat. La vie de l'éducation nationale ne saurait être contentieuse et la judiciarisation de la vie scolaire, déjà présente, n'a pas à être accentuée. Ce département doit également bénéficier d'une convention de qualité.

Avec 850 000 enseignants pour 12 millions d'élèves, le taux d'encadrement n'est pas, en soi, un problème, puisqu'il faut y ajouter d'autres paramètres comme le nombre d'heures et la répartition territoriale. Nous devons assumer l'ensemble des conséquences de notre modèle éducatif. Ce sujet est plutôt qualitatif : le taux d'encadrement variera peu ou pas avec la mise en oeuvre de nos mesures, parmi lesquelles la seconde heure supplémentaire obligatoire. Quand bien même ces heures supplémentaires, à l'échelle d'un établissement, s'avéreraient insuffisantes, leur impact devrait se limiter à un élève pour trois classes.

La priorité pour le premier degré est clairement assumée et le second degré va connaître une baisse démographique à la suite de celle enregistrée dans l'enseignement primaire. C'est là un cap à passer. Valoriser la fonction de professeur et avoir une école primaire qui parvient à envoyer dans le secondaire des élèves aux compétences consolidées sont des enjeux qualitatifs auxquels nous tenons.

Les recteurs sont attentifs, au cas par cas, aux situations de handicap, à l'instar des épisodes qui viennent de se dérouler en Guyane et en Seine Maritime et relèvent avant tout des ressources humaines.

Je vous remercie de souligner l'importance de la scolarisation à l'âge de trois ans pour l'outre-mer. Cette démarche se traduit par des créations de postes en Guyane et à Mayotte où la faible scolarisation des enfants en bas âge explique, pour partie, les difficultés scolaires qu'ils éprouvent une fois à l'école élémentaire. Le PLF 2019, avec 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement, permet de financer un plan volontariste inédit pour Mayotte. Conformément aux attentes, l'État s'y engage budgétairement dans la durée et travaille activement avec les Comores pour limiter le flux migratoire. Il est désormais possible d'être optimiste pour Mayotte, même si de nombreux obstacles restent à franchir. La création d'un rectorat, comme l'y invite le projet de loi qui vous sera soumis début 2019, est à cet égard significative. Dans le domaine éducatif, nos engagements du plan Guyane seront également tenus.

C'est la première fois qu'est véritablement instaurée cette mesure, annoncée pourtant par le passé, de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. L'acquis que représente l'instruction obligatoire à trois ans est plus important que le problème posé. Il s'agit bel et bien d'une avancée.

Les collectivités seront accompagnées financièrement par l'État pour couvrir les frais générés par l'instruction obligatoire à trois ans, dans le respect de la constitution et avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur. L'évaluation financière se fera progressivement, puisque les 25 000 élèves supplémentaires que nous allons accueillir en maternelle doivent être rapportés à la baisse globale du nombre de 60 000 élèves. Les frais supplémentaires, qui seront, à cette occasion, engagés par les communes, seront compensés par l'État.

Les préconisations du rapport présenté par la sénatrice Laborde et le sénateur Brisson, tout comme celles du rapport sur le numérique de la présidente Morin-Desailly, auront une influence sur le contenu de la prochaine loi.

Une mission, conduite par l'ancien recteur Bernard Saint-Girons, sur la place du concours, devrait bientôt rendre ses conclusions. Il s'agit de faire évoluer la situation actuelle, avec une vision différente pour les premier et second degrés. L'exigence du niveau master demeurera inchangée, mais nos professeurs entreront dans la carrière de manière progressive, soit dans le cadre du pré-recrutement, soit suite au positionnement du concours lui- même. Il est nécessaire que le ministère de l'éducation nationale contribue, en lien avec le ministère de l'enseignement supérieur, à la définition des formations dispensées en ÉSPÉ. Il faut susciter des vocations de professeur, dès le collège et le lycée, en octroyant par la suite des bourses spécifiques et en favorisant la mixité sociale au sein de notre corps enseignants.

Si le PPCR peut renforcer le système à l'ancienneté, des mesures en faveur des jeunes professeurs sont prises. Nous faisons évoluer le système. La hausse de 1 000 euros annuel, qui vient s'ajouter à la désocialisation des heures supplémentaires qu'il sera plus aisé d'obtenir, représente un acquis à la fin du quinquennat au profit des jeunes certifiés et des jeunes professeurs des écoles. C'est pourquoi, la création d'un observatoire de la rémunération des professeurs, sous l'égide du directeur des ressources humaines du ministère, nous permettra d'évaluer concrètement les conséquences de ces mesures.

La gestion des ressources humaines (GRH) de proximité va permettre d'accompagner le développement des postes à profil, afin de tenir compte des particularités des territoires et des établissements ; le dédoublement des classes de CP et de CE1, ouvert aux enseignants volontaires, a permis le profilage des postes.

Nous devons renforcer l'enseignement général dans l'enseignement professionnel, car la culture générale et les savoirs fondamentaux de nos élèves doivent être consolidés. Cette démarche doit être avant tout qualitative. L'élève de l'enseignement professionnel reçoit déjà 34 heures d'enseignement par semaine. Dans la lignée du rapport de Régis Marcon et de Céline Calvez, la co-intervention, c'est-à-dire un enseignement général mieux articulé avec l'enseignement professionnel, est privilégiée pour favoriser la progression des élèves.

Je vous remercie de vos propos sur le conseil supérieur des programmes. Les professeurs sont d'ailleurs particulièrement invités à améliorer le contenu des programmes disponibles sur internet ; l'objectif ultime étant d'élever le niveau général des élèves.

Enfin, nos choix budgétaires se traduisent en dépenses salariales : 810 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation du salaire des professeurs.

Merci également d'avoir souligné que l'engagement en faveur de l'école primaire, à travers notamment la création de postes, transparaît dans le budget. La baisse des crédits de la formation des professeurs n'est que le produit de la sincérisation des moyens que nous y consacrons. Cela n'exclut pas du tout de futures augmentations budgétaires en faveur de la formation des professeurs, à la condition de les articuler à des fins.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente.- Nous souhaitons qu'à l'avenir, du fait de l'existence des deux missions budgétaires, nous ayons, avec chacun d'entre vous, une audition distincte.

