TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 30 novembre 2010 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport pour avis d' Alain Gournac sur le projet de loi de finances pour 2011 (mission « Travail et emploi » et les articles 88 à 94, 94 bis, 95 à 97 rattachés ).
Alain Gournac, rapporteur pour avis . - L'élaboration du projet de budget pour 2011 a été soumise à de fortes contraintes, économiques et sociales, tout d'abord, car si la récession est derrière nous, l'économie française n'a pas encore retrouvé un rythme de croissance suffisant pour résorber le chômage ; une contrainte financière, ensuite, puisque la mission n'échappe pas à l'effort de maîtrise des dépenses ni à la politique de lutte contre les « niches » fiscales et sociales.
La mission dispose de 11,46 milliards d'euros de crédits, soit un montant supérieur de 0,5 % à celui de l'an passé. Toutefois, si l'on tient compte des crédits du plan de relance de l'économie, la baisse est de 13 %. Il n'est pas illégitime de revenir sur certaines augmentations de crédits réalisées au plus fort de la crise et qui ne sont plus justifiées aujourd'hui.
Les crédits de la mission représentent seulement une partie de l'effort financier en faveur du travail et de l'emploi : si l'on ajoute les 10,5 milliards d'euros de dépenses fiscales et les 31 milliards d'exonérations de cotisations sociales, le montant total atteint 53 milliards.
En 2010, l'économie française est redevenue créatrice d'emplois mais à un rythme trop modéré pour entraîner une baisse significative du taux de chômage. La baisse de 0,8 % annoncée par Pôle emploi pour le mois d'octobre constitue néanmoins un signal encourageant. Cette tendance devrait se poursuivre en 2011 : Pôle emploi et l'Unedic envisagent environ 80 000 créations d'emplois, le Gouvernement, plus optimiste, 160 000, sur la base d'une croissance du PIB de 2 %. Il faudra du temps avant de revenir au niveau d'avant la crise, 400 000 emplois salariés ayant été détruits entre 2008 et 2009.
La reprise de l'emploi ne devrait pas être suffisante pour permettre à l'Unedic de retrouver son équilibre financier, mais son déficit devrait s'établir à 2,3 milliards d'euros, après 3,4 milliards en 2010. Le fonds de solidarité, qui indemnise les chômeurs en fin de droits, devrait dépenser, quant à lui, 3 milliards d'euros pour 480 000 bénéficiaires, principalement au titre de l'allocation spécifique de solidarité (ASS).
Le processus de fusion étant achevé, le Gouvernement attend de Pôle emploi des gains de productivité : ses effectifs vont légèrement diminuer en 2011, après avoir beaucoup augmenté pendant deux ans, et l'institution va devoir assumer de nouvelles charges, je pense à la rémunération des 900 conseillers d'orientation transférés de l'Afpa. Le recouvrement des cotisations Assedic va cependant être confié à l'Acoss, à compter du 1er janvier, ce qui va permettre à Pôle emploi d'affecter à de nouvelles tâches les 300 agents qui en étaient chargés.
La coordination avec les autres acteurs du service public de l'emploi devra être étudiée : la dotation allouée aux maisons de l'emploi est en effet divisée par deux. Or on observe des doublons avec les agences locales de Pôle emploi. Même si l'Assemblée nationale a finalement voté une majoration de 10 millions d'euros, des réorganisations seront inévitables en certains points du territoire.
Plusieurs dispositifs qui ont été renforcés au plus fort de la crise vont être redimensionnés. Les contrats aidés ont, à l'évidence, joué un rôle « d'amortisseur » face à la montée du chômage. En 2010, 400 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) et 120 000 contrats initiative-emploi (CIE) devraient être signés - le nombre le plus élevé depuis dix ans. Un tel volume n'a plus lieu d'être l'an prochain : on prévoit 340 000 CAE et 50 000 CIE.
Les crédits destinés aux plus vulnérables vont cependant être maintenus. Je pense à l'insertion par l'activité économique, 176 millions d'euros, aux écoles de la deuxième chance ou à l'établissement public d'insertion de la défense. Une dotation de 50 millions d'euros est prévue pour l'aide à l'embauche des seniors, dont le principe a été décidé dans la réforme des retraites. Le relèvement du taux d'emploi des seniors demeurant une priorité, le nombre d'entrées dans les dispositifs de préretraite continuera à diminuer.
