B. L'EFFORT FINANCIER TOTAL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER RÉVÈLE LA COEXISTENCE DE CONCOURS BUDGÉTAIRES HÉTÉROGÈNES

1. Le maintien de l'effort budgétaire et fiscal global

Selon le document de politique transversale consacré à l'outre-mer, l' effort budgétaire global de l'État envers l'outre-mer , auquel contribuent 89 programmes relevant de 27 missions budgétaires en 2012, est estimé en autorisations d'engagement à 13,8 milliards d'euros en AE et 13,4 milliards d'euros en CP (contre respectivement 13,7 et 13,3 milliards d'euros en LFI pour 2011 et 13,7 et 13,6 milliards d'euros en exécution 2010). Ainsi, l'effort budgétaire total devrait progresser de + 0,5 % en 2012, sans prise en compte de la diminution de 48 millions d'euros dont a fait l'objet la mission outre-mer, contre + 0,2 % en 2011.

Les crédits de la mission outre-mer présentés précédemment sont compris dans l'effort budgétaire total de l'État en faveur de l'outre-mer : ainsi, la mission outre-mer représente-t-elle 15,3 % seulement de l'effort total en AE et 15 % en CP .

Les trois quarts de l'effort budgétaire global de l'État sont destinés aux départements et aux régions d'outre-mer, le quart restant étant consacré aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

Tableau récapitulatif des crédits affectés

à chaque collectivité ultra-marine dans le PLF pour 2012

Collectivité territoriale d'outre-mer

Montant des AE prévus dans le PLF pour 2012 (milliards d'euros)

Part dans l'effort global consenti à l'outre-mer

2011/2010

Montant des CP prévus dans le PLF pour 2012 (milliards d'euros)

Part dans l'effort global consenti à l'outre-mer

2011/2010

Guadeloupe

2,15

16,3 %

+ 4,1 %

2,21

15,9 %

Stable

Guyane

1,39

10,5 %

- 2,4 %

1,34

10,6 %

- 0,5 %

Martinique

2,08

15,7 %

- 1,4 %

2,07

16,2 %

+ 0,1 %

La Réunion

3,92

29,7 %

- 0,8 %

3,90

30,4 %

Stable

Mayotte

0,7

5,3 %

+ 2,7 %

0,66

5,2 %

+ 1,2 %

Nouvelle-Calédonie

1,26

9,6 %

+ 11,3 %

1,14

8,9 %

+ 2,4 %

Polynésie française

1,26

9,5 %

- 8,5 %

1,24

9,7 %

+ 0,4 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

0,085

0,6 %

+ 16,4 %

0,72

0,6 %

+ 0,3 %

Wallis et Futuna

0,10

0,8 %

- 1,2 %

0,10

0,8 %

- 0,3 %

Saint-Martin

0,026

0,2 %

+ 9,3 %

0,027

0,2 %

+ 3,8 %

Saint-Barthélemy

0,002

0,015 %

+ 0,1 %

0,001

0,012 %

- 0,7 %

TAAF

0,024

0,2 %

- 7,9 %

0,21

0,2 %

- 8,2 %

Source : Document de politique transversale consacré à l'Outre-mer. PLF pour 2012.

En tenant compte des dépenses budgétaires et fiscales , qui sont estimées à 3 milliards d'euros pour le PLF pour 2012, l'effort total de l'État en faveur de l'Outre-mer s'élèverait à 16,8 milliards d'euros en AE et 16,4 milliards d'euros en CP . Vos rapporteurs précisent que les dépenses fiscales en faveur de l'outre-mer comprennent les règles spécifiques en matière de taxe sur la valeur ajoutée (octroi de mer) (en particulier la minoration des taux), la défiscalisation des investissements, les exonérations fiscales spécifiques pour les ménages et l'absence de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

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2. Le renforcement indispensable de l'administration chargée de l'outre-mer

• Le besoin d'une administration forte pour assurer le suivi des engagements de l'État outre-mer

Interministérielle par nature, la politique de l'État en faveur des populations et des collectivités d'outre-mer requiert impérativement une forte coordination et une autorité de pilotage capable d'exercer cette coordination et de veiller à l'intégration correcte de la dimension ultramarine dans toutes les politiques publiques et par tous les départements ministériels.

En effet, une administration centrale insuffisamment étoffée n'est pas en mesure de coordonner l'action des différents départements ministériels dans le domaine de l'outre-mer, de peser dans les arbitrages interministériels pour faire valoir les spécificités des collectivités et des populations d'outre-mer et de veiller au respect des engagements pris par l'État envers l'outre-mer.

La réforme de l'administration centrale d'outre-mer, initiée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) devait permettre d'atteindre cet objectif. Il reste, toutefois, beaucoup de chemin à parcourir.

• La mise en place de la Délégation Générale à l'Outre-mer (DéGéOM)

L'ancienne organisation de l'administration chargée de l'outre-mer a fait l'objet de critiques récurrentes. Elle comprenait deux directions : la Direction des affaires politiques, administratives et financières (DAPAF) et la Direction des affaires économiques, sociales et culturelles (DAESC). En 2005, la Cour des Comptes relevait l'éclatement des dossiers entre les deux directions, l'enchevêtrement des attributions, l'éparpillement de la fonction juridique et de la gestion des crédits, l'absence persistante d'évaluation des politiques d'outre-mer.

