EXAMEN EN COMMISSION

La commission, sous la présidence de Jean-Pierre Raffarin, a examiné le présent rapport pour avis lors de sa réunion du 9 novembre 2016.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis . - Je voudrais d'abord évoquer brièvement les principaux éléments du projet de loi de finances pour 2017.

Il s'agit globalement d'un budget en continuité avec le précédent, avec toutefois une croissance moindre des effectifs par rapport à 2016.

Le budget prévisionnel s'élève ainsi à 8,6 milliards en crédits de paiement, soit une augmentation de 293 millions d'euros ou +3,5 %. En réalité, cette hausse est essentiellement due à l'augmentation des dépenses de personnel consécutive aux recrutements de 2016.

Le plafond d'emploi augmente de 402 ETPT pour un total légèrement supérieur à 100 000 personnels. En net, ce sont 255 nouveaux emplois qui seront créés en 2017.

Pour parvenir à ces chiffres, la gendarmerie nationale devra recruter plus de 10 000 personnels pour compenser les départs. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement restent quant à elles relativement stables.

Les crédits de fonctionnement courant lié à l'agent pour les fournitures de bureau, les consommables, etc., augmentent un peu, ce qui est une bonne chose.

Les crédits permettront notamment de financer pour 13 millions d'euros le début du déploiement national du projet Néogend. Je rappelle que ce programme très utile vise à doter chaque gendarme sur le terrain d'un équipement numérique afin de mieux répondre aux sollicitations du public en tous points du territoire. L'outil contient toute la documentation, les bases de données professionnelles, les bases métier, les fichiers, la messagerie interpersonnelle, etc.

Les crédits prévus correspondent également à l'emploi de la réserve opérationnelle qui nécessitera un abondement de 18 millions d'euros en hors titre 2 pour atteindre un objectif de 3 000 réservistes mobilisés par jour.

Enfin, en matière d'investissement, un montant de 70 millions d'euros en autorisation d'engagements permettra en 2017 de financer la troisième année du plan de réhabilitation de l'immobilier domanial de la gendarmerie. L'effort est porté sur les logements, dont 4 000 seront rénovés en 2017. C'est selon moi un effort encore nettement insuffisant, de nombreux gendarmes étant hébergés dans de mauvaises conditions, comme j'ai pu m'en rendre compte sur le terrain.

Les crédits permettront enfin de renouveler 3 000 véhicules légers et motocyclettes. Après l'effort important accompli l'année dernière, le renouvellement des véhicules se poursuit ainsi, mais pas assez rapidement pour éviter l'obsolescence des plus anciens.

Je voudrais à présent évoquer quelques sujets de préoccupation pour l'année à venir.

D'abord, la question du gel des crédits. Cette année comme les années précédentes, en vertu de la LOLF, des gels de crédit ont eu lieu à hauteur de 99 millions en crédits de paiement. Mais paradoxalement, ce sont des dépenses de loyer qui ont été gelés. Le côté positif, c'est que les commandes de matériels et de véhicules ont pu être faites dès le début de l'année, de sorte que les unités en bénéficient déjà. En revanche, les bailleurs ne sont pas encore payés. Nous pourrons interroger le général Lizurey sur cette question.

Second point de préoccupation, l'application de la directive européenne 2003/88/CE relative au temps de travail. À la suite du recours d'une association devant le Conseil d'Etat, cette directive a en effet due être appliquée de manière anticipée par la gendarmerie nationale, avant même sa transposition qui devrait avoir lieu l'année prochaine. En prévoyant un repos obligatoire de 11 heures toutes les 24 heures et une durée maximale hebdomadaire de 48 heures maximum avec des dérogations complexes, les nouvelles règles sur le temps de travail bouleversent les missions. Finalement, c'est l'équivalent de 3 000 à 5 000 équivalents temps plein (ETP) qui pourraient ainsi être perdus. Or le budget n'a rien prévu pour remédier à cette perte nette !

Je souhaiterais enfin évoquer les Associations professionnelles de militaires de la gendarmerie (APNM).

Nous avons reçu des représentants de l'ADEFDROMIL-GEND, qui est celle qui compterait le plus d'adhérents. Il s'agit d'une APNM interarmées. Deux éléments ressortent de cet entretien.

Tout d'abord, ces représentants regrettent une prise en compte insuffisante des APNM au sein de la Gendarmerie. Selon eux, le nouveau directeur général a déclaré souhaiter travailler avec les APNM mais la hiérarchie intermédiaire serait réticente. Il faut suivre cette question de près car nous devons éviter à tout prix une dérive vers une attitude unilatéralement revendicative ou vers une médiatisation semblable à celle qui prévaut pour la police.

