EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA CONCURRENCE FISCALE ET L'OPTIMISATION FISCALE ABUSIVE ENTRAÎNENT UNE DISTORSION DE LA FISCALITÉ QUI A DES EFFETS INDÉSIRABLES CE DONT TÉMOIGNE EN PARTIE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI
A. LES EFFETS PERNICIEUX DE LA CONCURRENCE FISCALE SUR LA STRUCTURE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES...
En dehors de son incidence première, qui est de créer une érosion financière dommageable, la concurrence fiscale a des effets asymétriques sur les assiettes fiscales qui entraînent une distorsion sourde et regrettable de la structure des prélèvements obligatoires.
Les bases fiscales les plus mobiles exploitent les écarts de taux d'imposition effectifs et ce processus est également à l'oeuvre dans les pratiques d'évasion fiscale internationale qui visent à distraire les revenus des aires de souveraineté fiscale où ils sont engendrés par des montages de nature très diversifiée (juridique, financière, commerciale ...).
Le poids de la fiscalité est alors reporté sur les assiettes fiscales les plus inertes. Les revenus des PME sont ainsi plus taxés que ceux des grandes entreprises. Il en va de même pour les particuliers, le taux d'imposition effectif moyen des revenus les plus élevés étant souvent inférieur à celui des revenus intermédiaires.
Par ailleurs, la tentation existe de recourir davantage aux impositions indirectes et autres accises dès lors que les prélèvements directs sur les revenus peuvent être éludés ou, tout simplement, hors de portée des pays qui subissent l'évasion fiscale internationale.
La présente proposition de loi offre un exemple de cette recomposition fiscale puisqu'aussi bien les trois taxes qu'elle crée relèvent toutes de la fiscalité indirecte, le dispositif de la proposition de loi ne touchant rien de la fiscalité des bénéfices des entreprises, pour des raisons qui relèvent en large partie de la nécessité.
Or, ce glissement fiscal a des conséquences indésirables.
Il a des effets inflationnistes qui sont d'autant moins désirables que la politique monétaire est trop souvent aveugle aux distinctions entre l'inflation sous-jacente (celle qui témoigne de tensions sur les marchés de facteurs ou de biens) et l'inflation apparente.
En outre, il ampute le pouvoir d'achat des ménages ce qui peut affaiblir l'un des moteurs principaux de la croissance - la demande intérieure - et, compte tenu des effets différenciés, selon le niveau des revenus, de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages, accroît les inégalités.
La rupture des équilibres fiscaux qui s'inscrit dans ce contexte est encore amplifiée par la disjonction entre le système de prélèvements et les capacités contributives des agents qui résulte de « l'exemption fiscale de fait » des bénéfices des entreprises, au niveau de celles-ci mais aussi, potentiellement, quand les dividendes sont distribués.
Ce n'est pas à dire que la neutralité fiscale ne puisse justifier une mise à niveau des prélèvements sur les biens et services de l'économie numérique. Mais, force est de rétablir des priorités d'action fiscale qui devrait s'attacher à préserver l'équilibre d'un système de prélèvement équitable.
De ce point de vue, toute législation fiscale visant à corriger des déséquilibres partiels a des effets ambigus.
D'un côté, elle rapproche de la neutralité fiscale ; de l'autre, elle en éloigne, puisqu'elle intègre à sa logique les « trous noirs » du système fiscal.