B. LES PROGRAMMES SPATIAUX
Les crédits affectés à l'espace connaissent de grandes fluctuations elles-mêmes liées en grande partie au lancement des programmes. Ainsi, l'écart constaté entre 2010 et 2011 résulte principalement de l'affectation en 2011 des autorisations d'engagement permettant de compléter les tranches fonctionnelles MUSIS et SYRACUSE III afin de couvrir le périmètre de réalisation de ces deux programmes.
Néanmoins, comme le montre le tableau ci-après, les crédits spatiaux militaires ont connu une forte décroissance sur la période 2002-2011.
Dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits se répartissent entre les différents programmes de la façon suivante :
1. Les télécommunications spatiales militaires
Dans le domaine des télécommunications spatiales , la loi de programmation militaire a prévu que, dans l'avenir, « les transmissions ... reposeront sur deux segments : le système durci Syracuse pour les transmissions essentielles , dont le renouvellement aura lieu vers 2018 ; un segment dual à très haut débit à partir de 2013, notamment pour les drones et les zones non couvertes par Syracuse ».
- Les liaisons du « noyau dur »
Les liaisons dites du « noyau dur » , essentielles à la conduite des opérations et soumises à de fortes exigences de sécurité, sont avant tout assurées par le système Syracuse.
Syracuse III est le premier satellite français exclusivement dédié aux communications militaires et a notablement amélioré la couverture, les débits et la sécurité des communications des armées. Il dispose notamment d'une capacité en « extrêmement haute fréquence » (EHF).
Deux satellites Syracuse III ont été mis en service en 2005 et 2006. Un troisième satellite viendra compléter la constellation Syracuse. Il sera réalisé en coopération franco-italienne. Il s'agit du satellite Sicral 2 dont la phase de développement a démarré en 2010 pour un lancement prévu en 2014. Le financement du projet Sicral 2 est inclus dans le programme Syracuse III.
Le plan de relance a prévu l'accélération de la livraison de stations de réception Syracuse III. La totalité des 368 stations ont été commandées, 298 avaient été livrées avant 2011. Le projet de loi de finances prévoit la livraison de 53 stations en 2011. Il ne restera que 17 stations à livrer après 2011.
Comme on l'a rappelé plus haut, le processus visant à céder l'usufruit du système Syracuse III en vue d'une location de service a été lancé. Cette location porterait sur 90 % au maximum des capacités du système , les capacités restantes pouvant être louées à d'autres utilisateurs.
La France et le Royaume-Uni ont annoncé, dans la déclaration de Londres du 2 novembre 2010, leur intention de lancer une étude de concept commune pour ces futurs satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022.
- Les liaisons hors « noyau dur »
Il s'agit des liaisons destinées à la correspondance numérique, à la télégestion ou à la télémédecine. Ces liaisons n'ont pas les mêmes exigences que celles dédiées aux opérations en termes de disponibilité, de confidentialité et de protection. Elles peuvent donc reposer sur des technologies civiles voire des opérateurs commerciaux. D'autant que le besoin concernant ces liaisons est en constante augmentation du fait de la numérisation des données et leur centralisation croissante.
En pratique, au sein de ces liaisons on distingue :
- sur l'arc de crise : un besoin en liaisons haut débit, disponibles sans préavis, auquel répond l'acquisition en coopération avec l'Italie du satellite Athena-Fidus, qui comportera une charge utile française et une charge utile italienne. Il utilisera les standards de télécommunication civils et sera mis en oeuvre depuis des terminaux utilisateurs civils à bas coût. Il offrira également une capacité de liaison avec des drones. Le satellite Athena-Fidus a été commandé en 2010, pour une mise en service prévue en 2013. Le segment sol national réalisé par la France comprend une composante système et environ 660 stations sol utilisateur. Ensemble, le segment spatial réalisé en coopération avec l'Italie, et le segment sol réalisé dans un cadre national, forment le programme COMCEPT.
- sur le reste du globe : notamment pour les bâtiments de la marine nationale, un besoin en liaisons de débit plus faible, pouvant s'accommoder de préavis, mais exigeant une forte disponibilité ; cette capacité impose de faire appel à de la location de service réalisée au travers des accords-cadres ASTEL passés entre la DIRISI et les opérateurs commerciaux du domaine.
