C. LE SOUTIEN AUX PROFESSIONS DU LIVRE
1. Des crédits stables en euros courants
Au sein de l'action 3 « Livre et lecture » du programme 180, la sous-action 4 concerne l'édition, la librairie et les professions du livre.
Les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2012 s'établissent à un montant identique à celui du projet de loi de finances initial pour 2011, donc en euros courants, soit :
- 22,3 millions d'euros de fonctionnement , dont 2,8 millions pour le Centre national du Livre (CNL), en autorisations de programme (AE) et en crédits de paiement (CP) ;
- et à 19,5 millions d'euros de dépenses d'intervention en AE et en CP, dont 84,6 % de crédits centraux.
Ces derniers seront donc de 16,5 millions d'euros, dont 11,4 correspondent au droit de prêt en bibliothèque, afin de rémunérer les auteurs et les éditeurs au titre du prêt de leurs livres en bibliothèque, et 5,1 millions d'euros sont destinés au soutien à divers organismes du secteur de l'édition et des librairies.
Quant aux crédits déconcentrés, de 3 millions d'euros, gérés par les directions régionales d'action culturelle, ils se répartissent ainsi :
- 28,3 % au titre des aides aux maisons d'édition ;
- 36,7 % pour les aides aux librairies, en vue notamment de préserver le maillage du territoire en librairies indépendantes ;
- 35 % d'aides aux salons.
2. La nécessaire sécurisation du financement du Centre national du livre (CNL)
a) Vers une réforme de la taxe reprographie/impression ?
L'opérateur de l'État dans ce secteur est le Centre national du livre (CNL). Il porte l'essentiel des interventions économiques en direction du secteur du livre et ses missions couvrent l'ensemble de la filière, de la création à la diffusion des oeuvres, en passant par leur édition et promotion.
Il redistribue ainsi chaque année aux acteurs près de 30 millions d'euros sous forme de prêts ou de subventions dans le cadre de ses missions statutaires, dont les objectifs sont à la fois culturels et économiques. Il s'agit d'encourager la création, l'édition, la promotion et la diffusion d'oeuvres littéraires ou scientifiques de qualité, grâce à des actions de soutien aux divers acteurs de la chaîne du livre.
Le décret n° 2010-430 du 27 avril 2010 a harmonisé le statut du CNL avec celui des autres établissements publics. Sous la tutelle du service du livre et de la lecture (SLL) de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère, la gouvernance du CNL est désormais assurée par un président exécutif. Ce dernier est nommé par le Président de la République sur proposition du ministre de tutelle et chargé de mener le conseil d'administration et d'assurer la direction de l'établissement.
En 2010, les recettes de l'établissement se sont élevées à 43 millions d'euros, provenant pour l'essentiel (78 %) du produit des deux taxes qui lui sont affectées :
- la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie, de nature redistributrice, est due par les éditeurs à raison des ventes d'ouvrages de librairie. Elle est perçue au taux de 0,2 % sur la même assiette et dans les mêmes conditions que la TVA. Les éditeurs dont le chiffre d'affaires de l'année précédente n'excède pas 76 000 euros en sont exonérés. Son produit représente environ 14 % des ressources du Centre, soit 5 millions d'euros attendus pour 2011 ;
- la taxe relative aux appareils de reprographie et, depuis 2007, de reproduction ou d'impression, de nature compensatrice, concerne les ventes de ces appareils. Elle a pour objet d'apporter une réparation partielle au préjudice subi par les éditeurs et auteurs du fait du développement de l'usage de la reprographie. Elle est perçue au taux de 3,25 % (2,25 % jusqu'à fin 2009). Toutefois, cet ajustement n'a pas suffit à enrayer la baisse du produit de cette taxe entre 2007 et 2009.
Depuis cette date, son produit est redevenu dynamique : il est passé de 21,2 millions d'euros en 2009 à 28,1 en 2010 et devrait atteindre 30,2 millions en 2011.
