II. ACCOMPAGNER ET CONFORTER LE REGAIN DU VOLONTARIAT

Malgré les interventions successives du législateur pour construire progressivement les éléments d'un cadre protecteur - la dernière en 2011 - 10 ( * ) , l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers subissait depuis de nombreuses années une érosion continue. Au nombre de 207 600 en 2004, ils sont aujourd'hui 193 756.

Or, les sapeurs-pompiers volontaires constituent l'ossature de l'organisation des secours, composant le corps des sapeurs-pompiers aux neuf-dixièmes des effectifs dans les petits départements.

Il importe donc de préserver ce modèle.

Ces toutes dernières années, de nouvelles initiatives ont été engagées par les pouvoirs publics pour faciliter l'accomplissement au quotidien du volontariat.

Parallèlement, de nombreux SDIS ont mis en place des actions locales pour élargir le recrutement des volontaires.

Ce volontarisme démultiplié n'est pas vain puisque l'évolution du nombre des engagements a connu en 2014 une inversion de tendance avec un accroissement - certes faible - de 1 442 11 ( * ) . Le constat de cette donnée dans plus de la moitié des SDIS est cependant prometteur. En outre, la durée moyenne de l'engagement continue à progresser : elle est aujourd'hui de 11 ans 4 mois, soit près d'un an supérieure à son niveau de 2006. La DGSCGC explique ces résultats encourageants par la mise en oeuvre - encore partielle - des mesures décidées à Chambéry lors du 120 ème congrès national des sapeurs-pompiers ( cf infra ).

Reste à les conforter et à les pérenniser.

A. LE PLAN D'ACTION DE 2013 ET SA TRADUCTION

Le 11 octobre 2013, à Chambéry, à l'occasion du rendez-vous annuel du congrès de la FNSP (fédération nationale des sapeurs-pompiers), le ministre de l'intérieur et les présidents de l'ADF (assemblée des départements de France), de l'AMF (association des maires de France), de la CNSIS (conférence nationale des services d'incendie et de secours), du CNSPV (conseil national des sapeurs-pompiers volontaires), de la FNSP se sont engagés, pour lutter contre la dégradation du volontariat, à poursuivre une action commune « pour en pérenniser la forme et lui garantir un développement adapté inhérent à la culture de résilience de notre Nation ».

Vingt-cinq mesures ont été définies à cet effet. Elles visent respectivement à :

- mieux diversifier et valoriser l'engagement volontaire et faciliter son articulation avec l'exercice des fonctions professionnelles du pompier ;

- consolider le modèle en préservant le maillage territorial des centres d'incendie et de secours et par la reconnaissance de la nature spécifique du volontariat par les institutions européennes. À ce titre, la France a rédigé en mars 2015 un document dans le cadre d'une consultation européenne.

En ce qui concerne les implantations territoriales des casernes, on doit préciser que l'engagement national réserve le cas des « fermetures inévitables décidées après concertation entre l'État, les SDIS, les maires et les sapeurs-pompiers ». Ces décisions, précisait à votre rapporteur le président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, M. Olivier Riou, doivent être prises sur une base volontaire ;

- reconnaître la place des SPV au sein de l'encadrement des SDIS ;

- faciliter l'accès des jeunes aux activités des jeunes sapeurs-pompiers (JSP) et SPV ;

- garantir annuellement la vérification de l'équilibre entre le montant de l'indemnité horaire et celui des charges supportées par les SPV du fait de leur engagement.

Deux ans plus tard, diverses décisions témoignent de l'importance du dossier et de la volonté des responsables nationaux et locaux de soutenir le volontariat. Il en est, il est vrai, de l'intérêt de tous, le SPV étant le « principal acteur de la communauté des sapeurs-pompiers » ainsi que le rappelle l'engagement de Chambéry : revalorisation des indemnités des volontaires par un décret du 2 juin 2015 (n° 2015-609), instruction aux préfets, les 17 février et 1 er octobre 2014, pour « accorder une plus juste place aux SPV dans le cadre des promotions de la médaille de la sécurité intérieure », prise en compte du management du volontariat dans l'évaluation de la performance de l'encadrement des SDIS figurent au titre des mesures déjà concrétisées. D'autres décisions sont encore à l'état de projet. C'est le cas de la mesure n° 18 du plan national, destinée à la nomination dans chaque SDIS d' un « officier de SPV au sein de l'équipe de direction, à un grade identique à celui du DDASIS 12 ( * ) ».