M. Claude Kern . - L'augmentation du budget consacré aux échanges internationaux et destiné à favoriser la mobilité européenne de nos jeunes concernera-t-elle les stages pour les baccalauréats professionnels et les brevets de technicien supérieur (BTS) ? Qu'en est-il de l'intégration de l'apprentissage au dispositif Erasmus ?

Ensuite, dans le cadre du programme Action publique 2022, les politiques destinées à la jeunesse et à la vie associative sont transférées aux collectivités qui devront assumer de nouvelles charges. C'est inacceptable. Ce transfert se fera au détriment des services de proximité dédiés et impliquera une meilleure mise en réseau des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS) sur la totalité des territoires. Les régions ont-elles les moyens de récupérer la compétence jeunesse et sport, sans aucun transfert de moyens financiers supplémentaires ?

Enfin, je ne peux passer sous silence le bilinguisme, en liaison avec le projet de création de la collectivité européenne Alsace. Ce chapitre bilinguisme peut-il être mis en oeuvre avant le 1 er janvier 2028 et sera-t-il bénéficiaire de moyens financiers spécifiques ?

M. Laurent Lafon . - Quels sont les moyens consacrés à la mise en oeuvre des nouvelles filières d'enseignement ? Où en est la création d'un CAPES ou d'une agrégation d'informatique que préconisait le rapport présenté par Pierre Mathiot ?

En outre, le rapport de la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire met au jour les écarts significatifs entre académies, en matière de coûts spécifiques et d'allocations budgétaires. Pour preuve, l'allocation de l'Académie de Créteil s'avère inférieure de 22 % à la moyenne nationale, sans parler de l'écart avec l'Académie de Dijon où l'allocation atteint 2 200 euros. Comment expliquer de telles différences ? Enfin, que pensez-vous du nouveau mécanisme d'allocation des moyens, destinés à restreindre les effets de seuil, dont la création est préconisée par la Cour des comptes ?

Mme Françoise Laborde . - Les membres de la réserve citoyenne pourraient-ils participer au service national universel comme tuteurs ?

L'abaissement du nombre des rectorats à 13 vous paraît-elle de nature à favoriser la proximité qu'attendent, notamment, les habitants et les élus des zones rurales ?

Mme Maryvonne Blondin . - Les contractuels sont désormais recrutés dans le premier degré. Allons-nous vers une contractualisation accrue au détriment du recrutement de fonctionnaires ? Les lauréats des concours, inscrits sur des listes complémentaires, ne pourraient-ils pas être affectés à des remplacements, pour répondre aux besoins dans des secteurs où sont employés des contractuels ? L'évolution du service de santé scolaire demeure préoccupante. En outre, l'enseignement public bilingue est inclus dans le pacte girondin qu'appelle de ses voeux le Président de la République.

M. Olivier Paccaud . - En 2016, du temps de la réserve parlementaire, 4 000 associations se partageaient 50 millions d'euros. Le fonctionnement du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) s'avère opaque pour les élus et le monde associatif. Ne pourrait-on pas s'inspirer du fonctionnement des commissions instaurées par la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) en instaurant une commission, à laquelle participeraient les élus et les parlementaires, pour la gestion du FDVA ?

M. Christian Manable . - Quels seront les formateurs, l'encadrement et les lieux d'accueil du service national universel ?

Mme Sonia de la Provôté . - Il faudrait, dès ce budget, annoncer des mesures pour le collège, dont les élèves vont être confrontés à la réforme des lycées. Il faut qu'ils soient accompagnés, au même titre que leurs successeurs.

Les classes passerelles, destinées aux enfants de moins de trois ans, permettent d'assurer leur scolarisation. Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?

Enfin, les enfants sourds sont peu, voire mal accompagnés par l'éducation nationale. Ainsi à Caen, des parents ont porté plainte contre le rectorat qui a dû ouvrir une classe destinée aux enfants sourds. La surdité doit être considérée comme un handicap à part entière.

M. Pierre Ouzoulias . - La place de la philosophie va être valorisée dans le nouveau baccalauréat. La note finale de l'examen de philosophie va- t-elle être intégrée dans Parcoursup ?

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le numérique participe de la nécessaire réforme des ÉSPÉ qui se trouvent, dans ce domaine, dans une position indigente.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . - Le volet international du budget fait partie de nos priorités, comme l'a souligné le Président de la République dans son discours de la Sorbonne en promouvant l'apprentissage de deux langues vivantes par tous les élèves. C'est là un très vaste sujet qui inclut les élèves de l'enseignement professionnel et des filières BTS.

Le soutien au bilinguisme apporté par la création d'une collectivité européenne en Alsace contribuera au dynamisme de l'apprentissage de l'allemand au niveau national, qui a dépassé le seuil des 500 000 élèves.

S'agissant des moyens budgétaires spécifiques pour les nouveaux enseignements de lycée, notre système se finance de la même façon que précédemment. La disparition des séries, à partir de la classe de première, induira celle des disparités d'effectifs selon les sections. Rien n'interdit désormais à un proviseur d'avoir quatre classes de terminales à 27 élèves et d'organiser le système de spécialités. Ce dispositif permettra ainsi d'assumer certains surcoûts susceptibles d'être générés par les spécialités.

Le rapport de la Cour des comptes est positif pour ce que nous avons commencé à faire dans l'éducation prioritaire. Il souligne les avancées et préconise les mesures que nous comptons prendre. Les préconisations de la mission Azéma-Mathiot visent à porter un terme aux effets de seuil pour améliorer l'éducation prioritaire.

La réserve citoyenne représente effectivement un capital de bonne volonté civique qui pourrait bénéficier au tutorat dans le cadre du SNU. Nous allons oeuvrer, avec Gabriel Attal, pour faire évoluer les choses. D'autres bonnes volontés, au sein des fédérations des délégués départementaux de l'éducation nationale (DDEN) ou de l'association des membres de l'ordre des palmes académiques (AMOPA), s'expriment autour de l'éducation nationale et gagneraient à être employées à l'occasion de la mise en oeuvre du SNU.

