II. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE VIEILLESSE

A. LES EFFETS DE LA RÉFORME DE 2010 PERMETTENT LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE VIEILLESSE, METTANT EN LUMIÈRE LA SITUATION DÉGRADÉE DU FSV

1. La branche vieillesse : vers un solde positif grâce à la réforme de 2010, mais des inquiétudes persistantes

La dynamique de consolidation de la branche vieillesse s'est poursuivie en 2015 , avec un déficit limité à 300 millions d'euros , en réduction de 900 millions d'euros par rapport à 2014. Par conséquent, le présent projet de loi de financement prévoit un retour à un solde positif en 2016, à hauteur de 1,1 milliard d'euros . Il s'agit du premier exercice excédentaire depuis 11 ans.

La réduction du déficit en 2015 et en 2016 s'explique par la conjugaison de deux facteurs :

- d'une part, une progression limitée des pensions servies , en raison de la très faible revalorisation des pensions en moyenne annuelle (+ 0,03 % en 2015 et + 0,08 % en 2016), dans un contexte d'inflation durablement faible et de modification du mode de calcul du coefficient de revalorisation introduite par la loi de financement pour 2016 68 ( * ) ;

- d'autre part, une hausse des taux de cotisation ayant accru les recettes de la branche, doublée d'une croissance plus forte que prévu de la masse salariale du secteur privé. D e nouvelles recettes et des hausses successives de taux de cotisation d'assurance vieillesse ont notamment été décidées notamment dans le cadre de la réforme des retraites de janvier 2014 69 ( * ) . La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) estime l'impact cumulé des hausses de cotisation décidées depuis 2012 à 4,7 milliards d'euros en 2015 et 6 milliards d'euros en 2016 .

Évolution du solde annuel de la branche vieillesse depuis 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017)

Votre rapporteur pour avis note l'amélioration de la branche vieillesse du régime général en saluant les effets durables de la réforme engagée en 2010 . Selon les estimations fournies par la direction de la sécurité sociale, la loi du 9 novembre 2010 a eu un impact positif estimé à 8,8 milliards d'euros ex post par rapport à une évolution à législation inchangée, soit un montant quasi équivalent à l'évaluation initiale de l'étude d'impact (9,5 milliards d'euros). Le sens des responsabilités ayant présidé à l'adoption de cette mesure structurelle s'inscrivant dans le moyen terme explique en grande partie la dynamique actuellement enregistrée par les comptes de la branche vieillesse .

Toutefois, si votre rapporteur pour avis se félicite d'un retour à des soldes positifs, il souligne également les inquiétudes qui entourent ce résultat :

- au-delà des effets structurels liés à la réforme du système de retraite, une part de l'amélioration actuelle résulte de motifs conjoncturels portant à la fois sur les dépenses, en raison de l'inflation exceptionnellement faible, et sur les recettes. Alors que les hausses progressives de taux de cotisation expliquaient les hausses de produits constatées lors des exercices précédents, les hausses constatées en 2016 puis prévues pour la trajectoire 2017-2020 reposent principalement sur le dynamisme projeté de la croissance de la masse salariale du secteur privé. Face aux aléas entourant ces hypothèses, les exécutions pourraient in fine s'écarter sensiblement des prévisions ;

- l'analyse des comptes du régime général ou des comptes agrégés de l'ensemble des régimes obligatoires de base ne doit pas occulter la dégradation notable du solde des autres régimes obligatoires de base , dont le besoin de financement atteindrait 1 milliard d'euros en 2020.

À cet effet, le rapport annuel du conseil d'orientation des retraites sur l'évolution et les perspectives des retraites 70 ( * ) conduit à inscrire les résultats actuels dans le temps long. Cette étude souligne la forte dépendance des projections de solde financier du système de retraite 71 ( * ) vis-à-vis du rythme de croissance de la productivité du travail . À législation constante, une croissance de la productivité du travail inférieure à 1,5 % par an à long terme maintiendrait durablement le système de retraite en besoin de financement. En particulier, une croissance de la productivité du travail de 1,3 % par an conduirait à un besoin de financement stabilisé à 0,2 % du PIB dès le milieu des années 2030 ; une croissance de cette variable limitée à 1 % par an aurait pour conséquence un besoin de financement de 1,4 % du PIB en 2060. Or, sur la période 2000-2015, la croissance de la productivité horaire apparente du travail observée en France a été en moyenne de 1,18 % par an 72 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis rappelle donc que la situation présente du régime général de retraite ne doit pas occulter la nécessité d'une stratégie d'équilibrage à long terme.

Projections de solde financier annuel du système de retraite en fonction de la croissance de la productivité du travail

Source : COR, juin 2016

2. Le FSV, une situation doublement préoccupante

La nuance apportée à la situation présente des comptes de la branche vieillesse s'accompagne d'une vive préoccupation au titre des comptes fortement dégradés du FSV . Le déficit s'est accentué de 400 millions d'euros en 2015 par rapport à 2014 , atteignant 3,9 milliards d'euros . Aucune amélioration notable n'est prévue ni en 2016 ni en 2017 , exercices pour lesquels le déficit se maintiendrait à 3,8 milliards d'euros .

