2. Les autres sources de financement public
a) Le soutien des régions : un maillon essentiel pour la diversité
Les fonds régionaux d'aide à la production en région n'ont cessé de se développer depuis une dizaine d'années et représentent un élément essentiel du financement du cinéma en France.
Allouées sous forme de subventions et/ou d'avances remboursables, les aides régionales ont représenté 1,7 % du financement des films de long métrage d'initiative française agréés en 2011. Leur part dans le financement des films est plus grande pour les devis inférieurs à 4 millions d'euros ainsi que pour le court métrage et le documentaire. Elles contribuent donc au renouvellement des talents.
En 2011, les collectivités territoriales ont engagé 55,8 millions d'euros dans le cadre de leur politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, répartis de la façon suivante : 41 millions d'euros en budget propre et 14,8 millions d'euros en provenance du CNC dans le cadre des conventions de développement cinématographique et audiovisuel. Ce montant a augmenté de 4 % par rapport à 2010, après deux années consécutives de baisse.
Une concurrence s'est néanmoins instaurée entre les régions pour attirer les tournages, avec un risque de marginalisation des collectivités les moins dotées. Cependant, on notera les efforts de certaines collectivités pour mettre en place une coopération infra ou interrégionale, qu'elle soit systématique ou ad hoc pour des projets particuliers.
La généralisation des conventions de développement cinématographique et audiovisuel État-CNC-région a permis une sécurisation juridique des aides ainsi qu'une harmonisation des procédures mises en place par les collectivités, ceci afin d'aider les auteurs et les producteurs dans le processus de dépôt de leurs demandes de soutien.
Enfin, les collectivités territoriales financent quasi intégralement les bureaux d'accueil des tournages (également appelés « commissions du film »), qui offrent aux professionnels une assistance gratuite portant sur de nombreux types de services.
b) Les SOFICA : la nécessité de revenir au PLF initial
Les SOFICA sont des sociétés d'investissement qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production. Elles favorisent le financement de la production indépendante, le renouvellement de la création et l'émergence de nouveaux talents en soutenant de manière significative la production française. Ces aides sélectives soutiennent la création d'oeuvres de long métrage (avec l'avance sur recettes, notamment) et permettent notamment d'aider de jeunes réalisateurs.
En 2011, 125 films - soit près de la moitié des films agréés - et 28 programmes audiovisuels ont bénéficié de l'apport des SOFICA. L'enveloppe annuelle globale est de 63 millions d'euros.
La loi de finances pour 2012 a reconduit le dispositif des SOFICA jusqu'en 2014 , dans la mesure où son efficacité a été soulignée par l'Inspection générale des finances dans son rapport de juin 2011 sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, qui lui a attribué une note d'efficience de 2 (sur une échelle de 0 à 3).
Or, en deux ans, les « coups de rabot » ont réduit l'avantage fiscal de 48 % à 36 %, rendant la rentabilité de cet investissement plus risquée que d'autres.
Vient de s'ajouter à cette situation un amendement adopté par nos collègues députés qui n'emporte pas l'adhésion de votre rapporteur pour avis.
De quoi s'agit-il ?
L'article 56 du projet de loi de finances initial proposait de diminuer le niveau du plafonnement global des réductions et crédits d'impôt à caractère incitatif ou liés à un investissement à 10 000 euros et de supprimer la part proportionnelle de 4 %.
Toutefois, il envisageait :
- d'exclure du champ de ce plafonnement global les réductions d'impôt accordées au titre du financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (« SOFICA » ) (ainsi que de la restauration complète d'un immeuble bâti (« Malraux ») ;
- et de maintenir le plafonnement actuellement en vigueur concernant les réductions d'impôt sur le revenu en faveur des investissements outre-mer (dispositif Girardin), soit 18 000 euros plus une part proportionnelle de 4 % du revenu imposable.
Cependant, l'Assemblée nationale a adopté, contre les avis du Gouvernement et de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, un sous-amendement présenté par le rapporteur général de la commission des finances tendant à soumettre les SOFICA à un plafonnement global de 18 000 euros et 4 % du revenu imposable.
