C. UNE SITUATION SANITAIRE CRITIQUE

Les risques sanitaires associés à la consommation de drogues sont nombreux et bien identifiés. C'est la raison pour laquelle la lutte contre les toxicomanies n'est pas seulement une politique répressive mais bien une politique de santé publique . Or force est de constater que certains publics sont toujours exposés, malgré les mesures prises en matière de réduction des risques, à d'importants dangers sanitaires que les initiatives menées ces dernières années n'ont pas réussi à diminuer.

Entre 1994 et 1999, la France avait pourtant obtenu une diminution de 80 % des surdoses mortelles et de deux tiers de la mortalité liée au sida chez les toxicomanes. Depuis le milieu des années 2000, on assiste toutefois à une remontée du nombre de décès liés aux usages de drogues, qui selon l'OFDT, serait supérieur à trois cents par an. Qui plus est, ce chiffre pourrait, en réalité, être sous-estimé de 25 % à 30 % du fait de la difficulté de recenser précisément ce type de décès.

De plus, les dangers liés à la consommation par voie intraveineuse ne font pas tous aujourd'hui l'objet de mesures de prévention et de réduction des risques suffisantes. Le VIH , qui a fortement touché ces usagers durant les années 1990, est désormais mieux dépisté et mieux traité. Sa prévalence chez les usagers de drogues fréquentant les établissements spécialisés que sont les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) et les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) a été divisée par deux en dix ans, passant de 18 % à moins de 9 % en 2008. Ce bon résultat a été obtenu grâce à des mesures de réduction des risques comme l'échange de seringues, consistant en la récupération de seringues usagées et leur remplacement par des seringues stériles. Néanmoins, ce problème est loin d'être résolu : d'après l'Inserm, le taux de nouvelles contaminations par le VIH chez les usagers de drogues par voie intraveineuse de dix-huit à soixante-neuf ans reste dix-huit fois supérieur à celui de la population hétérosexuelle du même âge 2 ( * ) .

La situation est autrement plus grave en ce qui concerne l' hépatite C . La prévalence de ce virus chez ces mêmes usagers de drogues est d'environ 60 %. Cette épidémie, liée au partage des accessoires de consommation et du matériel de préparation, n'a pas été endiguée par le développement des traitements de substitution, la politique de réduction des risques ou la plus grande accessibilité des traitements. Les usagers d'héroïne, de cocaïne et de leurs dérivés y sont particulièrement exposés du fait du caractère extrêmement contagieux de cette maladie. Celle-ci reste un problème de santé publique majeur , et votre rapporteure invite les autorités à faire des efforts supplémentaires en la matière. Il n'est pas acceptable qu'elle soit la cause de plusieurs milliers de décès, entre deux mille et quatre mille selon différentes estimations, chaque année.

Enfin, votre rapporteure aimerait attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation sanitaire critique, en matière d'usage de drogues et de traitement des addictions, qui existe actuellement au sein des prisons françaises . Le constat n'est pas nouveau : cet état de fait est régulièrement dénoncé par les associations spécialisées dans la réduction des risques mais a aussi été souligné par l'expertise collective de l'Inserm et la mission d'information commune à l'Assemblée nationale et au Sénat sur les toxicomanies, dont le rapport, rendu public en juin 2011, révèle qu'il y aurait 3 300 détenus atteints de l'hépatite C, soit une prévalence d'environ 7 %, 1 700 de l'hépatite B et 800 du VIH. La prison multiplie par dix le facteur de risques relatif à l'hépatite C et par quatre celui de l'hépatite B 3 ( * ) .

La réduction des risques y est peu développée alors qu'il serait indispensable d'assurer la continuité du traitement des toxicomanes en prison. On peut regretter l'absence de données récentes sur l'usage de drogues à l'intérieur des prisons, due au manque d'études sur le sujet. Comme le recommande l'Inserm, il est indispensable qu'un travail épidémiologique soit conduit dans ce milieu aux caractéristiques spécifiques. Il est néanmoins indéniable que la consommation s'y poursuit dans des conditions sanitaires déplorables, l'enquête Coquelicot de 2006 révélant des pratiques d'injection chez 12 % des sujets interrogés ayant été incarcérés. Les conditions sanitaires y sont dramatiques, cette même enquête mettant en lumière chez ces personnes le partage du matériel d'injection dans un cas sur trois.

Les détenus, du fait du cumul des facteurs de risques auxquels ils sont exposés, devraient bénéficier d'un suivi sanitaire renforcé afin qu'ensuite leur réinsertion dans la société puisse être complète. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place, comme l'a déjà recommandé la mission d'information sur les toxicomanies, des programmes d'échange de seringues en prison. La France est, sur ce point, en retard par rapport à plusieurs de ses voisins européens. Il s'agit d'une proposition de bon sens car il est impossible de nier la réalité des phénomènes de consommation de drogues en milieu carcéral. Il est temps de mettre fin à cette hypocrisie alors que des mesures existent déjà, comme la délivrance d'eau de Javel comme outil de décontamination par l'administration pénitentiaire. Il ne faut ignorer ces pratiques d'usage de drogues pour la seule raison qu'elles sont dissimulées. C'est plutôt parce que les risques qu'elles comportent sont plus élevés qu'à l'extérieur qu'il faut agir.


* 2 Expertise collective de l'Inserm, Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues, p. 72, 2010.

* 3 Toxicomanies : rejeter la fatalité, renouveler les stratégies, rapport de la mission d'information sur les toxicomanies, tome I, p. 43.

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