IV. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX SANCTIONS ADMINISTRATIVES DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS DE VOYAGEURS

A. LE CONTEXTE : PERMETTRE UNE MEILLEURE EFFECTIVITÉ DU DROIT EN VIGUEUR

1. Garantir l'application des règlements communautaires sur les droits des usagers des services de transports

Certaines dispositions ayant trait à la protection du consommateur ne sont actuellement assorties d'aucune sanction. C'est notamment le cas des dispositions des règlements communautaires sur les transports qui visent à assurer l'information et la protection des droits des passagers des transports ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien. Leur effectivité dépend de l'adéquation entre le manquement constaté et l'importance des sanctions encourues.

À côté des sanctions pénales, les sanctions administratives offrent l'avantage d'une rapidité de procédure. Elles sont particulièrement adaptées à des infractions qui relèvent plutôt du champ de la régulation économique que de faits réellement frauduleux ou susceptibles de nuire à la santé ou à la sécurité du passager.

En effet, les pratiques illicites concernées ne portent pas une atteinte grave aux intérêts des usagers des services de transport. Dans ce contexte, l'effectivité de la règle de droit justifie le recours à des sanctions administratives. Elles permettent ainsi à l'autorité chargée de la concurrence et de la consommation d'exercer pleinement sa mission de régulation de l'activité économique. Or une plus grande lisibilité de l'action de régulation économique est de nature à satisfaire l'aspiration à davantage de sécurité juridique qu'expriment les opérateurs économiques.

Ainsi, les services de la  Commission européenne ont indiqué qu'un régime de sanctions administratives paraissait plus adapté pour garantir l'effectivité des règlements communautaires relatifs aux droits des passagers que des sanctions pénales. Une telle solution s'inscrit en continuité avec le mouvement de dépénalisation à l'oeuvre depuis 2001. Elle prolonge également la distinction croissante entre le fret et le transport de passagers, qui trouve de plus en en plus son inspiration dans le droit de la consommation que dans celui des transports.

La mise en oeuvre d'un tel dispositif de sanctions nous permettra d'être en conformité avec nos obligations communautaires. Il convient cependant de s'assurer que les nouvelles sanctions administratives ne peuvent être prononcées par l'autorité administrative qu'à l'issue d'une procédure contradictoire, dans des limites raisonnables, et qu'un recours contre ces décisions demeure possible.

2. Assurer la mise en oeuvre de la réglementation récente sur le transport de personnes à moto

Apparu en France au début des années 2000, le transport de personnes à moto (TPM) ou « moto-taxi », s'est progressivement imposé comme une alternative crédible au taxi traditionnel. Son atout majeur est de pouvoir s'affranchir en grande partie des aléas du trafic urbain, et de garantir ainsi au client un transport rapide et ponctuel.

Le TPM est particulièrement adapté à la desserte des plateformes de transport, qui concerne près de 70 % des courses réalisées. Si l'ouverture de nouvelles lignes de TGV oriente peu à peu la demande à destination des gares ferroviaires, la vocation du moto-taxi est traditionnellement davantage aéroportuaire, notamment en Ile-de-France. Un certain nombre d'entreprises du secteur ont d'ailleurs conclu des conventions avec les aéroports pour y ouvrir des guichets. En effet, le temps gagné sur les taxis traditionnels (jusqu'à 50 %) est plus significatif pour le client sur les trajets longs, qui s'avèrent aussi plus rentables pour le transporteur.

L'activité de TPM s'est d'abord développée en dehors de tout cadre réglementaire. Le principe de libre prestation de services a prévalu, conformément à la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. En conséquence, le secteur s'est rapidement vu investi par de nombreux micro-exploitants. Il n'existe pas de recensement précis mais le secteur concernerait environ 600 personnes (dont 500 en Ile-de-France), le plus souvent sous statut d'auto-entrepreneur.

Dans ce contexte, les moto-taxis ont d'abord souffert d'un problème d'image, étant souvent assimilées à un service dangereux et peu confortable. Les professionnels ont alors demandé un minimum de réglementation, afin de gagner la confiance de nouveaux clients. L'article 5 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques et le décret n° 2010-1223 du 11 octobre 2010 relatif au transport public de personnes avec conducteur, pris pour son application, ont apporté une première réponse à ce besoin.

La profession est désormais reconnue à part entière comme un mode de transport de personnes, et des exigences minimales de sécurité ont été posées. Les entreprises doivent disposer de chauffeurs qualifiés et de véhicules adaptés. L'administration exerce son contrôle par le biais de la délivrance d'une carte professionnelle au conducteur et le respect de normes techniques imposées au véhicule.

Ce cadre réglementaire est apparu parallèlement à l'accroissement des standards de qualité. Le secteur connaît en effet un mouvement de concentration. Les deux tiers des déplacements restent assurés par des indépendants, mais de grandes centrales de moto-taxis commencent à se démarquer. Aujourd'hui, quatre opérateurs gèrent une flotte de 30 à 50 véhicules, et disposent d'une taille suffisante pour accroître leurs standards de sécurité, de confort et de qualité de service. Ces grandes centrales sont favorables à la réglementation de la profession tandis que les indépendants sont de plus en plus contraints de se regrouper pour rester compétitifs.

Ce double progrès, qualitatif et réglementaire, a permis au secteur de gagner en fiabilité et en notoriété. De nouveaux usages se développent peu à peu. Les centrales de TPM sont sollicitées par un nombre croissant d'entreprises qui souhaitent étendre l'offre de transport proposée à leurs collaborateurs. Certaines compagnies ont développé une offre spécifique pour le transport des enfants et adolescents, tandis que d'autres parient sur l'activité touristique, en faisant remarquer que le passager d'une moto se trouve dans une situation inégalable pour jouir du spectacle urbain.

Ces nouveaux usages restent cependant limités par l'étroitesse de la clientèle. Celle-ci provient à 90 % du monde des affaires et peine à se démocratiser en raison des tarifs élevés.  Un trajet dans Paris coûte entre 25 et 40 euros, et il faut compter 60 à 90 euros pour rejoindre les aéroports. En province, l'absence de concurrence pousse parfois les prix bien au-delà. Il faut encore y ajouter des majorations la nuit, les week-ends, les jours fériés, ainsi qu'aux heures de pointe.

Surtout, la réglementation entrée en vigueur au 1 er avril 2011, souffre encore de certaines faiblesses. Si les trajets réservés « sur le pouce » sont plutôt rares, le démarchage « sauvage » demeure fréquent aux environs des gares et aéroports parisiens. Cette pratique est de surcroît encouragée par l'attitude des usagers, qui n'anticipent pas toujours la réservation de leur course. En dépit des quelques amendes délivrées aux contrevenants, les contrôles sont trop rares et l'arsenal de sanctions trop inopérant pour exercer un véritable effet dissuasif.

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