EXAMEN EN COMMISSION
M. Jean-Pierre Michel , président . - Nous examinons le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Notre saisine pour avis porte sur les articles 5 à 13, relatifs au renseignement, en particulier la réforme de la délégation parlementaire au renseignement, et sur les articles 17 à 21, relatifs à la justice militaire.
La délégation parlementaire au renseignement a été créée par loi du 9 octobre 2007. Notre collègue René Garrec, qui en avait été le rapporteur, avait alors souligné que « les services de renseignement [étaient] au coeur de l'action du Gouvernement en matière de sécurité intérieure et extérieure », et que les nouveaux enjeux en la matière « rend[ai]ent encore plus légitime et nécessaire la création d'un organe parlementaire chargé du suivi des services de renseignement ».
J'ai l'honneur de présider cette délégation cette année puisque la présidence en est tournante entre les quatre parlementaires membres de droit que sont les présidents des commissions des lois et chargées de la défense du Sénat et de l'Assemblée nationale - cette délégation travaille beaucoup mais toujours discrètement, car ses travaux sont couverts par le secret-défense. Ses compétences sont strictement délimitées puisqu'elles ne doivent pas empiéter, pour les écoutes, sur les prérogatives de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), ni, pour l'accès aux documents classifiés, sur celles de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), ni encore, pour le contrôle financier des actions les plus sensibles des services, sur les compétences de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), ni même sur les compétences de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).
La délégation parlementaire au renseignement offre un cadre juridique solide pour protéger le secret du dialogue entre le Parlement et les services de renseignement, c'est un lieu précieux où s'élabore une vision d'ensemble sur le travail des services de renseignement de notre pays. Nous y auditionnons leurs responsables : ceux de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) - qui va bientôt changer de nom en devenant une direction générale du ministère de l'intérieur -, de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement militaire (DRM), de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), de la cellule Tracfin ou encore de la préfecture de police de Paris.
La loi de 2007, cependant, exclut que la délégation obtienne des informations sur les activités opérationnelles et leur financement, ainsi que sur les échanges avec les services étrangers. Autre restriction, seuls les directeurs de service en fonction peuvent être auditionnés par la délégation, ce qui en écarte les subordonnés et les anciens responsables. Enfin, la loi précise que les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale : les parlementaires et le secrétariat sont tenus, sous peine de sanctions pénales, de ne pas divulguer les éléments classifiés.
Nous publions un rapport annuel : la partie publique est elliptique, puisque nous ne pouvons y porter aucune information couverte par le secret-défense ; une version complète, non publique, est remise au président de la République. Nous pouvons également prendre l'initiative de recommandations aux ministres : nous l'avons fait récemment à la suite de la publication par la presse du nom d'un agent de renseignement, car il nous a semblé qu'une telle publication constituait un acte dangereux pour la vie même de l'agent concerné.
Le président de la République a souhaité étendre les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement : c'est l'un des objets de ce texte. Il confie explicitement à la délégation le « contrôle parlementaire » de l'action du Gouvernement en matière de renseignement. Il l'autorise à entendre un plus grand nombre de responsables : non plus seulement les directeurs des services de renseignement, mais l'ensemble des directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. Il prévoit que la délégation pourrait se voir remettre deux documents : un rapport annuel de synthèse des crédits du renseignement et le rapport annuel de la communauté française du renseignement - mais aussi qu'elle serait « informée » du plan national d'orientation du renseignement (PNOR). Enfin, ce texte prévoit que la délégation « absorberait » la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), qui en deviendrait une formation spécialisée, avec deux députés et deux sénateurs.
Je vous proposerai des amendements, qui s'inspirent très directement des réflexions de la délégation parlementaire au renseignement, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et des résolutions que nous avons adoptées au Sénat, en particulier à l'initiative d'Yves Détraigne et de Simon Sutour sur la question des fichiers.
S'agissant des prérogatives de la délégation, si le Conseil constitutionnel a rappelé que le Parlement « ne saurait (...) intervenir dans la réalisation d'opérations en cours », cette limite n'interdit pas de s'informer sur les opérations achevées. Je vous proposerai en conséquence, à l'article 5, d'exclure des prérogatives de la délégation les seules opérations en cours. Du reste, ceci correspond déjà à la pratique actuelle.
S'agissant des personnes entendues, le texte dispose que, pour les services spécialisés, seul le directeur peut être entendu par la délégation. Doit-on pouvoir entendre les agents eux-mêmes, les techniciens ? Dans leur rapport sur le cadre juridique applicable aux services de renseignement, nos collègues députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère proposent que les délégations parlementaires auditionnent qui elles veulent ; je ne partage pas cette opinion, mais je crois utile que la délégation entende des agents qui ont une expertise précise : c'est ce qui se passe en pratique, lorsqu'un directeur vient accompagné de techniciens. Je vous proposerai de reconnaître cet usage, en disposant que la délégation peut auditionner tout agent des services spécialisés à condition que le directeur en soit d'accord.