Il faut être créatif dans le monde rural en s'inspirant des bonnes pratiques. L'ouverture de nouvelles classes peut également être la conséquence de regroupements territoriaux.

L'instauration de la GRH de proximité, qui va de pair avec une gestion plus personnalisée, est une priorité. La contractualisation, qui concerne 4 % des enseignants du second degré et 0,5 % du premier degré, n'est pas vouée à être accrue, mais contribue à la souplesse du fonctionnement de notre dispositif. Même si ces contrats diffèrent de ceux évoqués par le ministre des comptes publics, la réflexion actuellement conduite par Bercy peut aboutir à un meilleur compromis entre l'actuelle instabilité et le statut de fonctionnaire.

Nous allons de l'avant dans la continuité du rapport de Chantal Manès et d'Alex Taylor qui préconise notamment le bilinguisme dès l'école primaire et l'amélioration de l'apprentissage des langues étrangères sur laquelle je m'exprimerai prochainement.

Le FDVA, dont le fonctionnement peut être amélioré, accorde déjà une place aux élus locaux.

La formation et la diversité des profils d'encadrement seront essentielles au fonctionnement du SNU qui représente également une opportunité pour la revitalisation des territoires ruraux.

L'orientation au collège et au lycée est essentielle. Dans le cadre du plan étudiant, que nous avons en partage avec le ministère de l'enseignement supérieur, les filières seront présentées aux élèves jusqu'à la classe de sixième, en commençant dès cette année par les élèves en seconde, à raison de 54 heures par an. Cette démarche sera conduite en partenariat avec les régions compétentes en matière d'information et d'orientation.

J'ai bien entendu votre intervention sur le handicap.

Enfin, l'importance de la philosophie fait consensus. La spécialité « littérature, philosophie et humanités » représente une opportunité de débuter son enseignement dès la classe de première. Les enseignements relevant du bloc général sont complémentaires de ceux donnés en spécialité. L'intégration de la note de philosophie dans Parcoursup présente une difficulté technique, puisque les dossiers seront adressés avant qu'elle ne soit délivrée. La philosophie est la seule discipline commune à tous que l'on passe à la fin du parcours secondaire.

Je suis persuadé de l'importance de la place du numérique dans la formation des professeurs. Ce thème sera d'ailleurs abordé lors de l'examen du projet de loi.

Enfin, s'agissant de la santé scolaire, 687 millions d'euros au titre des dépenses de personnels, et 3,8 millions d'euros pour les frais de déplacement des personnels itinérants sont prévus. Les services de santé scolaire des collectivités locales et les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté bénéficieront respectivement de 2,79 millions et de un million d'euros. Au-delà de ces augmentations, ces sujets sont avant tout d'ordre qualitatif. Confrontés au manque de recrutement, nous sommes engagés à l'effectivité de la visite médicale des élèves de trois à six ans, en mobilisant, le cas échéant, la médecine civile. Un début de progrès a été amorcé, comme en témoigne l'évolution de nos relations avec le ministère de la santé.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Le volume de nos questions s'explique par le caractère contraint du débat en séance publique. Les questions doivent ainsi être posées en amont et nous vous remercions d'y avoir répondu.

Audition de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation (crédits « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » et crédits « Enseignement supérieur et recherche agricoles » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »)

MARDI 13 NOVEMBRE 2018

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Mme Catherine Morin-Desailly , présidente.- Nous vous souhaitons, monsieur le ministre, la bienvenue dans cette salle que vous connaissez bien puisque vous êtes, pour quelques jours encore, membre de notre commission, et vous félicitons chaleureusement pour votre nomination.

Nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2019, à l'enseignement agricole et à la recherche agricole.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.- Membre de cette commission, je m'étais étonné jusqu'à présent du fait, qu'à une exception près, la présentation du budget de l'enseignement agricole ait échu au ministre de l'éducation nationale. Or, l'enseignement agricole est un joyau qui doit demeurer au ministère de l'agriculture et je suis fier de vous le présenter, comme ministre de l'agriculture, pour la première fois !

Ce budget représente 35 % du budget global du ministère de l'agriculture et de l'alimentation soit près de 1,8 milliard d'euros : 315 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche et 1,47 milliard d'euros pour l'enseignement technique. Il mobilise également 60 % des fonctionnaires du ministère. Outre une mission de formation et d'insertion professionnelle, le législateur lui a également confié des missions d'animation du territoire, d'expérimentation et de coopération internationale tout à fait spécifiques.

L'enseignement technique agricole, ce sont 800 établissements et 160 000 jeunes scolarisés de la 4ème au BTS. 40 % le sont dans des établissements publics et les autres se répartissent également entre les maisons familiales rurales (MFR) et les lycées privés. Il compte également 34 000 apprentis et forme 250 000 adultes. Je veux ainsi être le ministre de toutes ces formations, comme je l'ai signalé à plusieurs reprises. Aujourd'hui, l'enseignement agricole ne compte plus que 10 % d'enfants d'agriculteurs mais joue un rôle majeur dans la formation des jeunes de milieu modeste des zones rurale et périurbaine auxquels il offre de bons taux de réussite aux examens et des taux d'insertion professionnelle remarquable. L'enseignement agricole a considérablement évolué pour répondre aux nouveaux besoins du monde rural et périurbain : 40 % des formations sont en lien avec l'agriculture, les industries agroalimentaires, la filière forêt bois et les métiers de l'environnement et des paysages, 30 % concernent les services à la personne et aux territoires et 30 % consistent en des formations générales et technologiques. La plupart des jeunes qui rejoignent nos établissements ne se destinent donc pas à devenir agriculteurs, mais à exercer une profession dans le secteur de l'environnement, de l'alimentation ou des services à la personne.

J'ai souhaité faire de l'enseignement et de la recherche l'une des priorités de mon action au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. En effet, la jeunesse, qui représente l'avenir de notre pays, l'avenir de nos filières et de nos territoires, est la priorité du Gouvernement. La formation, l'expérimentation et l'innovation sont les leviers indispensables de la transformation agro-écologique de notre agriculture et de nos filières. Comme l'a dit le Président de la République, l'enseignement agricole est à la fois un système qui fonctionne et une voie de réussite et d'excellence. Il obtient d'excellents résultats en termes de réussite aux examens, d'insertion professionnelle et forme des citoyens épanouis et ouverts sur l'Europe et sur le monde.