En matière de formation, l'objectif fixé par le président de la République le 16 novembre dernier est de doubler le nombre de jeunes formés par l'alternance, laquelle offre les meilleures perspectives d'insertion professionnelle. La création d'un ministère de l'apprentissage et de la formation professionnelle, confié à Nadine Morano, atteste qu'il s'agit bien d'une priorité de la nouvelle équipe gouvernementale.
Les mesures de soutien adoptées en 2009 ont maintenu à un niveau satisfaisant les entrées en apprentissage et en contrat de professionnalisation. Pour atteindre l'objectif, d'autres initiatives devront être prises, notamment dans le secteur public ou l'enseignement supérieur ; 500 millions d'euros d'investissements sont prévus, dans le cadre du grand emprunt, pour financer la construction de centres de formation et la création d'internats pour les jeunes travailleurs.
Sur la sécurisation des parcours professionnels, des changements sont à attendre l'année prochaine. Deux dispositifs coexistent actuellement : la convention de reclassement personnalisé (CRP) mise en place par les partenaires sociaux, et le contrat de transition professionnelle (CTP) créé par l'Etat à titre expérimental en 2006.
Le Gouvernement souhaite expérimenter au premier semestre de 2011 un nouveau contrat d'accompagnement renforcé (CAR), pour aider des salariés précaires à accéder à l'emploi durable. La CRP comme le CTP s'adressent en effet à des salariés en CDI licenciés pour motif économique. Les salariés en CDD ou en intérim, particulièrement vulnérables, n'en bénéficiaient pas ! Le Gouvernement a également l'intention d'ouvrir des discussions avec les organisations patronales et syndicales, afin d'étudier le remplacement éventuel de la CRP et du CTP par un dispositif unique sur l'ensemble du territoire. Par cohérence, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui prolonge jusqu'au 31 mars 2011 l'expérimentation du CTP, date à laquelle la convention instituant la CRP arrivera à échéance.
Au sein des articles rattachés, je m'attarderai sur la suppression de l'exonération de cotisations sociales, notamment dans le secteur des services à la personne, car elle préoccupe nombre d'entre vous.
Le Gouvernement a accepté, à l'Assemblée nationale, la suppression de l'article 88, qui tendait à limiter le champ d'application de l'exonération accordée aux organismes d'intérêt général implantés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Plusieurs députés, souvent des élus de la montagne, ont souligné l'impact défavorable d'une telle mesure sur l'emploi dans les ZRR, déjà en grande difficulté économique. La suppression de l'article 88 coûtera environ 100 millions d'euros à l'Etat en 2011.
Un deuxième « coup de rabot » concerne les employeurs du secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR), exonérés de cotisations sociales au titre des repas fournis à leurs salariés. L'an dernier, la commission des finances du Sénat avait proposé la suppression de cette exonération, mais le Gouvernement s'y était opposé. Cette année, c'est lui qui prend l'initiative de cette mesure, que je vous propose d'approuver : nous pouvons demander un effort au secteur HCR, qui a bénéficié d'une aide substantielle avec la baisse de la TVA.
Je vous proposerai, en revanche, des amendements à l'article 90, qui concerne les services à la personne. Cet article tend d'abord à supprimer l'exonération de quinze points de cotisations dont bénéficient les particuliers employeurs qui pratiquent la déclaration au réel, plus avantageuse pour le salarié que la déclaration au forfait en termes de droits sociaux ; il tend ensuite à supprimer l'exonération de cotisations dont bénéficient, dans la limite du Smic, les entreprises et associations agréées qui interviennent auprès de personnes « non fragiles ». Les personnes « fragiles », au sens du code de la sécurité sociale, sont les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées, invalides, dépendantes ou ayant un enfant handicapé. Je vous présenterai deux amendements visant à mieux cibler ces dispositifs au lieu de les supprimer, car je crains qu'une décision trop brutale pénalise les créations d'emplois et encourage le travail au noir.
Deux mesures, plus ponctuelles, visent à supprimer une exonération applicable aux indemnités de rupture versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et une exonération applicable à certains CIE conclus avant 2002.