Je vous proposerai encore que la délégation puisse recueillir toutes les informations utiles à l'accomplissement de sa mission : c'est plus large que le texte actuel. De même, alors que la rédaction actuelle tient la délégation « informée » du PNOR, je vous proposerai qu'elle puisse en « prendre connaissance » : ce programme pourrait, par exemple, être mis à disposition des membres de la délégation le temps d'une réunion et sans possibilité d'en prendre copie - c'est plus précis que l'information sur le document prévue actuellement et sans risque excessif pour le secret.
Enfin, je vous proposerai, à l'article 6, de fusionner véritablement la commission de vérification des fonds spéciaux dans la délégation, là où le texte actuel organise un montage qui semble bien complexe.
S'agissant de la protection des agents des services de renseignement et de l'assouplissement du cadre juridique de leurs prérogatives, nous devons avoir à l'esprit l'inquiétude des services spécialisés envers la judiciarisation de leur action. La matière est bien particulière : nous parlons d'opérations extérieures qui se déroulent dans des conditions parfois très difficiles, par exemple lorsqu'il s'agit d'aller libérer un collègue retenu en otage ; il n'est pas choquant que les procédures s'adaptent à de telles conditions, pour répondre à l'impératif d'efficacité, ce qui n'interdit pas de suivre les règles éthiques qui prévalent dans l'accomplissement du service public. A cette aune, je vous proposerai d'adopter sans modification l'article 7, qui autorise l'audition des agents sur leur lieu d'affectation : c'est plus discret, donc plus protecteur qu'une audition dans les locaux de la juridiction.
Sur l'accès aux fichiers, l'année a été riche d'actualité et nous savons les remous provoqués par le programme informatique américain Prism , qui, « aspirant » les milliards d'informations que véhiculent les réseaux sociaux, permettrait aux services américains de surveiller des citoyens du monde entier, la presse s'en est fait largement l'écho - jusqu'à ce qu'en France, Le Monde et Le Canard Enchaîné affirment que les services français faisaient de même. La délégation parlementaire au renseignement s'est saisie du sujet, nous avons auditionné le coordonnateur du renseignement et le directeur général de la sécurité extérieure, après quoi nous avons communiqué ce qu'ils nous ont dit : en France, les interceptions de sécurité relèvent de la CNCIS et, en ce qui concerne les autres pays, la DGSE agit dans le strict cadre de ses prérogatives légales.
C'est dans ce contexte et en prenant en compte de manière très réaliste la nécessité de la lutte contre le terrorisme, que je vous proposerai d'adopter sans modification les articles 8, 11 et 12 qui autorisent les services du ministère de la défense à accéder à certains grands fichiers administratifs - immatriculations, permis de conduire, cartes d'identité, passeports, application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France - et aux fichiers de police judiciaire du ministère de l'intérieur, ceci pour protéger leurs agents lors de certaines missions d'intervention, et pour sécuriser leurs procédures de recrutement. Je vous proposerai de réserver le même sort à l'article 9, qui élargit l'accès des services de renseignement au fichier national transfrontière et au système européen de traitement des données d'enregistrement et de réservation, lesquels concernent les personnes se rendant ou en provenance d'un pays non membre de l'Union européenne.
En revanche, la possibilité offerte par l'article 10 d'un nouveau traitement des données PNR ( Passenger Name Record ) pose davantage de problèmes. Le nouveau fichier de ces données personnelles transmises par les transporteurs aériens concernerait potentiellement tous les voyageurs internationaux quittant la France ou y atterrissant, et il permettrait le « profilage » des individus dangereux avant leur départ ou leur arrivée en France - ceci dans le cadre de la lutte contre toutes les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et contre un ensemble très large d'infractions punies de plus de trois ans d'emprisonnement.
Ce fichier PNR anticipe sur une directive européenne en cours de négociation et qui soulève bien des oppositions : au Parlement européen, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (en abrégé, la LIBE) s'est exprimée contre, tandis que le groupe européen des autorités de protection, les Cnil européennes - et la nôtre, en particulier - ont émis les plus fortes réserves sur le projet transmis par la Commission européenne. Dans ces conditions, je vous proposerai non pas de supprimer l'article 10 - ce qui serait possible, en attendant la directive - mais de sécuriser son dispositif, en encadrant le fonctionnement de l'unité de gestion du traitement automatisé, qui s'intercalera entre les transporteurs aériens et les services utilisateurs, mais aussi en rappelant la position constante au Sénat sur la protection des libertés publiques, position que nous avons exprimée - la directive à peine esquissée - en adoptant à l'unanimité, en 2009 et 2011, les résolutions d'Yves Détraigne et de Simon Sutour.
