III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LA CONVERGENCE DES AGENDAS INTERNATIONAUX : L'OCCASION DE DÉFINIR DE NOUVEAUX MODES DE VIE ET DE CONSOMMATION AU NIVEAU GLOBAL

En 2000, les 189 chefs d'État et de Gouvernement des pays membres de l'Organisation des Nations unies (ONU) ont fixé huit objectifs du millénaire , afin de réduire la pauvreté à l'horizon 2015 et de faire du droit au développement une réalité pour tous :

- éliminer l'extrême pauvreté et la faim ;

- assurer l'éducation primaire pour tous ;

- promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ;

- réduire la mortalité des enfants ;

- améliorer la santé maternelle ;

- combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies ;

- assurer un environnement durable ;

- mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Les États membres de l'ONU sont convenus de tenir un nouveau sommet en septembre 2015 pour, sur la base des résultats effectivement constatés, fixer de nouveaux objectifs. Cette redéfinition devra permettre de fusionner les objectifs du millénaire avec les Objectifs du développement durable (ODD), affirmés en 2012 à l'occasion du Sommet Rio +20.

La convergence de ces agendas internationaux est l'occasion d'élaborer collectivement de nouveaux cadres de régulation permettant de répondre aux défis environnementaux et sociaux tout en assurant le développement de tous. L'interconnexion des enjeux nationaux et internationaux appelle en effet une réponse globale.

Dans cette optique, votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, deux amendements :

- un amendement complétant l'article 1 er relatif aux objectifs généraux de la politique française de développement, pour préciser que cette politique « participe à la construction d'une communauté mondiale solidaire pouvant affronter collectivement les défis environnementaux et sociaux qui s'imposent à tous, et élaborant des cadres de régulation contribuant à la paix et au développement pour tous » ;

- un amendement rappelant, à l'article 1 er également, que la politique de développement et de solidarité internationale de la France doit s'inscrire dans la fusion des agendas des objectifs du millénaire pour le développement et des objectifs du développement durable, qui seront réexaminés en 2015 par les Nations unies.

B. LES INSTRUMENTS D'UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE

1. L'AFD : une agence renforcée avec un nouveau cadre d'action

En 2011, l'AFD gérait, selon les chiffres de la Cour des comptes, plus de 30 % de l'aide déclarée, et les deux tiers de l'aide bilatérale programmable. L'Agence agit à la fois comme un établissement de crédit et un établissement public concourant à l'action extérieure de la France. Les prêts représentaient 84 % de son activité en 2011, avec 45 % de ces prêts dirigés vers l'Afrique subsaharienne.

Votre commission se félicite donc que l'AFD, contributeur principal de la politique d'aide au développement de la France, se trouve renforcée par le présent projet de loi, et voit son cadre d'action précisé avec des objectifs ambitieux en matière de développement durable.

En particulier, l'AFD ne pourra plus financer de projets de recherche, d'achat, de promotion ou de multiplication des semences génétiquement modifiées. Il s'agit là d'un grand progrès. A l'heure où le Parlement s'est prononcé contre la mise en culture des organismes génétiquement modifiés en France, il convient de s'assurer d'une certaine cohérence des politiques menées en la matière à l'égard des pays du Sud.

Le présent projet de loi prévoit également l'interdiction de soutenir des projets ayant pour conséquence la déforestation, l'accaparement des terres, la privation des ressources naturelles pour les populations locales. L'AFD ne pourra pas non plus financer de projets énergétiques émetteurs en carbone si aucune captation du CO 2 n'est prévue.

De manière générale, un cadre d'intervention transversal climat-développement est défini pour l'AFD. Il vise à ce que, chaque année, 50 % de ses financements dans les pays tiers comportent des co-bénéfices climat dans l'ensemble des secteurs pertinents, y compris l'énergie.

Votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a souhaité compléter par un amendement le nouveau cadre d'action de l'Agence, en soulignant que la capacité de prêt de l'AFD à des collectivités territoriales du Sud est un outil précieux qui permet d'accompagner le développement durable, en particulier urbain, dans les pays en développement . L'AFD peut en effet accorder des prêts directs à des collectivités territoriales, y compris sans garantie de l'État, raison pour laquelle ces prêts sont parfois dits « non souverains », lorsque la législation locale et la situation financière de la collectivité le permettent. Plusieurs villes ont bénéficié de tels prêts : Istanbul, Izmir, Kayseri, Medellin, Antioquia, Barranquilla, Le Cap, Amman, Dakar, Ouagadougou. Cet outil permet d'accompagner le développement urbain dans les pays partenaires.

2. La reconnaissance fondamentale du rôle des acteurs de la société civile

La reconnaissance et la promotion du rôle des acteurs de la société civile, tant les ONG, les collectivités territoriales que les entreprises, est un des apports significatifs du présent texte. Le développement des organisations de la société civile, au Nord comme au Sud, et leur coopération est une des clés pour un développement durable et partagé.

a) Rôle des ONG et des organisations de la société civile

Votre commission a souhaité compléter la reconnaissance du rôle des ONG et des sociétés civiles.

Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens :

- un amendement reconnaissant le rôle des organisations de solidarité internationale et des organisations issues des migrations, et les associant à la décision dans le cadre du Conseil national du développement et de la solidarité internationale ;

- un amendement précisant que la politique de développement doit favoriser l'échange et le dialogue entre les sociétés civiles française et des pays partenaires ;

- un amendement complétant le rapport pour préciser que la France encourage la coopération entre les ONG du Nord et du Sud ;

- un amendement inscrivant dans la loi une des conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur l'action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement, sur le rapport de Kalliopi Ango Ela 5 ( * ) : il s'agit d'intégrer l'exigence d'une évaluation croisée de l'aide au développement française, prenant en compte les retours d'expérience des bénéficiaires locaux. Cet amendement permet de s'inscrire dans une logique de relation égalitaire entre pays du Nord et du Sud et doit permettre une amélioration du ciblage et de l'efficacité de l'aide sur la base des retours de terrain.

b) Rôle des collectivités territoriales

De la même manière, votre commission a estimé qu'il était particulièrement important de renforcer la reconnaissance du rôle des collectivités territoriales, qui mettent en oeuvre des actions de coopération décentralisée en s'appuyant sur leur expertise en matière de services publics locaux et d'aménagement du territoire.

Un amendement a été adopté pour rappeler que les collectivités ont une expertise dans la mobilisation des acteurs de terrain et dans la gestion des services publics, et qu'elles apportent une plus-value concrète à la politique de développement.

Un deuxième amendement complète le rapport annexé au projet de loi pour indiquer que la politique de développement doit encourager un dialogue et un aménagement concerté entre territoires urbains et territoires ruraux proches, et élaborer des outils de gouvernance et de planification adaptés à cette échelle.

Enfin, un troisième amendement souligne le rôle des collectivités françaises pour valoriser une approche locale du développement et rapprocher les sociétés civiles du Nord et du Sud.

3. L'accent mis sur les financements innovants

Votre commission se félicite que le présent projet de loi souligne l'importance des financements innovants, dans les objectifs de la politique d'aide au développement. Au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, il est nécessaire d'encourager la recherche de nouvelles ressources pour la politique de développement, par le biais de taxes affectées notamment. Depuis 2012, la France met par exemple en oeuvre une taxe sur les transactions financières, à titre national, allouée pour une large part à des actions de développement, dont la lutte contre les grandes pandémies, la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique.

LA TAXE EUROPÉENNE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

En septembre 2011, la Commission européenne a adopté une proposition de directive du Conseil sur un système commun de taxe sur les transactions financières pour toute l'Union Européenne. L'objectif était d'éviter la fragmentation du marché intérieur par la mise en place d'approches nationales à géométrie variable, mais aussi d'assurer une contribution du secteur financier aux finances publiques. Le taux minimal proposé était de 0,1 % pour les transactions portant sur les actions et les obligations et de 0,01 % pour celles portant sur les produits dérivés.

Lors d'un Conseil ECOFIN de 2012, le constat a été fait de l'impossibilité d'établir une unanimité sur ce système de taxation sur les transactions financières, tel que proposé par la Commission. Plusieurs États ont toutefois fait valoir la possibilité d'une coopération renforcée, rassemblant un groupe plus restreint d'États membres.

Le 22 janvier 2013, le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision autorisant onze États à établir, par le biais de la coopération renforcée, un système commun de taxe sur les transactions financières .

Cette décision a rencontré l'opposition d'un certain nombre de pays, à commencer par le Royaume-Uni, la Suède, ou encore la République tchèque. Le Royaume-Uni a d'ailleurs introduit un recours contre la décision du Conseil, au motif que cette coopération renforcée produirait des effets extraterritoriaux illégaux et qu'elle ne respecterait pas les droits des États membres non-participants.

Ce recours n'a pas d'effet suspensif. Pour autant, le projet s'est progressivement embourbé du fait des oppositions politiques. Un accord en date du 20 mai dernier semble en mesure de relancer le dispositif. Les dix pays favorables à cette taxe se sont entendus pour mettre en oeuvre le système à compter de 2016, dans un premier temps uniquement sur les actions et certains produits dérivés. Il s'agit de l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, la France, l'Allemagne, la Grèce, l'Italie, le Portugal, la Slovaquie et l'Espagne. La Slovénie, initialement partante, a finalement renoncé à signer l'accord.

Votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement indiquant que la France suivra avec attention et accompagnera le développement de nouveaux financements liés aux négociations climatiques dans une optique de développement durable des territoires. En effet, les discussions à venir dans le cadre des négociations climatiques internationales doivent apporter des réponses à la question du financement, en particulier concernant le Fonds vert, ou encore les mécanismes de développement propre. Les deux problématiques, de lutte contre le dérèglement climatique et d'aide au développement, sont intrinsèquement liées.


* 5 « Au coeur du développement : la recherche en partenariat avec les pays du Sud », rapport d'information de Mme Kalliopi ANGO ELA, fait au nom de la mission d'information sur l'action extérieure de la France n° 83 (2013-2014) - 16 octobre 2013.

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