EXAMEN EN COMMISSION
Mardi 5 février 2013, la commission examine le rapport pour avis sur la proposition de loi n° 270 (2012-2013), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.
M. Michel Teston, rapporteur . - La proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes a soulevé des difficultés lors de son examen en première lecture au Sénat. Le 30 octobre dernier, l'adoption d'une motion d'irrecevabilité déposée par la commission des affaires économiques a conduit au rejet du texte. Après l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale a adopté le 17 janvier 2013 une version modifiée de la proposition de loi. Les députés ont modifié jusqu'à son titre. En effet, les articles relatifs à l'énergie éolienne et à la tarification de l'eau, introduits en première lecture, n'avaient aucun lien direct avec l'objet initial du texte et risquaient d'être considérés comme des cavaliers législatifs. Le nouvel intitulé intègre les modifications apportées en cours de discussion. En seconde lecture comme en première, notre commission s'est saisie de ce second volet de la proposition de loi : les quatre articles relatifs à l'énergie éolienne font l'objet d'une saisine pour avis, les deux articles relatifs à la tarification de l'eau d'une saisine au fond.
L'Assemblée nationale n'a apporté que peu de modifications aux dispositions relatives à l'énergie éolienne. L'article 12 bis supprime les zones de développement de l'éolien (ZDE), désormais redondantes avec les schémas régionaux éoliens (SRE) et juridiquement fragiles. Plusieurs ZDE ont déjà été annulées par le juge administratif, pour des raisons de forme - méconnaissance des procédures de participation du public - ou de fond - insuffisance de potentiel éolien. Or, la conséquence en est la perte du bénéfice de l'obligation d'achat de l'électricité produite à un tarif favorable.
L'Assemblée nationale a ajouté que l'autorisation d'exploiter délivrée dans le cadre de la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) « tient compte » des parties du territoire régional propice au développement de l'énergie éolienne, définies par le schéma. Cette précision résulte d'un amendement présenté en séance publique par le gouvernement, reprenant une idée du rapporteur initial de notre commission des affaires économiques, Roland Courteau. Désormais, le texte établit un lien juridique souple entre les autorisations ICPE d'installations éoliennes et le zonage prévu par les schémas régionaux éoliens. Le préfet pourra se référer à ces derniers pour justifier ses décisions d'autorisation ou de refus, mais aussi s'en écarter s'il estime qu'un projet d'implantation concret présente un intérêt réel, même s'il ne correspond pas au zonage du schéma. Je vous propose de donner un avis favorable à l'article 12 bis ainsi modifié.
L'article 12 ter traite du passage en souterrain dans les sites et espaces remarquables du littoral des câbles nécessaires au raccordement aux réseaux d'électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. L'Assemblée nationale a reformulé l'obligation du raccordement souterrain ; et la disposition selon laquelle l'autorisation est refusée si les canalisations portent atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables. Je vous propose de donner également un avis favorable à l'adoption de cet article.
Les deux derniers articles relatifs à l'énergie éolienne ont été adoptés par les députés sans modification. L'article 12 quater autorise, en dérogation au principe d'urbanisation en continuité, l'implantation d'éoliennes dans les communes littorales des départements d'outre-mer ; l'article 15 supprime l'obligation pour les parcs éoliens de comporter au minimum cinq éoliennes. Nous avions émis un avis favorable à l'adoption de ces deux articles en première lecture : je vous propose de le confirmer.
Les articles 13 et 14 relatifs à la tarification de l'eau ont fait l'objet de nombreuses modifications. L'article 13 introduisait explicitement la tarification sociale du service de l'eau dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). L'article 14 prévoyait le lancement d'une grande expérimentation nationale sur cinq ans, autorisant les collectivités territoriales à créer la tarification sociale de l'eau. Afin notamment de garantir la sécurité juridique de cette expérimentation, le gouvernement a déposé six amendements sur ces deux articles.