Parallèlement, de nombreux SDIS conduisent des politiques volontaristes pour fidéliser leurs volontaires et élargir leur effectif.

Deux dossiers présentent une importance toute particulière pour faciliter l'engagement : le logement des SPV et les relations de ceux-ci avec leur employeur.

1. Favoriser un accès privilégié au logement social

La mesure n° 14 du plan national de Chambéry prévoit de « permettre aux sapeurs-pompiers volontaires au titre de leur engagement un accès privilégié aux logements sociaux situés à proximité de leur centre de secours ».

Dans certains territoires, les SPV peinent à se loger en raison du coût de l'immobilier - en location ou à l'achat - ou de la rareté des offres.

Or, vivre à proximité du centre de secours auquel il est rattaché constitue pour le sapeur-pompier un des facteurs de la souscription et de la pérennité de l'engagement.

L'éloignement affaiblit non seulement les vocations mais altère aussi l'efficacité des secours puisque « la durée du trajet entre leur (des SPV) domicile et le centre des secours est l'un des éléments déterminants pour garantir la rapidité des interventions » 13 ( * ) .

C'est pourquoi le ministère de l'intérieur, le ministère du logement, l'ADF, l'AMF, le CNSPV, l'Union sociale pour l'habitat et la FNSP ont signé une convention destinée à permettre « la mise en oeuvre de solutions de proximité, individualisées, dans le respect des règles de droit commun applicables en matière d'accès aux logements sociaux ».

Les actions conduites dans ce cadre prévoient :

- la réalisation par les SDIS d'un diagnostic précis des difficultés rencontrées par les SPV pour se loger ;

- une réunion des partenaires concernés pour répondre aux besoins recensés ;

- les modalités du signalement spécifique de la qualité de SPV du demandeur lorsqu'il dépose son dossier afin que les commissions d'attribution des logements sociaux en aient connaissance ;

- les modalités d'un suivi territorial et central de la question ;

- un renforcement du partenariat local entre les SDIS et les bailleurs sociaux.

Il convient de souligner que, sans attendre la signature de la convention, plusieurs SDIS sont déjà intervenus pour faciliter l'accès de leurs SPV au logement social, en nouant des partenariats avec les bailleurs sociaux : Hautes-Alpes, Aude, Lot, Puy-de-Dôme, Rhône ; ce dernier se porte caution du locataire. Certains SDIS (Corrèze, Loiret) propriétaires de logements destinés aux sapeurs-pompiers professionnels, les proposent en location aux SPV dès lors qu'ils sont vacants.

Cette prise de conscience devrait faciliter l'articulation entre l'engagement citoyen et la vie familiale du pompier.

À cet égard, le Colonel Éric Faure, président de la FNSP, indiquait à votre rapporteur que le SPV doit vivre à 7-8 kilomètres au plus de son centre de secours pour pouvoir le rejoindre en quelques minutes. C'est pourquoi il s'oppose à la fermeture d'un trop grand nombre de casernes lesquelles, selon lui, constituent aussi un vivier de recrutement. Un trop lâche maillage territorial découragerait les vocations de SPV et altèrerait la nature de leur engagement.

Le président du conseil d'administration du SDIS des Vosges et membre du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, M. Dominique Peduzzi, partage ce constat. Il a précisé à votre rapporteur que l'éloignement des casernes implique de modifier l'organisation du service pour substituer au système de l'astreinte à domicile celui de la garde à la caserne, nécessairement plus coûteuse en hommes et en crédits.

Votre rapporteur souscrit à ces remarques qui ne doivent cependant pas interdire de rationaliser les implantations territoriales dans un contexte budgétaire contraint pour de nombreuses collectivités. Elle considère qu'en raison de leur effectif sur certains territoires, la réduction par fusion du nombre de centres de secours très peu éloignés les uns des autres, préserve la proximité pour tous. Cette question mérite localement un examen attentif pour préserver la rapidité d'intervention des secours.