C'est pourquoi je voudrais affirmer aujourd'hui trois ambitions fortes pour l'enseignement agricole. Première ambition : l'enseignement agricole doit former plus de jeunes. Malheureusement, il en accueille, d'année en d'année, de moins en moins ! Un défaut de communication est manifeste ; les jeunes ne connaissant pas ses filières. Il faut ainsi améliorer l'orientation des jeunes, en lien avec l'éducation nationale, et renforcer l'attractivité de ses métiers. Je souhaite que les filières - l'une relative à l'environnement et l'autre sanitaire - évoquées lors des États-généraux de l'alimentation soient créées.

Deuxième ambition : l'enseignement agricole doit participer à la transformation de notre agriculture, de nos filières et de nos territoires. La performance économique, sociale, environnementale et sanitaire représente des attentes à la fois du législateur et de la société. L'enseignement agricole représente un levier essentiel pour répondre à ces attentes, transformer notre système productif et réaliser cette transition irréversible vers l'agro-écologie.

Troisième ambition : faire confiance aux établissements, aux acteurs locaux, pour répondre aux besoins de tous les territoires. Les programmes et les formations peuvent être adaptés à l'échelon territorial. Il faut donner davantage d'autonomie aux établissements agricoles pour qu'ils s'adaptent au contexte local et répondent aux souhaits des jeunes. Ce mouvement est déjà largement engagé dans l'enseignement agricole, puisque les équipes enseignantes disposent de 20 à 25 % d'heures non affectées dans les référentiels pour mener des projets locaux. Je souhaite que ce quota d'heures soit augmenté. C'est grâce à cette souplesse accrue que nous réaliserons le schéma d'emplois qui est demandé, avec une baisse de 50 équivalents temps plein (ETP) qui n'induira ni mutation dans l'intérêt du service, ni fermeture nette de classe.

Je souhaite également réussir les réformes en cours, tant celle du baccalauréat que de l'apprentissage, qui constitue une opportunité formidable de réussite dans le secteur de l'agriculture.

Je voudrais également évoquer la recherche et l'enseignement supérieur agricole. Le rapprochement entre l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) va permettre de disposer, au 1 er janvier 2020, d'un acteur de premier rang mondial dans les domaines de l'agronomie, des sciences du vivant et de l'environnement. Dans le même esprit, la fin de la mandature va notamment être marquée par le transfert d'AgroParisTech à Saclay, le rapprochement des écoles agronomiques et la recherche de synergies entre nos quatre écoles vétérinaires, afin de refonder notre enseignement vétérinaire et de mieux répondre aux besoins de la ruralité.

Le budget du programme 143 connait une légère hausse (+1,44 %), soit 25 millions d'euros supplémentaires, par rapport à celui de l'an passé. Pour l'enseignement supérieur, cette dotation permettra d'augmenter de deux millions d'euros, soit de 2,5 %, les crédits de fonctionnement de nos écoles, ce qui permettra d'accueillir davantage d'étudiants dans de bonnes conditions et d'augmenter de 5,5 millions d'euros, soit 2,6 % de hausse, les rémunérations des personnels. Pour l'enseignement technique, le ministère dispose de huit millions d'euros de plus pour accompagner les établissements privés du temps plein et les maisons familiales rurales. Cet effort est important, compte tenu de la baisse des effectifs du privé - 12 600 jeunes en moins depuis 2011 -, et permettra de rapprocher la dépense publique par élève entre l'enseignement public et privé. Les systèmes d'information seront aussi modernisés. La hausse des crédits de personnels permettra d'améliorer la situation des enseignants et non enseignants de l'enseignement agricole, ce qui renforcera l'attractivité de ces métiers. Par ailleurs, les crédits consacrés au handicap augmentent de 44 % et 25 ETP d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sont créés pour un montant de 700 000 euros.

Nous réussirons notre mandature en agriculture si, à la fin du quinquennat, plus d'élèves rejoignent l'enseignement agricole. Nous aurons alors transformé notre modèle agricole pour répondre aux nouvelles attentes.

M. Antoine Karam , rapporteur pour avis des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole ». - Nous avons entendu, ces quinze derniers jours, l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole, y compris le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Je voudrais vous remercier d'avoir consacré votre première visite ministérielle à des établissements de l'enseignement agricoles dans l'Isère. C'est là un gage de l'importance que vous lui accordez.

Année après année, nous assistons à la diminution du nombre d'élèves, qui devrait passer cette année sous la barre des 160 000, franchie dans les années 1990. Quelle politique allez-vous mener pour rendre à l'enseignement agricole sa vitalité et son attractivité ? Que ferez-vous pour réhabiliter une image encore trop dévalorisante ?

Par ailleurs, la coopération avec l'éducation nationale est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, par exemple en matière de remplacement, d'accompagnement d'élèves en situation de handicap ou d'orientation. Comme me le faisait remarquer l'un de mes interlocuteurs, tous les élèves de l'enseignement agricole sont issus de l'éducation nationale. Quel regard portez-vous sur la coopération avec le ministère de l'éducation nationale ? Quelles perspectives souhaitez-vous lui donner ?

Enfin, j'ai été saisi, à plusieurs reprises, de la question du statut des directeurs d'établissement public, qui sont une des chevilles ouvrières de l'enseignement agricole. Si l'hypothèse d'un corps interministériel semble définitivement écartée, comment comptez-vous renforcer l'attractivité des fonctions de directeur d'établissement ?

M. Didier Guillaume, ministre. - Mon premier déplacement ministériel s'est déroulé dans plusieurs établissements : un lycée d'enseignement public, un lycée d'enseignement privé et une maison familiale rurale situés dans deux départements. La baisse du nombre d'élèves doit être enrayée. La communication sur les métiers de l'enseignement agricole est essentielle : les formations dispensées ne se limitent pas au seul métier d'agriculteur et préparent notamment aux métiers de services en milieu rural. Je partage votre constat quant à l'importance de la coopération avec l'éducation nationale pour l'orientation des élèves.