Néanmoins, comme elle l'a fait depuis deux ans, votre commission demandera au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en vue de modifier une nouvelle fois l'assiette de la taxe. On pourrait, en effet, envisager d'y inclure les consommables de ce type de matériels et de ramener parallèlement le taux de la taxe à 1,35 %.
Cette réforme semble nécessaire compte tenu du renforcement des missions du CNL et du caractère prioritaire des actions à engager, notamment en faveur des librairies et du livre numérique.
Elle figure également parmi les propositions avancées par le récent rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale sur le « Financement de la culture : budget de l'État ou taxes affectées ? » 3 ( * ) . La MEC reconnaît néanmoins la rebudgétisation des taxes affectées au CNL et de son financement.
LES SOLUTIONS ENVISAGÉES PAR LE RAPPORT
D'INFORMATION
« Une augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires de l'édition ne semble pas opportune afin de ne pas faire peser un coût supplémentaire sur une économie déjà fragilisée par les mutations liées à la révolution numérique. Quant à la taxe reprographie/impression, les récentes augmentations ont rendu les fabricants d'appareils plus attentifs à toute nouvelle évolution. Les risques économiques et juridiques liés à toute nouvelle augmentation devraient être attentivement étudiés ex ante. Toutefois, la taxation des consommables, dont les ventes représentent une part croissante, pourrait constituer une mesure intermédiaire. Des pistes de réforme du mode de financement sont actuellement à l'étude : - créer une taxe globale sur le chiffre d'affaires des industries et services d'impression et de gestion de documents, sous forme de taxe compensatoire ; - intégrer le domaine du livre dans tous les éventuels mécanismes à venir impliquant les fournisseurs d'accès Internet (FAI) ; - intégrer les excédents du Centre français de la copie (CFC) et de la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), et taxer les différents supports et appareils numériques contenant des écrits (ordinateurs portables, smartphones et liseuses). Pour sa part, conformément aux principes qu'elle a dégagés et eu égard au produit relativement modeste des taxes affectées au CNL, la MEC recommande d'envisager la rebudgétisation de son financement. » |
Enfin, le rapport recommande un resserrement du dispositif de soutien, qui comporte aujourd'hui une trentaine de dispositifs.
b) L'impact pour le CNL du « coup de rabot » sur le produit des taxes affectées aux opérateurs de l'État
L'Assemblée nationale a adopté des amendements du Gouvernement tendant à plafonner le produit des taxes affectées aux opérateurs de l'État à partir de 2012.
Cette démarche a certes pour objectif de les soumettre à l'effort de modération de la dépense publique et de réintégrer dans le champ de l'autorisation parlementaire annuelle le niveau des taxes qui leur sont affectées, ainsi que l'a recommandé le rapport précité de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale.
Il ne faudrait pas cependant qu'elle fragilise un opérateur qui, tel le CNL, voit ses missions renforcées en raison des difficultés rencontrées par les acteurs qu'elle a vocation à soutenir. A cet égard, la situation des libraires est emblématique .
D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'impact de cette mesure devrait être néanmoins relativement limité pour le CNL, en tout cas pour l'an prochain :
- la taxe sur l'édition serait plafonnée à 5,1 millions d'euros, mais cela devrait être neutre pour les éditeurs car le rendement de cette taxe baisse d'année en année (5,04 millions d'euros en 2010), compte tenu de l'évolution du marché ;
- la taxe reprographie/impression serait plafonnée à 28,2 millions d'euros. Les recettes attendues pour 2011 se situant entre 30,2 et 30,4 millions, le manque à gagner est évalué entre 2 et 2,2 millions.
Relevons que le rapport de la MEC suggère même, eu égard au produit relativement modeste des taxes affectées et aux risques pesant sur leur rendement, que soit étudiée la « rebudgétisation » du financement du CNL.
Votre rapporteur demandera au ministre les suites que le Gouvernement envisage de donner à l'ensemble des propositions de la MEC relatives au CNL et des garanties quant à la nécessaire sécurisation des moyens du CNL.
* 3 Rapport n° 3798 du 12 octobre 2011, présenté par MM. Richard Dell'Agnola, Nicolas Perruchot et Marcel Rogemont.