Toujours sur ce chapitre, je vous proposerai, enfin, de sécuriser le dispositif de l'article 13, qui autorise la géolocalisation en temps réel.
Second volet de notre avis, les articles relatifs à la justice militaire. J'avais préparé deux amendements. Je vais retirer le premier, le plus important, mais je veux évoquer la question devant vous. Il s'agit de la question du monopole du parquet lors de faits commis à l'occasion d'opérations militaires. Le ministre, le Gouvernement, le Président de la République tiennent beaucoup à ce monopole, car tout le monde garde à l'esprit l'affaire d'Uzbin, en Afghanistan. La question est difficile car il y a une tendance au rapprochement entre procédure militaire et procédure pénale depuis la loi « Badinter » de 1982, confirmée par d'autres lois, dont celle de 1999, que l'on doit à notre collègue Alain Richard, alors ministre de la défense. Dans ce cadre, on pourrait penser qu'il est possible de s'aligner sur le droit commun, c'est-à-dire donner au parquet le monopole des poursuites en matière de délits, et permettre la constitution de partie civile en matière de crime. C'était le sens de l'amendement que j'avais déposé. Après réflexions et consultations, j'ai décidé de le retirer, car, eu égard aux possibilités d'instrumentalisation des procédures, il ne faudrait pas que des personnes hostiles aux intérêts de la France puissent mener des procédures dilatoires ou abusives.
Le second amendement porte sur l'article 17 du projet de loi. Cet article est relatif, quant à lui, à l'enquête en recherche des causes de la mort. Il vise à instaurer une présomption simple selon laquelle la mort violente d'un militaire en opération à l'étranger est présumée ne pas être de causes inconnue ou suspecte. Mais cette présomption simple peut être renversée par tout moyen. Autrement dit, cette disposition n'a aucun effet pratique par rapport au mécanisme actuel et a plutôt une valeur symbolique. J'ai lu avec soin l'avis consultatif du Conseil supérieur de la fonction militaire qui a pris position contre cet article. C'est pour cela que je vous proposerai un amendement visant à supprimer cet article.
Mes chers collègues, j'ai examiné ce texte dans un esprit de responsabilité, celui qu'exige la défense des intérêts de notre pays, en m'attachant à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur des actions très sensibles - qu'il s'agisse des opérations extérieures ou du traitement des fichiers informatiques -, où nous devons préserver l'équilibre entre la sécurité et les libertés publiques : c'est le sens des amendements que je vous proposerai d'adopter.
M. Jean-Jacques Hyest . - Les services de renseignement ont éprouvé de la méfiance lorsqu'en 2007 nous avons institué la délégation parlementaire au renseignement : c'est pourquoi nous avions pris le soin de prévoir une commission de vérification des fonds spéciaux, distincte de la délégation. Monsieur le rapporteur, je serais plus prudent que vous en matière de divulgation du secret : vous pensez que la délégation pourra examiner les comptes des services sans compromettre le secret des opérations ; mais dès lors qu'ils devront présenter leurs comptes, les services devront justifier les opérations, ce qui fait peser un risque de divulgation d'informations sensibles.
Je crois, ensuite, que nous devons prêter la plus grande attention aux libertés publiques et à la protection de la vie privée. En 1991, la loi a interdit les écoutes téléphoniques sauf autorisation du Premier ministre ; ce système a bien fonctionné pour les écoutes. L'évolution des techniques, cependant, étend les possibilités d'atteinte à la vie privée : il y a eu les « fadettes », maintenant les fichiers des réseaux sociaux et la géolocalisation. En 2006, nous avons adopté un nouveau dispositif, adapté à l'évolution des techniques et à la lutte contre le terrorisme : le ministère de l'intérieur a équipé une plateforme avec le matériel pour intervenir et même géolocaliser. Le haut fonctionnaire de sécurité qui en est responsable, rend compte à la CNCIS - c'est très bien, mais cette plateforme sera bientôt obsolète et ce n'est pas avec le texte bricolé que le Gouvernement nous présente aujourd'hui, qu'on répond correctement aux défis que nous connaissons !
