INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Depuis l'examen de projet de loi de finances pour 2012, la mission outre-mer fait l'objet de deux avis budgétaires distincts : le premier consacré aux départements d'outre-mer et confié à notre collègue M. Félix Desplan, le second qui donne lieu au présent rapport consacré aux collectivités d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Il est l'occasion pour votre rapporteur pour avis de porter un regard sur la situation économique, sociale et institutionnelle de chacun de ces territoires qui connaissent des contextes locaux différents sur le plan financier comme sur le plan statutaire.
Le projet de loi de finances pour 2014 confirme l'intérêt porté par le Gouvernement aux outre-mer puisque, à la suite de la nomination d'un ministre de plein exercice pour les outre-mer, l'administration centrale du ministère a été pleinement reconnue avec la création d'une direction générale des outre-mer en lieu et place de l'ancienne délégation générale.
En outre, ce projet de loi de finances pour 2014 marque la volonté continue du Gouvernement, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, de soutenir le développement des outre-mer. Si les collectivités ultramarines participent à l'effort de maîtrise des déficits publics à travers l'ensemble des missions budgétaires qui contiennent des crédits à destination des territoires ultramarins, la mission outre-mer connaît une augmentation de ses crédits . Au regard du contexte financier, vos rapporteurs pour avis se félicitent que le Gouvernement, avec constance, ait prouvé son intention de tenir compte des spécificités des outre-mer et des difficultés économiques et sociales auxquelles ils font face.
Cet effort budgétaire devrait être relayé en 2014 par l'examen d'un projet de loi sur la modernisation du financement des économies ultramarines et la mise en oeuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi ainsi que d'une réforme statutaire des collectivités d'outre-mer de l'océan Atlantique, que le ministre des outre-mer a annoncés lors de son audition par votre commission.
Ces textes prolongeraient une activité législative notable en 2013 pour les outre-mer qui a conduit à l'adoption, à l'unanimité du Sénat et de l'Assemblée nationale, de la loi organique permettant la création d'une autorité locale de concurrence en Nouvelle-Calédonie et l'actualisation du statut de ce territoire et de la loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer pour lesquels votre commission, saisie au fond, sera particulièrement attentive à leur application.
I. UN EFFORT FINANCIER SOUTENU EN FAVEUR DES OUTRE-MER
Cette première partie est commune au présent rapport et à celui de M. Félix Desplan, consacré aux départements d'outre-mer. En effet, ces deux avis prennent appui sur la mission outre-mer du projet de loi de finances pour 2014.
A. UN EFFORT BUDGETAIRE EN AUGMENTATION
En préambule, vos rapporteurs pour avis constatent que les réponses à leurs questionnaires budgétaires n'ont pas été envoyées dans le délai fixé par la loi organique relative aux lois de finances. À la date du 10 octobre 2013, trente réponses n'avaient toujours pas été adressées à vos rapporteurs pour avis. Une réponse, relative au bilan de l'action des commissaires au développement endogène de l'outre-mer, n'a toujours pas été envoyée, malgré les nombreuses relances de vos rapporteurs pour avis. Ils notent toutefois une amélioration globale de la qualité des réponses envoyées par les services du ministère des outre-mer.
1. Une évolution budgétaire en faveur du développement de l'outre-mer
La mission outre-mer regroupe l'ensemble des dotations allouées aux territoires ultra marins - départements et régions d'outre-mer, collectivités d'outre-mer, Nouvelle-Calédonie et TAAF confondus - inscrites au budget du ministère des outre-mer.
Le projet de loi de finances pour 2014 fixe leur montant à 2,15 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une diminution de 1,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, et à 2,06 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) représentant une hausse de 1,1 %. Ainsi, comme l'a rappelé M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, lors de son audition devant votre commission, les crédits de la mission augmentent de 1 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, soit une progression de 20 millions d'euros, alors que le budget de l'État, pour la première fois, est en baisse.
Les crédits de la mission outre-mer se répartissent entre deux programmes :
- le programme 138 « emploi outre-mer » ;
- le programme 123 « conditions de vie outre-mer ».
Le programme 138 « emploi outre-mer » vise à faciliter la création d'emplois et l'accès au marché du travail des ultramarins, la réalité économique en outre-mer se caractérisant par un taux de chômage très élevé, (25 % en moyenne de la population active) et une part très élevée de chômeurs de longue durée, de bénéficiaires du RMI/RSA et des jeunes de moins de 30 ans.