Les investissements dans des SOFICA seraient donc traités comme ceux du dispositif Girardin, au risque de faire entrer ces deux dispositifs dans une concurrence peu avantageuse pour les SOFICA.
C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis vous propose d'adopter un amendement tendant à revenir au projet de loi de finances initial sur ce point et d'exclure donc les SOFICA du plafonnement des dépenses fiscales, sachant que le montant maximal déductible à ce titre par un contribuable est en tout état de cause fixé à 6 480 euros.
c) Les crédits d'impôt à la production cinématographique : un renforcement en vue
En 2011, le nombre cumulé des jours de tournage pour les films de fiction d'initiative française s'établit à 6 879 jours (soit environ 40 jours par film). Le nombre de jours de tournage en France s'établit quant à lui à 5 002 jours, soit 73 % du total. Toutefois, 70 films d'initiative française, soit 40,5 % des 173 films pris en compte, sont partiellement tournés à l'étranger ; ce choix peut être lié à des exigences d'ordre artistique ou répondre à une logique financière en permettant des économies sur les coûts ou l'accès à des financements locaux au travers de coproduction.
(1) Des crédits d'impôt vertueux mais désormais insuffisants
? Le crédit d'impôt national
Il a bénéficié à plus des deux tiers des films de fiction d'initiative française, permettant une relocalisation des tournages cinématographiques sur le territoire français. Ainsi, les films en bénéficiant réalisent 3,6 % de leurs dépenses à l'étranger en 2011, contre 36,8 % pour les autres. Ce sont ainsi 3,3 milliards d'euros de dépenses totales qui ont été générés entre 2005 et 2011 .
La part de crédit d'impôt dans le coût total d'un film est relativement homogène : il varie entre 8 et 9,6 % pour les films au coût inférieur à 15 millions d'euros, de 6,5 % pour les films dont le coût total dépasse 15 millions d'euros.
Ainsi que votre rapporteur pour avis l'avait exposé l'an dernier, il est désormais nécessaire de renforcer l'attractivité du crédit d'impôt :
- une étude commandée par le CNC en septembre 2010 a démontré le caractère vertueux du dispositif : pour un euro de crédit d'impôt cinéma versé en 2009, 11,3 euros de dépenses sont réalisées dans la filière et 3,6 euros de recettes fiscales et sociales sont perçues par l'État.
Toutefois, ces dernières années, plusieurs films français n'ont pas été tournés en France, en raison notamment de coûts élevés de production par rapport à des pays voisins et du plafonnement du crédit d'impôt. Ce dernier étant plafonné à 20 % des dépenses éligibles et à 1 million d'euros, son intérêt est mécaniquement plus important pour les films à faible coût que pour les films à budget élevé ;
- en septembre 2011, le CNC a publié une étude comparative du fonctionnement des systèmes d'incitation fiscale existant dans les secteurs de la production cinématographique et audiovisuelle en Europe et au Canada.
Elle montre que le dispositif fiscal de crédit d'impôt français est le moins attractif sur des critères strictement financiers , avec un taux parmi les plus faibles et un niveau de contrainte supérieur.
L'étude rappelle néanmoins que des éléments tels que la proximité géographique, la langue, les capacités de tournage (infrastructures, formation de la main-d'oeuvre locale, prestataires techniques), le coût du travail et de l'argent (taux d'intérêt des crédits) affectent également la compétitivité des dispositifs. La performance de chaque dispositif doit donc être examinée au regard de l'environnement du pays.
En outre, votre rapporteur pour avis juge paradoxal que le crédit d'impôt national soit moins attractif que le crédit d'impôt international , dont le plafond est de 4 millions d'euros . La France saurait attirer les producteurs étrangers mais non retenir nombre de producteurs français...
Votre rapporteur pour avis rappelle d'ailleurs qu'un alignement complet des deux dispositifs avait été proposé par notre collègue Albéric de Montgolfier dans son rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, présenté au Président de la République le jeudi 8 octobre 2010 .
Votre rapporteur pour avis avait lui-même souligné qu'un relèvement du plafond du crédit d'impôt national de 1 à 1,8 million d'euros suffirait à couvrir 95 % des films.
