I. L'ÉVALUATION DES ÉTABLISSEMENTS : L'ÉVOLUTION DE L'AERES EN HCERES
Après de multiples reports, la publication du décret en Conseil d'État relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), censé se substituer à l'actuelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), était annoncée pour fin octobre ou début novembre 2014. Ce décret est finalement paru au Journal officiel du 16 novembre 2014.
Après l'adoption par le Parlement de la loi du 22 juillet 2013, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche avait confié une mission de préfiguration du HCERES à deux universitaires, les professeurs Denise Pumain et Frédéric Dardel, dont le rapport a été remis à la ministre fin décembre 2013. C'est sur cette base que les services du ministère ont élaboré le projet de décret qui, à la suite du remaniement ministériel au début du mois d'avril 2014, a fait l'objet de plusieurs consultations, avant son examen par le Conseil d'État en juillet 2014. Les consultations du comité technique de l'AERES, du CNESER et du comité technique ministériel se sont déroulées au mois de juin 2014. Le texte a pu être étudié par le Conseil d'État en septembre.
L'article 13 du décret prévoit que « le mandat des membres du conseil de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur est prolongé jusqu'à la mise en place du conseil du Haut Conseil. » En effet, la désignation des nouveaux membres du HCERES nécessite la consultation des instances nationales d'évaluation des universités (Conseil national des universités) et des organismes de recherche (Comité national de la recherche scientifique - CoNRS -, cellule évaluation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et ses commissions scientifiques spécialisées...), ce qui peut prendre plusieurs mois. Pour mémoire, la mise en place du conseil de l'AERES avait nécessité quatre mois, de novembre 2006 à mars 2007.
En attendant sa transformation en HCERES, l'AERES a déjà considérablement fait évoluer ses pratiques en matière d'évaluation. En particulier, s'agissant de l'évaluation des formations, elle tient compte du passage de l'habilitation à l'accréditation nationale des formations introduite par la loi du 22 juillet 2014. L'AERES a développé depuis peu une évaluation des formations par le prisme « champs de formation », plus large et plus stratégique que le seul niveau de chaque formation prise individuellement. Ces champs correspondent à un ensemble cohérent de formations adossées à une thématique affichée par l'établissement. Une expérimentation identique est conduite sur les champs de recherche. L'AERES se positionne désormais dans une évaluation ex post des formations, qui vise à apprécier la valeur et les résultats des formations au cours des cinq dernières années. À titre d'exemple, l'université de Chambéry s'est distinguée par la présentation de son offre spécifique de formations par le prisme de la montagne. Dans cette logique, l'évaluation devrait conduire à renforcer l'interdisciplinarité dans l'offre de formation d'une université et à favoriser la complémentarité des cartes de formations entre des sites proches géographiquement.
En ce qui concerne l'évaluation des unités de recherche, l'AERES, qui en est réduite à fonctionner avec un conseil amputé de près de la moitié de ses membres, a supprimé définitivement la notation : après avoir supprimé la note globale, elle a donc abandonné la notation multicritères. Son objectif prioritaire consiste à accompagner les entités évaluées dans leur progression en s'appuyant sur une évaluation formative. Pour l'heure, l'agence n'a reçu aucune demande de mise en oeuvre de la validation de la procédure d'évaluation d'une unité de recherche par une autre instance, possibilité désormais offerte par la loi du 22 juillet 2013.
Il n'existe aucune garantie que le rapport d'évaluation d'une entité ne soit pas consulté par un décideur, qu'il soit public ou privé, qui envisage de lui attribuer un financement. Le fait de substituer une appréciation à une note n'empêchera pas, et, du reste, ne doit pas empêcher des présidents d'université, des présidents ou directeurs d'organisme de recherche, des responsables des collectivités territoriales ou des chefs d'entreprise de fonder leurs décisions de financement sur des éléments d'évaluation objectifs.
L'article 11 du décret relatif à l'organisation et au fonctionnement du HCERES prévoit que « pour les rapports d'évaluation des unités de recherche, seul le résumé final de l'évaluation, présentant une synthèse des avis et recommandations, est rendu public. »
Depuis la vague D (2012-2013), l'AERES évalue les politiques de sites. Un référentiel a été élaboré en ce sens et récemment adapté au contexte des coordinations territoriales. Il faut cependant préciser que ce ne sont ni les COMUE, ni les associations, mais bien les politiques de site qui sont évaluées, étant donné le faible recul sur cette question. Depuis la vague A (2014-2015), il est ainsi proposé aux établissements d'évaluer ces politiques de site, en amont des évaluations réalisées pour les établissements, les formations et les entités de recherche. Le périmètre des établissements concernés est défini par les établissements eux-mêmes. Des synthèses par site seront établies offrant ainsi une vision plus large et plus stratégique de l'offre de formation et de recherche au niveau d'une coordination territoriale.
L'AERES est encore aujourd'hui confrontée au problème délicat du financement de ses délégués scientifiques. Aujourd'hui, l'évaluation est gratuite pour les universités alors que, dans beaucoup d'autres pays, ce type d'évaluation est payant. La solution retenue en France consiste à dispenser les universités et les organismes de recherche de financer leur évaluation nationale mais à leur demander de mettre à disposition de l'AERES à temps partiel quelques chercheurs ou enseignants-chercheurs appelés à exercer les missions de délégués scientifiques, l'évaluation devant être effectuée par des pairs. Les comités d'experts de l'AERES sont ainsi généralement composés de six à huit chercheurs ou enseignants-chercheurs, pour lesquels l'AERES se porte garante de la méthode et de la déontologie.
À l'heure actuelle, l'AERES rembourse, sur une base modeste, aux universités la mise à disposition de délégués scientifiques, en compensant une partie de la masse salariale, à hauteur de moins de 20 000 euros par délégué. Néanmoins, la CPU a exprimé le souhait que les délégués soient remboursés aux coûts complets, soit à hauteur de 88 000 euros pour charge d'enseignement. L'agence et la CPU semblent, pour l'heure s'être accordées sur un remboursement de 25 000 euros sur la base d'une délégation à temps plein. Mais le problème se reposera l'année prochaine pour l'embauche de nouveaux délégués scientifiques pour lesquels l'AERES ne disposera sans doute pas des moyens suffisants.
Tant l'Association européenne des agences d'assurance-qualité pour l'enseignement supérieur (« European Association for Quality Assurance in Higher Education » - ENQA -) que le registre européen des agences d'assurance qualité pour l'enseignement supérieur (« European Quality Assurance Register for Higher Education » - EQAR -), ont indiqué que leur décision quant à la possibilité que le HCERES soit membre de l'ENQA et inscrit au registre de l'EQAR dépendrait du contenu du décret, c'est-à-dire des changements substantiels qu'il pourrait comporter, en particulier au regard des standards européens pour les agences d'assurance-qualité de l'enseignement supérieur. Il sera donc nécessaire, à l'appui de la demande de renouvellement de l'inscription à l'ENQA et au registre de l'EQAR, de produire un argumentaire indiquant les changements inscrits dans le décret et leurs conséquences au regard des standards et lignes directrices européens (« European Standards and Guidelines » - ESG -).
Dans la mesure où les ESG sont en cours de révision en vue de leur adoption prochaine lors de la réunion des ministres de l'enseignement supérieur, à Erevan en Arménie en mai 2015, l'AERES (et désormais le HCERES) pourraient bénéficier, du seul fait de cette évolution, d'une prolongation de l'inscription actuelle jusqu'en décembre 2016.