Ce programme est doté de 1,404 milliard d'euros en AE et 1,388 milliard d'euros en CP et regroupe :
- d'une part, l'ensemble des crédits destinés aux aides aux entreprises ultramarines (aide au fret, aide à la rénovation hôtelière, compensation des exonérations de charges sociales issues de la LODEOM 2 ( * ) qui représentent la moitié des crédits de la mission) ;
- d'autre part, les crédits destinés aux actions en faveur de l'inclusion dans l'emploi et de la formation professionnelle (formation en mobilité, service militaire adapté - SMA -, actions de formation et d'insertion dans les collectivités françaises du Pacifique).
Les crédits du programme 138 sont répartis entre trois actions :
- l' action n° 1 « soutien aux entreprises » qui vise à diminuer les coûts de production, notamment ceux du travail, via des exonérations de charges sociales et patronales et la création d'emplois pérennes par les entreprises du secteur marchand des DOM et de Saint-Pierre-et-Miquelon par un alignement de leurs charges d'exploitation ;
- l' action n° 2 « aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » dont l'objectif est de financer les principaux dispositifs d'insertion sociale des jeunes ultramarins : le service militaire adapté (SMA) et l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) ;
- l' action n° 3 « pilotage des politiques des outre-mer » qui regroupe les crédits de fonctionnement du ministère.
Répartition des crédits du programme 138 par action
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|
Action n° 1
|
1 156 249 559 |
1 147 749 559 |
Action n° 2
|
244 794 781 |
236 996 281 |
Action n° 3
|
2 904 000 |
2 904 000 |
Total |
1 403 948 340 |
1 387 649 840 |
En comparaison de la loi de finances initiale pour 2013, ce programme fait l'objet de deux modifications de son périmètre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 :
d'une part, dans le cadre de l'action n° 1, de nouvelles mesures d'aides seront définies en lien avec le prochain projet de loi relatif au développement et à la modernisation de l'économie des outre-mer à hauteur, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs pour avis, de 16 millions d'euros en AE et de 7,5 millions d'euros en CP ;
d'autre part, l'action n° 2 bénéficie du transfert des crédits du ministère du travail et de l'emploi correspondant aux actions de formation professionnelle organisées dans l'hexagone par LADOM dans le cadre du marché spécifique État-AFPA pour les publics ultramarins. Ces crédits étaient jusqu'à présent inscrits dans la mission « travail et emploi ». Des crédits de 21,4 millions d'euros en AE et 16,3 millions d'euros en CP seront désormais rattachés à cette action. D'après le ministère des outre-mer, ce transfert a pour objectif d'améliorer le pilotage et rationaliser la gestion des mesures de formation en mobilité gérées par LADOM.
Le programme 123 « conditions de vie outre-mer » représente 744 millions d'euros en AE , soit une baisse de 5,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, et 673 millions d'euros en CP , représentant une hausse de 4,2 % .
Le programme, répartis entre huit actions 3 ( * ) , regroupe les crédits destinés, d'une part, au financement des dispositifs d'intervention spécifique à l'outre-mer (aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux) et, d'autre part, à l'accompagnement des collectivités territoriales dans leur effort en termes d'investissement (aménagement du territoire et politiques contractuelles, dotations d'investissement aux collectivités, fonds exceptionnel d'investissement et appui à l'accès au financement bancaire au travers des prêts octroyés aux collectivités).
Répartition des crédits du programme 123 par action
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|
Action n° 1
|
272 758 664 |
245 000 000 |
Action n° 2
|
146 864 843 |
164 310 000 |
Action n° 3
|
51 450 000 |
51 450 000 |
Action n° 4
|
4 803 807 |
5 203 807 |
Action n° 6
|
186 156 052 |
171 694 407 |
Action n° 7
|
1 920 100 |
1 920 100 |
Action n° 8
|
50 000 000 |
25 900 000 |
Action n° 9
|
30 000 000 |
7 225 834 |
Total |
743 953 466 |
672 704 148 |
Le programme 123 connait les modifications suivantes :
- en raison des besoins des communes de Mayotte en matière de constructions scolaires liés à une démographie dynamique, est prorogée la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires dans le projet de loi de finances pour 2014. Celle-ci, portée par le programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est désormais inscrite au programme 123 afin d'améliorer le pilotage de cette dotation par l'État, à hauteur de 10,45 millions d'euros en AE et CP ;
Une modification du pilotage de ces crédits et du suivi des opérations ainsi que son mode d'attribution et de gestion est proposé dans le projet de loi de finances pour 2014. Actuellement versée de manière forfaitaire au budget du syndicat mixte d'investissement et d'aménagement de Mayotte (SMIAM) qui assure seul la programmation des chantiers, cette dotation sera désormais versée sous forme de subventions sur projets décidées, à l'instar des financements sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), par le préfet. Un décret, s'inspirant des modalités d'attribution de la DETR versée aux communes, devrait préciser les conditions d'attribution de ces subventions. |
- au sein de l'action n° 6, la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte mise en place pour pallier l'absence de fiscalité locale ne sera pas reconduite en 2014, en raison de l'application de la fiscalité de droit commun dans ce département, à compter du 1 er janvier 2014.