J'avais une proposition, je vous l'ai transmise aussi bien qu'au ministre de la défense. On me répond que c'est « une bombe », que je vais trop loin : je crois plutôt que nous devons tout faire pour que les procédures ne soient pas détournées au détriment des libertés publiques et que nous devons prendre exemple sur notre encadrement des écoutes téléphoniques, où l'autorisation explicite du Premier ministre s'est avérée suffisamment protectrice, sans empêcher l'action publique.
M. Christian Cointat . - Sur ces sujets sensibles où le contrôle est nécessaire mais l'efficacité indispensable, le mieux peut facilement devenir l'ennemi du bien. Je m'inquiète, Monsieur le rapporteur, qu'avec vos amendements à l'article 5, vous n'élargissiez au-delà du raisonnable l'accès que la délégation parlementaire au renseignement aurait à des documents très sensibles.
En revanche, je vous suivrai sur la fusion de la CVFS dans la délégation et je partage votre point de vue sur le fichier PNR : nous devons être fermes face aux diktats américains dont les fins, si l'on en croit la presse, ne sont pas toujours avouables...
M. Gaëtan Gorce . - Aujourd'hui, personne n'est en mesure de vérifier si nos services de renseignement appliquent véritablement les règles que nous édictons pour les opérations extérieures. De même pour le traitement des informations et données personnelles : des règles et procédures existent bien, mais nous ne sommes pas en mesure de savoir précisément leur degré d'application dès lors qu'est invoqué le secret-défense - au-delà de ce que veulent bien nous en dire les responsables des services spécialisés. Nous avons reçu l'assurance que les données personnelles n'étaient pas systématiquement « traitées » pour les citoyens français, mais rien ne nous est dit pour les citoyens d'autres pays : ce n'est pas anodin. Dans ces conditions, c'est bien à une autorité parlementaire, comme la délégation parlementaire au renseignement, qu'il revient d'examiner la conciliation effective entre les principes de sécurité et les libertés publiques.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je vous remercie, M. Hyest, de vos remarques toujours très informées. Doit-on tout faire pour que des informations sur des opérations en cours ne soient pas divulguées ? Assurément, et c'est bien pourquoi je vous proposerai, à l'article 5, exclure explicitement les opérations en cours du champ de compétence de la délégation. Cependant, une fois l'opération achevée, pourquoi en interdire toute évocation dans les conditions bien encadrées de la délégation parlementaire ? Je partage votre grande prudence envers le risque de divulgation d'informations sensibles, mais je pense, d'expérience - que je crois être aussi la vôtre -, que la délégation parlementaire au renseignement est bien assurée contre ce risque.
Sur l'encadrement des écoutes mis en place en 1991, je prends acte de vos propos informés et de votre opinion. Nous avons travaillé à partir de votre amendement pour encadrer la géolocalisation : nous l'avons complété, mais votre proposition initiale y est si prégnante, que je pourrais presque vous proposer de le cosigner - à tout le moins, je veux croire que vous aurez satisfaction.
Je vous remercie également, M. Cointat, mais non sans vous faire remarquer qu'en matière de prérogatives parlementaires, la France est encore très timorée par rapport à des pays comme les États-Unis, l'Allemagne et la Belgique, où le Parlement peut effectuer des contrôles plus approfondies dans les services de renseignement.
Je vous remercie enfin, M. Gorce, de souligner qu'en traitant systématiquement des milliards d'informations banales de notre vie privée, - de celles que l'on communique sans se méfier ou qu'on affiche soi-même sur les réseaux sociaux -, des organismes américains de renseignement ont posé un problème de libertés publiques à l'échelle mondiale. Ce sujet est devenu majeur avec l'évolution rapide des capacités techniques de stockage et de traitement de l'information : je crois que nous pourrions nous en saisir dans notre commission, pour y réfléchir plus avant - mais aussi que votre remarque conforte mon souhait de renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement.
M. Jean-Pierre Michel , président . - Nous passons à l'examen des amendements.
Article 5
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 2, je vous propose de préciser que la délégation au renseignement « recueille les informations utiles à l'accomplissement de sa mission » : c'est la rédaction proposée en 2007 par le rapporteur M. Garrec ainsi que par M. Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mais retirée à la demande du ministre.
M. Alain Richard . - Je suis perplexe. Ou bien la délégation recueille ces informations auprès de l'administration - et c'est inutile de le préciser, puisque c'est déjà le cas ; ou bien ce verbe « recueille » donne un pouvoir d'enquête interne à la délégation - et ce serait une erreur sérieuse car non seulement la délégation n'est pas faite pour de telles enquêtes, mais, surtout, ce pouvoir affecterait profondément la sécurité des services et leur fiabilité pour leurs partenaires étrangers.