Le projet de loi de finances prévoit également la suppression de la prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1 000 euros, qui est versée aux titulaires de l'ASS lorsqu'ils retrouvent un emploi d'une durée d'au moins quatre mois. C'est que la prime n'a pas eu d'effet tangible sur le taux de retour à l'emploi - la mesure est aussi une harmonisation, puisqu'elle n'était pas versée aux bénéficiaires du RSA...
Enfin, les deux derniers articles rattachés aux crédits de la mission visent à mettre à contribution des structures paritaires. Le premier prévoit un prélèvement exceptionnel de 300 millions d'euros sur les ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), institué par la loi de novembre 2009 et qui rassemble une partie des contributions versées par les entreprises au titre de la formation professionnelle. Ce choix peut paraître contestable : le Sénat avait veillé à introduire dans la loi une disposition destinée à empêcher l'Etat de prélever les excédents du fonds ! Je vous propose néanmoins de l'accepter afin de concentrer nos efforts sur l'article 90 et parce que le prélèvement servira à financer des dépenses de formation professionnelle. Nous aurons cependant un débat en séance sur ce point puisque la commission des finances a déposé un amendement de suppression de l'article.
Le deuxième vise à confier à l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) l'exercice de certaines missions jusqu'ici assumées par l'Etat : gestion des déclarations des entreprises relatives à l'emploi de travailleurs handicapés, des demandes de versement de primes de reclassement ; et financement du marché conclu avec l'Afpa pour la formation de demandeurs d'emploi reconnus travailleurs handicapés. Au total, 30 millions d'euros supplémentaires seraient à la charge de l'Agefiph en 2011, 60 millions les années suivantes.
Ce transfert de compétences permettra de rationaliser la gestion de la politique de l'emploi en faveur des travailleurs handicapés, l'Agefiph disposant du savoir-faire et de l'expertise nécessaires. La situation financière de l'association est par ailleurs suffisamment solide pour lui permettre d'absorber cette charge supplémentaire.
Le projet de budget pour 2011 contribue à l'effort nécessaire de réduction de nos déficits publics, sans sacrifier les dépenses d'avenir. C'est pourquoi je vous propose de l'approuver, ainsi que les articles 88 à 97 qui y sont rattachés, sous réserve des amendements que je vous présenterai.
Catherine Procaccia . - Je m'interroge sur le transfert des 900 conseillers d'orientation de l'Afpa, sans transfert des ressources correspondant à leurs salaires : Pôle Emploi est-il dans une situation financière si florissante ? Quant aux maisons de l'emploi, j'approuve la diminution de leur dotation. Celles qui sont déjà agréées n'ont pas toujours fait la preuve de leur bon fonctionnement... La formation en alternance, notamment dans le secteur public, est un sujet essentiel. A ce propos, il me paraît anormal que les sénateurs n'aient pas le droit d'accueillir et de rémunérer des stagiaires en alternance.
L'accompagnement renforcé fera désormais l'objet d'un dispositif unique. Tant mieux car la création d'un nouveau type de contrat ne simplifierait pas le code du travail.
Sur l'article 90, je partage l'inquiétude du rapporteur pour avis : certes, les personnes fragiles ne seront a priori pas concernées mais je crains que les mères de famille soient fragilisées. Je rappelle en outre que ce dispositif a été créé pour lutter contre le travail au noir.
Christiane Demontès . - Ce ne sont pas les gens les plus en difficulté qui profitent du crédit d'impôt associé aux emplois à domicile. Baisse des cotisations employeur ou non, les foyers bénéficiaires ne sont pas dans l'embarras financier.
Quant à l'apprentissage, nous avons tous éprouvé beaucoup d'inquiétudes pour son essor lorsque le chômage a considérablement augmenté. Or cette filière a plutôt bien résisté. La coopération entre l'Etat et les régions a été efficace : les conventions qui les lient vont-elles d'ailleurs êtres renouvelées ? Je souligne que dans le secteur public, rien n'empêche une collectivité locale d'embaucher des apprentis : je suis maire depuis 2008 et j'en accueille huit dans mes services.
