2. Une mise en oeuvre des politiques publiques qui sous-estime certaines priorités du secteur des arts plastiques
a) Un gel en 2012 dramatique pour le secteur des arts plastiques

Le gel de 6 % des crédits en 2012 a représenté un « coup dur » pour tous les acteurs du secteur des arts plastiques. Si ce gel a également concerné le spectacle vivant, force est de constater que les deux secteurs du programme 131 « Création » n'ont pas subi les mêmes conséquences : non seulement le spectacle vivant dispose de 90 % des crédits du programme, mais il a bénéficié d'une mesure de dégel dès le lendemain des élections de juin 2012.

En revanche, la situation n'est toujours pas réglée pour le secteur des arts plastiques. Si une reconstitution de crédits a bien eu lieu à partir des réserves de précaution appliquées aux opérateurs du programme et ce, seulement récemment, le ministère de la culture attendait toujours une décision de dégel de la part du ministère de l'économie et des finances au moment de son audition par votre rapporteur. L'absence d'une telle décision serait une sérieuse source de difficultés étant donné que les crédits des DRAC ont été versés à 100 % au titre de l'année 2012.

Lors de son audition devant votre commission, le 14 novembre 2012, la ministre de la culture a confirmé que le dégel était finalement acquis. Votre rapporteur s'en félicite d'autant que la fragilité financière des acteurs des arts plastiques ne leur permettrait pas de faire face longtemps à ce type de déstabilisation . Comme le soulignaient les représentants du CIPAC, fédération des professionnels des arts plastiques, 6 % ce sont, par exemple, 15 000 euros pour un FRAC comme celui de Languedoc-Roussillon, soit deux postes ETP.

En outre, les professionnels ont souligné les effets préjudiciables croisés de l'annualisation des budgets et de l'application du droit de la concurrence . Ce témoignage illustre les conclusions du groupe de travail sur l'influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales, adoptées par votre commission le 4 avril 2012. Ces travaux ont permis de mettre évidence :

- la complexité du droit des aides d'État et de celui de la commande publique ;

- des situations paradoxales oscillant entre deux extrêmes : la non-prise en compte des contraintes par les acteurs, ou, au contraire, un recours croissant aux procédures d'appel d'offres même lorsque cela n'est pas imposé par le droit en vigueur ;

- enfin une déstabilisation des acteurs culturels, et en particulier des associations qui ne sont pas outillées pour répondre aux appels d'offres et ne peuvent segmenter l'analyse de leurs missions pour apprécier les compensations de mission de service public .

Les représentants du CIPAC ont fait part à votre rapporteur de leurs vives inquiétudes à ce sujet, regrettant que certaines DRAC organisent des procédures d'appels à projets pour la réalisation de missions fondamentales de médiation culturelle , excluant ainsi des centres d'art pourtant très compétents mais peu aguerris aux techniques de mise en concurrence. On perçoit ici la dérive qu'induit le recours systématique à cette philosophie du droit de la concurrence qui s'impose en Europe.

Interrogée par votre collègue Vincent Eblé, la ministre de la culture s'est dite tout à fait favorable à la réforme des régimes d'exemption de notification, afin d'y inclure le secteur culturel.

Il est fort à craindre que le secteur des arts plastiques ne soit perçu qu'à travers le seul marché de l'art qui masque clairement une précarisation constante du secteur .

b) Le défi de la structuration professionnelle

L'accompagnement social figure au rang des priorités pour les acteurs des arts plastiques qui rappellent les grandes difficultés rencontrées par des professions très différentes, peu organisées, et dont le régime social ne permet pas aujourd'hui de faire face à la crise économique.

Votre rapporteur rappelle que parmi les quinze mesures en faveur du monde des arts plastiques annoncées par le précédent ministre de la culture, et dont la nouvelle ministre souhaite assurer la continuité, figurent les décisions suivantes :

- la mise en place d'un groupe de travail pour l'élaboration d'une convention collective propre au secteur des arts plastiques ;

- le développement d'une approche globale des questions liées à la rémunération des artistes ;

- la mise en place d'un fonds pour la formation professionnelle continue des artistes auteurs .

Seule cette dernière mesure semble avoir été réellement mise en oeuvre . D'après le PAP pour 2013, la création de ce fonds est en train d'aboutir (ce que les représentants du ministère ont confirmé en audition) et sa gestion serait assurée par l'AFDAS, organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). L'objectif est de former entre 6 000 et 7 000 professionnels par an , grâce à une cotisation des artistes auteurs, de leurs diffuseurs (éditeurs, galeries, etc.), et un apport des sociétés d'auteurs (Sacem, ADAGP, SACD) au titre des fonds issus des ressources liées à la copie privée. Ces prélèvements, qui doivent être effectifs à compter du 1 er juillet 2012, ont été définis par l'article 89 4 ( * ) de la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011. Le décret relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au financement de l'action sociale des artistes auteurs vient ainsi d'être examiné par la section sociale du Conseil d'État, d'après les informations transmises par le ministère de la culture.

Les autres annonces n'ont pas été encore suivies d'effet et surtout, à la faveur des auditions budgétaires, votre rapporteur a eu l'occasion de prendre la mesure d'une situation paradoxale :

- d'un côté, le ministère de la culture met en avant sa contribution « à l'amélioration des conditions d'exercice des professions artistiques » et indique qu'il « constitue un partenaire permanent sur toutes les questions relatives à leur situation professionnelle et sociale » ( cf. PAP de la mission « Culture » pour 2013, p. 155). En audition les représentants de la ministre ont indiqué que le ministère soutient totalement les travaux en cours des professionnels ;

- de l'autre, les représentants des professionnels des arts plastiques expliquent que le CIPAC a décidé de s'associer au Syndeac, syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, afin de pallier la carence d'initiative du ministère en la matière. Ils ne savent pas clairement quelle est la position de ce dernier.