M. Gaëtan Gorce . - Je défendrai une position inverse. Un gouvernement ne voit jamais d'un bon oeil le Parlement mettre le nez dans ses affaires, mais c'est bien au Parlement d'assurer un contrôle du pouvoir exécutif, y compris dans les domaines sensibles. Nous voulons bien croire les services quand ils affirment ne pas traiter systématiquement les données personnelles contenues dans les fichiers administratifs, mais nous n'avons aucun moyen de le vérifier. Je ne remets nullement en cause l'éthique de nos services de renseignement, mais je crois indispensable d'être en mesure de vérifier les assurances qu'ils nous donnent : nous sommes dans notre rôle et c'est du reste ce que nous faisons avec tous les autres agents et organismes au service de la Nation. Nous devons pouvoir, en cas de doute, nous assurer que les libertés publiques sont garanties effectivement, que les services appliquent effectivement la loi : c'est normal dans un État de droit et cela commence par le recueil d'informations.
M. Christian Cointat . - Le propos très informé de M. Richard renforce mon inquiétude : le verbe « recueille » renvoie au fait d'aller chercher l'information, comme nous le faisons dans une commission d'enquête, ce qui compromettrait toute activité de renseignement et de coopération en matière de renseignement. Je suis pour la transparence et l'information du Parlement, mais je sais aussi que s'il y a bien une chose que le Parlement ne sait pas faire, c'est de garder un secret ! Je préfèrerais donc que la délégation « reçoive » l'information, plutôt qu'elle la « recueille ».
M. Jean-Jacques Hyest . - Cette phrase ne me paraît pas nécessaire et elle risque d'être mal interprétée par nos partenaires étrangers, qui sont, comme nous le sommes, très méfiants quand il s'agit de partager des informations sensibles : il faut faire très attention sur ce sujet, parce qu'au moindre risque perçu de divulgation, l'information disparaît.
M. Gaëtan Gorce . - Je comprends ces objections. Cependant, le Parlement français a suivi de près les opérations de la Première guerre mondiale, dans le cadre de son comité secret, et le Parlement britannique la Seconde guerre mondiale... L'argument que le Parlement ne saurait garder un secret me paraît parfaitement irrecevable dans son principe. Il faut peut-être encadrer davantage l'accès à la délégation parlementaire, le déroulement de ses travaux, mais elle me semble parfaitement légitime pour contrôler l'application de la loi par nos services de renseignement.
M. Jean-Pierre Michel , président . - Ne vaudrait-il pas mieux écrire que la délégation « est destinataire » des informations utiles à l'accomplissement de sa mission ?
M. Christian Cointat . - Je préfèrerais : « elle reçoit ».
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je préciserai ce point en séance : il ne s'agit nullement, dans mon esprit, de confier à la délégation les pouvoirs coercitifs d'une commission d'enquête parlementaire, mais bien d'affirmer que l'information de la délégation ne se limite pas aux propos que lui tiennent les responsables qu'elle auditionne - et qui sont tenus de venir devant elle, dès lors qu'ils relèvent de la liste légale des personnes que la délégation peut entendre.
M. Jean-Jacques Hyest . - Je ne suis pas convaincu par votre précision rédactionnelle, qui me semble tautologique : car si la délégation ne dispose pas des informations utiles à l'accomplissement de sa mission, à quoi peut-elle bien servir ?
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je me rallie à la proposition de notre président et rectifie mon amendement en conséquence : la délégation « est destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission ».
M. Christian Cointat . - Pourquoi ne pas écrire plutôt qu'elle reçoit ou qu'elle est destinataire de « toutes » ces informations ?
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Ce serait aller trop loin, pour le coup...
L'amendement n° 2 rectifié est adopté.
L'amendement n° 3 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 4, je précise que la délégation peut entendre non seulement les directeurs en fonction des services mais aussi, avec leur accord, les agents en fonction.
M. Christian Cointat . - Peut-être faut-il poser des limites, ou bien la délégation risque d'auditionner des subalternes qui ne seront pas habilités à délivrer autre chose que des informations générales et qui pratiqueront la langue de bois...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - La transparence a ses limites : lorsqu'on vous fait visiter une installation informatique, on vous montre certes tout, mais sans explication on n'y comprend pas grand-chose - et les directeurs des services eux-mêmes ne connaissent pas toutes les subtilités techniques. C'est là où la participation des techniciens est importante : elle améliore notre information, tout simplement.
L'amendement n° 4 est adopté, de même que l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 6, je précise que l'audition des directeurs d'administration centrale ayant à connaître des activités des services renseignement, n'est pas conditionnée par l'accord préalable de leur ministre de tutelle : c'est le régime de l'audition des responsables de ces services.