2. Une forte progression des crédits en faveur des outre-mer depuis 2008
Entre 2008 et 2013, d'après les informations fournies par le ministère des outre-mer, les crédits de la mission outre-mer ont progressé de 25 % en AE et de 19 % en CP. Après une baisse des crédits entre 2010 et 2012, l'augmentation constatée en 2013 a confirmé la priorité en faveur des outre-mer dans le respect de la contrainte budgétaire globale.
L'effort engagé depuis 2008 est poursuivi par le projet de loi de finances pour 2014. Par ailleurs, les lignes directrices de l'action du ministère des outre-mer s'inscrivent dans les orientations fixées par le Gouvernement et visent en particulier à un développement solidaire des outre-mer par la relance de la production et de l'emploi, une ambition nouvelle pour la jeunesse et la lutte contre la vie chère.
Ainsi que M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, l'a présenté devant votre commission, le dispositif des exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer fait actuellement l'objet d'un projet de réforme dans le souci de le recentrer sur les plus bas salaires pour améliorer son efficience sans que l'équilibre général ne soit bouleversé et en maintenant les seuils d'exonération totale.
De même, des mesures nouvelles pour les entreprises destinées à améliorer leur compétitivité seront définies en cohérence avec le futur projet de loi sur la modernisation du financement des économies ultramarines et la mise en oeuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
L'effort en faveur de la jeunesse et de la formation professionnelle est maintenu : le service militaire adapté (SMA) poursuit l'accroissement de ses effectifs dans un contexte de montée en puissance du SMA 6000 tout en maintenant son effort de productivité. Les moyens d'intervention de LADOM sont préservés et son action s'inscrit dans la norme de productivité demandée à l'ensemble des opérateurs de l'État.
L'effort en faveur de l'investissement public et du développement des territoires ultramarins est renforcé dans le cadre du programme 123, notamment par :
- les moyens de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU) progressent de 18 millions d'euros et ses capacités d'engagement préservées à 273 millions d'euros ;
- les moyens d'engagement de la politique contractuelle sont renforcés avec une hausse de 10 millions d'euros ;
- les moyens du plan de rattrapage des investissements structurants sont maintenus à 50 millions d'euros en AE et 25,9 millions d'euros en CP ;
- enfin, les aides à la bonification des prêts d'investissement des collectivités territoriales sont préservées.
Évolution des crédits de la mission outre-mer depuis 2008
LFI 2008 |
LFI 2009 |
LFI 2010 |
LFI 2011 |
LFI 2012 |
PLF 2013 |
PLF 2014 |
Évolution 2008-2014 (en %) |
|||||||||
En millions d'euros |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
Mission
|
1 653 |
1 619 |
1 962 |
1 871 |
2 168 |
2 023 |
2 156 |
1 977 |
1 985 |
1 833 |
2190 |
2041 |
2148 |
2060 |
30 |
27,2 |
Programme 138 |
991 |
998 |
1 192 |
1 192 |
1 312 |
1 303 |
1 351 |
1 331 |
1 313 |
1 338 |
1405 |
1395 |
1404 |
1388 |
41,7 |
39,1 |
Programme 123 |
662 |
621 |
770 |
680 |
856 |
721 |
805 |
647 |
805 |
628 |
784 |
646 |
744 |
673 |
12,4 |
8,4 |
Source : Ministère des outre-mer
Vos rapporteurs pour avis se félicitent que, dans un contexte de contraintes budgétaires, la mission outre-mer continue de bénéficier d'une hausse de ses crédits, reflet de l'importance que revêtent les territoires ultramarins dans la politique du Gouvernement. Ils seront en revanche très attentifs à l'utilisation du budget de la mission afin qu'elle permette le développement des territoires ultramarins.
* 2 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique outre-mer, dite LODEOM.
* 3 Les huit actions sont : logement ; aménagement du territoire ; continuité territoriale ; sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ; collectivités territoriales ; insertion économique et coopérations régionales ; fonds exceptionnel d'investissement.