II. LES CRÉDITS DU TITRE 2 : LA POURSUITE D'UNE DÉFLATION D'EFFECTIFS À RYTHME SOUTENU MAIS PEU « VISIBLE » BUDGÉTAIREMENT

A. LES CONSÉQUENCES DES NOUVEAUX CONTRATS OPÉRATIONNELS

1. Le Livre blanc 2013 a fixé de nouveaux contrats opérationnels pour les armées françaises

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 décrivait les forces que la France devait être capable d'engager dans un conflit majeur à l'extérieur du territoire :

- En six mois, une force terrestre pouvant aller jusqu'à 30 000 h. pour une durée d'un an, suivie d'une action de stabilisation ;

- Une force aérienne de combat de 70 avions ;

- Une force navale ou aéronavale de combat ;

Elle devait simultanément conserver en alerte une capacité de réaction de l'ordre de 5 000 h.

Ce contrat opérationnel s'est décliné en trois dispositifs d'alerte :

. dispositif Guépard de l'armée de terre. « Boîte à outil » d'environ 5000 hommes en incluant les appuis interarmes et soutiens interarmées, c'est ce dispositif qui a permis le déploiement de l'opération Serval au Mali ;

. dispositif Rapace de l'armée de l'air, constitué de 9 avions de chasse, de ravitailleurs, d'une base aérienne projetable, d'avions de transport et d'un module de défense sol-air ;

. dispositif Tarpon de la marine nationale qui comprend, outre 1 Atlantique 2 et 1 BPC, tous les bâtiments « hors port base ».

Ces trois dispositifs distincts sont cohérents en termes de délais d'alerte, toutes les capacités étant disponibles entre 12 heures et 9 jours.

Le Livre blanc de 2013 a tiré les conséquences des difficultés identifiées pour remplir ces contrats, ainsi que de la diversité croissante des opérations militaires et des moyens différents qu'elles requièrent. Si les opérations de gestion de crise, correspondant à nos engagements les plus fréquents, nécessitent, notamment à terre, des forces aptes à durer et à contrôler de vastes espaces physiques au milieu de populations, les conflits majeurs auxquels nous devons nous tenir prêts imposent de disposer de forces du meilleur niveau technologiques, aptes à affronter d'autres forces étatiques.

Il a donc différencié les contrats opérationnels , en distinguant ce qui doit pouvoir être déployé, si nécessaire de façon permanente, dans des opérations de gestion de crise (jusqu'à 7 000 h des forces terrestres, une douzaine d'avions de combat, une frégate, un groupe BPC, un SNA selon le cas) et ce que les armées françaises doivent être capables d'engager dans un conflit majeur (jusqu'à deux brigades interarmes, 45 avions de combat et un groupe aéronaval avec leurs soutiens). Il y a ajouté une capacité permanente de réponse en urgence , à hauteur de 5 000 hommes avec les éléments aériens et navals associés.

Le Livre blanc a, en cohérence avec l'analyse des conflits qu'il a présentée, également différencié les forces , en distinguant celles qui sont prioritairement dédiées à un conflit majeur et celles qui sont essentiellement mises sur pied en fonction des impératifs des opérations de gestion de crise ou encore, de protection du territoire et de ses approches.

2. Les conséquences en termes d'organisation

La modification du contrat opérationnel en fonction des principes de différenciation et de mutualisation a des conséquences sur l'organisation qui dépendent à la fois des impératifs des opérations de coercition, de celles des opérations de gestion de crise, et des missions liées à la posture de dissuasion comme à la protection du territoire.

D'une part, les forces se développeront et s'organiseront de façon croissante en fonction du principe de différenciation :

- Les forces terrestres distingueront ainsi les deux brigades de coercition des 5 autres brigades appelées à être engagées dans des opérations de gestion de crise, en termes d'équipement, de doctrine et d'entraînement.

- Les forces navales conserveront la variété de leurs capacités, avec d'une part des unités de premier rang et d'autre part des unités de combat moins puissantes permettant à la fois de ne pas user prématurément le potentiel des forces lourdes et de préserver un nombre suffisant de moyens pour assurer la présence en mer. Les forces navales comporteront également des unités légères aptes au contrôle des espaces maritimes, dans nos approches et outre-mer.

- Les forces aériennes organiseront leur entraînement de façon différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d'un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations. Cette démarche sera soutenue en amont par une rénovation de la formation des pilotes de chasse.

D'autre part, la modification des contrats de coercition et de gestion de crise ne seront pas sans conséquences pour l'organisation des forces :

- le préavis à 6 mois (délais de montée en puissance pour l'engagement en opération majeure) est étendu à l'ensemble des forces armées et non aux seules forces terrestres. Cela implique une évolution des délais d'alerte des capacités opérationnelles associées.

- la durée de référence de l'opération majeure passe de 12 mois à 6 mois : cela a une conséquence directe sur le niveau des stocks logistiques à détenir en amont (munitions, pièces détachées, etc.).

- certaines capacités seront adaptées pour s'aligner sur le nouveau contrat. Si, en général, les cibles d'équipements dédiés à la coercition seront réduites (Chars Leclerc par exemple), cette réduction sera compensée par le développement ou la conservation d'équipements plus rustiques et utilisables pour des opérations de gestion de crise (rénovation des Mirage 2000D, des frégates légères furtives en attendant l'acquisition de frégates de taille intermédiaire, acquisition d'avions légers de surveillance).

S'agissant de l'échelon national d'urgence (ENU) de 5 000 hommes en alerte, il permettra de constituer une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes, sera projetable à 3 000 km du territoire national ou d'une implantation à l'étranger, dans un délai de 7 jours.

Ce nouveau contrat, proche du précédent, ne modifie pas intrinsèquement l'organisation des forces armées :

- il précise davantage le cadre spatio-temporel dans lequel ces capacités pourraient être engagées : 2 300 hommes à 3 000 km (au lieu de 7 000-8 000 km) en moins de 7 jours. C'est l'aboutissement d'une réflexion à la fois stratégique (zones d'interventions potentielles) et capacitaire (limites de nos capacités de projection et de soutien stratégique).

- il limite le volume du réservoir de capacités opérationnelles en alerte à 5 000 hommes pour l'ensemble des forces armées alors que le contrat précédent ne concernait que les forces terrestres.

Concernant l'adaptation des forces au nouveau contrat, il s'agit donc surtout :

- de supprimer certaines capacités qui existaient au sein du dispositif Guépard afin de diminuer celui-ci en volume.

- d'intégrer le dispositif d'alerte des forces spéciales à ce dispositif de projection.

- d'identifier plus précisément les capacités de la marine qui contribueront à la FIRI.

- d'adapter le dispositif Rapace de l'armée de l'air.

- de mutualiser les capacités de commandement et de soutien logistique interarmées.

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