III. LE BILAN DES REGROUPEMENTS UNIVERSITAIRES
A. UNE DÉMARCHE DE REGROUPEMENT GLOBALEMENT BIEN ACCUEILLIE
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2013, les établissements publics d'enseignement relevant du ministère chargé de l'enseignement supérieur et les organismes de recherche partenaires ont désormais l'obligation, en vertu de l'article L. 718-2 du code de l'éducation, de se regrouper afin de coordonner leur offre de formation et leur stratégie de recherche sur un territoire qui peut être soit académique ou interacadémique, selon l'une des trois modalités prévues à l'article L. 718-3 du code de l'éducation : la fusion, l'association d'établissements à un seul établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (statut de droit commun des universités) ou la communauté d'universités et établissements.
À ce jour, quatre fusions ont déjà été réalisées, cinq sont prévues à des horizons plus ou moins rapprochés, 19 COMUE ont vu ou devraient voir le jour à la fin de l'automne 2014 sur des sites académiques, et deux COMUE interrégionales (Bretagne et Pays-de-la-Loire et Centre-Limousin-Poitou- Charentes) devraient être constituées en 2015. Enfin, sur cinq sites, c'est la formule de l'association qui a été privilégiée.
Toutes les universités participent à un regroupement sous l'une des trois formes évoquées, à l'exception de l'université Paris-II, qui a quitté en 2013 le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) Sorbonne Universités 21 ( * ) et pour laquelle la modalité de regroupement n'est pas encore stabilisée.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique de sites, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ne peut véritablement s'appuyer que sur la distribution d'une partie des 1 000 emplois créés annuellement comme « monnaie » incitative de la contractualisation. En effet, sur les 60 millions d'euros correspondant au financement des 1 000 emplois, 20 millions d'euros font l'objet d'une contractualisation avec les établissements au travers des contrats de site.
Néanmoins, les établissements font preuve d'un bel effort dans la définition d'une stratégie cohérente de site. L'essentiel de cette stratégie est désormais consigné dans le volet commun du contrat de site, généralement d'une vingtaine de pages. On y prévoit des jalons pour évaluer l'état d'avancement de la mise en oeuvre de cette stratégie avec la direction générale pour l'enseignement supérieur et la recherche. Quant aux volets spécifiques à chaque établissement, les présidents des établissements regroupés s'attachent à détailler trois à quatre grands axes de transformation.
La vague C (2013-2017) a permis une première expérimentation du contrat de site autour de deux sites : l'Alsace et la Lorraine avec, respectivement, comme chefs de file l'université de Strasbourg et l'université de Lorraine. En vague D (2014-2018), quatre contrats de site ont été signés en juillet 2014 avec des COMUE chefs de file territoriaux en Île-de-France (Paris Lumières, Paris Sciences et Lettres, Sorbonne Paris Cité et Sorbonne Universités) et un cinquième devrait être conclu d'ici la fin de l'année avec heSam. À la rentrée 2014, tous les sites de France métropolitaine sont en cours de négociation contractuelle avec l'État, ce qui représente 18 sites. En matière de vie étudiante, les contrats de site font apparaître, des actions de mutualisation des offres sportives (équipements), de santé (maisons de santé) et culturelles (commission unique pour le fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes - FDSIE -). Des guichets uniques d'accueil des étudiants sont prévus en collaboration avec les caisses d'allocations familiales (aides au logement), la préfecture (carte de séjour) et le CROUS.
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1. Les fusions d'établissements
Les quatre fusions jusqu'ici réalisées sont les suivantes :
- l'université de Strasbourg, créée par le décret n° 2008-787 du 18 août 2008 portant création de l'université de Strasbourg, correspondant à la fusion des universités Strasbourg-I, Strasbourg-II et Strasbourg-III ;
- l'université d'Aix-Marseille, créée par le décret n° 2011-1010 du 24 août 2010 portant création de l'université d'Aix-Marseille, correspondant à la fusion des universités d'Aix-Marseille-I, Aix-Marseille-II et Aix-Marseille-III ;
- l'université de Lorraine, créée par le décret n° 2011-1169 du 22 septembre 2011 portant création de l'université de Lorraine sous la forme d'un grand établissement au sens de l'article L. 717-1 du code de l'éducation, correspondant à la fusion de l'Institut national polytechnique de Lorraine, de l'université de Metz et des universités Nancy-I et Nancy-II ;
- l'université de Bordeaux, créée par le décret n° 2013-805 du 3 septembre 2013 portant création de l'université de Bordeaux, correspondant à la fusion des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV.
Dans le cadre de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ou de COMUE ayant été constitués en préfiguration d'une future fusion, les fusions à venir, au nombre de cinq, devraient concerner :
- les universités Montpellier-I et -II, à l'horizon de janvier 2015 ;
- les universités Rennes-I et -II, à l'horizon de janvier 2016 ;
- les universités Clermont-I et -II, à l'horizon de janvier 2017 ;
- les universités Paris-XII et Paris-Est-Marne-la-Vallée ;
- les universités Lille-I, -II et -III.