Le statut des directeurs d'établissement est essentiel. Si la création d'un corps spécifique destiné aux directeurs d'établissement a été refusée par le ministre en charge de l'action et des comptes publics, le projet d'un statut d'emploi rénové a été, l'année passée, élaboré en concertation avec les organisations syndicales. Ce projet, dont le ministère de l'action et des comptes publics a été saisi en août 2018, prévoit la création d'une grille indiciaire rénovée en fonction du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) en vigueur pour les personnels de direction de l'éducation nationale. La réponse du guichet unique devrait intervenir au cours des prochaines semaines. Conscient de l'importance de fournir des gages de reconnaissance aux directeurs, je suis favorable à ce qu'ils aient un statut.

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits enseignement supérieur du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». - Les États-généraux de l'alimentation ont suscité de réels espoirs au sein de la profession agricole, que la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM » a très vite anéantis. L'attractivité des métiers agricoles représente un réel enjeu. Or, les attaques médiatiques récurrentes sur les pratiques agricoles et les agriculteurs nuisent considérablement à l'image du métier et à l'enseignement agricole. Comment comptez-vous, au sein de ce Gouvernement où les sensibilités sur l'agriculture peuvent diverger, revaloriser globalement l'enseignement agricole ?

M. Didier Guillaume, ministre. - Si les attaques contre l'agriculture se multiplient, nous n'y parviendrons pas ! Je veux être le bouclier des agriculteurs et des agricultrices qui sont souvent des bouc-émissaires. Non ! Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs ! Leurs pratiques ont évolué : l'utilisation de l'eau a baissé de 30 % en quinze ans et la transition vers l'agro-écologie est une réalité. Les instituts de recherche travaillent également à l'élaboration de nouvelles méthodes destinées à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Les États-généraux ont généré de réels espoirs et la loi EGALIM, qui vient d'être promulguée, sera progressivement mise en application. La qualité sanitaire et alimentaire des produits de l'agriculture française est réelle. Certes, des progrès peuvent encore être réalisés : une étude de notre ministère indique l'augmentation sur ces trois dernières années de l'utilisation des produits phytosanitaires, en dépit des plans Écophytos. Le travail conduit par les organisations syndicales agricoles, et notamment la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) avec ses contrats de solution, ainsi que les perspectives ouvertes par la « start-up nation pour les bonnes pratiques » lancée par le Président de la République, devrait bénéficier à l'agronomie sur notre territoire, alors que la sortie du glyphosate a été annoncée pour 2020. Enfin, il faut réconcilier le rural et l'urbain, et avec eux, l'agriculture et la société, ainsi que l'agriculteur et son voisin.

Mme Laure Darcos , rapporteur pour avis des crédits recherche du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». - Les motivations de la fusion de l'INRA avec l'IRSTEA sont-elles avant tout scientifiques ? Les personnels sont inquiets. Me confirmez-vous que cette fusion bénéficiera des crédits supplémentaires à hauteur des 4,8 millions d'euros qui ont été annoncés ?

M. Didier Guillaume, ministre. - L'IRSTEA et l'INRA sont deux instituts de taille distincte aux compétences complémentaires. Un travail remarquable a été conduit en interne. Il ne s'agit pas d'une fusion motivée par des considérations strictement budgétaires, mais d'une démarche visant à obtenir l'excellence mondiale. Cette fusion n'implique aucune réduction ni de budget ni du nombre de postes. Ces deux instituts travaillent également de concert pour déterminer leur implantation optimale. Les chercheurs sont les plus à même de se prononcer sur les modalités concrètes de cette fusion qui contribue à notre primauté en agronomie.

Mme Dominique Vérien . - Que vont devenir les petits centres de formation d'apprentis (CFA) en secteur rural, avec la disparition des financements régionaux ? La baisse annoncée du nombre d'ETP devrait conduire à la fermeture du centre d'application de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort situé à Champignelles, dans le département de l'Yonne, dont le CFA est également menacé. En outre, si la dotation budgétaire de la scolarisation des élèves en situation de handicap devrait connaître une hausse, de l'ordre de 3,4 millions d'euros, l'aide sociale devrait, quant à elle, connaître une baisse de 12 millions d'euros. Celle-ci concernera les bourses et les fonds sociaux, alors que la part des élèves boursiers dans l'enseignement agricole demeure plus élevée que dans les établissements de l'éducation nationale.

M. Jean-Yves Roux . - Les agriculteurs de mon département des Alpes de Haute-Provence expérimentent, en coopération avec les instituts de recherche, de nouvelles techniques au service d'une agriculture plus durable et économe en eau. Faute de pouvoir consacrer la totalité de leur temps à la recherche, ces agriculteurs ne sont pas éligibles au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Or, les recherches qu'ils conduisent participent à la transition vers une agriculture biologique et durable. Avez-vous l'intention de promouvoir des appels d'offres spécifiques et d'associer plus étroitement, y compris financièrement, les groupements d'agriculteurs engagés dans une telle démarche ?

M. Pierre Ouzoulias . - Nous vous avons entendu, comme sénateur, lors du débat sur la loi sur l'alimentation et l'agriculture. L'agriculture aborde un tournant essentiel de son histoire. La formation est cruciale pour accompagner ces agriculteurs qui ne doivent être ni culpabilisés ni laissés seuls face aux défis qui sont immenses. L'enseignement agricole est essentiel à tous nos territoires ainsi qu'à notre conception de la République et à nos racines paysannes. Cependant, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 prévoit une suppression de 5 millions d'euros de crédits du programme 142. Cette mesure, dont vous n'êtes pas responsable, s'inscrit à l'inverse de nos convictions communes. C'est là un signal préjudiciable à l'ensemble de l'enseignement et de la recherche agricoles.

J'ai rencontré les représentants syndicaux sur le statut des directeurs d'établissement. L'appartenance à un corps leur permettrait d'accéder à la mobilité, y compris vers l'éducation nationale. J'ai pris note de votre volonté de faire avancer ce dossier, même si la création de nouveaux corps ne semble guère dans l'air du temps.

