6. Les arts de la rue : l'avenir d'une jeune filière
Après une première phase concentrée, dans les années 1990, autour des festivals et des compagnies, le « Temps des arts de la rue », initié en 2005, a permis de franchir une étape essentielle dans la structuration de la profession.
Aujourd'hui, le paysage des arts de la rue se compose d'environ 1 000 équipes artistiques, dont une trentaine conventionnées par l'État et une cinquantaine aidées annuellement sur des projets, neuf centres nationaux des arts de la rue (CNAR) et un centre national de création dirigé par un artiste, une école de formation professionnelle, une trentaine de lieux de fabrique et autant de festivals, dont certains, comme celui d'Aurillac ou de Chalon-sur-Saône, ont une renommée internationale.
En 2010, les neuf centres nationaux des arts de la rue (CNAR) ont bénéficié d'un nouveau label. Leurs principales missions sont la production et la diffusion, notamment au-delà des périodes de festival. Les dispositifs de soutien à la création ont été renforcés par une aide spécifique à l'écriture.
Dans les prochaines années, le ministère devrait porter son action sur trois axes :
- renforcer et compléter le réseau des CNAR, avec une attention particulière à l'équilibre territorial (dans le nord-est notamment). Une aide spécifique de résidence itinérante et territoriale sera mise à l'étude ;
- favoriser la présence artistique sur les territoires par des dispositifs d'aide à la résidence ;
- instituer un Conseil national des arts et de la culture dans l'espace public, sous la tutelle du ministère et réunissant collectivités territoriales et professionnels.
7. L'application du droit communautaire : quid du « Paquet Almunia » ?
Au premier semestre 2012, votre commission a créé un groupe de travail sur « l'influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales », à la suite de l'adoption, le 20 décembre 2011, de nouvelles règles communautaires contenues dans le « Paquet Almunia ». Il a été initié et présidé par notre collègue Vincent Éblé et votre rapporteure en était membre.
Il est utile d'en rappeler les principales conclusions 3 ( * ) .
La grande complexité du corpus juridique concerné est une source majeure d'insécurité. Craignant des contentieux, les services juridiques des collectivités et les élus ont souvent adopté une attitude de prudence, voire de frilosité. Les pratiques ont donc évolué, avec une sorte d'autocensure à l'égard des subventions, au bénéfice de la passation de marchés publics. Or l'essentiel des projets culturels et artistiques initiés et menés par des associations ne relèvent pas de la commande publique ; ces structures sont d'ailleurs peu outillées pour y répondre.
La procédure utilisée pour vérifier la compatibilité des aides publiques avec le droit communautaire est celle de la notification préalable auprès de la Commission européenne, obligation à laquelle est soumise toute aide au-delà d'un certain seuil de subvention. Sont désormais exemptées de notification :
- les aides inférieures au seuil de minimis applicable aux services culturels, considérés comme des services d'intérêt économique général (SIEG) ; ce seuil est passé de 200 000 à 500 000 euros sur trois ans. En revanche, le droit communautaire n'a pas prévu d'exemption pour les services publics culturels, les demandes en ce sens de la France, et de six autres pays, n'ayant pas été entendues ;
- les aides qualifiées de « compensation de service public » d'un montant supérieur à 500 000 euros sur trois ans, mais inférieur à 15 millions d'euros par an, à condition de satisfaire aux conditions requises.
Voici les principales recommandations du groupe de travail :
- un effort d'information et de pédagogie à l'égard des élus, de leurs services et des acteurs culturels est indispensable. Il convient de respecter le cadre légal - mais sans sur-appliquer le droit - et de profiter des facilités offertes par la législation. Il faudrait appliquer, au cas par cas, une sorte de principe de proportionnalité consistant à ne retenir que la procédure juridique adaptée à la réalité des exigences.
A cet égard, rappelons que la subvention est tout à fait légale à condition de respecter les formes : une convention entre la collectivité et l'opérateur suffit le plus souvent, à condition qu'elle définisse missions et objectifs, et qu'elle justifie le montant de la subvention. Les subventions d'importance méritent bien entendu une analyse plus fine du montant de la compensation ;
- il serait souhaitable d'identifier les cas qui dépasseraient le seuil et justifieraient une notification du régime d'aide ;
- par ailleurs, État, élus et professionnels doivent se mobiliser pour obtenir des autorités européennes l'incorporation de secteurs culturels dans un règlement général d'exemption. Une action d'influence doit donc être développée, à l'instar de celle engagée avec succès en faveur des services sociaux.
Il faut se féliciter que la commission des affaires européennes du Sénat ait relayé ce message.
La Commission européenne a publié, le 8 mai 2012, une communication relative à la modernisation de la politique de l'Union européenne en matière d'aides d'État, dans laquelle elle a proposé la révision des règlements en vigueur afin de permettre de déclarer compatible a priori d'autres catégories d'aides, parmi lesquelles les aides en faveur de la culture . Elle en a confirmé la teneur à notre collègue Vincent Eblé dans une lettre du 1 er juin 2012, ce dont on peut se réjouir.
Votre rapporteure propose d'interroger la ministre sur la suite donnée à l'ensemble des préconisations du groupe de travail.
* 3 Note de synthèse du 4 avril 2012 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.