C'est pourquoi, dans le cadre de la RGPP, a été créée, le 1 er septembre 2008, la délégation générale à l'outre-mer (DéGéOM) dont l'objectif était de passer d'une administration de gestion à une administration de mission , recentrée sur des tâches à forte valeur ajoutée, en particulier, selon les informations fournies à vos rapporteurs, l'expertise juridique, la conception, le pilotage et l'évaluation des politiques publiques outre-mer.

La réorganisation de l'administration centrale de l'outre-mer s'est accompagnée de la mutualisation des fonctions support avec le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ainsi que le transfert des crédits de politiques publiques aux ministères techniques. Pour assurer ses missions, il était prévu un effectif initial de 142 agents , en lieu et place des deux anciennes directions qui comptaient 212 agents, soit une diminution de 70 agents représentant un tiers des effectifs. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, les effectifs prévisionnels de la DéGéOM devraient s'élever, au 31 décembre 2011, à 138 agents, dont 12 contractuels, répartis de la façon suivante :

- 15 agents de catégorie A+ ;

- 80 agents de catégorie A, dont 11 contractuels ;

- 19 agents de catégorie B, dont 1 contractuel ;

- 24 agents de catégorie C.

• Un « échec qualitatif » ?

Si les objectifs poursuivis par la réforme en matière de rationalisation administrative, de mutualisation des services et de réduction des coûts du fonctionnement et des effectifs ont été largement atteints, force est de constater que cette réorganisation s'est traduite par un « échec qualitatif » .

D'après le Gouvernement et selon les informations fournies à vos rapporteurs, « près de trois ans après la création de cette nouvelle structure, les quatre missions essentielles assignées à la délégation sont effectivement assurées : l'animation et la coordination des politiques publiques spécifiques conduites outre-mer par les différentes administrations, l'expertise juridique et institutionnelle de haut niveau, le suivi des dépenses publiques et l'évaluation des politiques publiques menées outre-mer » 3 ( * ) .

Pourtant, le rapport d'information établi, au nom de la commission des finances du Sénat, par notre collègue Marc Massion sur la réorganisation administrative des services centraux du ministère de l'Outre-mer 4 ( * ) conclut à la mise en oeuvre défaillante d'une réforme mal préparée de cette administration , qui a vu ses effectifs drastiquement réduits sans pour autant avoir la capacité de se transformer réellement en administration de mission, qui était l'objectif initial. La gestion de crédits reste prépondérante, limitant les effectifs dédiés aux fonctions de pilotage, de coordination interministérielle et d'évaluation . C'est pourquoi, sur ces aspects, Marc Massion qualifie la réforme « d'échec qualitatif ».

Il semblerait toutefois que la DéGéOM ne dispose pas de l'autorité suffisante pour assurer sa mission de coordination interministérielle . Par ailleurs, les effectifs de la DéGéOM ne paraissent pas suffisants pour assurer les missions de conception, de pilotage, d'évaluation et de coordination qui lui sont dévolues . Ainsi, entendu par vos rapporteurs, M. Vincent Bouvier, délégué général à l'outre-mer, a indiqué que seulement sept postes étaient dévolus à la mission d'évaluation des politiques publiques mises en place outre-mer, alors même que cette tâche devait être au coeur des préoccupations de la nouvelle structure.

On constate toutefois quelques améliorations notables. Selon les informations fournies à vos rapporteurs, a été créé un second poste de délégué général adjoint, spécifiquement dédié au suivi de l'application des mesures décidées dans le cadre du conseil interministériel de l'outre-mer. La mise en place de l'observatoire de l'outre-mer a été confiée au service de l'évaluation de la prospective et des dépenses de l'État tandis que l'ensemble des fonctions d'encadrement sont aujourd'hui pourvues.

• Un positionnement interministériel grâce à un rattachement auprès du Premier ministre

Dans la continuité des positions déjà prises par votre commission, vos rapporteurs plaident pour le rattachement direct au Premier ministre de l'administration centrale de l'outre-mer . Ce rattachement pourrait prendre diverses formes : délégation interministérielle, mission interministérielle ou secrétariat général à l'outre-mer, sur le modèle du secrétariat général des affaires européennes.

Il apparaît à vos rapporteurs que seule l'autorité du Premier ministre permettrait d'imposer à chaque département ministériel une réelle prise en compte de l'outre-mer dans les politiques dont il a la charge et d'organiser une réelle coordination, avec l'appui d'un réseau de référents outre-mer dans les différentes administrations centrales concernées.

Comme le constatait l'avis budgétaire sur la mission « outre-mer » adopté par votre commission lors du PLF pour 2011, « cette remise à niveau est particulièrement urgente pour accompagner les profondes évolutions en cours outre-mer » 5 ( * ) .


* 3 Réponse au questionnaire budgétaire élaboré par vos rapporteurs.

* 4 Rapport d'information n° 8 (2010-2011) de M. Marc Massion fait au nom de la commission des finances, « Administration centrale de l'outre-mer : une réforme à marche forcée et inachevée ».

* 5 Avis n° 116 (2010-2011), Tome VII.

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