Si la mission principale du FSV de financer la prise en charge des cotisations des chômeurs ainsi que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) justifie une forte sensibilité de son solde au niveau de l'emploi, le maintien durable d'un besoin de financement ne se justifie pas . Le retour à l'équilibre de la branche vieillesse contraste avec le déficit du FSV, qui constitue essentiellement une créance envers la CNAV. Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de juin 2016 consacré à l'avenir du FSV 73 ( * ) souligne la nécessité d'une appréhension agrégée des comptes de la branche vieillesse et du FSV : « L'analyse des dépenses du FSV montre cependant que ce retour à l'équilibre [du régime général] n'est que théorique : la nature forfaitaire des dépenses du FSV pour la prise en charge de cotisations des périodes assimilées (qui représentent 12,5 milliards sur les 20 milliards d'euros de dépenses du fonds) fait que ces financements ne correspondent pas à la dépense réelle des régimes, les trimestres validés pouvant au moment de la liquidation de la retraite de son bénéficiaire se révéler inutiles. Dès lors, les résultats de la branche vieillesse et du FSV sont intrinsèquement liés rendant illusoire la satisfaction d'un retour à l'équilibre de la première alors que le déficit du second demeure élevé . »

Évolution de la part du déficit du FSV dans le déficit
du régime général depuis 2011

Source : commission des finances du Sénat

Votre rapporteur pour avis souligne que la stabilisation à un haut niveau de déficit depuis 2014 est préoccupante à deux titres :

- d'une part car elle intervient en dépit de réformes ponctuelles ayant conduit à diminuer les dépenses portées par le fonds . Ainsi, l'exercice 2015 a notamment été marqué par l'alignement de l'assiette de calcul des cotisations au titre des périodes assimilées au chômage sur une assiette correspondant à un temps de travail de 35 heures par semaine au lieu de 39 heures, réduisant de 8,5 % la cotisation forfaitaire, contre une progression spontanée de 2 % à mode de calcul constant. De même, les dépenses ont diminué en 2016 en raison de la réforme de la prise en charge du minimum contributif (MICO) 74 ( * ) ;

- d'autre part, les conséquences du contentieux « de Ruyter » ont conduit à affecter au FSV les prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Or les déterminants de l'évolution de ces produits sont en partie déconnectés de l'évolution du taux de chômage , qui conditionne les charges du fonds ; ils se caractérisent de plus par une plus forte élasticité, plaçant le FSV face à un double effet de ciseau .

Malgré le transfert progressif de la part du financement du MICO portée par le FSV vers la branche vieillesse, proposé par le présent projet de loi de financement (cf. infra ), la situation financière du FSV apparaît difficilement soutenable à moyen terme . Au-delà des nuances apportées par votre rapporteur pour avis à la trajectoire de soldes projetée à horizon 2020, qui conduirait malgré tout à la constitution d'une dette de plus de 11 milliards d'euros à cette date, il faut souligner le mode de calcul retenu pour évaluer le coût des trimestres validés au titre des périodes de chômage . Le rapport d'activité du FSV pour 2014 explique : « face à [l'] impossibilité de déterminer avec précision le coût annuel de ces validations pour les régimes, il a été décidé de fixer la contribution du FSV de manière forfaitaire (...) sur la base d'une assiette de référence calculée par rapport à une fraction du Smic horaire » . Or l'analyse de l'évolution comparée sur longue période du nombre de chômeurs et du montant lié à la prise en charge des cotisations afférentes révèle que si le taux de chômage fluctue, les charges portées par le FSV à ce titre ont crû continuellement. La soutenabilité de cette dynamique doit donc être interrogée .

Évolutions comparées du nombre de chômeurs pris en charge par le FSV et du montant des prises en charge de cotisation pour les périodes assimilées au titre du chômage depuis 1994

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données communiquées par le FSV

Les règles de calcul, en 2016, des prises en charge de cotisations par le FSV pour les « périodes assimilées » au titre du chômage

Assiette annuelle forfaitaire [ 90% Smic x 1820h (durée annuelle du travail sur la base de 35 heures hebdomadaires) x taux de cotisation d'assurance vieillesse de base (en 2016 : 17,65%)]

X

Nombre de chômeurs selon le FSV [ nombre de chômeurs indemnisés ( communiqué par Pôle emploi et calculé en moyenne annuelle des effectifs en fin de mois) + 29 % du nombre de chômeurs non indemnisés]

Source : Rapport d'information n° 668 fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat sur l'avenir du Fonds de solidarité vieillesse, par Catherine Génisson et Gérard Roche, juin 2016


* 68 L'article 57 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit que le coefficient de revalorisation dépend désormais de l'inflation constatée et non plus de l'inflation prévue.

* 69 Loi n° 2014-40 du 12 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 70 « Évolutions et perspectives des retraites en France », Rapport annuel du COR, juin 2016

* 71 Le champ de l'étude porte sur l'ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires, y compris FSV et service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (SASPA), hors retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et compte pénibilité.

* 72 Données INSEE.

* 73 Rapport d'information n° 668 fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat sur l'avenir du Fonds de solidarité vieillesse, par Catherine Génisson et Gérard Roche, juin 2016.

* 74 La loi de financement pour 2015 a modifié la prise en charge du FSV : calculée de façon forfaitaire jusqu'alors, elle est devenue proportionnelle à compter du 1 er janvier 2016.

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