Par ailleurs, je les ai interrogés sur l'état d'esprit de la « base » par rapport à celui qui prévaut dans la police nationale et qui donne lieu aux manifestations auxquelles nous assistons actuellement.

Selon eux, outre le durcissement du rapport à la population dans certains cas, les gendarmes ressentent comme les policiers une certaine lassitude du fait d'un alourdissement des tâches due notamment en partie à l'accroissement des tâches administratives ou encore à la multiplication des exercices menés dans le cadre de la lutte anti-terroriste, comme l'exercice Minerve conduit avec l'armée de terre dans le cadre de l'opération Sentinelle.

Ils suggèrent, pour y remédier, de redéfinir les missions régaliennes de manière à déléguer certaines tâches actuelles au secteur privé. À cet égard, le plan « sécurité » annoncé par le ministre de l'intérieur la semaine dernière comporte des points positifs, puisqu'il prévoit justement l'abandon des tâches indues.

Ce plan prévoit également un renforcement de l'équipement des policiers et gendarmes ainsi qu'une réflexion sur la légitime défense en vue de formuler des propositions dès la fin du mois de novembre. Nous devrons être attentifs à cet aspect qui concerne aussi les militaires de l'opération sentinelle.

Voilà les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.

Compte tenu des risques qui pèsent sur les missions de la gendarmerie nationale en raison de l'application de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail, dont les conséquences ont sans doute été insuffisamment anticipées et qui ne font l'objet, en tout état de cause, d'aucune mesure de compensation dans le présent projet de budget ; compte tenu également des conditions difficiles dans lesquelles nombre de gendarmes continuent à vivre du fait d'une rénovation trop lente des logements, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la Mission « Sécurités ».

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis - Je ne serai pas aussi pessimiste que mon co-rapporteur ! En cette période d'intense mobilisation de toutes les forces de sécurité pour la protection des Français, le budget de la gendarmerie pour 2017 offre en effet plusieurs sujets de satisfaction : une augmentation de 3,5 % des crédits de paiement, des effectifs en hausse de 255 ETP après de très nombreux recrutements en 2016, la commande de 3 000 nouveaux véhicules ou encore l'extension du projet Néogend à l'ensemble du territoire national. Il ne faut pas oublier en outre que 144 effectifs supplémentaires, financés par EDF, iront renforcer les Pelotons spécialisés de protection de la Gendarmerie (PSPG), affectés à la sécurité des centrales nucléaires.

Je voudrais quant à moi attirer plus particulièrement votre attention sur plusieurs missions de la gendarmerie qui sont en train de connaître des évolutions importantes.

Tout d'abord, la gendarmerie mobile a été sous forte pression à la fin de 2015 et en 2016 et devrait le rester en 2017.

En particulier, la mission de maintien de l'ordre a été très mobilisatrice, notamment en raison d'événements majeurs tels que le crash de la Germanwings, les manifestations liées au projet du barrage de Sivens, la COP 21 ou encore l'Euro 2016.

Cette intense activité a fort heureusement été partiellement équilibrée par les évolutions permises par le budget voté l'année dernière, avec le recrutement d'effectifs supplémentaires dédiés.

Ces effectifs ont d'une part permis la mise en place d'un 5ème peloton au sein de 22 escadrons de gendarmerie mobile à compter du 1er juillet 2016, ce qui représente 22 hommes supplémentaires au sein de chacun de ces escadrons.

D'autre part, un nouvel escadron de gendarmerie mobile a été créé à Rosny-sous-Bois. Il s'agit de la première création d'un escadron depuis de nombreuses années. Désormais, la gendarmerie mobile en compte ainsi 109.

Autre formation de la gendarmerie à avoir connu des évolutions importantes en 2016, le GIGN.

La gendarmerie a fait évoluer les pelotons d'intervention interrégionaux de gendarmerie en « antennes GIGN » avec un armement et des protections renforcés. Trois nouvelles antennes GIGN ont été créées à Nantes, Reims et Tours.

Le nouveau schéma national d'intervention (SNI), que le Ministre de l'intérieur est venu présenter devant notre commission, distingue les unités d'intervention spécialisées que sont le GIGN, les six Antennes GIGN de métropole et les sept Antennes GIGN outre-mer, et les unités d'intervention intermédiaire, à savoir les pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG) en configuration dite SABRE, les pelotons d'intervention des escadrons de gendarmerie mobile ainsi que les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG).

Je précise que les pelotons de surveillance et d'intervention dits SABRE constituent une nouvelle configuration des pelotons de surveillance et d'intervention, dotés de moyens de protection et offensifs supplémentaires et d'une mobilité supérieure grâce à des véhicules Sharan.

