B. ...CONDUISENT À RECOMMANDER DE SUIVRE UNE DÉMARCHE GLOBALE DE MISE EN ORDRE DE LA FISCALITÉ DE L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Une démarche plus globale est à tous égards souhaitable. Pour ce qui concerne l'économie numérique, elle invite à lier l'ensemble des problèmes qu'elle pose au regard de son statut fiscal en incluant la TVA, mais aussi l'imposition de la valeur ajoutée et des bénéfices des acteurs.

Cette recommandation, qui peut être étendue à l'ensemble de la fiscalité, car aussi bien le niveau atteint par l'évasion fiscale est tel qu'il remet en cause l'acceptabilité des prélèvements, doit bien sûr être tempérée par des considérations pratiques.

Les progrès dans l'instauration d'un régime fiscal international plus équitable supposent souvent qu'un droit international fiscal plus satisfaisant soit adopté.

A cet égard, l'actualité des négociations internationales semble assez fournie pour que des échéances puissent être fixées pour évaluer les progrès réalisés et en tirer les conséquences pour l'action. Votre commission du développement durable sera attentive à la substance des avancées ainsi acquises qui appelle une forte mobilisation de notre diplomatie fiscale et, plus largement, des efforts pour faire aboutir la lutte contre le blanchiment. Il faudra en particulier agir avec détermination pour que le mandat donné par le G-20 à l'OCDE lors de sa réunion de Los Cabos permette bien d'apporter les solutions adaptées à l'érosion des bases taxables et à l'évasion internationale des profits. Par ailleurs, Le Conseil européen doit se saisir des contradictions des objectifs de la Stratégie Europe 2020 avec l'intégrisme manifestée dans l'application des principes du Marché unique afin que ne répètent pas les échecs de la Stratégie de Lisbonne.

De son côté, la politique fiscale nationale peut être mobilisée pour couvrir mieux les assiettes numériques.

Cette mobilisation doit provenir non seulement de l'adoption de nouveaux leviers fiscaux législatifs, mais aussi d'une pratique déterminée du contrôle fiscal.

Du point de vue de la législation fiscale, les préconisations du récent rapport remis au Gouvernement sur la fiscalité de l'économie numérique appellent une réflexion de fond.

Sa proposition-phare, qui consiste à taxer les données correspondant à un « travail gratuit » converti en valeur marchande pour les fournisseurs de services informatiques, s'inscrit dans un raisonnement qui vise à établir l'existence d'une fonction de production rattachable à un territoire sur laquelle pourrait s'ancrer le pouvoir fiscal des États. Il s'agit de dépasser les limites des cadres de raisonnement juridique actuellement mobilisés pour appréhender les bases fiscales de contribuables dont le rattachement territorial est incertain compte tenu de leur domiciliation (l'établissement stable, le cycle complet d'activité).

La voie proposée mérite d'être approfondie. Elle repose sur une élaboration juridique tendant à démonter l'existence d'une fonction de production territorialisable dans les aires de souveraineté fiscale que les pratiques d'optimisation des grandes entreprises du Net tendent à désarmer.

Elle n'est évidemment pas la seule envisageable. A cet égard, on pourrait par exemple utilement s'inspirer des outils fiscaux mis en place en Allemagne pour contrer les effets des restructurations d'entreprises passant par la substitution à des entreprises intégrées d'un réseau de façonniers. 3 ( * )

Une solution plus radicale consisterait à adopter une norme générale anti-évasion fiscale internationale, ainsi que l'avait proposé la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion fiscale internationale. Elle permettrait de dépasser les limites des constructions trop étroites, et facilement « déjouables » par les contribuables, sur lesquelles est fondée la lutte contre l'optimisation fiscale abusive.

Par ailleurs, le renforcement du contrôle fiscal doit être au coeur des solutions.

A sa manière, la proposition de loi sous revue témoigne de l'utilité d'en concevoir le champ de façon élargie, c'est-à-dire en ne le limitant pas aux seuls services du ministère de l'économie et des finances. Le Parlement, qui vote la loi fiscale, doit être en mesure d'en vérifier l'application et d'assurer sa part dans la lutte contre la fraude à la loi. Sa fonction tribunitienne ainsi que sa fonction de contrôle sont à cet égard à valoriser plus pleinement et, de ce point de vue, il faut saluer la ténacité que manifeste la présente proposition de loi.


* 3 Au demeurant, non sans lien avec la proposition du rapport mentionné.

Page mise à jour le

Partager cette page