II. L'ACTIVITÉ DU COMPTE A ÉTÉ DOMINÉE EN 2017 PAR LES OPÉRATIONS DE RECAPITALISATION DE LA FILIÈRE ÉLECTRO-NUCLÉAIRE
La deuxième partie du présent rapport concerne non pas les crédits prévus pour 2018 mais l'exécution de ceux votés pour 2017. Sachant, comme cela vient d'être expliqué, que les crédits votés sont de nature conventionnelle, c'est en réalité au stade de l'exécution que s'exerce véritablement la capacité de contrôle du Parlement -ou du moins son droit à l'information.
En 2017, l'activité du Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » a principalement tourné autour de la refondation de la filière électro-nucléaire. C'est un dossier complexe, car les enjeux sont à la fois financiers, industriels, commerciaux et géopolitiques. Ils sont aussi sociaux puisque, bien que tout cela se soit fait à « bas bruit », il y a eu une réduction de 20 % des effectifs d'Areva.
A. UNE CAPITALISATION MASSIVE D'AREVA ET D'EDF
1. La refondation d'Areva est désormais quasiment menée à bien
L'État a divisé l'ancienne société Areva en trois structures principales.
a) Areva New Co
Recentrée sur le cycle du combustible nucléaire, cette nouvelle société détient, suite à un apport partiel d'actifs réalisé en novembre 2016, l'ensemble des activités dédiées à la mine, à la conversion et à l'enrichissement du combustible nucléaire, ainsi qu'au traitement aval (recyclage, logistique). L'État a souscrit le 26 juillet 2017 à une augmentation de capital hauteur à de 2,5 milliards d'euros, ce qui lui donne la propriété de 90 % du capital (4,8 % des actions ont ensuite été rétrocédées au CEA). Le reste du capital est détenu par les sociétés japonaises Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et Japan Nuclear Fuel Limited (JNFL), qui ont apporté ensemble une somme de 500 millions d'euros.
b) Areva Nuclear Power
L'objectif de l'État est d'y rassembler les activités de conception, de gestion de projets et de commercialisation de réacteurs neufs d'EDF et d'AREVA. C'est EDF qui doit en prendre le contrôle majoritaire. Cette intégration des acteurs devrait permettre des gains d'efficacité industrielle, mais également soutenir une politique d'exportation ambitieuse.
L'État n'a pas apporté directement de capital à cette nouvelle structure, puisque c'est EDF qui est chargée d'y investir. Selon l'accord signé en novembre 2016 entre EDF et Areva, EDF rachètera un maximum de 75 % d'Areva NP. Mitsubishi Heavy Industries s'est engagé à prendre une participation de 15 %, qui pourra être portée à 19,5 %. La société française d'ingénierie Assystem prend également une part de 5 %. Cela est acté depuis le mois de juillet. Pour le reste, il y a des discussions en cours avec les Indiens de Reliance, avec en arrière-plan des discussions pour la construction de six réacteurs nucléaires à Jaitapur (chantier gigantesque qui représente l'équivalent du tiers du parc français en puissance électrique). Les discussions permettant d'associer le groupe chinois CGN n'ont toujours pas abouti, mais pourraient lui donner une part équivalente à celle des Japonais.
c) Areva S.A.
La société subsiste, mais seulement en tant que structure de défaisance. L'État y a rassemblé tous les actifs douteux d'Areva pour immuniser Areva New Co et Areva NP des lourds risques financiers associés à certains dossiers, en premier lieu le contrat de réacteur EPR sur le site Olkiluoto 3 en Finlande (dit OL3) et l'EPR FA3 de Flamanville. L'État a injecté 2,5 milliards d'euros dans Areva S.A. en juillet, somme qui a des chances d'être perdue à terme, ce qui devrait conduire la Commission européenne à considérer cette dépense non comme un investissement mais comme une dépense au sens maastrichtien du terme.
d) Les autres opérations liées à la restructuration d'Areva
Pour finir sur les opérations de restructuration d'Areva, il faut signaler également deux opérations de moindre importance :
- d'une part, l'offre publique de retrait des actions que détenaient les actionnaires minoritaires d'Areva, notamment les Koweitiens. Réalisée au mois d'août, elle a coûté à l'État 285 millions d'euros ;
- d'autre part, la prise de contrôle direct de Technicatome, le spécialiste français de la propulsion nucléaire navale (ex-Areva TA). En mars 2017, l'État a acheté 50,32 % du capital de cette société à Areva SA, conjointement avec le CEA et Naval Group, chacun détenant maintenant 20,32 % du capital). Cela a coûté 281 millions d'euros.
Si on fait le total de toutes les dépenses liées à la restructuration du capital d'Areva, on obtient donc un effort d'investissement pour l'État qui dépasse 5 milliards d'euros en 2017.
2. La recapitalisation d'EDF.
Elle comprend deux aspects.
En premier lieu, l'État a participé en mars 2017, à hauteur de 3 milliards d'euros, à une augmentation de capital d'EDF d'un montant total de 4 milliards. À l'issue de cette opération, la participation de l'État dans EDF s'élève à 83 %.
En second lieu, l'État a décidé de ne pas percevoir son dividende sous forme numéraire, mais sous forme d'actions EDF, ce qui revient à apporter du capital à la société. Entre 2015 et 2017, cette conversion des dividendes en capital correspond à un apport de capital d'un montant total de 3,9 milliards d'euros.
L'État a ainsi apporté 6,9 milliards d'euros à EDF depuis 2015, dont 4,2 milliards cette année.
Cela porte le coût pour l'État de la refondation de la filière électronucléaire à presque 12 milliards d'euros , dont 8 milliards d'euros en numéraire. On espère que ce sera suffisant, mais il faut rester prudent compte tenu de la santé financière d'EDF et des risques liés au désastre d'Areva, qui pourraient encore révéler quelques surprises.