Je suis choquée par le prélèvement opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Est-ce une bonne chose de réduire ses crédits ? Son intervention est essentielle pour ceux qui perdent leur emploi dans la seconde partie de leur vie professionnelle. Certes, sa montée en charge est lente mais il ne faut pas lancer un signal aussi négatif.
J'en viens aux maisons de l'emploi. Le service public de l'emploi comporte un opérateur principal, qui est Pôle emploi, et ce n'est pas en multipliant les structures que l'on améliorera son fonctionnement, bien au contraire. La baisse des crédits des CAE et des CUI suscite enfin beaucoup d'inquiétudes car il s'agit d'outils précieux pour le retour à l'emploi. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?
Jean-Marie Vanlerenberghe . - Sur les maisons de l'emploi, je ne partage pas l'avis de Christiane Demontès : elles ne font pas le même métier que Pôle emploi et devaient, à l'origine, se cantonner à un rôle de coordination du service public de l'emploi. M. Wauquiez s'était engagé à maintenir les crédits des maisons de l'emploi. Or, ils sont divisés par deux ! L'Assemblée nationale a ajouté 10 millions d'euros, mais cela ne suffira pas. La diminution des crédits devrait être beaucoup plus progressive. Des axes clairs doivent être définis : les maisons doivent jouer le rôle d'un observatoire de proximité, faciliter l'insertion dans l'emploi et accompagner le développement économique.
Je regrette aussi la mesure brutale qui frappe les CAE : il faut désormais passer deux ans au chômage avant de pouvoir en bénéficier et non plus un an. Quant à l'alternance dans le secteur public, il faudrait simplifier les choses pour développer le nombre de contrats.
Le groupe centriste est favorable à la suppression de l'article 90 : pour économiser quelques deniers, vous allez relancer le travail au noir ! Des dizaines de milliers d'emplois sont en jeu. Il ne faut pas revenir sur ce qui fut une excellente initiative et il existe encore bien des besoins non satisfaits.
Annie David . - Il est regrettable que le budget de l'emploi soit l'un des plus touchés par la politique de rigueur cette année. Sommes-nous sortis de la crise comme semble le dire notre rapporteur pour avis ? Je ne le crois pas : les entreprises du CAC 40 se portent bien, peut-être, mais pas nos concitoyens.
Je déplore la mesure qui touche les maisons de l'emploi. Nous n'étions pas favorables à leur création car nous redoutions la « casse » du service public, mais à présent elles existent et rendent des services, par exemple aux demandeurs d'emploi éloignés d'une agence de Pôle emploi. Le transfert des neuf cent salariés de l'Afpa représentera pour l'institution une masse salariale supplémentaire et son budget risque de ne pas être suffisant pour y faire face. Nous n'étions pas non plus très favorables, à l'origine, aux contrats aidés qui n'aboutissent pas à un emploi pérenne. Mais cette façon d'y mettre fin brutalement n'est pas correcte. S'agissant de l'Agefiph, il est regrettable, Monsieur le rapporteur, de vous entendre dire que le fonds peut absorber des millions d'euros de charges supplémentaires. S'il a des réserves, c'est pour financer des actions en faveur des handicapés, non pour salarier des personnes qui l'étaient auparavant par l'Etat ! Concernant l'alternance, le problème qui se pose est que les jeunes ne trouvent pas d'entreprise pour les accueillir.
Alors que les exonérations de cotisations et les dépenses fiscales en faveur des employeurs s'élèvent à 53 milliards d'euros, les titulaires de l'ASS ne toucheront plus la prime de retour à l'emploi, ce qui représente une économie de 200 millions d'euros. On fait les poches des plus démunis !
Nous nous sommes battus pour que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels bénéficie aux demandeurs d'emploi, et pas seulement aux entreprises. Si le fonds dégage des excédents, c'est parce qu'il est encore dans une phase de démarrage.
Je m'insurge enfin contre la suppression brutale de l'exonération pour les services à la personne, même si je suis consciente qu'elle est accordée à des particuliers employeurs qui n'en ont pas toujours besoin. Ce débat me paraît mal engagé : il faudrait, à mon sens, moduler l'avantage selon les revenus et je crois que, dans l'attente, nous demanderons la suppression de l'article 90.