Enfin, afin d'améliorer la protection sociale des artistes, les représentants du ministère ont indiqué que des contacts avaient été établis avec le ministère du travail pour réfléchir à un regroupement de l'AGESSA et de la Maison des artistes (MDA). Pour votre rapporteur, un tel rapprochement devrait nécessairement associer largement les artistes de la MDA dont les pratiques anciennes (liées arts de la sculpture, peinture, etc.) doivent être prises en compte dans la mesure où elles constituent leur spécificité.

L'AGESSA ET LA MAISON DES ARTISTES

La loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975 instaure un régime de sécurité sociale spécifique aux activités de création et permet d'unifier et de simplifier la prise en charge de la protection sociale des artistes auteurs. Deux organismes ont été investis pour gérer ce régime : l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), compétente pour les activités de création littéraire, dramatique, musicale, audiovisuelle, photographique et la Maison des artistes (MDA), compétente pour l'affiliation des auteurs d'oeuvres graphiques et plastiques.

L'AGESSA est un organisme chargé d'une mission de gestion pour le compte de la sécurité sociale et placé sous la double tutelle du ministère des solidarités, de la santé et de la famille et de celui de la culture et de la communication. Elle sert de passerelle entre les auteurs et les caisses primaires d'assurance maladie pour déterminer les conditions d'affiliation au régime de sécurité sociale des artistes auteurs et faire bénéficier les auteurs affiliés des prestations sociales et de la carte vitale . Elle n'est néanmoins pas une caisse de sécurité sociale et ne verse donc aucune prestation : elle recouvre pour le compte de la sécurité sociale les cotisations et contributions dues sur les rémunérations artistiques . Ces fonds sont transférés journellement à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

La MDA est, comme l'AGESSA, un organisme chargé d'une mission de gestion pour le compte de la sécurité sociale. Mais elle a aussi une mission associative, selon sa vocation d'origine (sa création remonte à 1962), qui vise à favoriser et à animer toutes les actions et réalisations sociales en faveur des artistes des arts graphiques et plastiques. La MDA s'assure du recensement permanent des artistes des arts graphiques et plastiques et des diffuseurs de leurs oeuvres résidant fiscalement en France, des obligations des employeurs en matière d'affiliation à la sécurité sociale pour les artistes dont elle instruit les dossiers, du recouvrement des cotisations et contributions concernant les artistes et les diffuseurs et du secrétariat conjoint avec l'AGESSA d'une commission d'action sociale. Ses missions concernent donc un spectre plus large que l'AGESSA.

Auditionné par votre rapporteur en tant que représentant du SNAP (syndicat national des arts plastiques) de la CGT Culture, M. Gilles Fromonteil est fort d'une expérience en tant que secrétaire général (de 1992 à 2001) puis président (de 2001 à 2011) de la MDA. Ainsi son témoignage a mis en évidence l'important travail de recensement des artistes plasticiens et graphistes qui étaient au nombre de 19 000 en 2001 et de 53 000 en 2011. Le poids de ce secteur, voire de cette « filière » professionnelle, ne permet plus d'éluder la question de la structuration de son champ social.

M. Gilles Fromonteil a insisté sur la priorité que constitue la mise en place d'une convention collective dont les trois objectifs principaux pourraient être les suivants :

- consacrer le droit au revenu des artistes , qui relève de trois sortes : les ventes, les droits d'auteur (dont il faut rappeler le droit de représentation, défini à l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle), et les interventions (en milieux scolaires, hospitaliers, etc.) ;

- contractualiser le rapport de la création à la diffusion (aujourd'hui ce rapport pâtit d'une absence d'harmonisation des règles de diffusion entre les territoires, les artistes devant payer la production à certains endroits, la salle d'exposition à d'autres, etc.) ;

- garantir les droits sociaux et les devoirs des artistes.

Votre rapporteur souhaite ici souligner l'importance de la coordination interministérielle dans ce domaine mais aussi dans celui de l'éducation artistique et culturelle (EAC) . Car si le ministère annonce le lancement d'un plan d'éducation artistique et culturelle dans le cadre du programme budgétaire 224, celui-ci n'aura de sens que si le ministère de l'éducation nationale décide enfin de s'impliquer pleinement dans ce projet.

Votre rapporteur se félicite de la nomination de Marie Desplechin à la tête du comité de pilotage national qui regroupe des élus et des personnalités de la culture aux côtés de représentants des deux ministères. Seule une réelle dynamique interministérielle permettra de généraliser l'EAC, dont le ministère estime qu'elle ne touche aujourd'hui que 15 % des élèves. Il faudra enfin ne pas oublier le risque d'une action qui reposerait trop fortement sur les collectivités territoriales, à un moment où elles manquent de moyens.


* 4 Cet article crée dans le code du travail un article L. 6331-65 ainsi rédigé : « Pour le financement des actions prévues à l'article L. 6331-1 au profit des artistes auteurs définis à l'article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, il est créé 1° Une contribution annuelle des artistes auteurs assise sur les revenus définis à l'article L. 382-3 du même code. Le taux de cette contribution est de 0,35 % ; 2° Une contribution annuelle des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 382-4 du même code, assise sur les éléments mentionnés au deuxième alinéa du même article. Le taux de cette contribution est de 0,1 %. Les contributions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas exclusives de financements par les sociétés d'auteurs. »

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