M. Jean-Jacques Hyest . - Ces directeurs peuvent être déjà entendus, c'est la pratique...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Oui, mais ce sera désormais dans la loi.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 7, je précise que la délégation parlementaire au renseignement est destinataire des rapports de l'inspection des services de renseignement, qui doit être créée prochainement, ainsi que des rapports des services d'inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.
M. Christian Cointat . - Ces rapports ne sont-ils pas couverts par le secret-défense ?
M. Alain Richard . - Une partie l'est, l'autre non.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Le Gouvernement m'a dit accepter cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'amendement n° 8 fusionne la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS) et la délégation parlementaire au renseignement, solution qui m'est apparue bien plus claire que l'intégration de la commission en tant que « sous formation » de la délégation - qui obligerait les quatre parlementaires qui en seraient membres à ne rien communiquer sur les comptes spéciaux à leurs collègues de la délégation...
M. Alain Richard . - Le Gouvernement devait avoir un motif pour présenter ce montage apparemment peu commode : vous l'a-t-il communiqué ?
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Pas explicitement et je ne vois pas d'autre raison qu'une volonté de limiter le nombre de parlementaires qui contrôleront les fonds spéciaux...
M. René Garrec . - En 2007, le Gouvernement voulait même limiter à deux le nombre de parlementaires dans la CVFS...
M. Alain Richard . - Cette commission est composée également, en théorie, de magistrats honoraires de la Cour des comptes...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Effectivement, mais ils n'y sont jamais venus, et le Conseil constitutionnel a jugé qu'en dépit de cette participation statutaire de magistrats, la CVFS était un organisme parlementaire.
L'amendement n° 8 est adopté.
L'amendement n° 9 est adopté et il devient article additionnel.
Article 6
L'amendement n° 10 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'amendement n° 11 est le premier d'un ensemble que je vais vous proposer pour encadrer la création du nouveau fichier des données PNR transmises par les transporteurs aériens. J'ai rappelé que ce fichier est proposé par anticipation d'une directive européenne en cours de négociation et dont la rédaction, à ce stade, déclenche bien des protestations au nom de la protection des libertés publiques, en particulier des CNIL européennes et de la commission « LIBE » du Parlement européen. Le différend porte principalement sur la possibilité offerte aux services spécialisés d'utiliser ces fichiers très larges pour « profiler » des suspects - en d'autres termes, pour identifier des individus comme suspects en fonction d'indicateurs agrégeant des données personnelles.
Les amendements que je vous propose s'inspirent très directement des deux résolutions proposées par Yves Détraigne et Simon Sutour sur les projets successifs de PNR européens - et adoptées par le Sénat le 3 mars 2009 et le 18 mai 2011.
L'amendement n° 11 limite le nouveau fichier PNR aux vols extra-communautaires. Comme l'écrivait Yves Détraigne dans son rapport de 2011, c'est « à cette condition, que le principe de proportionnalité est respecté », alors que l'extension du fichier aux vols intracommunautaires romprait « l'équilibre entre sécurité et liberté ».
M. Simon Sutour . - Ce sujet est très important et fait l'objet de plusieurs débats - en particulier au Sénat, puisque nous en parlerons au titre du contrôle parlementaire le 17 octobre, et je pense également aux propositions de la commissaire européenne Viviane Reding. Je crois que dans la négociation en cours sur le projet de directive PNR, nous devons envoyer un signal fort au Gouvernement, pour la plus grande vigilance en matière de libertés publiques. Le Conseil des ministres européens et le Parlement européens sont décisionnaires, nous savons les critiques émises par nos collègues parlementaires européens, nous avons notre rôle à jouer. Comme président de la commission des affaires européennes, j'ai déjà, sur ce dossier, refusé de lever la réserve parlementaire et le Gouvernement a dû, en conséquence, s'abstenir sur le projet de directive - notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier m'y avait alors bien aidé. Cela dit, une fois que la directive aura été adoptée, elle s'imposera.
M. Alain Richard . - J'ai un doute sur la portée de ce que nous ferons, car effectivement, la directive l'emportera et si les mesures que nous prenons aujourd'hui lui sont contraires, nous devrons en changer.
Sur le fond, ensuite, vous nous proposez qu'il n'y ait aucun contrôle supplémentaire au sein de l'Union européenne...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Les contrôles existent, je propose seulement que le fichier PNR ne porte pas sur les vols intracommunautaires...
M. Alain Richard . - Oui, mais chacun sait qu'à l'intérieur de l'Union, les contrôles ne sont pas appliqués partout avec la même rigueur, qu'il y a des maillons faibles, comme la Grèce, et nous savons aussi les réticences que suscite l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie à l'espace Schengen. Dans ces conditions, pourquoi limiter nos moyens d'intercepter des suspects qui auront, exprès, transité par ces pays ?
