III. L'ÉVOLUTION DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE
La police technique et scientifique (PTS) a pour missions principales de rechercher, de recueillir et d'exploiter les traces et indices au cours de l'enquête pénale afin d'apporter des preuves du crime ou du délit, d'en identifier les auteurs, de permettre leur recherche et leur interpellation.
Bien que la PTS soit mise en oeuvre de manière séparée au sein de la police nationale et au sein de la gendarmerie nationale, il existe, dans les deux forces, une organisation à trois niveaux :
-le premier niveau procède aux signalisations et aux recherches des traces et indices sur les scènes d'infractions relevant de la délinquance de masse (relevés d'empreintes papillaires, prélèvements biologiques, relevés et photographies des traces d'effraction et des traces de passage, etc.) ;
-le deuxième niveau réalise des analyses simples qui nécessitent des résultats immédiats et dispose de plates-formes techniques et de personnels spécialisés en PTS travaillant à plein temps dans ce domaine ;
-le troisième niveau est celui des laboratoires de police scientifique qui peuvent être publics, rattachés à la police ou à la gendarmerie, ou privés.
La mise en oeuvre des procédés de police technique et scientifique constitue un apport déterminant pour le succès des enquêtes judiciaires . La police et la gendarmerie nationales ont ainsi accompli, au cours des dernières années, un effort particulier pour lutter contre la petite et moyenne délinquance en portant leur effort sur la signalisation et la recherche des traces (empreintes digitales et génétiques).
En matière de traitement des indices (niveau des laboratoires), les enquêteurs et les magistrats disposent, selon les domaines, des laboratoires et services spécialisés de l'institut national de police scientifique (INPS), de la sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) - rattachée à la direction centrale de la police judiciaire - et de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Ces trois entités ont, depuis de nombreuses années, développé certains points de convergence.
Les responsables de la police et de la gendarmerie ne manquent pas de souligner que les laboratoires publics de police scientifique de chacune des deux forces n'entretiennent pas de concurrence stérile.
Toutefois, les résultats annoncés par le projet annuel de performance en matière de PTS incitent à s'interroger sur la politique menée en la matière depuis plusieurs années , notamment en ce qui concerne les deux grandes applications criminalistiques communes à la police et à la gendarmerie que sont le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
Ainsi, le taux d'identification des traces papillaires exploitables recueillies sur les scènes d'infraction (c'est-à-dire le rapport entre le nombre d'identifications de traces réalisées par le FAED et le nombre de traces papillaires exploitées au FAED parmi les traces exploitables recueillies par les services sur les scènes d'infraction couvertes par l'investigation technique), taux qui a un réel impact sur l'élucidation des crimes et délits, est-il de seulement 24% en 2011 pour la police et de 20,3% pour la gendarmerie.
Par ailleurs, le taux de signalisation au FNAEG des individus mis en cause, (qui correspond au rapport entre le nombre de personnes signalées par prélèvement biologique et le nombre de personnes mises en cause) est en 2011 de 24,3 % pour la police et de 54,7 % pour la gendarmerie. Or, le plan d'action national 2008-2010 avait fixé comme objectif la signalisation papillaire et génétique de 100 % des mis en cause pour crime ou délit.
En outre, les taux d'élucidation en matière d'atteinte aux biens, qui devraient être les premiers à bénéficier de l'amélioration des performances de la PTS, restent assez faibles : 14,2% pour la police nationale et 17,1% pour la gendarmerie nationale. Des progrès importants restent donc à accomplir.
En tout état de cause, la question de la mutualisation doit être traitée avec le plus grand discernement. En effet si, dans certains cas, les avantages de cette mutualisation sont évidents 12 ( * ) , beaucoup de structures sont plus complémentaires que redondantes.
A. L'AMÉLIORATION DE L'UTILISATION DU FAED ET DU FNAEG
Dans le prolongement d'un premier plan d'action (2008-2010) commun aux deux forces et destiné à améliorer l'exploitation des empreintes digitales et génétiques, le ministre de l'intérieur a validé, le 11 juin 2011, un nouveau plan mutualisé d'action pour les années 2011-2013 dont le pilotage est confié à un comité national de coordination et de suivi police-gendarmerie . Les vingt-sept mesures qu'il comporte concernent en particulier tous les stades de l'alimentation et de l'exploitation du FAED et du FNAEG.
Ces mesures concernent notamment :
-l'engagement des crédits nécessaires à la poursuite de la modernisation technologique des deux fichiers ainsi qu'au renforcement des équipements d'exploitation, dont ceux indispensables à une bonne mise en oeuvre des échanges européens de données en application du traité de Prüm ;
-l'augmentation des capacités (formation, effectifs, matériels) de la police technique et scientifique, afin d'intervenir systématiquement sur les lieux de commission des délits de voie publique ;
-la diversification des indicateurs d'activité communs à la police et à la gendarmerie de manière à mieux évaluer le volume, la qualité et la portée de l'investigation technique sur le terrain ;
-l'abandon, d'ici la fin de l'année 2012, de l'utilisation de la cire pour la confection des scellés judiciaires, peu aisée et source d'erreurs, au profit de pastilles et bandes adhésives présentant toutes les garanties exigées en ce domaine ;
-la mise en service d'écouvillons de prélèvement des traces ADN adaptés au traitement des scènes d'infraction liées à la délinquance de masse.
Notons que les deux forces ont été étroitement associées aux différents travaux qui ont permis en 2010 l'exploitation de la nouvelle version « MétaMorpho » du FAED. Cela s'est notamment traduit par un résultat annuel record en identification de traces dactylaires et, ce qui est nouveau, de traces palmaires, ces dernières n'étant pas antérieurement exploitées par le système. Un total de 33 100 identifications a été obtenu en 2011, soit une augmentation de 25,78% en un an.
En matière d'analyse et d'identification génétique, la mise en commun des moyens s'est concrétisée par une répartition des tâches entre police et gendarmerie nationales :
-la police nationale assure la gestion du traitement automatisé à Écully (69) où deux sous-officiers de gendarmerie ont été affectés ;
-la gendarmerie nationale assure la conservation des scellés avec le service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) implanté depuis le 1er février 2006 dans des locaux adaptés à Pontoise (95) ;
-deux chaînes de génotypage permettent désormais de faire procéder aux analyses des profils d'individus par des laboratoires publics : l'unité automatisée de génotypage (UAG) au sein de la SDPTS à Écully et le service central d'analyse génétique de la gendarmerie (SCAGGEND) de Pontoise.
Par ailleurs, un comité national de coordination et de suivi (CNCS) est chargé de veiller à la bonne mise en oeuvre des différents volets du plan d'action 2011-2013 . Co-piloté par un représentant de la police nationale et un représentant de la gendarmerie nationale qualifiés dans le domaine de la police technique et scientifique, ce comité rassemble régulièrement tous les acteurs concernés au sein de chaque force de sécurité intérieure. L'IRCGN, l'INPS et la SDPTS sont étroitement associés aux travaux (notamment aux réunions mensuelles) de ce comité. Il revient également à celui-ci d'intégrer dans ses travaux une réflexion sur l'organisation générale des structures de police technique et scientifique pour une meilleure maîtrise budgétaire et une efficacité accrue.
* 12 On peut penser aux bornes de prise d'empreintes digitales : la police en a beaucoup plus que la gendarmerie ; il est de bonne gestion que les gendarmes y aient accès.