2. Le renseignement spatial : le renouvellement de la composante optique et la réalisation d'un satellite d'écoute électromagnétique
- Les programmes d'observation actuels optique et radar
Le programme Hélios II est un système d'observation spatiale optique dont les principaux objectifs par rapport à la génération précédente sont d'améliorer les capacités de prise de vue et de transmission des images ; d'augmenter la résolution des images réalisées dans la bande optique visible ; d'introduire une capacité infrarouge permettant l'observation de nuit et la détection d'indices d'activité.
Le programme Hélios II comprend la réalisation de deux satellites et d'une composante sol. Le premier satellite a été lancé en décembre 2004 (Helios IIA) et le second (Helios IIB) en décembre 2009. Il est opérationnel depuis avril 2010.
Le programme Hélios II a été mené en coopération avec la Belgique et l'Espagne depuis 2001, avec l'Italie depuis 2005, ainsi qu'avec la Grèce depuis 2007. La participation de la France est de 90 %, et celle des autres pays est de 2,5 %. Le coût total du programme s'établit à 2,2 milliards d'euros dont 1,9 milliard à la charge de la France.
En outre, depuis juillet 2010, la France possède un droit de programmation sur les satellites radar Cosmo-Skymed de l'Italie et Sar-Lupe de l'Allemagne , en contrepartie de possibilités analogues pour ces deux pays sur Helios II.
Le ministère de la défense devrait accéder l'an prochain aux images du satellite civil Pléiades , dont le lancement par Soyouz à Kourou a été réussi en octobre 2011. Pléiades est un programme dual, civil et militaire, auquel le budget de la défense contribue à hauteur de près de 33 millions d'euros.
Par ailleurs, le programme « segment sol d'observation » (SSO) prévoit l'acquisition des moyens de programmation, de réception et de production des images radar très haute résolution SAR-Lupe, haute résolution COSMO-SkyMed et des images haute résolution Pléiades. Il permet à tous les membres de la communauté « image » française d'utiliser au mieux les capacités des capteurs spatiaux au travers de l'outil de fédération PHAROS. PHAROS fournit un portail d'accès aux systèmes Hélios, SAR-Lupe et COSMO-SkyMed depuis 2011 et à Pléiades en 2012.
- Le programme fédérateur MUSIS
Le projet MUSIS ( Multinational Spacebased Imaging System for surveillance reconnaissance and observation) a pour objectif la réalisation du futur système européen d'observation spatiale militaire , intégrant des capacités optique et radar.
Ce système remplacera à terme l'ensemble des composantes militaires ou duales opérationnelles ou en cours de réalisation (Hélios, Pléiades, SAR-Lupe et COSMO-SkyMed).
Il améliorera les performances par rapport aux systèmes actuels selon deux axes d'effort :
- une meilleure résolution pour permettre d'atteindre un seuil permettant l'identification de cibles plus petites ;
- l'augmentation de la fréquence de survol (revisite) de sites d'intérêt pour améliorer la mise à jour de l'information déjà détenue.
Le périmètre de MUSIS comprendrait de façon optimale :
- une composante spatiale optique (CSO) très haute et extrêmement haute résolution, réalisée sous responsabilité française ;
- une composante spatiale radar seconde génération (CSG) réalisée sous responsabilité italienne ;
- une composante spatiale radar SARah sous responsabilité allemande ;
- une composante spatiale optique champ large INGENIO sous responsabilité espagnole ;
- un programme fédérateur (FCP) permettant d'assurer une utilisation fédérée des différentes composantes.
En l'absence d'accord de coopération finalisé, afin d'éviter tout risque de rupture capacitaire, la France a décidé de lancer en national la réalisation de la composante optique , sur la base de 2 satellites (sur un total de 3 satellites optiques prévu à terme). Le premier satellite assurera la mission de reconnaissance (THR), alors que le deuxième, en orbite plus basse, assurera la mission d'identification en réalisant des images de plus haute résolution (EHR).