Enfin, je signale que la commission « LIBE » du Parlement européen est compétente seulement sur les questions de libertés publiques, elle n'a pas les compétences qui sont les nôtres car le Parlement européen n'est pas compétent sur les questions d'ordre public, de sécurité, ni de défense, qui restent des compétences étatiques. Dès lors, la commission « LIBE » n'a pas, comme nous, à concilier les principes de liberté et de sécurité - ce qui me paraît expliquer largement sa position, qui aurait été probablement différente si elle avait les compétences d'une commission des lois...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - L'avant-projet de directive ne vise que les vols extra-communautaires, laissant la faculté aux États-membres d'être plus contraignants. Ensuite, les moyens de contrôle ne manquent pas pour les vols intra-communautaires, en particulier le fichier des visas, le fichier Eurodac, etc... Mon amendement me paraît donc utile pour réaffirmer la position constante du Sénat français, c'est un élément à prendre en compte dans la négociation de la directive, sans préjuger de ce qu'en sera le résultat.
M. Simon Sutour . - Je vous rejoins complètement : nous ne devons négliger aucun moyen pour garantir nos libertés publiques. Il est important de réaffirmer nos principes lorsque l'on voit combien il est difficile de négocier sur ces questions avec les États-Unis...
M. Yves Détraigne . - Je crois également que nous devons persévérer, plutôt que changer d'avis en pleine négociation.
L'amendement n° 11 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 12, je vous propose de préciser le fonctionnement de l'unité de gestion du traitement automatisé à laquelle les compagnies aériennes transmettront les informations PNR et qui organisera leur traitement automatisé après s'être assurée de la qualité de ces informations. Le texte renvoie ces éléments au décret : je les crois suffisamment substantiels pour figurer dans la loi.
M. Gaëtan Gorce . - En encadrant ainsi la constitution même du fichier PNR, vous confortez ma position sur le traitement des données en général : si l'on ne dispose pas des moyens d'en vérifier l'effectivité, les garanties supplémentaires qu'on apporte à la protection des libertés peuvent rester théoriques... Je vous propose, en conséquence, de préciser dans le texte que la délégation parlementaire au renseignement est compétente pour vérifier si la constitution des fichiers et leur traitement automatisé respectent les garanties légales de protection des libertés publiques, car la CNIL n'est pas habilitée à ce contrôle.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Vous anticipez sur l'amendement n° 15, me semble-t-il.
L'amendement n° 12 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Sur l'amendement n° 13, je rappelle que le texte n'autorise la création du fichier PNR que pour quatre ans. Il faudra donc vérifier dans l'intervalle si le profilage automatisé des individus est pertinent ou pas. L'exposé des motifs du projet de directive invite d'ailleurs les gouvernements à y travailler.
L'amendement n° 13 est adopté.
L'amendement n° 14 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Avec l'amendement n° 15, je vous propose de placer le nouveau fichier PNR sous le contrôle de la CNIL.
M. Alain Richard . - Ce nouveau fichier entre dans le champ de compétence de la CNIL : votre amendement est redondant avec la loi de 1978.
M. Gaëtan Gorce . - La loi de 1978 prévoit des aménagements très substantiels de la protection des libertés quand des questions de défense et de sécurité nationale sont en jeu, y compris le traitement de données relatives à l'appartenance religieuse ou à l'opinion politique. Ces aménagements ne me choquent pas, dès lors qu'ils sont encadrés et que l'application des règles peut être effectivement contrôlée. Or, la loi de 1978 ne donne pas à la CNIL la possibilité d'un tel contrôle sur les services de renseignement, c'est bien là que le bât blesse...
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Il est vrai, M. Richard, que l'alinéa 7 de cet article prévoit que la CNIL est consultée sur le décret en Conseil d'État...
M. Alain Richard . - Ce qui rend la répétition de la loi de 1978 d'autant moins nécessaire... Du reste, la loi de 1978 a été entièrement réécrite par celle de 2004.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Je vais retirer l'amendement, en me réservant de revenir sur ce sujet en séance et de préciser le rôle de la CNIL.
M. Gaëtan Gorce . - La CNIL sera effectivement compétente pour statuer sur l'encadrement du traitement des données, mais pas pour contrôler l'effectivité de ces règles : c'est bien pourquoi je vous propose de préciser que la délégation parlementaire au renseignement est compétente pour vérifier l'application des règles.
L'amendement n° 15 est retiré.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - M. Hyest reconnaîtra dans l'amendement n° 16 ses propositions sur la géolocalisation - que la commission des affaires étrangères et de la défense n'a pas retenues.