Alain Vasselle . - Le rapporteur pour avis a beaucoup de mérite car le périmètre de la mission change d'une année sur l'autre, ce qui ne facilite pas l'analyse de l'évolution des crédits. Une compensation financière est-elle prévue pour l'Acoss qui va être chargée du recouvrement des cotisations Assedic ?
Les maisons de l'emploi ayant moins de ressources, ma crainte est que les collectivités locales soient obligées de contribuer à leur financement. Ces maisons et les agences locales de Pôle emploi se font concurrence dans mon département, les premières étant plus performantes que les secondes pour le placement des demandeurs d'emploi. Et quel est le rôle des missions locales dans ce dispositif ? La tendance dans mon département est à les intégrer dans les maisons de l'emploi.
Le Gouvernement a-t-il, à l'article 90, évalué les conséquences de son choix en termes de suppressions d'emploi et de pertes de recettes fiscales ? Je ne suis pas certain que la mesure proposée rapporte plus de recettes qu'elle n'en fera perdre.
Le fonds paritaire pour la sécurisation des parcours professionnels a été conçu, le rapporteur nous l'avait indiqué, de façon à éviter les prélèvements intempestifs de l'Etat ; or aujourd'hui le Gouvernement revient sur cette disposition. Enfin, comme président de l'association des maires de mon département, je regrette que beaucoup de contrats aidés ne puissent être renouvelés, contrairement à ce qu'on nous avait dit l'an dernier.
Claude Jeannerot . - Ce budget a été élaboré sous contrainte alors que l'on devrait traiter l'emploi de façon volontariste. Faire des choix était inévitable, mais il aurait fallu privilégier l'emploi ! Pôle emploi aura moins de moyens, il prendra en charge les salariés de l'Afpa et verra ses effectifs diminuer. Dans certaines agences, il y a deux cents demandeurs d'emploi par conseiller.
M. Borloo voulait, en 2005, faire la promotion des maisons de l'emploi dans mon département ; je m'y suis opposé, refusant l'empilement des structures. La création des maisons ne s'est pas accompagnée d'une révision des compétences de l'ANPE. De nombreuses collectivités ont pris des initiatives de leur côté. Je propose de créer une mission d'information sur la situation de Pôle emploi, car il règne une grande confusion et un grand désarroi au sein de ce service public.
Je suis choqué par le prélèvement opéré sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. On voulait mobiliser des sommes pour faire plus de formation professionnelle et voilà qu'elles sont affectées à des charges existantes ! Ce prélèvement risque d'inciter les partenaires sociaux à réduire les contributions des entreprises à la formation professionnelle.
Muguette Dini, présidente . - Le bureau de la commission examinera demain votre proposition de créer une mission sur Pôle emploi.
Sylvie Goy-Chavent . - Sur l'article 90, je signale que les associations se substituent souvent aux collectivités en milieu rural pour gérer les cantines, les garderies, le soutien scolaire... La fin de l'exonération pénalise ces associations et la charge retombera sur les collectivités locales.
J'ai enseigné longtemps dans un Greta et un lycée professionnel et je sais que l'alternance donne les meilleures chances aux élèves, mais il est difficile de trouver des entreprises pour les accueillir. Nous avons dû fermer des filières, plasturgie par exemple, faute d'entreprises candidates.
Marie-Thérèse Hermange . - Concernant la sécurisation des parcours professionnels, pourquoi ne pas créer un contrat d'accompagnement renforcé-type, décliné selon toutes les situations ? La coexistence de plusieurs contrats est regrettable. A l'article 90, je proposerai un amendement pour réduire l'abattement sur les cotisations patronales des particuliers employeurs. La mesure proposée par le Gouvernement menace l'emploi, pénalise la professionnalisation des salariés et risque d'empêcher le maintien à domicile de personnes âgées ou handicapées.
Guy Fischer . - Alors que les Français sont préoccupés avant tout par l'emploi, ce budget est à contre-courant de leurs attentes. Je reste totalement hostile à la fusion et la création de Pôle emploi : écoutez le personnel, voyez la façon dont les demandeurs d'emploi sont reçus et vous comprendrez que la situation est grave. Par ailleurs, des mesures telles que le transfert des neuf cents conseillers d'orientation contribuent au démantèlement de l'Afpa. Cet outil, qui aurait dû évoluer dans ses missions, est sacrifié. L'Agefiph subit enfin une véritable opération de « racket ».
