EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. FACE À UN CHÔMAGE QUI DEMEURE ÉLEVÉ ET QUI TOUCHE SURTOUT LES JEUNES, LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » CONNAISSENT UNE TRÈS FORTE HAUSSE
A. LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'ASSURANCE CHÔMAGE EST PRÉOCCUPANTE EN RAISON DU NIVEAU ÉLÉVÉ DU CHÔMAGE ET DE L'IMPASSE DE LA NÉGOCIATION ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX
1. Le léger repli du taux de chômage ne permet pas de création massive d'emplois
Selon les dernières prévisions réalisées par la Commission européenne, la croissance française devrait atteindre 1,4 % l'an prochain, contre 1,5 % selon l'hypothèse retenue par le Gouvernement dans le projet de loi de finances.
Or, les projections du consensus des économistes indiquent que la croissance de l'économie française ne devrait s'élever qu'à 1,2 % en 2017, soit quasiment le même taux qu'en 2016 (1,4 %). Les perspectives de croissance ont été revues à la baisse par rapport à celles réalisées en février dernier en raison des conséquences du choix du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne.
C'est pourquoi le Haut Conseil des finances publiques a estimé que l'hypothèse de croissance du Gouvernement était « optimiste compte tenu des facteurs baissiers qui se sont matérialisés ces derniers mois » et que contrairement aux PLF 2015 et 2016, elle « tend à s'écarter du principe de prudence qui permet d'assurer au mieux le respect des objectifs et des engagements pris en matière de finances publiques » 1 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis souligne que les perspectives sont en deçà du potentiel de croissance de l'économie française. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fixait ce potentiel à 1,8 % 2 ( * ) , tandis que le Gouvernement, dans le cadre du programme de stabilité transmis à Bruxelles pour la période 2013-2017, évalue la croissance potentielle française autour de 1,5 % à l'horizon 2017.
Selon l'Unédic, 76 000 emplois devraient être créés l'an prochain grâce aux politiques publiques d'emploi, contre 143 000 cette année et 133 000 en 2015.
Le Gouvernement souligne pour sa part que la croissance économique, même faible et inférieure à la croissance potentielle, est plus riche en emplois que par le passé car l'emploi salarié marchand est en hausse constante au cours de ces six derniers trimestres pour atteindre 210 000 postes créés.
Le taux de chômage en France métropolitaine au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait s'élever à 9,5 % l'an prochain et en 2018, contre 9,9 % en 2015 et 9,4 % en 2016.
Toutefois, si l'on considère l'ensemble du territoire français en y incluant les territoires d'outre-mer (sauf Mayotte), le taux de chômage au sens du BIT, en moyenne sur le troisième trimestre 2016, est de 10 % de la population active en France, soit 0,1 point de plus qu'au deuxième trimestre 2016.
Par conséquent, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A devrait augmenter de 79 000 personnes l'an prochain, tandis que le nombre total de chômeurs indemnisés par l'assurance chômage connaîtra un accroissement de 75 000 personnes.
Surtout, le nombre de demandeurs d'emploi en catégories A, B et C et des personnes dispensées de recherche d'emploi atteindra 5,5 millions de personnes en 2017, contre 4,7 millions en 2012 .
Principales évolutions économiques selon
les perspectives financières
de l'Unédic publiées en
septembre 2016
Votre rapporteur pour avis rappelle que la commission d'enquête sénatoriale sur l'évaluation et l'évolution du chômage propose de rassembler dans un document unique mensuel l'enquête Emploi réalisée actuellement tous les trimestres par l'Insee et la publication par Pôle emploi du nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois, en prenant l'exemple du Royaume-Uni 3 ( * ) . Mais pour des raisons essentiellement budgétaires, le Gouvernement ne semble pas prêt à mettre en oeuvre cette proposition.
2. La dette de l'Unédic s'aggrave dangereusement
Compte tenu de l'absence d'accord entre partenaires sociaux en mai dernier pour conclure une nouvelle convention d'assurance chômage, les perspectives financières de l'Unédic demeurent très inquiétantes.