2. Mieux assurer la disponibilité professionnelle des SPV

Le sapeur-pompier volontaire bénéficie d'un droit à autorisation d'absence pendant son temps de travail, d'une part, pour les missions opérationnelles concernant le secours d'urgence à personne et la protection des personnes, des biens et de l'environnement en cas de péril et, d'autre part, pour sa formation. L'employeur ne peut s'y opposer que lorsque les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ou du service public s'y opposent ( cf. article L. 723-12 du code de la sécurité intérieure).

La mesure n° 4 du plan national vise à faciliter les relations entre le SPV et son employeur qu'il soit public ou privé. C'est un enjeu pour le renouvellement des engagements, qui dans de nombreux cas se heurte à la difficulté de pouvoir concilier la nécessaire disponibilité opérationnelle avec les obligations de la vie professionnelle. Parallèlement, l'employeur a ses contraintes, des commandes à livrer, des engagements à respecter, tandis que l'entreprise peut connaître des pics d'activité. Il importe en conséquence, selon le président Peduzzi, que le SDIS effectue du « sur-mesure ».

La programmation des gardes des sapeurs-pompiers volontaires établie sous le contrôle du directeur départemental des services d'incendie et de secours est communiquée à leurs employeurs, s'ils en font la demande.

L'article L. 723-11 du code de la sécurité intérieure prévoit la faculté pour l'employeur privé ou public d'un sapeur-pompier volontaire de conclure avec le SDIS de rattachement une convention destinée à préciser les modalités de la disponibilité opérationnelle et de formation en s'assurant de sa compatibilité avec les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ou du service public.

Une convention nationale fixe le cadre d'engagement entre l'entreprise et le ministère de l'intérieur afin de concilier les intérêts de chaque partenaire. Elle est appelée ensuite à être déclinée localement. La qualité de partenaire du ministère de l'intérieur qui en résulte pour la société signataire peut notamment figurer sous la forme d'un logo sur ses documents et supports.

Neuf conventions cadres ont été signées depuis 2007 dont cinq ces deux dernières années : la SNCF, La Poste, GrDF (cette convention signée en 2010 devait être renouvelée le 17 novembre prochain lors du congrès des maires), l'Association des maires de France, les ministères de la défense, de l'éducation nationale et de l'intérieur, CHUBB-SICLI, Service de remplacement France.

D'autres conventions devraient être prochainement signées dont, le 1 er décembre 2015, celle avec le MEDEF.

L'exemple de La Poste

La convention-cadre « groupe La Poste », signée en 2008, ouvre aux missions du SPV une durée annuelle maximum de 20 jours ouvrés sur le temps de travail, dont 10 au moins réservés à la formation ; ces périodes peuvent toutefois être regroupées en fonction de contraintes opérationnelles telles les feux de forêt. La Poste s'engage à maintenir la rémunération de ses agents pendant leurs activités de SPV. Le SDIS doit communiquer à l'employeur trois mois au moins à l'avance le planning prévisionnel de formation ou des gardes du SPV en réservant la circonstance d'événements graves.

D'après les éléments transmis à votre rapporteur par la DGSCGC, la convention a bénéficié à 500 postiers-SPV, répartis sur une cinquantaine de SDIS pour un total de 2 585 jours-formation et 810 jours opérationnels. Elle a ainsi permis une amélioration de leur formation et de leur disponibilité. Une nouvelle convention a été signée en 2013.

Parallèlement à cette démarche conventionnelle, un kit de communication à destination des employeurs a été réalisé.


* 10 Cf lois n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service, n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers et n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.

* 11 Ce nombre inclut 414 SPV du SDIS de Mayotte créé le 1 er janvier 2014.

* 12 Directeur départemental adjoint des services d'incendie et de secours.

* 13 Cf. instruction des ministres de l'intérieur et du logement relative à l'accès au logement social des sapeurs-pompiers en date du 21 juillet 2015.

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