Paul Blanc . - S'il ne me paraît pas anormal que l'Agefiph participe à la gestion des fonds dédiés à la formation des demandeurs d'emplois handicapés, pourquoi ne pas y associer le fonds « fonction publique » ?
Par ailleurs, les associations qui s'occupent de personnes handicapées, que j'ai toutes entendues lors de la préparation de mon rapport pour avis sur la mission « solidarité », m'ont convaincu qu'il serait normal d'abonder les crédits destinés aux entreprises adaptées, qui manquent de financements. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à augmenter leur dotation de 1,5 million d'euros, ce qui reste une somme modeste.
Raymonde Le Texier . - Ce projet « contribue à l'effort nécessaire de réduction des déficits publics, sans sacrifier les dépenses d'avenir », nous a dit le rapporteur. Autant dire que toutes les remarques pertinentes qui viennent d'être formulées sont inutiles : l'objectif de ce budget est de réduire toutes les lignes budgétaires, y compris sur la formation et l'emploi, pourtant prioritaires. Je ne suis pas convaincue, malgré les propos du rapporteur, que les 53 milliards consacrés indirectement à l'emploi via des dépenses fiscales et des exonérations de cotisations sociales aient servi l'emploi.
Pôle emploi est aujourd'hui dans une situation tragique : manque de personnel, manque de formation, manque d'emplois à proposer aux demandeurs, chez lesquels il ne faut pas s'étonner de voir monter l'angoisse ou l'agressivité. Le rapporteur nous dit que les effectifs diminueront légèrement en 2011 : j'aimerais savoir combien d'emplois seront encore supprimés. Il nous dit aussi que neuf cent emplois de l'Afpa sont transférés à l'établissement mais comment est-ce possible sans les ressources correspondantes ?
Je partage les observations qui ont été faites sur les contrats aidés. Le volume retenu en 2010, nous dit le rapporteur, « ne sera plus justifié l'an prochain ». Nous savons très bien que tel n'est pas le cas. Or, ce ne sont pas moins de 60 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi et 70 000 contrats initiative emploi qui disparaissent.
Sans contester l'intérêt des 50 millions d'euros d'aide à l'embauche des seniors obtenus lors du débat sur les retraites, il y a pour moi quelque chose de tragique à vouloir reconvertir des salariés en fin de vie professionnelle, en les obligeant à s'adapter à une nouvelle entreprise, alors qu'il serait bien préférable, à mon sens, de faire en sorte que les entreprises conservent leurs salariés âgés. Je regrette, enfin, que l'on ne prévoie rien pour l'emploi des jeunes, dont le taux de chômage atteint 24 %, et jusqu'à 40 % dans les quartiers sensibles.
Le contrat d'accompagnement renforcé est une nouvelle formule qu'on ajoute aux autres. Il est vrai qu'il était temps de se soucier de l'intérim, sachant que sur 100 000 emplois créés, 90 % sont des emplois d'intérimaires.
Je ne vais pas épiloguer sur la suppression de l'exonération de cotisations sociales sur les repas servis aux employés dans l'hôtellerie-restauration. L'Assemblée nationale a supprimé l'article 88, qui limitait le champ de certaines exonérations dans les zones de revitalisation rurale, sans doute à juste titre. Je reste inquiète de la proposition de suppression des exonérations de charges se rapportant aux emplois à domicile. Celles qui bénéficient à la garde des enfants et à l'accompagnement scolaire à domicile ne sont, à mon sens, pas injustifiées. D'autres, en revanche, me semblent plus contestables...
Yves Daudigny . - Je m'inquiète, en particulier, de la diminution des emplois aidés, qui jouent le rôle d'amortisseurs du chômage et sont devenus des éléments régulateurs : ces emplois sont indispensables dans un grand nombre de structures. Je pense aux maisons du handicap, aux collèges - où un grand nombre de contrats, au moment du transfert des Tos, n'ont pas été compensés par l'Etat, alors que les départements n'ont pas les moyens de les financer -, aux établissements d'accueil pour personnes âgées ou handicapées, voire aux très petites collectivités, qui ne sont souvent pas en mesure de financer un emploi de fonctionnaire territorial. Il y a là un vrai risque de déséquilibre. Sans compter que le taux de chômage varie considérablement selon les territoires. Le ministre du travail le sait fort bien : il suffit d'observer ce qui se passe dans sa ville.