? Le crédit d'impôt international
Il vise à renforcer l'attractivité de la France pour les oeuvres initiées par une société de production étrangère et comportant des éléments rattachés à la culture, au patrimoine et au territoire français ou européen. Ces oeuvres peuvent bénéficier, après agrément par le CNC, d'un crédit d'impôt de 20 %, plafonné à 4 millions d'euros, du montant de leurs dépenses éligibles en France, sous réserve qu'elles soient au minimum de un million d'euros et que les oeuvres valident un test culturel.
Les retombées économiques du crédit d'impôt international sont très supérieures au coût fiscal de la mesure. Chaque euro de crédit d'impôt versé engendre 6 euros de dépenses dans la filière audiovisuelle et cinématographique et 2 euros de recettes fiscales et sociales pour l'État.
Il a généré 213 millions d'euros de dépenses directes en France et créé de nombreux emplois. Néanmoins, si Film France estime à environ 2 milliards d'euros les dépenses réalisées pour raisons fiscales en Europe au titre des tournages, la France n'en capte que de 3 à 5 %, le Royaume-Uni en accaparant 50 %...
Il est donc temps de renforcer aussi notre dispositif de crédit d'impôt international. Ceci d'autant plus que notre pays se dote de studios de grande qualité, susceptibles d'accueillir de nombreux tournages étrangers, au premier rang desquels la Cité du cinéma à Saint-Denis.
Relevons en outre que le dispositif , autorisé par la Commission européenne jusqu'au 31 décembre 2012, devra donc être prorogé à compter du 1 er janvier 2013.
(2) Vers de nouvelles mesures pour renforcer la compétitivité
L'an dernier, votre rapporteur pour avis avait demandé « de considérer ce crédit d'impôt comme une source efficiente d'attractivité davantage que comme une « niche fiscale ». Cette attractivité procure des retombées :
- directes sur les professions concernées, y compris les industries techniques, affectées par le passage de la technologie chimique au numérique ;
- et indirectes pour notre pays, y compris sur le plan touristique. »
Votre rapporteur pour avis est donc satisfait de l'inscription, dans le Pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi , présenté par le Premier ministre le 6 novembre 2012, de mesures destinées à « renforcer l'attractivité du territoire en matière de tournages de films et de productions audiovisuelles ».
d) La hausse du taux intermédiaire de TVA : des inquiétudes
Votre rapporteur pour avis s'inquiète en revanche des annonces du Gouvernement concernant une hausse du taux intermédiaire de TVA, actuellement à 7 %.
Le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, a annoncé l'octroi aux entreprises d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui serait de 10 milliards d'euros pour l'exercice 2013, puis monterait en puissance pour atteindre 20 milliards d'euros en 2016.
Pour financer cette mesure, le Gouvernement a choisi de faire appel à la TVA. Ainsi, le taux de TVA à 19,6 % passerait à 20 %, tandis que le taux de TVA à 7 %, serait relevé à 10 %. Seul le taux réduit de TVA serait préservé, passant de 5,5 % à 5 %, au 1 er janvier 2014.
Rappelons que l'article 24 du PLFR pour 2012 avait rétabli le taux réduit de la TVA de 5,5 % sur le livre et la billetterie des spectacles vivants, sans inclure cependant le cinéma alors qu'il bénéficiait également de ce taux auparavant. Votre rapporteur pour avis avait alors présenté sans succès un amendement visant à soumettre l'ensemble des produits culturels à ce même taux.
Il s'inquiète de la situation du secteur cinématographique, en particulier des salles, si la hausse de la TVA intermédiaire devient effective. Ainsi, alors que le livre et les spectacles vivants seront soumis à un taux de TVA à 5 %, le cinéma subirait une TVA de 10 % !
Or le cinéma fait tout autant partie du secteur culturel que le livre ou le spectacle vivant et il est essentiel pour l'accès des publics les plus larges à la culture.
Il serait très dommageable que cette mesure , alourdissant de manière conséquente les dépenses des consommateurs, provoque une rupture d'égalité de l'accès de tous à la culture, principe auquel nous sommes tous fortement attachés.