Alors que la dette de l'assurance chômage s'élève à 25,7 milliards d'euros en 2015, elle devrait atteindre 41,4 milliards d'euros en 2019 si les règles actuelles de l'actuelle convention d'assurance chômage étaient maintenues en vigueur, soit environ 13 mois de recettes 4 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis ne cesse d'alerter sur le danger que représente pour nos concitoyens le creusement de la dette de l'Unédic . Si pendant la crise économique de 1993, la dette avait été cantonnée à 5 milliards d'euros, et avait avoisiné 14 milliards d'euros en 2006, elle ne cesse depuis 2009 de se creuser. En effet, les partenaires sociaux ont décidé, contrairement aux autres périodes d'augmentation du chômage depuis 1990, d'améliorer la couverture des chômeurs avec l'instauration de la règle « 1 jour travaillé = 1 jour indemnisé ». Si le rôle contra-cyclique de l'assurance chômage, qui implique d'augmenter ses dépenses en période de faible croissance ou de récession, est justifié d'un point de vue économique, le niveau actuel de la dette est si élevé qu'il obèrera dans les années à venir ses marges de manoeuvre. Il est vrai qu'en période de forte croissance, quand l'économie croît plus vite que le PIB potentiel, les dépenses de l'assurance chômage diminuent très vite : selon les analyses économétriques récentes, une hausse de 1 % de l'écart de production entraînerait un recul de 3,3 % des dépenses d'indemnisation du chômage 5 ( * ) . Mais l'analyse de la croissance économique ces dernières années montre que l'économie française est systématiquement en dessous de son potentiel de croissance depuis 2008, ce qui plaide pour une grande prudence dans l'évaluation de la croissance dans les années à venir. Il paraît malheureusement illusoire d'espérer renouer durablement avec une forte croissance comme celle qu'a connue notre pays pendant la période 1999-2008, au cours de laquelle les écarts de production cumulés ont atteint 19 % du PIB. Mais même pendant cette période, les excédents conjoncturels ont permis de résorber seulement 9,8 mois de recettes de l'assurance chômage.
Le peu d'empressement des partenaires sociaux à combler la dette de l'Unédic s'explique peut-être en partie par la faiblesse des taux d'intérêt actuels . En effet, les charges financières nettes de l'Unédic atteignaient 187 millions d'euros en 2012 pour une dette de 13,8 milliards d'euros, et 301 millions d'euros en 2015 alors que la dette avait quasiment doublé (25,9 milliards). La maturité moyenne de la dette est passée de 3 ans en 2011 à 6 ans aujourd'hui. En 2017, le coût de la dette sera quasiment stable par rapport à 2016 (+ 6 millions d'euros) alors qu'elle s'alourdira de 3,8 milliards d'euros.
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis plaide pour que les partenaires sociaux prennent rapidement des mesures ambitieuses pour réduire le déficit structurel de l'assurance chômage . Parallèlement, le Gouvernement doit conclure avec les États voisins comme la Suisse de nouveaux accords sur l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers , qui a représenté en 2015 un manque à gagner de 600 millions d'euros pour l'Unédic, car les partenaires sociaux ne sont pas compétents pour aborder cette question qui pèse pourtant lourdement sur le déficit structurel de l'assurance chômage.
Votre rapporteur pour avis rappelle que le Gouvernement aurait intérêt à réduire la dette de l'Unédic dans le cadre des engagements relatifs à la maîtrise de la dette publique . En effet, soucieux de baisser le déficit public français en dessous de 3 % du PIB en 2017, le Gouvernement s'était engagé à réaliser 800 millions d'euros d'économie en 2016 comme en 2017. L'échec de la négociation des partenaires sociaux portant sur la nouvelle convention assurance chômage représente ainsi un creusement du déficit public de l'ordre de 0,1 point de PIB.
* 1 Avis n° HCFP-2016-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017, 24 septembre 2016.
* 2 OCDE - Medium and long term scenarios for global growth and imbalances (2012).
* 3 Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l'Union européenne, ainsi que sur l'impact des réformes mises en place par ces pays pour faire baisser le chômage, présidée par Anne Emery-Dumas, 4 octobre 2016, p. 55.
* 4 Dès 2018, la dette de l'Unédic, qui atteindra 37,8 milliards d'euros, dépassera pour la première fois de son histoire ses ressources propres, estimées à 36,5 milliards d'euros.
* 5 Perspectives financières de l'assurance chômage, 2016-2019, Unédic, septembre 2016, p. 42.