B. DES MODES DE FINANCEMENT PUBLICS À SÉCURISER
1. Un CNC à conforter et à réconforter !
a) Les priorités pour 2013
Le document stratégique de performance du CNC pour 2013 précise ses priorités pour l'année à venir : il s'agit de la réforme de maillons essentiels à la diffusion des oeuvres, qui n'avaient pas été revus depuis plusieurs années. Seront ainsi revalorisés tant le soutien à la distribution (volets automatique et sélectif) que le soutien automatique à l'exploitation.
Le soutien automatique serait ainsi revalorisé globalement à hauteur de 6 % pour l'ensemble de l'exploitation, à partir du 1 er janvier 2013. Cette réévaluation s'inscrit dans un contexte où le soutien automatique a connu une érosion mécanique, liée au franchissement de paliers de fréquentation par certains opérateurs et à la place prépondérante aujourd'hui occupée par la grande exploitation. Le président du CNC a assuré que cette revalorisation « ne contribuerait pas à accroître les écarts entre petite, moyenne ou grande exploitation » .
Les autres dispositifs de soutien seront, en revanche, mis sous tension, en préservant quelques priorités très ciblées :
- l'éducation à l'image,
- la sauvegarde et la valorisation du patrimoine en région, plate-forme Internet et inventaire,
- le soutien à la création de musique originale pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles,
- l'aide à l'audio description et au sous-titrage pour favoriser l'accessibilité des oeuvres.
b) Des recettes partiellement en suspens
(1) Des taxes directement affectées
Rappelons que les ressources du CNC sont constituées du produit de taxes affectées, prélevées sur les diffuseurs de films en vue d'alimenter le compte de soutien aux professionnels du secteur.
Leur montant total pour 2013 est estimé à près de 700 millions d'euros . Il ne fait pas l'objet d'écrêtement. Rappelons que les recettes du CNC avaient progressé de 54,6 % en 7 ans, entre 2004 et 2011.
Ces taxes ont été créées et adaptées (dans leur assiette et leur taux) au fur et à mesure des évolutions technologiques et des marchés concernés. Il s'agit de :
- la taxe sur les entrées en salle de cinéma ( TSA ), dont le taux est fixé à 10,72 % du prix d'un billet de cinéma et le produit évalué à 133,2 millions d'euros pour 2013, en baisse de 3,5 % par rapport aux recettes probables de 2012 ;
- les taxes vidéo et vidéo à la demande (VàD) : assises sur le chiffre d'affaires des secteurs de l'édition de vidéo physique et de vidéo à la demande, leur taux est fixé à 2 %. Leur produit est estimé à 30,25 millions d'euros pour 2013, en baisse d'environ 7 % compte tenu du tassement du marché ;
- la taxe sur les services de télévision ( TST ), dont le produit est évalué à 537,2 millions d'euros pour 2013, en recul de 0,33 % par rapport au budget 2012 mais en hausse de 2,5 % par rapport aux recettes réellement attendues.
Elle comporte deux volets :
. le volet « éditeurs » , acquitté par les éditeurs de services de télévision (les chaînes) : le taux de ce volet est fixé à 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros. Cette assiette est constituée des recettes de publicité et de parrainage (déduction faite de 4 % pour frais de régie), celles issues des appels surtaxés et SMS, sur la redevance audiovisuelle et, depuis 2009, les autres ressources publiques (notamment les dotations budgétaires). Le produit de la TST à ce titre est estimé à 290,2 millions d'euros pour 2013 ;
. le volet « distributeurs » , qui fait l'objet d'un développement spécifique ci-dessous, le dispositif adopté fin 2012 étant suspendu.
Précisons néanmoins que cette taxe est acquittée par les distributeurs de services de télévision : son taux est progressif, de 0,5 % à 4,5 % selon neuf tranches d'imposition applicables à l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 10 millions d'euros. Cette assiette est composée des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision, ainsi que des abonnements à des offres composites pour un prix forfaitaire incluant des services de télévision, sous réserve d'une déduction de 10 %. Cette dernière est portée à 55 % lorsqu'une offre composite inclut également, pour un prix forfaitaire, un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie. Le produit de la TST à ce titre était estimé à 247 millions d'euros pour 2013, en hausse de près de 8 % par rapport aux recettes prévisionnelles pour 2012 (229 millions d'euros).
(2) Une TST distributeurs en suspens
Rappelons que la loi de finances pour 2012 a élargi le champ de la TST distributeurs, allégé et simplifié son barème, en vue de mettre fin à des comportements d'optimisation fiscale tendant à contourner le dispositif. L'objectif était donc de sécuriser cette taxe, tout en modérant son rendement très dynamique.
La loi de finances pour 2012 a prévu que le produit de la TST distributeurs s'élèverait à 300 millions d'euros, dont la part au-delà de 229 millions d'euros devait revenir au budget général de l'État. Pour les opérateurs télécoms, la prévision 2013, quoiqu'en progression, traduit donc bien une modération du rendement de la taxe.
Cette réforme a été notifiée à la Commission européenne mais celle-ci s'interroge sur sa compatibilité avec la directive « autorisation » de 2002 (dite « paquet télécoms »).
Le Gouvernement n'a pas pu trouver d'accord avec la Commission. Alors que le délai de négociation arrivait à échéance le 21 octobre 2012, après deux prorogations, il a donc décidé de retirer , juste avant ce terme, la notification en cours , au lieu d'entrer dans une période d'examen approfondi qui aurait pu bloquer le dossier pendant 18 mois.
