C. DÉVELOPPER L'ÉVALUATION DES POLITIQUES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES TOXICOMANIES ET LE DIALOGUE AVEC LES PROFESSIONNELS
D'après le document de politique transversale (DPT) annexé au projet de loi de finances pour 2013, l'Etat consacrera 1,09 milliard d'euros à la lutte contre les drogues et les toxicomanies l'an prochain. L'assurance maladie, qui finance les structures médicosociales (Csapa et Caarud) et sanitaires de prise en charge des addictions a dépensé, pour ces deux volets, 353 millions d'euros en 2012. S'il peut parfois sembler hasardeux d'additionner, comme le fait le DPT, les crédits de programmes budgétaires qui, pour certains, ne concourent que très indirectement à cette politique ou ont un objet bien plus large, malgré le retraitement qui peut en être fait, les sommes concernées sont très importantes. Pourtant, jusqu'à présent, l'évaluation de l'utilisation faite de ces financements, et en particulier de ceux directement contrôlés par la Mildt, n'était pas la règle.
Au sein du budget de la Mildt, 13,5 millions d'euros ont été délégués en 2012, au niveau déconcentré, à des chefs de projet « drogues et toxicomanies » que chaque préfet de département désigne parmi ses collaborateurs ; il s'agit dans la plupart des cas de son directeur de cabinet. Ceux-ci coordonnent l'action des services de l'Etat et élaborent un plan départemental destiné à mettre en application, en les adaptant aux spécificités locales, les priorités gouvernementales. Ils financent des actions de prévention en lien avec les acteurs associatifs de leur territoire ainsi que des mesures visant à assurer l'application de la loi.
Alors qu'en 2013, d'après les informations communiquées à votre rapporteure, une baisse sensible de ces crédits devrait intervenir, les modalités d'évaluation de leur utilisation doivent évoluer. A l'heure actuelle, ce sont les chefs de projet eux-mêmes qui la réalisent puis qui transmettent, chaque année, un rapport d'activité, essentiellement descriptif, à la Mildt. Sa présidente a indiqué, lors de son audition, que cette procédure va être revue : l'évaluation approfondie de l'ensemble des actions et dispositifs sera rendue obligatoire et leur cohérence avec la politique nationale conduite par la Mildt sera examinée. Votre rapporteure ne peut que s'en féliciter.
Il doit en être de même pour le prochain plan gouvernemental. Le plan portant sur 2008-2011 prévoyait déjà explicitement une évaluation globale de sa mise en oeuvre et de son efficacité, mais celle-ci n'a pas été réalisée. Ainsi, la nouvelle direction de la Mildt a dû récemment demander à l'OFDT d'en faire un état des lieux actualisé. Le dispositif d'évaluation du plan 2013-2015 sera pensé dès la conception de celui-ci et reposera sur l'OFDT et des organismes ou chercheurs extérieurs indépendants, afin d'apprécier qualitativement et non plus seulement quantitativement son exécution. C'est tout le sens, dans la lettre de cadrage que le Premier ministre a adressée à Mme Jourdain-Menninger, du souhait exprimé par celui-ci de voir le plan promouvoir « les dispositifs dont l'efficacité a été démontrée » et qu'il y ait « un bilan régulier des actions entreprises » . L'accent mis sur l'évaluation constitue un motif de satisfaction pour votre rapporteure, bien que la diminution des moyens de l'OFDT prévue dans les trois prochaines années risque de fragiliser grandement cet engagement.
A côté de l'évaluation de l'action publique en matière de lutte contre la drogue et d'accompagnement de la toxicomanie, le nouvel engagement politique de l'Etat doit se traduire par un dialogue renouvelé avec la société civile, les acteurs associatifs et les chercheurs qui se spécialisent dans ce domaine. La période 2007-2012 a marqué la rupture entre la Mildt et les professionnels de la prévention et de la réduction des risques, en désaccord sur des orientations gouvernementales excessivement répressives envers les consommateurs. Tenus à l'écart, ils se sont montrés critiques, à juste titre, de ces choix et ont multiplié les initiatives en faveur d'une autre politique des addictions.
Les changements intervenus au sommet de l'Etat et à la tête de la Mildt doivent donc être l'occasion de reconstruire, au sein de celle-ci, un espace de dialogue entre les pouvoirs publics et ceux qui sont confrontés au quotidien, par leur activité professionnelle ou leurs travaux de recherche, aux effets sanitaires et sociaux des addictions. Il s'agit d'une demande qui est apparue lors de chacune des auditions réalisées par votre rapporteure et dont la nouvelle présidente de la Mildt est pleinement consciente. Ainsi, elle a reçu les principaux acteurs concernés dans le mois qui a suivi sa nomination et a décidé de consacrer un jour par semaine à des déplacements sur le terrain, auprès de toutes celles et tous ceux qui participent à la lutte contre les drogues et les toxicomanies.
Votre rapporteure espère que ces premiers gestes seront confirmés dans la durée et ne constituent pas seulement des signaux superficiels. Les attentes envers la Mildt sont très élevées et il existe un indéniable besoin d'une instance de médiation, traduisant les priorités politiques gouvernementales auprès des associations et recueillant auprès d'elles bonnes pratiques et recommandations ainsi que des témoignages concrets sur l'évolution des addictions en France. Ce n'est pas en suscitant stigmatisation et rejet des toxicomanes, comme ce fut le cas après 2007, que l'Etat peut mener une politique efficace de prévention et de réduction des risques. Il faut donc poursuivre ce processus de réconciliation et d'écoute mutuelle, seul moyen d'élaborer une réponse adaptée aux drames causés par les addictions.