Je ne reviens pas sur la situation faite à Pôle emploi, sinon pour dire que je déplore le transfert trop fréquent à des opérateurs privés d'une mission de service public.
Je regrette, enfin, de bien chiches mesures d'économie - comme la suppression de la prime au retour à l'emploi pour les titulaires de l'ASS - qui viennent, encore une fois, frapper les plus précaires.
Alain Gournac, rapporteur pour avis . - Je m'étonne de l'ampleur des critiques formulées à l'encontre de Pôle emploi, car si j'en crois une récente enquête de satisfaction, 66 % des demandeurs d'emploi et 68 % des entreprises se déclarent satisfaits. Le taux de satisfaction est de 80 % pour la gestion des allocations chômage ; 79 % des employeurs estiment que l'accès à un interlocuteur est simple et 66 % jugent que le candidat qui leur a été adressé était le bon.
La suppression de l'exonération dans l'hôtellerie-restauration n'est pas anecdotique : elle rapportera 150 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte que nous connaissons.
Je ne peux pas laisser dire que Pôle emploi ne peut assurer un accompagnement de proximité, alors que l'établissement ne compte pas moins de 950 agences locales. Cessons donc de stigmatiser son action, alors que les personnels ont su rapprocher leurs cultures et faire un effort exemplaire d'adaptation. Pour les demandeurs d'emploi en grande difficulté, il est bon de pouvoir compter sur un guichet unique. Les maisons de l'emploi doivent se recentrer sur leur rôle de coordination et de gestion prévisionnelle de l'emploi sur le territoire. Quant aux missions locales, elles ne sont compétentes que pour le suivi des jeunes de seize à vingt-cinq ans.
Le surcoût pour l'Urssaf, qui recouvre déjà les cotisations sociales, du prélèvement des cotisations Assedic sera négligeable.
Laurent Wauquiez avait annoncé un plan de relance de l'apprentissage. Je ne doute pas que Nadine Morano poursuivra son action. La clé réside pour moi dans la simplification des procédures, y compris, d'ailleurs, pour les stages : les entreprises demeurent trop fermées à l'accueil de jeunes en formation.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 90
Alain Gournac, rapporteur pour avis . - L'article 90 du projet de loi de finances propose de supprimer l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les particuliers employeurs lorsqu'ils déclarent leurs salariés au réel. On peut craindre que ne soit ainsi encouragée la déclaration au forfait, moins favorable pour les employés, notamment en matière de droits à l'assurance vieillesse et à l'assurance chômage. Le risque d'une réapparition du travail au noir n'est pas non plus à exclure.
Cet amendement vise à préserver l'exonération, en la ramenant toutefois de quinze à dix points, ce qui maintient une économie pour l'Etat sans déstabiliser le secteur des services à la personne. Afin que l'on ne puisse inclure dans le dispositif tout et n'importe quoi, un décret serait utile pour mieux définir le champ des activités concernées.
Marie-Thérèse Hermange . - Je vous suis. J'ai déposé le même amendement, à peu de chose près.
La commission adopte l'amendement.
Alain Gournac, rapporteur pour avis . - L'article 90 propose également la suppression de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes agréés de services à la personne qui interviennent auprès de publics considérés comme « non fragiles » au sens du code de la sécurité sociale. Le risque est de voir augmenter les dépenses à la charge des associations qui interviennent au domicile des familles en difficulté dans le cadre de la politique d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux ou qui assurent la garde de très jeunes enfants, sans que les collectivités territoriales aient les moyens de les soutenir financièrement.
Cet amendement propose de maintenir le dispositif d'exonération pour les salariés qui exercent certaines activités à caractère social.
Sylvie Goy-Chavent . - Les associations loi de 1901 qui embauchent sont-elles couvertes ?
Alain Gournac, rapporteur pour avis . - Oui, si elles emploient du personnel qui assure, à domicile, l'une des activités visées dans l'amendement.
La commission adopte l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.