B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILISÉ
1. Les avantages concédés au diesel ne se justifient plus aujourd'hui
Actuellement, les véhicules diesel représentent plus de 60 % de l'ensemble du parc automobile en circulation en France . Et les véhicules diesel les plus anciens, de plus de 12 ans, représentent 27 % de ce parc.
L'évolution n'a cessé d'être croissante depuis plusieurs années. En 1980, les véhicules diesel ne représentaient que 5 % des immatriculations. En 2013, 67 % des véhicules neufs vendus étaient des véhicules fonctionnant au gazole (contre 53,3 % en moyenne en Europe de l'Ouest).
Selon les données du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA), les véhicules diesel représentaient encore plus de 65,2 % des nouvelles immatriculations sur les six premiers mois de 2014 en France, contre 53,4 % en moyenne en Europe de l'Ouest.
Source : CCFA
La part du gazole dans le total des consommations de carburants dépasse 80 % en France , au lieu de moins de 70 % au sein de l'Union européenne, et certains secteurs professionnels sont dépendants quasi exclusivement du gazole.
Cette situation est due en grande partie au fait que le gazole a d'abord été un carburant destiné aux poids lourds, à usage professionnel, et a donc bénéficié historiquement d'une fiscalité préférentielle. Les constructeurs automobiles ont ensuite fait un pari industriel, encouragé par un régime fiscal dérogatoire qui n'a jamais été remis en cause.
Le gazole bénéficie en effet d'un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui constitue la principale taxe portant sur les produits pétroliers.
L'écart de taxation entre l'essence et le gazole est actuellement de 17 centimes par litre en faveur du gazole alors que cet écart est en moyenne de l'ordre de 12 centimes par litre au sein de l'Union européenne à 27.
Cet écart de taxation a pourtant récemment été critiqué par la Cour des comptes, dans un référé du 17 décembre 2012 dans lequel elle souligne que le taux réduit de TICPE du diesel par rapport à l'essence a représenté en 2011 une perte de recettes de 6,9 milliards d'euros .
Le taux de la TICPE sur le gazole fait en outre l'objet de nombreuses mesures dérogatoires, à finalités généralement sectorielles. L'ensemble de ces mesures au titre de la TICPE a représenté des dépenses fiscales de plus de 3 milliards d'euros en 2011 .
Les justifications de ce régime fiscal coûteux sont aujourd'hui remises en cause, notamment l'argument d'une consommation de carburant moins importante des véhicules diesel au kilomètre parcouru.
La Cour des comptes, dans son référé, considère en effet que « selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'écart entre les deux types s'est fortement réduit puisque les véhicules diesel neufs consomment en moyenne 4,8 litres pour 100 kilomètres contre 5,6 pour les véhicules à essence » . Elle ajoute : « Sur le plan environnemental, les émissions de CO 2 produites par un véhicule diesel sont du même ordre que celles des automobiles à essence mais le contenu en CO 2 par tonne-équivalent-pétrole du diesel est supérieur à celui de l'essence » .
Au-delà, afin de se conformer aux normes européennes, les constructeurs automobiles doivent investir dans des technologies de « dépollution » particulièrement coûteuses comme le filtre à particules à régénération périodique automatique, indispensable pour atteindre la norme Euro 5, ou encore la technologie SCR (Selective catalytic reduction) indispensable pour la norme Euro 6 de 2014.