Un nouveau texte sera proposé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013 puis notifié à la Commission européenne. Mme Aurélie Filippetti a précisé, en octobre 2012, à l'occasion des Rencontres cinématographiques de l'ARP, que « ce texte devra reformuler, dans des termes acceptables par la Commission, une taxe d'assiette neutre fait de haut débit fixe et mobile, calé sur l'activité économique des FAI, avec un abattement tenant compte de la densité audiovisuelle du web. Nous respecterons ainsi les principes du compte de soutien ».
La formulation de la nouvelle taxe doit renforcer le lien avec l'activité audiovisuelle du distributeur et prévoir, à cette fin, un abattement tenant compte de sa densité audiovisuelle. Ce dispositif ne devrait donc pas souffrir du type de contournement subi par la TST distributeurs ancienne formule...
Cette solution a été préférée à celle proposée par Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée au numérique, qui reposait sur un prélèvement forfaitaire sur chaque abonnement, fixe ou mobile, intégrant une offre de télévision.
Votre commission sera donc attentive , l'enjeu pour le fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia ayant été estimée à 140 millions d'euros en année pleine.
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis se réjouit du souhait du Président de la République de mettre la défense de l'exception culturelle à l'Agenda européen. Il nous faut défendre à Bruxelles, avec les autres États membres, un système vertueux d'aides publiques au cinéma.
c) Un prélèvement exceptionnel de 150 millions sur le fonds de roulement
Après une ponction de 20 millions d'euros en 2011 et de 50 millions en 2012, le présent PLF prévoit un prélèvement exceptionnel de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC, qui sera opéré en plusieurs tranches selon un calendrier fixé par décret.
L'objectif est de maitriser ses ressources extrabudgétaires, sans remettre en cause sa capacité de soutien aux secteurs concernés.
Le CNC participera donc à un haut niveau à l'effort de maitrise budgétaire demandé à l'État à ses opérateurs.
Le CNC pourra néanmoins accomplir ses missions en 2013, mais sera sans doute contraint à « réduire la voilure » du plan de numérisation des oeuvres cinématographiques, ce que votre rapporteur pour avis regrette.
d) Des rapports d'audit sévères
Dans son rapport sur les agences de l'État de septembre 2012, l'Inspection générale des finances publiques ( IGF ) s'est ainsi exprimée sur le CNC : « Sans se prononcer sur [son] efficience et sur [sa] politique en faveur de l'industrie cinématographique, la mission considère que le statut atypique du centre, qui cumule à la fois le statut d'établissement public et celui d'administration centrale, crée une situation dans laquelle les grandes orientations de la politique en faveur du cinéma, impulsées par le CNC, ne peuvent être réellement discutées et contre-expertisées au sein de l'État . Dans une telle configuration, où la tutelle n'existe de facto pas, l'efficience de la politique publique ne repose que sur la loyauté des équipes du centre et de ses dirigeants, ce qui n'est pas suffisant. »
Par ailleurs, dans son rapport sur « la gestion et le financement du CNC, exercice 2007 2011 » , demandé par la commission des finances du Sénat et présenté le 3 octobre 2012, la Cour des comptes a critiqué les instruments d'évaluation des actions menées par le CNC ainsi que le système même du financement du CNC. Elle estime que les aides évoluent en fonction des recettes plus que des besoins réels.
Elle souligne « la faiblesse de la démarche d'évaluation conduite par le CNC quant à la performance de ces dispositifs d'aides » , notant que « l'augmentation du nombre de films produits ne saurait constituer le seul critère d'analyse de la réussite du soutien public » .
Le président du CNC a fait remarquer que le CNC s'était engagé dans un « chantier qui reste à approfondir, celui du contrôle de gestion et de la performance de nos aides. » Le CNC a déjà entrepris cette démarche, en élaborant deux documents d'évaluation de son action : le dossier stratégique de performance transmis au Parlement et le rapport d'activité. Le CNC y détaille les mesures sur l'ensemble de ses missions. La Cour des comptes insiste, néanmoins, sur « la cohérence globale des soutiens » , mesurée par « des indicateurs fiables » .
La Cour des comptes recommande notamment le passage d'un dispositif de pilotage autonome par la recette à un pilotage par la dépense , dans le cadre d'une concertation entre l'État et son opérateur.
La Cour relève que le CNC bénéficie, depuis sa création, d'une autonomie à la fois budgétaire et institutionnelle qui le conduit à déterminer le niveau des dépenses en fonction des recettes issues du produit des taxes, un modèle remis en cause par la situation globale actuelle des finances publiques et par l'extension des taxes affectées à des secteurs économiques qui ne présentent plus une proximité aussi immédiate qu'auparavant avec les aidées déployées. Ainsi, sans aller jusqu'à préconiser une intégration dans le budget de l'État des recettes actuelles du CNC et de permettre un fonctionnement sous la forme de subventions, ce qui serait d'ailleurs trop lourd techniquement et juridiquement, la Cour recommande plutôt de privilégier une approche qui aboutirait à la subordination du niveau de la recette à une hiérarchisation préalable et aussi précise que possible des besoins du CNC .
Pour votre rapporteur pour avis, toute réforme devra conforter un dispositif à la fois efficace, cohérent et vertueux de soutien public au cinéma, dont il conviendra en effet d'assurer les moyens d'un meilleur suivi.