B. LA RÉFORME DE LA GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE DOIT ÊTRE L'OCCASION DU PASSAGE D'UNE LOGIQUE DE ZONAGE À UNE LOGIQUE CONTRACTUELLE
1. La réforme de la géographie prioritaire, plus que jamais nécessaire, devrait être lancée en 2011
La révision de la géographie prioritaire est aujourd'hui une nécessité.
L'article 140 de la loi de finances pour 2008 40 ( * ) qui prévoit l'actualisation de la liste des zones urbaines sensibles (ZUS) en 2009 impose une réforme de la géographie prioritaire . Elle a en effet modifié l'article 42 de la loi de 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire 41 ( * ) , en prévoyant une révision des ZUS tous les cinq ans, et indique que « la première actualisation de la liste des zones urbaines sensibles est effectuée en 2009 ».
Le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) a de son côté également appelé à une réforme de la géographie prioritaire . Le CMPP d'avril 2008 a en effet préconisé que les moyens de la politique de la ville fassent l'objet « d'une plus grande concentration géographique et temporelle dans les quartiers les plus en difficulté, où la solidarité locale est insuffisante ».
Le Comité interministériel des villes (CIV) du 20 janvier 2009 a donc fixé le cadre et les échéances de la réforme de la géographie prioritaire . Votre rapporteur pour avis a ainsi eu l'honneur d'être désigné, avec notre collègue député Gérard Hamel, parlementaire en mission sur cette question. Le rapport de la mission a été publié en septembre 2009.
Parallèlement, le SG-CIV a entamé une phase de concertation avec les différents acteurs de la politique de la ville sur plusieurs thèmes (choix des indicateurs pour les quartiers concernés par la politique de la ville, avantages attachés au zonage...).
Lors de son discours du 25 mai 2010 dans le cadre de l'installation du Conseil national des villes, le Premier ministre a indiqué qu'un projet de loi serait préparé en 2011 afin de mettre en oeuvre une « réforme cohérente et globale qui concerne à la fois le zonage de la politique de la ville, les modalités de contractualisation mais aussi la péréquation et la dotation de solidarité urbaine. » Dans l'attente de ce texte, des avenants aux CUCS seront expérimentés dans une cinquantaine de villes ou agglomérations.
Le 8 novembre dernier, en déplacement à Garges-lès-Gonesse, le Premier ministre François Fillon a par ailleurs annoncé la prolongation des CUCS jusqu'en 2014.
Votre rapporteur pour avis salue les différentes décisions du Premier ministre. Elles permettent que toutes les questions soient traitées dans ce projet de loi, dans le cadre d'un grand débat national . De nouvelles règles du jeu pourront ainsi être fixées avant les élections municipales de 2014.
L'année 2011 devrait donc être essentielle pour la politique de la ville , comme l'indique le Conseil national des villes (CNV) : « Les réformes engagées, qu'il s'agisse de la future contractualisation, de la réforme des collectivités locales, de celle de la fiscalité et des finances locales et de celle à venir de la géographie prioritaire, font de la période actuelle une période charnière pour la politique de la ville et la vie des habitants dans les quartiers qui en relèvent » 42 ( * ) .
2. La réforme de la géographie prioritaire doit conduire à un changement de logique de la politique de la ville, avec le passage du zonage à la contractualisation
Soulignant que la logique de zonage qui a prévalu en matière de politique de la ville a nui à la lisibilité de la politique de la ville, votre rapporteur pour avis estime qu'un changement de logique est aujourd'hui nécessaire , comme il l'avait indiqué dans son rapport en tant que parlementaire en mission.
L'architecture de la géographie prioritaire est en effet particulièrement complexe . Pas moins de six géographies prioritaires coexistent : les 751 zones urbaines sensibles (ZUS), les 435 zones de redynamisation urbaine (ZRU), les 24 963 Contrats urbaines de cohésion sociale (CUCS), les 100 zones franches urbaines (ZFU), les 542 quartiers concernés par une convention de rénovation urbaine et, enfin, les 215 quartiers concernés par la « Dynamique espoir banlieues ».