Je vous propose, en effet, d'unifier les dispositifs de recueil des données de connexion - dont les « fadettes » - prévus par la loi du 10 juillet 1991 sur les interceptions de sécurité et par la loi anti-terroriste du 23 janvier 2006. Cette unification est nécessaire, même si les modalités que je vous en propose sont perfectibles. Ces modalités sont proches de celles prévues par la loi de 1991 : la géolocalisation devra pareillement être motivée par la recherche des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ; les autorisations seront données par le Premier ministre et la CNCIS effectuera un contrôle a posteriori, en ayant un accès plein et entier au dispositif technique de recueil des données. La géolocalisation en temps réel sera possible dans des conditions plus strictes, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou des personnes que chacun d'eux aura spécialement désignées, et sur décision du premier ministre. Chaque autorisation de géolocalisation aura une durée de validité limitée.
M. Alain Richard . - Qu'en pense le ministre de l'intérieur ?
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Il convient que le sujet est devenu urgent et qu'il faut y travailler...
M. Alain Richard . - C'est donc un avis défavorable ?
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - En tout état de cause, nous apportons notre contribution à un sujet que le Gouvernement reconnaît urgent...
L'amendement n° 16 est adopté.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - En ce qui concerne les articles relatifs à la justice militaire, conformément à ce que j'expliquais tout à l'heure, je retire l'amendement à l'article 18 en raison des spécificités de l'action des militaires. Reste l'amendement n° 17, visant à supprimer l'article 17.
Cette suppression se justifie pour deux raisons : l'article 17 n'a aucun effet pratique, d'une part, et le Conseil supérieur de la fonction militaire, consulté, a donné un avis défavorable à cet article.
L'article 17 instaure en effet une présomption simple, selon laquelle la mort violente d'un militaire dans une action de combat se déroulant dans le cadre d'une opération militaire hors du territoire de la République est présumée ne pas avoir de cause suspecte ou inconnue. Or, cette présomption simple peut être renversée par tout moyen : l'officier de police judiciaire des forces armées pourra ouvrir une enquête sur les recherches de cause de la mort s'il apporte des commencements de preuves, des éléments selon lesquels les circonstances de la mort sont inconnues ou suspectes. Cette innovation ne paraît donc pas utile par rapport au régime actuel fondé sur l'article 74 du code de procédure pénale, où l'enquête n'est pas systématique, mais menée lorsqu'il y a un doute.
Je vous propose en conséquence de supprimer cet article.
M. Alain Richard . - Les articles relatifs à la justice militaire, que le rapporteur propose pour l'essentiel d'adopter, répondent à une préoccupation de plus en plus forte chez les militaires. En effet, dans le régime actuel, tout acte en opération, voire en entraînement, peut relever de la justice pénale dès lors qu'un militaire a été blessé ou tué, tout ordre donné peut entraîner la mise en examen pour homicide involontaire. Toute erreur, tout tir fratricide entre dans ce champ, quelles que soient les difficultés des actions militaires. Cela peut concerner un officier mais aussi un sergent.
Ce facteur est un motif d'inquiétude et de démotivation pour les chefs militaires comme pour les officiers qui commandent directement l'action : c'est pourquoi je crois plus sage de retirer l'amendement n° 18 comme l'a fait le rapporteur.
En ce qui concerne l'amendement visant à supprimer l'article 17, je suis de l'avis du rapporteur mais pour une autre raison que celles évoquées. Cet article traite de l'enquête sur les causes de la mort. En cas de décès, une enquête est menée par le commandement, mais aussi par les prévôts, c'est-à-dire les gendarmes qui accompagnent les militaires lors des opérations et qui ont justement la fonction d'y mener des opérations de police judiciaire. Je comprends le souhait du commandement de ne pas être « envahi » par des enquêtes judiciaires et je comprends que le Gouvernement instaure une présomption simple pour éviter l'enquête systématique en recherche des causes de la mort mais je comprends aussi que le Conseil supérieur de la fonction militaire - qui est en réalité l'équivalent du Conseil supérieur de la fonction publique et que je considère comme représentatif - ait donné un avis défavorable à cette disposition : pour les militaires du rang notamment, cette enquête est une garantie car elle permettra à leurs camarades comme à leurs familles de savoir si la mort résulte d'un tir ami ou d'un tir de l'ennemi. L'article 17 était donc excessif
L'amendement n° 17 est adopté, il supprime l'article 17.
L'amendement n° 18 est retiré.
La commission adopte émet un avis favorable aux articles dont elle s'est saisie, sous réserve de l'adoption de ses amendements.