La commande de ces 2 satellites est intervenue à l'automne 2010, pour un coût de réalisation de 1,3 milliard d'euros, auquel s'ajoute un coût de maintien en condition opérationnelle estimé à 400 millions d'euros sur 12 ans. Leur mise en service est prévue en 2016 pour le premier satellite et en 2017 pour le second. Cette échéance est compatible avec la durée de vie prévisible d'Helios IIB.
- L'écoute électromagnétique
Plusieurs développements expérimentaux ont été réalisés en matière de capacités spatiales de renseignement électromagnétique, avec en dernier lieu le lancement fin 2004 du démonstrateur Essaim , constitué de quatre micro-satellites d'écoute électronique. Dédié à l'écoute des communications, Essaim a été « désorbité » en 2010.
Un deuxième système dédié à l'écoute électromagnétique baptisé Elisa et composé, lui aussi, de 4 micro-satellites est en cours de réalisation, pour un lancement prévu avec Pléiades fin 2011, pour une expérimentation de 3 ans. Il est dédié à la localisation des émetteurs radar depuis l'espace.
La loi de programmation militaire prévoit la réalisation, à partir de l'expérience acquise en ce domaine, du système opérationnel CERES .
CERES devra permettre l'interception et la localisation des émissions électromagnétiques depuis l'espace (détection et localisation d'émetteurs radar ou de télécommunications).
Le calendrier du programme CERES a été remis en cause à la suite des arbitrages rendus dans le cadre de la programmation triennale. Le lancement du stade d'élaboration est reporté à 2012. La mise en service de CERES, initialement envisagée pour 2016 par la loi de programmation militaire, a été reportée à 2020.
Vos rapporteurs regrettent le report de l'échéance de mise en service de CERES, les systèmes expérimentaux d'écoute électronique ayant démontré l'intérêt d'une capacité pérenne.
3. L'alerte spatiale et la question de la défense antimissile
Le Livre blanc prévoit l'acquisition par la France d'une capacité de détection et d'alerte avancée avec trois objectifs principaux :
- développer les capacités de surveillance de la prolifération afin d'acquérir une autonomie d'appréciation des situations ;
- déterminer l'origine des tirs et caractériser les vecteurs attaquants afin de contribuer à l'identification des agresseurs ;
- favoriser l'alerte des populations à partir de l'estimation des zones visées.
L'alerte avancée reposera sur deux types de capteurs complémentaires :
- des capteurs optiques spatiaux (satellites géostationnaires ou défilant) ;
- des capteurs terrestres , à savoir des radars UHF très longue portée.
Au cours de l'actuelle loi de programmation, seuls sont prévus des travaux d'études amont, par la réalisation de démonstrateurs.
Le lancement le 12 février 2009 des deux satellites Spirale constitue la première étape de la constitution d'une capacité d'alerte avancée. Composé de deux micro-satellites dotés d'un instrument d'observation infrarouge, ce démonstrateur est destiné à l'acquisition en orbite de signatures de fond de Terre en vue de spécifier, ultérieurement, un système opérationnel.
Les données recueillies par Spirale - qui répondent semble-t-il pleinement aux attentes - seront exploitées pour lancer, « au plus tard en 2012 » aux termes de la loi de programmation militaire, la conception et la réalisation des radars de très longue portée et d'un satellite d'alerte.
En ce qui concerne la composante « radar très longue portée », la réalisation d'un démonstrateur, au huitième de la taille du futur système, a été contractualisée en 2011. Le lancement de la réalisation du radar lui-même n'est pas envisagé avant 2015, pour une mise en service opérationnelle complète à partir de 2018.
Il convient de rappeler l'utilité optimale de ce radar nécessite qu'il soit placé à proximité de la menace. A défaut, il pourrait être utilisé à des fins d'observation spatiale.
S'agissant de la composante spatiale, des études d'architecture et des travaux technologiques devraient être lancés fin 2010. La commande du satellite opérationnel est envisagée pour une mise sur orbite elle aussi légèrement décalée, de 2019 à 2020.
A l'occasion de deux rapports d'information sur la défense anti-missile balistique, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a insisté sur le caractère stratégique de ce satellite d'alerte avancée.
Vos rapporteurs regrettent le report de ce programme.