Les premiers alinéas de l'article 13 prévoient que les ménages occupants d'immeubles à titre principal peuvent constituer une catégorie d'usagers, à laquelle un tarif spécifique est appliqué. Le troisième alinéa détaillait les modalités de mise en oeuvre : possibilité d'une première tranche gratuite, tarification différenciée en fonction des revenus ou de la composition du foyer. Je souligne que la tarification progressive et sociale existe déjà, à Dunkerque par exemple. Un amendement du gouvernement a supprimé ce troisième alinéa, jugé trop imprécis et source de fragilité juridique. Il est apparu préférable de ne pas modifier le droit existant sur ce point et, en contrepartie, de mieux encadrer l'expérimentation. Je vous propose de donner un avis favorable à cet article et d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'en l'état actuel de la proposition de loi, les collectivités territoriales ayant mis en place une tarification progressive et sociale de l'eau, et notamment celles ayant opté pour une première tranche de consommation gratuite, risquent de voir leur situation fragilisée en cas de recours. En revanche, les collectivités se lançant à l'avenir dans la tarification sociale bénéficieront d'un cadre juridique sécurisé et renforcé.
A l'article 14, cinq amendements du gouvernement ont précisé les contours de l'expérimentation. La date de début de l'expérimentation a été reportée à la promulgation de la loi et non plus au 1 er janvier 2013. L'expérimentation ne porte plus uniquement sur la tarification sociale de l'eau, mais aussi sur les moyens de favoriser l'accès à l'eau, pour tous les foyers en difficulté, et non uniquement des abonnés actuels. La modulation du tarif de l'eau est prévue, selon les revenus ou le nombre de personnes composant le foyer. Le tarif progressif peut inclure une première tranche gratuite pour les abonnés en grande vulnérabilité.
Le gouvernement a également opportunément précisé les modalités de répartition du surcoût induit par la tarification sociale. Un risque de rupture d'égalité devant le service public avait été soulevé ici, du fait d'un surcoût considérable pour certains abonnés en compensation des tarifs gratuits ou sociaux. Il y aura certes une majoration du tarif pour les tranches supérieures de consommation et pour les foyers aux revenus plus élevés, mais un plafond est désormais prévu par la loi. Le tarif le plus élevé appliqué par mètre cube ne pourra excéder le double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté. Et les communes s'engageant dans l'expérimentation pourront contribuer au financement de l'aide à l'accès à l'eau à partir des dépenses d'aide sociale du budget général.
Autre amendement adopté par l'Assemblée nationale : la subvention attribuée par les communes au Fonds de solidarité pour le logement (FSL) pourra désormais dépasser le plafond légal de 2 % du montant des redevances d'eau ou d'assainissement. Il sera donc possible de globaliser la gestion des aides aux impayés et des aides aux foyers à faible revenu, avec un versement unique par le FSL incluant les aides du département. En l'absence d'intervention de celui-ci, la subvention peut être versée au centre communal d'action sociale (CCAS), qui reversera les aides pendant la durée de l'expérimentation. Le service assurant la facturation de l'eau signera une convention avec les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances. La diversité des modes de gestion du service public de l'eau a ainsi été prise en compte.
L'accès aux données personnelles des abonnés est nécessaire pour déterminer l'éligibilité au tarif social de l'eau. Que de débats en première lecture... Un amendement du gouvernement a finalement sécurisé le mécanisme : les organismes devant fournir les données sont clairement identifiés : il s'agit des organismes de sécurité sociale, de gestion de l'aide au logement, ou de l'aide sociale. La Cnil sera consultée, pour veiller à la protection des données confidentielles.
Le dispositif expérimental est désormais bien encadré, la répartition du surcoût induit bien précisée. En revanche, je déplore que les amendements que nous avions adoptés en première lecture n'aient pas été repris. Ils reportaient la date limite de dépôt des demandes d'expérimentation au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes municipales élues en mars 2014 d'entrer, si elles le souhaitent, dans le dispositif. Compte tenu du coût et de la lourdeur d'une telle expérimentation, les équipes actuelles risquent d'hésiter fortement à s'engager, à l'approche des élections. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'article 14, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous soumets à nouveau.
M. Rémy Pointereau . - Je suis hostile à la décision prise à l'Assemblée nationale d'autoriser des sites de moins de 5 éoliennes, qui vont miter notre territoire. Je suis également hostile à la suppression des ZDE. Les schémas régionaux de développement éolien sont définis sans concertation avec les élus locaux. Dans l'élaboration des ZDE, les élus avaient leur mot à dire, ils veillaient à ce que l'on ne fasse pas tout et n'importe quoi. Notre chance, en région Centre, a été de réaliser une ZDE avant que le schéma régional ne soit finalisé. C'est donc la ZDE qui prime. Dans le cas contraire, nous aurions eu des éoliennes un peu partout, sans zones de respiration dans la ligne d'horizon. Je pense que le groupe UMP partagera mon avis.