M. Jacques Grosperrin . - L'enseignement agricole ne manquera pas de subir, à moyen terme, les conséquences de la baisse des élèves annoncée dans l'enseignement primaire. Or, de nombreux projets voient le jour, comme, dans la région Bourgogne-Franche-Comté, le lancement d'un logiciel de gestion de parcs forestiers par le numérique, l'inclusion des MFR dans Erasmus, ou encore la création d'un nouveau campus des métiers et qualifications agricoles à Vesoul. Or, ces initiatives se heurtent parfois à la pesanteur de l'éducation nationale : la Bourgogne et la Franche-Comté ont chacune un recteur, ce qui complexifie la situation. Pourrez-vous désigner un chef de file sur de tels projets ?

Mme Colette Mélot . - Les élèves de l'enseignement agricole doivent bénéficier de l'ensemble des formations disponibles. Le ministre de l'éducation nationale a annoncé que sur les 16 millions d'euros consacrés aux dispositifs d'échanges internationaux, 2 millions d'euros abonderont les programmes portés par l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) et l'Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ). Les établissements et les enseignants doivent y être impliqués. L'enseignement agricole pourra-t-il bénéficier de ces financements ?

M. Jacques-Bernard Magner . - Votre arrivée au ministère se fait dans un contexte budgétaire contraint. En 2012, l'un de vos prédécesseurs, Stéphane Le Foll, avait annoncé la création de 1 250 postes durant le précédent quinquennat. Vos ambitions pour l'enseignement agricole nous sont connues. La réforme du baccalauréat pourrait entraîner, selon les organisations syndicales, une perte de près de soixante postes pour l'enseignement agricole. En outre, comment l'enseignement agricole peut-il contribuer à faire de l'agro-écologie une priorité ? Enfin, comment comptez-vous assurer la promotion des femmes dans l'enseignement agricole ?

M. Didier Guillaume, ministre. - Toutes les questions auxquelles je ne suis pas en mesure de répondre, du fait de ma prise de poste récente, feront l'objet de réponses écrites.

La formation professionnelle suscite l'inquiétude. J'ai réuni l'ensemble des formateurs de l'enseignement public de mon ministère, avec la ministre du travail, pour aborder ce sujet. Les CFA, qui peuvent soulever des fonds, disposent de moyens de financement plus importants que d'autres structures. La situation du centre que vous évoquiez m'est connue et je vais essayer d'y répondre. Le budget pour 2019 prévoit une dotation de 600 000 euros pour les CFA, sans présager du soutien des régions.

Mme Dominique Vérien . - La région soutient déjà, avec 100 000 euros annuels, le CFA de Champigneulles !

M. Didier Guillaume, ministre. - L'effort de réduction de 50 ETP est partagé entre l'enseignement public et privé. Si les exploitations agricoles ne sont pas exclues du CICE, encore faut-il qu'elles en respectent les critères ! La simplification de ce dispositif ne me paraît cependant pas souhaitable.

Le transfert de 5 millions d'euros vers l'enseignement technique, que prévoit le projet de loi de finances rectificative, n'aura guère d'incidence sur les activités de notre ministère.

La création d'un corps spécifique aux directeurs des établissements d'enseignement agricole, actuellement débattue, me paraît une première forme de reconnaissance.

La baisse des effectifs de l'enseignement primaire nous pose en effet problème. La communication sur nos filières et nos métiers est, encore une fois, essentielle pour inciter les jeunes à rejoindre l'enseignement agricole, qui est également le champion d'Erasmus Plus. Cette réussite doit perdurer tant ces échanges permettent souvent à des jeunes, issus de milieux défavorisés, de partir pour l'étranger pour la première fois.

Durant le quinquennat précédent, 1 250 ETP ont été créés. Aujourd'hui, le nombre d'enseignants dont nous disposons est suffisant à l'exercice de nos missions.

L'agro-écologie figure déjà dans les programmes de l'enseignement agricole. Je souhaite que la transition environnementale et sanitaire y soit également incluse, dès l'année prochaine. La promotion des femmes est problématique dans les métiers de base de l'agriculture, tandis qu'elle est plutôt assurée dans les formations du supérieur. Si des mesures ont déjà été prises, en concertation avec Marlène Schiappa et Stéphane Travert, sur les congés maternité et les remplacements, d'autres progrès sont encore nécessaires.

Mme Françoise Laborde . - Les dernières réformes de l'enseignement général induisent des conséquences sur l'enseignement agricole. Les inquiétudes suscitées par la dernière réforme du baccalauréat général a cristallisé des inquiétudes dans les filières techniques. J'ai, à ce sujet, interpellé Jean-Michel Blanquer lors du débat initié par notre commission, le 3 octobre dernier.

En outre, la loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel a semé le trouble dans plusieurs CFA ruraux, notamment publics, du fait de leurs futures difficultés de financement.

Quelle sera la répartition entre l'enseignement agricole public et privé de la suppression des 50 ETP ? Par ailleurs, les maisons familiales rurales ne sont pas des lieux où l'apprentissage est tourné vers l'agriculture, mais plutôt vers les services à la personne, ce qui n'est pas sans créer de la confusion lors de l'examen du budget consacré à l'enseignement agricole. En outre, le rapport sur le métier d'enseignant, établi avec mon collègue Max Brisson, n'abordait pas l'enseignement agricole, du fait de ses spécificités, tant de ses enseignements que de ses personnels.

Mme Annick Billon . - Dans son rapport de 2018 sur la thématique « femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires », la délégation aux droits des femmes du Sénat a émis de nombreuses préconisations dont l'une, sur le congé maternité, a été reprise par Madeleine Schiappa. Ne vous privez pas d'aller chercher de bonnes idées dans ce rapport toujours pertinent !

Comment les 44 % des moyens supplémentaires pour les élèves en situation de handicap seront-ils répartis entre l'enseignement public et privé ? À quelle échéance le nouveau statut de directeur d'établissement d'enseignement agricole sera-t-il instauré ? Enfin, selon quels critères les 38 postes d'enseignement seront-ils supprimés ?

