2. Les retards pris dans la mise en place de dispositifs anti-rapprochement
La loi du 9 juillet 2010 inclut deux séries de dispositions élargissant la possibilité de placer l'auteur des faits sous surveillance électronique et ainsi de mieux protéger la victime.
Tout d'abord, cette loi a abaissé le seuil à partir duquel un auteur de violences conjugales peut être placé sous surveillance électronique mobile (« bracelet électronique ») dans le cadre d'une assignation à résidence avant la condamnation (peine encourue de cinq ans, au lieu de sept ans pour les autres infractions) ou d'un suivi socio-judiciaire après l'exécution de la peine de prison (peine prononcée de cinq ans d'emprisonnement au lieu de sept ans pour les autres infractions).
Elle a par ailleurs prévu la mise en place, à titre expérimental pendant trois ans et dans des ressorts déterminés par le ministère de la Justice, d'un dispositif électronique anti-rapprochement permettant d'alerter les autorités en cas de violation des obligations imposées à l'auteur des faits ou du port par la victime d'un dispositif électronique permettant de signaler à distance que l'auteur se trouve à proximité.
A l'heure actuelle, la mise en oeuvre de ces dispositions connaît de nombreux retards.
Tout d'abord, l'application des dispositions permettant de faciliter le placement sous bracelet électronique de l'auteur des faits est tributaire de la façon dont, plus largement, ce dispositif est utilisé par l'autorité judiciaire et par l'administration pénitentiaire. Or, à l'heure actuelle, le recours à ce procédé est encore très peu répandu. Comme l'indique notre collègue Jean-René Lecerf dans son avis sur les crédits alloués par le PLF pour 2012 à l'administration pénitentiaire, « le placement sous surveillance électronique mobile continue d'occuper une place résiduelle par rapport au placement sous surveillance électronique. Au 1 er septembre 2011, 54 mesures étaient en cours (41 surveillances judiciaires, 3 libérations conditionnelles, 9 assignations à résidence sous surveillance électronique mobile et un suivi socio-judiciaire). Depuis le début de l'expérimentation en 2006, 129 personnes auront été placées sous cette modalité de surveillance. L'abaissement du coût du bracelet, à la faveur de la passation, en 2010, d'un nouveau marché devrait favoriser l'essor du dispositif (861 euros TTC par mois contre 199 euros TTC -prix comprenant la location du dispositif, les prestations de maintenance des logiciels et des dispositifs et de télésurveillance) » 12 ( * ) .
Ainsi, s'agissant de la prise en charge des auteurs de violences conjugales, à la date du 18 octobre 2011, seuls trois placements sous bracelet électronique mobile dans le cadre d'une assignation à résidence (ordonnés dans le cadre d'informations judiciaires ouvertes du chef de viol commis par conjoint) et un placement sous bracelet électronique mobile dans le cadre d'une surveillance judiciaire (prononcée dans une affaire de tentative d'assassinat sur une ex-compagne) avaient été décidés.
Or la faiblesse du recours au dispositif de placement sous surveillance électronique, dans les conditions fixées par la loi, risque de compromettre les chances de réussite du dispositif anti-rapprochement dont la loi du 9 juillet 2010 a prévu l'expérimentation.
Ce dispositif, inspiré de l'exemple espagnol, permet d'attribuer à la victime un bracelet électronique qui envoie un signal à un opérateur lorsque l'auteur des violences, lui-même porteur d'un bracelet électronique, se rapproche de celle-ci.
Pour l'instant, cette expérimentation prévue par la loi n'a pas débuté, en raison principalement des difficultés techniques qu'elle soulève (rédaction du cahier des charges et passation du marché public afférent, définition des modalités d'intervention des différents acteurs, déclaration de l'expérimentation à la CNIL, etc.).
D'après les informations communiquées par le ministère de la Justice, le dispositif a été confié par conclusion d'un marché complémentaire signé le 6 juillet 2011 à un prestataire privé, la société TELEM, membre du groupement DATACET (titulaire actuel du marché relatif au placement sous surveillance électronique mobile). Le démarrage de l'expérimentation a été fixé au 1 er janvier 2012 , avec un terme prévu le 9 juillet 2013. Les TGI de Strasbourg , Aix-en-Provence et Amiens ont été désignés comme sites pilotes en raison de leur expérience dans la gestion des mesures de surveillance électronique mobile, de leur réseau associatif local suffisamment développé et de la diversité de situations qui les caractérise (tailles différentes, zones police ou gendarmerie, etc.).
Cette expérimentation permettra notamment d'évaluer l'impact psychologique de ce dispositif sur la victime, elle-même astreinte au port d'un bracelet électronique.
Au-delà de ce dispositif, qui devra faire la preuve de son efficacité, l'attention de votre rapporteur pour avis a été alertée sur les résultats extrêmement positifs du dispositif « femmes en très grand danger » expérimenté depuis novembre 2009 dans le TGI de Bobigny et, depuis octobre 2010, dans les tribunaux du Bas-Rhin. Ce système se traduit par la remise de téléphones portables préprogrammés aux femmes victimes de violences par un magistrat du parquet en présence d'une association d'aide aux victimes. Il a bénéficié du soutien financier du ministère de la Justice à hauteur de 19 250 euros en 2010 et 2011.
Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Mme Ernestine Ronai, chargée de mission à l'Observatoire départemental des violences envers les femmes du conseil général de Seine Saint-Denis, a indiqué que 60 femmes avaient pu bénéficier de ces téléphones d'alerte depuis le démarrage de l'expérimentation il y a deux ans dans ce département, avec des résultats encourageants.
Au vu de ces informations, votre commission souhaiterait qu'une évaluation précise de ce dispositif soit conduite par le ministère de la Justice et, le cas échéant, que son extension à l'ensemble du territoire national puisse être envisagée.
* 12 Avis n°112 (2011-2012) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois, sur les crédits de l'administration pénitentiaire prévus par le projet de loi de finances pour 2012, novembre 2011, page 25. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-112-12/a11-112-12.html .