M. Ronan Dantec . - Le rapport Ollier-Poignant a ouvert la voie à la complexification volontaire des règles applicables à l'implantation d'éoliennes. Une volonté simple est à l'oeuvre : arrêter le développer de l'éolien en France, en vertu d'une vision idéologique déguisée en défense du paysage. Cette entreprise, hélas, a réussi. Or la France ne peut pas rester hors du monde : tourner le dos aux énergies renouvelables qui, en Europe, suscitent 250 milliards d'euros d'investissement - contre 15 milliards d'euros dans le nucléaire - est proprement suicidaire. Le texte répond à ces enjeux en relançant la filière. Nous observons une diminution du coût de l'éolien terrestre ; les schémas régionaux nous prémunissent contre tout mitage. Le préfet tiendra compte de cet aspect. Au final, les ZDE sont devenus inutiles et risquées. Enfin, nous nous sommes dotés d'une démarche ICPE extrêmement claire. Ceux qui veulent garder les ZDE ont surtout comme préoccupation de retarder le développement de l'éolien en France, cela me paraît très clair.
M. Rémy Pointereau . - C'est tout le contraire ! J'ai fait ma ZDE dans mon territoire : nous développons les éoliennes de façon concertée, avec les associations et les citoyens.
M. Michel Teston , rapporteur. - La suppression des ZDE vise précisément à ne pas ralentir l'implantation d'éoliennes. La France est plus lente que tous les autres pays à les installer, ce qui nous empêche de développer nos capacités en matière d'énergie éolienne.
Sur la redondance entre ZDE et schémas régionaux éoliens, je rappelle la fragilité juridique dont pâtissent les ZDE : dans de nombreux départements, soit le potentiel éolien s'est révélé difficile à démontrer, soit les procédures de participation du public n'ont pas été respectées, avec les graves conséquences que j'ai rappelées. Pour autant, les promoteurs n'agiront pas comme bon leur semble : l'Assemblée nationale a repris à son compte l'amendement Courteau : on ne pourra construire que dans les zones considérées comme favorables dans les schémas régionaux.
Sur le nombre de mâts, l'Assemblée nationale a tranché pour l'absence de seuil. Nous saurons demain si la commission des affaires économiques retient le seuil de trois mâts - plutôt que cinq - pour lequel le Sénat s'était déjà prononcé à l'occasion des débats relatifs au Grenelle. Pour ma part, je ne vois pas d'inconvénients à ne pas préciser de seuil. Si la commission des affaires économiques se prononçait pour un seuil de trois mâts, nous pourrions toutefois nous y rallier.
M. Marcel Deneux . - Fixer un chiffre est inopportun : le texte doit aussi permettre aux trois régions qui n'arrivent pas à implanter d'éoliennes - bocage, densité d'habitation, etc. - d'y parvenir. En outre, pour les constructeurs, passer de cinq à un augmente les coûts unitaires de raccordement au réseau. Les contraintes économiques joueront. Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion du passage en CMP de la loi de 2005.
M. Joël Billard . - L'Eure-et-Loir est le premier département de France en termes d'éoliennes. J'ai eu le privilège de réaliser la première ZDE de la région : tout s'est très bien passé, nous avons planché pour déterminer les meilleures zones. Malheureusement, le schéma régional a exclu une partie de ma ZDE, provoquant l'incompréhension totale des personnes qui y avaient travaillé. Les services de l'Etat nous bloquent en permanence !
M. Michel Teston, rapporteur . - La situation en Eure-et-Loir est certainement celle que vous décrivez, mais dans la plupart des autres départements, elle est exactement inverse : ce sont les ZDE qui ont bloqué la construction des éoliennes.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 14
M. Yves Chastan . - Quel argument l'Assemblée nationale a-t-elle donné pour ne pas retenir l'amendement n°1 que vous nous présentez à nouveau ?
M. Michel Teston, rapporteur . - Je n'ai pas d'explication plausible. Il s'agit plus vraisemblablement d'un oubli que d'une volonté délibérée de ne pas le prendre en compte.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement de cohérence n° 2 est adopté.
Le rapport pour avis est adopté.
ANNEXE - AMENDEMENTS ADOPTES PAR LA COMMISSION
Amendement n° 1
A l'article 14 - Alinéa 3
Remplacer la date :
31 décembre 2013
par la date :
31 décembre 2014
Amendement n° 2
A l'article 14 - Alinéa 14
Remplacer la date :
2014
par la date :
2015
la date :
2016
par la date :
2017
et la date :
2015
par la date :
2016