Mme Maryvonne Blondin . - Les lycées aquacoles bénéficient d'équipements et de partenariats spécifiques. Leur relation avec le ministère en charge de l'écologie ne doit-elle pas être affirmée ? Le budget consacré aux actions culturelles et sportives au sein de ces établissements doit également être amputé de 500 000 euros au profit du compte d'affectation spéciale consacré aux pensions. Ne risque-t-on pas d'entraîner la suppression pure et simple de telles activités, malgré leur importance pour les élèves ?

Mme Sonia de la Provôté . - La filière équine forme depuis le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) jusqu'au niveau Master. Elle représente 180 000 emplois. Son financement est spécifique puisqu'il repose à la fois sur le fonds éperon et les recettes du PMU. L'actuelle remise en cause de son financement risque de fragiliser cette filière et de menacer, plus largement, la situation des jeunes qui y sont scolarisés et y trouvent un avenir. En outre, l'excellence de la recherche dans la filière équine est reconnue, comme en témoignent les travaux réalisés dans le centre de Goustranville sur les cartilages qui peuvent avoir des applications sur l'homme. Je compte sur votre soutien pour cette filière qui rassemble également une grande diversité d'exploitations !

M. Didier Guillaume, ministre. - L'enseignement agricole dépend de mon ministère. J'assume d'ailleurs mes propos de l'année dernière. La loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel suscite de nombreuses questions au sein de la filière professionnelle.

S'agissant des CFA, ils pourront trouver d'autres financements, en complément de celui des régions qui continueront de pouvoir les aider.

La baisse du nombre d'élèves est plus forte dans le privé que dans le public. Je suis un ardent défenseur des maisons familiales rurales depuis de nombreuses années. Celles-ci proposent non seulement des formations qualifiantes dans les services en milieu rural et dans l'agriculture, mais aussi des passerelles vers l'enseignement supérieur.

Je ne manque jamais d'être inspiré par les travaux du Sénat, et notamment par ce rapport de la délégation sénatoriale au droit des femmes. Si l'enseignement agricole accueille, à parité, les garçons et les filles, les écoles vétérinaires accueillent désormais 80 % de femmes par promotion. Les syndicats vétérinaires m'ont alerté sur les risques de pénurie à terme de vétérinaires en milieu rural, puisque la majorité des jeunes praticiens choisissent d'exercer en ville, à la fin de leurs études. Or, le milieu rural a besoin de vétérinaires privés travaillant aux côtés des vétérinaires publics !

Je souhaite que la question du statut spécifique aux directeurs d'enseignement agricole soit réglée en 2019. Mon approche consiste à dire rapidement aux directeurs si un statut est mis en place ou si on y renonce clairement.

Le handicap est une priorité de la mandature. La convention signée avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse au salon international de l'agriculture de février dernier comporte un volet sur l'accompagnement des jeunes en situation de handicap. Le ministère accueille également un grand nombre de jeunes en situation de handicap, dans le cadre des projets personnalisés de scolarisation (PPS), passés de 1 400 en 2010 à 4 200 lors de cette rentrée. Le ministère a obtenu de nouveaux moyens qui se traduisent, dès le PLF 2019, et vise, d'une part, la transformation sur cinq ans des contrats aidés en contrats d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) ; d'autre part, l'augmentation des crédits de personnels à hauteur de 25 ETP pour des contrats à durée indéterminée d'AESH et, enfin, la régulation des contrats AESH, qui ne seraient pas sur la base d'une durée de travail, de 39 à 45 semaines.

Je n'oublie pas les lycées aquacoles. La création d'un réseau de lycées de la mer, sous l'égide du ministère de l'agriculture et du ministère de la transition écologique et solidaire, vient de faire l'objet d'un rapport de l'inspection générale.

J'ai été interpellé par le président de la région Normandie sur la filière équine. C'est un sujet qui mérite d'être approfondi. La formation au sein de la filière équine est de qualité et les débouchés de sa recherche sont en effet nombreux.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - Nous vous remercions, Monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation. Vous êtes le deuxième ministre de l'agriculture que nous auditionnons. Nous espérons désormais avoir l'occasion d'échanger régulièrement avec vous sur l'enseignement agricole à l'occasion du débat budgétaire.


* 1 Décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.

* 2 OCDE, Regards sur l'éducation 2018 - note pays, France, septembre 2018.

* 3 En 2015, on comptait un enseignant pour 19 élèves en France, quand la moyenne de l'OCDE s'établissait à un enseignant pour 15,4 élèves.

* 4 Indicateur 2.2, PAP 2018.

* 5 Olivier Monsot, « L'effet d'une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents », DEPP, Éducation & formations n° 85, novembre 2014.

* 6 Article 157 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 7 Discours du Président de la République au Sénat lors de la conférence des territoires, le 1 er juillet 2017.

* 8 Article L. 131-1 du code de l'éducation.

* 9 Article 4 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 10 Céline Calvez et Régis Marcon, « La voie professionnelle scolaire : viser l'excellence », rapport au ministre de l'éducation nationale remis le 22 février 2018.

* 11 IGEN et IGAENR, L'école maternelle , rapport n° 2011-108, octobre 2011.

* 12 Décret du 18 janvier 1887 relatif à l'exécution de la loi du 30 octobre 1886 sur l'enseignement primaire.

* 13 Accueil des jeunes enfants : pour un nouveau service public , rapport d'information n° 47 (2008-2009) de Mme Monique Papon et M. Pierre Martin, fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, octobre 2008.

* 14 Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation.

* 15 IGEN et IGAENR, L'école maternelle , précité.

* 16 Claire Brisset, Rapport annuel du défenseur des enfants au Président de la République et au Parlement, novembre 2003.

* 17 Idem.

* 18 Claire Brisset, op. cit.

* 19 Accueil des jeunes enfants : pour un nouveau service public , op. cit.

* 20 Michèle Tabarot, Rapport au Premier ministre sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance, juillet 2008.

* 21 Alain Bentolila (dir), La maternelle : au front des inégalités linguistiques et sociales, rapport au ministre de l'éducation nationale, décembre 2007.

* 22 IGEN et IGAENR, L'école maternelle , précité.

* 23 Circulaire n° 2012-202 du 18 décembre 2012 relative à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, NOR MENE1242368C.

* 24 Art. L. 113-1 code de l'éducation dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 25 IGAENR, Synthèse des notes des correspondants académiques , rapport n° 2017-030, mai 2017.