2. Les communautés d'universités et établissements
On dénombre 21 projets de COMUE :
- la COMUE d'Aquitaine ;
- la COMUE « Centre-Limousin-Poitou-Charentes » ;
- la COMUE « Languedoc-Roussillon » ;
- la COMUE « Lille-Nord-de-France » ;
- heSam Université (Hautes études Sorbonne Arts et métiers) ;
- l'Institut polytechnique du Grand Paris, structure elle-même destinée à être membre d'une autre COMUE (université Paris Seine) ;
- Normandie Université ;
- l'université de Bourgogne-Franche-Comté ;
- l'université de Bretagne-Loire ;
- l'université de Champagne ;
- l'université Côte d'Azur ;
- l'université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées ;
- l'université Grenoble-Alpes ;
- l'université de Lyon ;
- l'université Paris-Est ;
- l'université Paris Lumières ;
- l'université Paris-Saclay ;
- l'université de recherche Paris Sciences et Lettres ;
- l'université Paris Seine ;
- l'université Sorbonne Paris Cité ;
- Sorbonne Universités.
3. Les associations
Les cinq associations sont prévues en Alsace, Lorraine, Picardie, Auvergne et à Aix-Marseille, sites où ont déjà eu lieu des fusions d'établissements, à l'exception de la Picardie.
4. Les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des instances de gouvernance des COMUE et des associations
Les COMUE devant être créées par décret à l'automne 2014, et disposant d'un an, à compter de cette date, pour mettre en place leurs nouvelles instances de gouvernance, il semble prématuré d'évaluer les éventuelles difficultés qu'elles rencontreront dans le fonctionnement de ces instances. Le ministère a cependant veillé à ce que la gouvernance des COMUE soit parfaitement conforme aux dispositions des articles L. 718-11 à 718-13 du code de l'éducation qui encadrent la composition et les attributions des trois principaux conseils des COMUE (conseil d'administration, conseil académique et conseil des membres).
S'agissant des dispositions électorales, les règles prévues dans les projets de statuts approuvés par les futurs membres des COMUE respectent les modes de scrutin prévus aux articles L. 718-11 et L. 718-12 dans leur rédaction issue de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Ainsi, le suffrage peut être indirect aux élections au conseil d'administration des représentants des personnels et des usagers si la COMUE comporte plus de dix membres, et il peut être direct ou indirect aux élections de ces représentants au conseil académique quel que soit le nombre de membres.
L'exemple de la COMUE Sorbonne Paris Cité est instructif : afin de ne pas multiplier les conflits, les statuts de la COMUE entendent renforcer la représentation des personnels en augmentant le nombre d'élus présent au conseil d'administration de l'ensemble fédéral. Autant que faire se peut, le dispositif électoral a été conçu de façon à éviter que le conseil d'administration de la COMUE ne soit perçu comme une « super structure » en opposition avec les intérêts des établissements membres, bien qu'il soit composé d'un peu plus de 60 membres (dont plus de 50 % d'élus). Le nombre d'élus est ainsi compensé par leur élection au suffrage indirect, qui s'inspire de l'élection sénatoriale, en tenant compte des différences de taille entre établissements. Les statuts de la COMUE visent à prévenir le risque que les plus gros établissements accaparent les places au sein du conseil d'administration tout en veillant à ce qu'une élection ne puisse conférer de position majoritaire à des listes qui auraient représenté une minorité au sein d'un très gros établissement. En revanche, le choix a été fait de gommer les différences de taille entre établissements membres au sein du conseil académique.
Les difficultés rencontrées en région parisienne par la constitution des COMUE tiennent essentiellement à la qualité des relations personnelles entre les dirigeants des établissements regroupés, comme l'illustre l'expérience d'heSam. Le découpage des universités en Île-de-France ne correspond à rien de cohérent sur le plan intellectuel et scientifique, il est plutôt le résultat des affinités entretenues par les différents présidents d'universités les uns avec les autres.
Le fait que l'université Paris-I, qui jouit d'une belle reconnaissance internationale pour la qualité de sa recherche, se singularise par un système de gouvernance propre particulièrement original n'a pas facilité les choses. En outre, les successeurs des présidents des établissements qui avaient présidé à leur rapprochement dans le cadre d'heSam ne sont pas parvenus à maintenir la confiance initiale. Comme le souligne la CPU, le groupement heSam a été déstabilisé par la disparition de son président fondateur à un moment-clé de sa construction, de même que cela avait été le cas, un temps, pour Sorbonne Universités. Il est important de laisser le temps aux équipes impliquées de lever les interrogations qui subsistent dès lors qu'elles concernent un nombre limité de situations. La contractualisation et les moyens alloués aux politiques de sites, notamment au travers des fonds d'amorçage, constituent les bons leviers de normalisation des COMUE en suspens.
* 21 PRES à statut de fondation de coopération scientifique.