B. UN RATTACHEMENT BUDGÉTAIRE CONTESTABLE
Le Gouvernement a fait le choix de rattacher le Défenseur des droits au programme « Défense des droits et libertés ».
Pourtant, l'article 10 de la loi ordinaire n° 2011-334 relative au Défenseur des droits prévoit, à l'initiative de votre commission, que « l'autonomie budgétaire du Défenseur des droits est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. »
Cette disposition est identique à celle qui a été introduite, également à l'initiative de votre commission, par l'article 9 de la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution pour le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) 8 ( * ) . L'objectif poursuivi était semblable : assurer au Défenseur des droits ou au CSM un budget sanctuarisé dans un programme budgétaire spécifique .
Le Conseil constitutionnel l'a clairement reconnu puisqu'à l'occasion de l'examen de la loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution, il a considéré « qu'en conférant au Conseil supérieur de la magistrature « l'autonomie budgétaire », le législateur organique a, sans méconnaître la Constitution, entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme permettant de regrouper de manière cohérente les crédits de ce conseil » 9 ( * ) .
En effet, aux termes du sixième alinéa du paragraphe I de l'article 7 de la LOLF (loi organique du 1 er août 2001), « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ».
En conséquence, en conférant au Défenseur des droits et au CSM « l'autonomie budgétaire », le législateur organique a entendu confier à la loi de finances le soin de créer un programme budgétaire spécifique permettant d'isoler les crédits du Défenseur des droits comme ceux du CSM.
Votre rapporteur ne peut que regretter la résistance du Gouvernement à respecter la volonté du législateur organique, confortée par l'interprétation du Conseil constitutionnel.
En effet, comme le souligne l'avis de notre collègue Mme Catherine Tasca, les crédits du CSM pour l'année 2011 figuraient toujours, au sein de la mission « Justice », sous la forme d'une action du programme « Justice judiciaire ». La disposition introduite dans la loi organique à l'initiative du Sénat était ainsi au mieux restée une déclaration de principe sans réelle portée en termes d'indépendance budgétaire. Ça n'est qu'à la faveur d'une démarche conjointe de votre commission et de celle des finances que le Gouvernement a accepté de modifier la maquette budgétaire , avec la création, pour le projet de loi de finances pour 2012, d'un programme propre au Conseil supérieur de la magistrature.
Votre rapporteur estime que ce même raisonnement aurait dû conduire le Gouvernement à inscrire les crédits du Défenseur des droits au sein d'un programme spécifique .
Lors de son audition, M. Serge Lasvignes, secrétaire général du Gouvernement, a fait valoir que dans la mesure où les anciennes AAI regroupées au sein du Défenseur des droits étaient rattachées au programme « Défense des droits et libertés », l'inscription dans ce même programme de la nouvelle institution, d'ailleurs créée en cours de gestion, répondait à un souci de continuité .
Toutefois, la création du Défenseur des droits marque la volonté d'un changement institutionnel qui doit se traduire dans la nomenclature budgétaire. La volonté du législateur organique doit donc être respectée et se concrétiser par la création d'un programme spécifique au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Une telle solution présenterait l'avantage de dissocier le Défenseur des droits , autorité de rang constitutionnel, et les AAI, à valeur législative. Il permettrait également de sanctuariser les crédits du Défenseur des droits car la LOLF a institué le principe de fongibilité des crédits au sein d'un même programme. Ainsi, en l'état actuel de la maquette budgétaire proposée par le Gouvernement et validée par l'Assemblée nationale, les crédits du Défenseur des droits pourraient, au cours de l'exercice 2012, être réduits pour abonder les crédits d'une AAI.
* 8 Loi n° 2010-830 du 22 juillet 2010.
* 9 Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010, considérant 13.