* 26 Réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur pour avis.

* 27 Idem.

* 28 IGAENR, Synthèse des notes des correspondants académiques , rapport n° 2017-030, mai 2017.

* 29 IGAENR, Synthèse des notes des correspondants académiques , rapport n° 2015-092, décembre 2015.

* 30 Rythmes scolaires : faire et défaire, en finir avec l'instabilité , rapport d'information n° 577 (2016-2017) de MM. Jean-Claude Carle, Thierry Foucaud, Mme Mireille Jouve et M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances du Sénat, juin 2017.

* 31 IGAENR, Synthèse des notes des correspondants académiques , rapport n° 2016-098, décembre 2016.

* 32 IGEN et IGAENR, Scolarité des enfants de moins de trois ans : une dynamique d'accroissement des effectifs et d'amélioration de la qualité à poursuivre , rapport n° 2014-043, juin 2014.

* 33 Réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur.

* 34 Audition du 25 octobre 2018.

* 35 MENJ-DEPP, La scolarisation à deux ans : en éducation prioritaire, un enfant sur cinq va à l'école dès deux ans , note d'information n° 19, juin 2016.

* 36 IGEN, La scolarisation en petite section de maternelle , rapport n° 2017-032, mai 2017.

* 37 Audition du 25 octobre 2018.

* 38 Arrêté du 18 février 2015 relatif au programme d'enseignement de l'école maternelle, NOR : MENE1504759A.

* 39 Pascale Garnier et Gilles Brougère, « Des tout?petits « peu performants » en maternelle. Ambition et misère d'une scolarisation précoce », Revue française des affaires sociales , n°2 - 2017.

* 40 L'article R. 412-127 du code des communes fixe le principe d'un ATSEM minimum par école et non par classe. Toutefois, la mise à disposition d'un emploi à temps plein (ou à mi-temps, selon les modalités d'accueil) d'ATSEM est très fréquente dans les classes dédiées ouvertes à partir de 2013.

* 41 IGEN, La scolarisation en petite section de maternelle, précité .

* 42 IGEN et IGA, Les missions des agents spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) , rapport n° 2017-068, juillet 2017 et Conseil supérieur de la fonction publique territoriale , Les agent(e)s territoriaux spécialisé(e)s des écoles maternelles , février 2017.

* 43 Décret n° 2018-152 du 1er mars 2018 portant diverses dispositions statutaires relatives aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

* 44 Sylviane Giampino, Développement du jeune enfant, modes d'accueil, formation des professionnels , rapport à la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, mai 2016.

* 45 Arrêté du 22 février 2017 portant création de la spécialité « Accompagnant éducatif petite enfance » de certificat d'aptitude professionnelle et fixant ses modalités de délivrance.

* 46 Voir Daniel Agacinksi et Catherine Collombet, Un nouvel âge pour l'école maternelle, note d'analyse de France Stratégie, n° 66, mars 2018.

* 47 Audition du 18 octobre 2018.

* 48 IGEN, La scolarisation en petite section de maternelle , précité.

* 49 Idem.

* 50 Jean-Pierre Caille, « Scolarisation à 2 ans et réussite de la carrière scolaire au début de l'école élémentaire », Éducation et Formations , n° 60, juillet-septembre 2001.

* 51 Agnès Florin, « Les effets de la scolarisation à 2 ans sur la suite de la scolarité », in INRP (éd.), La scolarisation à 2 ans et autres modes d'accueil , décembre 2000.

* 52 Jean-Pierre Caille et Fabienne Rosenwald, « Les inégalités de réussite à l'école élémentaire : construction et évolution », France, portrait social, dossier les inégalités de réussite, novembre 2006.

* 53 Linda Ben Ali, « La scolarisation à 2 ans », Éducation et Formations , n° 82, décembre 2012.

* 54 Arthur Heim, Quand la scolarisation à 2 ans n'a pas les effets attendus : des évaluations sur données françaises , document de travail de France Stratégie, n° 2018-01, janvier 2018.

* 55 OCDE, Petite enfance, grands défis 2017: Les indicateurs clés de l'OCDE sur l'éducation et l'accueil des jeunes enfants , juin 2017.

* 56 OCDE, Petite enfance, grands défis 2017 , op. cit.

* 57 Sur les 149 000 places en établissement d'accueil du jeune enfant prévues d'être créées de 2005 à 2017, seules 81 000 l'ont effectivement été. Source : Gautier Maigne, Catherine Collombet et Bruno Palier, Places en crèche : pourquoi l'Allemagne fait-elle mieux que la France depuis dix ans ? , note d'analyse de France Stratégie, n° 56, mai 2017.

* 58 CNAF, Résultats du rapport 2017 de l'Observatoire national de la petite enfance , dossier de presse, janvier 2018.

* 59 Gautier Maigne, Catherine Collombet et Bruno Palier, Places en crèche : pourquoi l'Allemagne fait-elle mieux que la France depuis dix ans ? , op. cit.

* 60 CNAF, ibid.

* 61 DREES, Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants en 2013 , Études et résultats n° 896, octobre 2014.

* 62 Audition du 18 octobre 2018.

* 63 La lutte contre les inégalités commence dans les crèches , rapport du groupe de travail de Terra Nova présidé par Olivier Noblecourt, janvier 2014.

* 64 Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.

* 65 Chiffres OCDE 2017, tirés de Daniel Agacinksi et Catherine Collombet, Un nouvel âge pour l'école maternelle , note d'analyse de France Stratégie, n° 66, mars 2018.

* 66 Daniel Agacinksi et Catherine Collombet, Un nouvel âge pour l'école maternelle , précité.

* 67 Réponse au questionnaire écrit.

* 68 Audition du 18 octobre 2018.

* 69 Daniel Agacinksi et Catherine Collombet, op. cit.

* 70 Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale, Le niveau de formation et de diplôme : déterminant dans l'insertion des lycéens professionnels, note d'information n° 12 de juin 2017.

* 71 Projet annuel de performance 2019.

* 72 Réponse de la DGER au questionnaire de votre rapporteur pour avis.

* 73 Audition du 19 octobre 2018.

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