Outre l'absence de lisibilité, cette architecture conduit à un certain nombre d'effets pervers : elle crée, bien évidemment, des effets de frontière et elle nuit à la responsabilisation des acteurs locaux en ne prenant pas en compte les spécificités locales. Il est par ailleurs clair que « cette action par zonage n'a pas fait la preuve de son efficacité » 43 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis chargé du programme « Politique de la ville » estime donc que la réforme qui sera préparée en 2011 devra avoir pour objectif un changement de logique, rompant avec le zonage actuel pour « entrer dans une véritable logique de contractualisation et permettre à terme un retour au droit commun » 44 ( * ) .
Cette nouvelle logique se concrétisera par les évolutions suivantes :
- le renforcement du partenariat entre l'État et les villes concernées, tous les aspects de la politique de la ville étant intégrés aux contrats. Le maire (ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale) et le préfet seront donc les acteurs clés du pilotage de la politique de la ville au niveau local ;
- la suppression de la géographie administrative zonée, remplacée par une géographie contractuelle déterminée en concertation entre l'État et les villes concernées ;
- le renforcement de l'efficacité des actions de la politique de la ville en concentrant les moyens de l'État sur les villes les plus en difficulté.
Votre rapporteur pour avis estime nécessaire qu'une méthode objective et transparente soit mise en place afin d'actualiser les territoires éligibles à la politique de la ville. Il est par ailleurs partisan d'une définition de l'éligibilité au niveau de la commune , ceci n'empêchant pas une définition du périmètre d'intervention de la politique de la ville au niveau des quartiers, dans le cadre du contrat.
Par le renforcement du partenariat entre l'État et les villes, les acteurs locaux seront responsabilisés, au premier rang desquels les maires et les préfets qui constitueront les acteurs clés en matière de pilotage.
Les grandes lignes de la réforme telles qu'elles ont été présentées par votre rapporteur pour avis dans son rapport en tant que parlementaire en mission sont partagées par de nombreux parlementaires .
Approuvant l'essentiel de ces orientations, nos collègues députés François Goulard et François Pupponi estiment que « l'État doit déterminer une géographie prioritaire des quartiers urbains les plus défavorisés qui soit faible et resserrée, tout en accentuant le caractère décentralisé de la politique de la ville par une contractualisation renouvelée entre le maire et l'État 45 ( * ) ». Ils notent également que « l'enjeu de la réforme proposée, tout autant qu'une nouvelle contractualisation efficace, est sans doute de donner aux élus locaux des capacités d'action nouvelles, qui peuvent passer par des dérogations législatives à la définition des compétences de l'État et des collectivités territoriales » 46 ( * ) .
Pour autant certains éléments de la réforme doivent encore être précisés , à l'exemple des modalités de sortie des dispositifs des ZFU ou des ZUS . Le Gouvernement indique ainsi qu'un groupe de travail a été mis en place afin d'« engager une réflexion quant aux actions à mettre en oeuvre afin d'accompagner la sortie du dispositif ZFU prévue fin 2011 et assurer la meilleure continuité possible dans le développement économique des territoires concernés » 47 ( * ) . Votre rapporteur pour avis considère qu'il est indispensable qu'un accompagnement spécifique soit mis en place pour les territoires qui vont subir la fin des ZUS.
* 40 Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
* 41 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
* 42 Conseil national des villes (CNV), Deuxième avis relatif à l'expérimentation en 2011 d'avenants aux contrats urbaines de cohésion sociale sur 50 sites en politique de la ville, 16 septembre 2010.
* 43 « Une conception rénovée de la politique de la ville : d'une logique de zonage à une logique de contractualisation », Ibid. , p. 9.
* 44 « Une conception rénovée de la politique de la ville : d'une logique de zonage à une logique de contractualisation », Ibid. , p79.
* 45 « Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante », Ibid. , p. 174.
* 46 « Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante », Ibid. , p. 178.
* 47 Réponse au questionnaire budgétaire transmis par votre rapporteur pour avis.