Normes européennes pour la réduction des émissions polluantes des véhicules Afin de limiter la pollution causée par les véhicules routiers, la réglementation européenne introduit des exigences communes concernant les émissions des véhicules à moteur et de leurs pièces de rechange spécifiques. Ces normes concernent les véhicules dont la masse de référence ne dépasse pas 2610 kg, dont les voitures particulières, les camionnettes et les véhicules utilitaires destinés au transport de passagers ou de marchandises ou à certains usages spéciaux (ambulances), que ces véhicules soient équipés de moteurs à allumage commandé (moteurs à essence, au gaz naturel ou au GPL) ou de moteurs à allumage par compression (moteurs diesel). Le règlement n° 715-2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) couvre ainsi une large gamme d'émissions polluantes : moNOxyde de carbone, hydrocarbures non méthaniques et hydrocarbures totaux, oxydes d'azote et particules. |
Norme Euro 5 (applicable depuis le 1 er septembre 2009 en ce qui concerne la réception et le 1 er janvier 2011 en ce qui concerne l'immatriculation et la vente des nouveaux types de véhicules) Emissions provenant des voitures diesel : - monoxyde de carbone : 500 mg/km - particules : 5 mg/km - oxydes d'azote (NOx) : 180 mg/km - émissions combinées d'hydrocarbures et d'oxydes d'azote : 230 mg/km Emissions provenant des voitures à essence ou fonctionnant au gaz naturel ou au GPL : - monoxyde de carbone : 1000 mg/km - hydrocarbures non méthaniques : 68 mg/km - hydrocarbures totaux : 100 mg/km - oxydes d'azote (NOx) : 60 mg/km - particules (uniquement pour les voitures à essence à injection directe) : 5 mg/km Norme Euro 6 (applicable à compter du 1 er septembre 2014 en ce qui concerne la réception et du 1 er septembre 2015 en ce qui concerne l'immatriculation et la vente des nouveaux types de véhicules) Tous les véhicules équipés d'un moteur diesel ont l'obligation de réduire leurs émissions d'oxyde d'azote de manière importante à compter de l'entrée en vigueur de la norme Euro 6. Par rapport à la norme Euro 5, la norme Euro 6 impose une réduction supplémentaire des valeurs limites de 80 % pour les oxydes d'azote, de 50 % pour les particules et de plus de 70 % pour les hydrocarbures.
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2. Des avantages qui ne se justifient plus sur le plan économique
La France se trouve aujourd'hui dans une situation où elle est obligée d'importer massivement son carburant diesel, en raison d'un déficit de production par rapport à la demande, et d'exporter ses surplus d'essence. En effet, les raffineries françaises produisent trop peu de gazole et trop d'essence par rapport à la structure de la consommation nationale.
Comme l'a relevé le Comité pour la fiscalité écologique dans ses travaux, « en 2012, la France a dû importer plus de 50 % de sa consommation de gazole pour un coût brut pour l'économie nationale de 16 milliards d'euros (13 milliards si on déduit les exportations d'essence) ».
Source : Comité professionnel du pétrole
3. La France est en voie d'être condamnée pour manquement aux règles de l'Union européenne en matière de qualité de l'air
La France fait l'objet d'un contentieux de l'Union européenne pour non-respect des valeurs limites de concentration dans l'air de particules PM 10 en vigueur depuis 2005 8 ( * ) .
Le Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie considère qu'en 2011, 12 millions de Français étaient exposés aux dépassements des valeurs limites de concentration en PM 10.
Les quinze zones faisant l'objet du contentieux sont : Paris, Marseille, Toulon, la zone côtière urbanisée des Alpes-Maritimes, Valenciennes, Dunkerque, Lille, le territoire du Nord-Pas-de-Calais, Montbéliard/Belfort, Grenoble, Lyon, le reste de la région Rhône-Alpes, Bordeaux et La Réunion.
Ce contentieux, qui porte désormais non plus seulement sur les résultats mais également sur les moyens mis en oeuvre par la France pour atteindre les objectifs fixés, pourrait aboutir en 2014.
La France fait aussi l'objet de demandes d'information de la part de la Commission européenne pour non-respect des valeurs-limites de concentration de dioxyde d'azote (NO 2 ) dans l'air et pour dépassement du plafond national d'émissions d'oxydes d'azote (NOx). L'amende pourrait s'élever, si la France était condamnée, à plusieurs dizaines de millions d'euros, à laquelle s'ajouterait une astreinte quotidienne de l'ordre de 200 000 euros.
* 8 Concentration annuelle de 40 microgrammes par m 3 et concentration journalière de 50 microgrammes par m 3 à ne pas dépasser plus de 35 jours par an.