La gendarmerie nationale est ainsi pleinement intégrée dans le schéma national d'intervention. Un tel progrès dans la coordination était nécessaire après certaines critiques qui avaient suivi les attentats et pour éviter les habituelles remises en cause de la coexistence de deux forces distinctes de sécurité intérieure, coexistence à laquelle notre commission reste attachée.

Je voudrais à présent évoquer la question de l'organisation du Renseignement au sein de la gendarmerie nationale. Nous avons pu entendre à ce sujet le général Sauvegrain, sous-directeur à l'anticipation opérationnelle.

Je rappelle que la SDAO, créée en 2013, n'est pas un service de renseignement du type de la DGSE ou de la DGSI. Il s'agit d'une structure légère d'environ 70 personnels chargée de centraliser le renseignement produit par les bureaux renseignement des régions ainsi que les cellules et officiers adjoints « renseignement » des groupements de gendarmerie. L'information recueillie est intégrée dans le système d'information « base de données de sécurité publique » (BDSP) en vue de son exploitation et de son analyse.

Nous avons interrogé le Général Sauvegrain sur l'articulation de cette chaîne du renseignement de la gendarmerie avec le Service central du renseignement territorial (SCRT). En effet, certains (Commission d'enquête Fenech/Pietrasanta à l'AN) estiment qu'il y a une redondance entre la SDAO et le SCRT et que ces deux services devraient être fusionnés.

Or, tout d'abord, la SDAO et le SCRT coopèrent dorénavant étroitement. Des bureaux de liaison ont été créés à tous les niveaux : départementaux, régionaux et zonaux. Trois services départementaux du renseignement territorial sont en outre dirigés par des officiers de gendarmerie. Au total, le renseignement territorial emploie 198 gendarmes. En outre, au niveau central, un adjoint gendarmerie est placé auprès du chef du SCRT et deux divisions du service sont pilotées par des officiers de gendarmerie, tandis que la SDAO accueille un commissaire de police, adjoint au sous-directeur, ainsi qu'un capitaine de police.

Selon le Général Sauvegrain, il n'y a pas de doublons mais une saine répartition des tâches. Au SCRT, le rôle de service centralisateur qui rédige des notes d'angle stratégiques pour le Gouvernement. Au SDAO la préparation des opérations délicates en zone gendarmerie, avec par exemple des informations très concrètes sur les difficultés du terrain que les gendarmes mobiles vont devoir affronter lors d'une intervention.

Par ailleurs, la gendarmerie a besoin d'avoir un service de renseignement en propre et perdrait beaucoup en opérationnalité à dépendre d'une nouvelle direction qui serait probablement rattachée à la police nationale.

Enfin, il paraît imprudent de remettre encore en cause une organisation récemment bouleversée. La question aujourd'hui est plutôt celle du partage d'information maximal pour ne laisser échapper aucun « signal faible ». Il reste encore du chemin à parcourir pour arriver à cette fluidité dans la circulation de l'information, mais nous avons le sentiment que la situation s'améliore.

Sous réserve de ces quelques observations, je vous proposerai quant à moi de donner un avis favorable aux crédits de la gendarmerie au sein de la mission Sécurités, qui, comme l'année dernière, affichent une augmentation satisfaisante, après une période de vaches maigres.

M. Joël Guerriau . - Auriez-vous des informations relatives à la gendarmerie maritime, qui intervient notamment sur les questions migratoires Outre-mer et en particulier à Mayotte, avec des matériels vétustes et parfois dans des situations d'urgence médicale ?

M. Daniel Reiner . - Le fait qu'il y ait deux avis divergents n'est pas pour nous étonner compte tenu des circonstances. Mais le budget 2017 de la gendarmerie confirme bien la remontée en puissance engagée depuis trois ans. Concernant le renseignement, la suppression des Renseignements généraux nous a posé un grand problème ! Je crois qu'il faut saluer cet effort sur le renseignement territorial. Former des gendarmes est un exercice compliqué. J'ai connu une période où on fermait des écoles de gendarmes : à présent on les rouvre ! Ce budget est donc positif pour les forces de gendarmerie, il serait curieux de ne pas l'approuver ! Concernant les logements, les problèmes existent mais ne sont pas nouveaux ! Sur les véhicules, sur le projet Néogend, il y a un effort colossal. On redonne des moyens à la gendarmerie. Il faut aussi du temps pour former les recrues. Pour l'ensemble de ces raisons, il serait positif de donner un avis favorable.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis . - Concernant la gendarmerie maritime, c'est un vrai problème et nous vous apporterons une réponse chiffrée.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités », par 25 voix contre et 21 voix pour, M. Jacques Gautier s'étant abstenu.

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