E. ADAPTATION DE DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX (ARTICLE 59)
1. Le droit existant
a) Une obligation de vigilance et de déclaration des opérations douteuses à TRACFIN
L'article L. 561-5 du code monétaire et financier impose à certaines personnes (dont la liste est rappelée dans l'encadré ci-dessous) de déclarer à TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elle savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ».
Personnes assujetties à la déclaration de
soupçon à TRACFIN
Article L. 561-2 du code monétaire et financier Sont assujettis à l'obligation de déclaration à TRACFIN : 1° Les établissements du secteur bancaire ; 1° bis Les établissements de paiement ; 2° Les entreprises d'assurance ; 3° Les institutions de prévoyance ; 4° Les mutuelles ; 5° La Banque de France, l'institut d'émission des départements d'outre-mer et l'institut d'émission d'outre-mer ; 6° Les entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille, les chambres de compensation, les entreprises de marché, les dépositaires centraux et gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers, les conseillers en investissements financiers et les intermédiaires habilités, les sociétés de gestion de portefeuille au titre des services d'investissement, ainsi que les sociétés de gestion de portefeuille et les sociétés de gestion au titre de la commercialisation des parts ou actions d'organismes de placement collectif dont elles assurent ou non la gestion ; 7° Les changeurs manuels ; 8° Les agents immobiliers ; 9° Les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris ; 9° bis Les représentants légaux et directeurs responsables des opérateurs de jeux ou de paris en ligne ; 10° Les personnes se livrant habituellement au commerce ou organisant la vente de pierres précieuses, de matériaux précieux, d'antiquités et d'oeuvres d'art ; 11° Les entreprises bénéficiant d'une exemption de l'Autorité de contrôle prudentiel pour la fourniture de services bancaires de paiement ; 12° Les experts-comptables, les salariés autorisés à exercer la profession d'expert-comptable ainsi que les commissaires aux comptes ; 13° Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, les avoués près les cours d'appel, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires ; 14° Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; 15° Les personnes exerçant l'activité de domiciliation ; 16° Les agents sportifs. |
b) Des obligations assouplies en cas de risque faible
L'article L. 561-6 du code monétaire et financier prévoit que, « avant d'entrer en relation d'affaires avec un client », les personnes mentionnées dans l'encadré ci-dessus recueillent des informations relatives à l'objet et à la nature de cette relation. Elles doivent notamment procéder à une vérification d'identité.
Toutefois, l'article L. 561-9 du même code autorise des dérogations à ce principe.
D'une part, son I prévoit que lorsque le risque de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme paraît « faible » aux entreprises mentionnées dans l'encadré ci-dessus, elles « peuvent réduire l'intensité des mesures » de prévention qui leur sont imposées avant d'entrer en relation d'affaires avec un client. Ce principe de proportionnalité reste toutefois soumis au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel ou des ordres professionnels compétents selon les personnes concernées.
D'autre part, son II précise que ces personnes ne sont pas soumises aux obligations de déclaration « pour autant qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » dans les cas limitativement énumérés par les articles R. 561-15 (personnes soumises à une vigilance réduite) et R. 561-16 (opérations soumises à une vigilance réduite) du code monétaire et financier.
c) La situation des entreprises d'assurances de dommages et des prestataires de services de paiement en ligne au regard de ces obligations
L'article 59 de la présente proposition de loi tend à compléter les cas de dérogation prévus par l'article L. 561-9 précité pour les entreprises d'assurance de dommages et pour les prestataires de services de paiement en ligne.
En effet, les entreprises d'assurance de dommages (assurance habitation et assurance automobile notamment) sont soumises aux mêmes obligations que les entreprises d'assurance-vie et ce dès l'entrée en relation d'affaires avec le client. Or, contrairement à l'assurance-vie, les risques de blanchiment n'apparaissent pas lors de l'initiation de la relation contractuelle mais lors d'une éventuelle indemnisation .
S'agissant des prestataires de services de paiement en ligne, ceux-ci sont également obligés de procéder à des vérifications avant l'entrée en relation d'affaires. Notre collègue député Etienne Blanc, rapporteur de la présente proposition de loi, indique que « sauf à ce que l'opération corresponde aux cas précis définis [par l'article R. 561-16 précité] et qui ne coïncident que rarement avec les opérations de paiement en ligne, un prestataire de services de paiement en ligne doit donc être en mesure, avant la réalisation d'une ou plusieurs opérations de paiement, d'identifier son client et de vérifier son identité par la présentation d'un document écrit probant. Concrètement, le client doit adresser au prestataire la copie certifiée d'un document d'identité avant l'opération de paiement. Une telle contrainte rend l'offre de services de paiement en ligne peu attractive pour les potentiels clients qui recherchent un service simple et facilement accessible ».
D'après les informations recueillies par votre rapporteure, il semblerait que certains prestataires de services de paiement en ligne aient préféré être agréés au Luxembourg, dont la législation est moins stricte, plutôt qu'en France en raison de ces contraintes.
2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
a) Les entreprises d'assurance de dommages
Les 1° et 2° de l'article 59 de la présente proposition de loi ajoutent une troisième dérogation au II de l'article L. 561-9 précité. Ainsi, les entreprises d'assurance de dommages pourront procéder aux obligations de prévention en matière de blanchiment au moment où intervient une éventuelle indemnisation et non au moment de l'entrée en relation d'affaires .
b) Les prestataires de services de paiement en ligne
Le 3° ajoute un III à l'article L. 561-9 précité. Il tend à dispenser les prestataires de services de paiement en ligne de l'obligation de vérifier l'identité de leur client (et le cas échéant du bénéficiaire effectif de la relation d'affaires) pour certaines opérations de paiement portant sur des sommes d'un faible montant , ces deux derniers points devant être précisés par un décret en Conseil d'Etat.