Article 90 (art. L. 133-7 et L. 241-10 du code de la sécurité sociale, L. 7233-3 du code du travail et L. 741-27 du code rural et de la pêche maritime) - Suppression d'exonération de cotisations sociales en matière de services à la personne
Objet : Cet article tend à supprimer des exonérations de cotisations sociales applicables dans le secteur des services à la personne.
I - Le dispositif proposé
Le 1° et le 2° du paragraphe I tendent à supprimer un abattement de cotisations prévu à l'article L. 133-7 du code de la sécurité sociale. Cet article définit l'assiette et les modalités de recouvrement des cotisations et contributions sociales obligatoires dues par les particuliers employeurs , au titre des rémunérations qu'ils versent à leurs salariés.
Les cotisations et contributions patronales sont calculées soit sur une base forfaitaire (égale, par heure de travail, à une fois la valeur horaire du Smic applicable au premier jour du trimestre civil considéré), soit sur les rémunérations réellement versées au salarié. Dans ce dernier cas, le code de la sécurité sociale prévoit, depuis 2005 7 ( * ) , que les cotisations patronales de sécurité sociale sont réduites de quinze points. Le bénéfice de cet abattement n'est cumulable ni avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales, ni avec l'application de taux ou d'assiettes spécifiques ou de montants forfaitaires de cotisations.
Cet abattement vise à inciter les particuliers employeurs à cotiser sur une assiette réelle de rémunération et à améliorer ainsi les droits sociaux de leurs salariés, en particulier en ce qui concerne les indemnités journalières, les allocations au titre de l'assurance chômage et les cotisations retraite. Il a atteint son objectif, puisque près de 70 % des salariés à domicile sont aujourd'hui déclarés au réel, contre moins de 40 % il y a cinq ans 8 ( * ) .
Le 3° vise ensuite à modifier l'article L. 241-10 du même code, relatif aux exonérations de cotisations sociales applicables aux structures agréées .
Schématiquement, cet article distingue deux grands régimes :
- son I prévoit qu'une exonération complète de cotisations patronales (hors cotisations d'accidents du travail) est accordée en cas d'emploi d'une aide à domicile intervenant auprès de publics dits « fragiles » : personnes âgées de plus de soixante-dix ans, personnes dépendantes, invalides ou handicapées ou ayant un enfant handicapé ;
- son III bis prévoit qu'une franchise de cotisations (à l'exclusion, là encore, des cotisations d'accidents du travail) s'applique, dans la limite du Smic , à la rémunération des salariés employés par des associations ou entreprises agréés qui interviennent auprès des autres publics, considérés comme « non fragiles ».
La mesure proposée consiste à supprimer le III bis de l'article, ce qui aurait pour effet de soumettre les salariés concernés au régime de droit commun, c'est-à-dire l'allègement dégressif de cotisations applicable dans la limite de 1,6 Smic.
Le paragraphe II contient une mesure de coordination : il tend à abroger l'article L. 7233-3 du code du travail, qui dispose que les associations ou entreprises agréées exerçant une activité de services à la personne auprès de personnes physiques sont exonérées de cotisations patronales dans les conditions prévues au III bis , précité.
Le paragraphe III comporte une autre mesure de coordination : il vise à abroger le V de l'article L. 741-27 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que le III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale peut s'appliquer aussi, le cas échéant, aux cotisations patronales dues sur les rémunérations des salariés affiliés au régime de protection sociale agricole.
Enfin, le paragraphe IV précise que l'article s'applique aux cotisations et contributions sociales dues à compter du 1 er janvier 2011.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Dans un premier temps, l'Assemblée nationale avait adopté deux amendements identiques, déposés respectivement par la commission des finances et par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, tendant à ramener de quinze à dix points la réduction de cotisations accordée en cas de déclaration au réel.
Les auteurs de ces amendements redoutaient que la suppression de la réduction de cotisations encourage les employeurs à opter pour la déclaration au forfait, moins avantageuse pour les salariés.
Le Gouvernement a cependant demandé une seconde délibération sur ces amendements et a obtenu leur suppression.
En conséquence, la seule modification apportée à cet article est un amendement de coordination.
III - La position de la commission
Depuis le lancement, en 2005, du plan de développement des services à la personne, le montant des aides publiques accordées à ce secteur a beaucoup augmenté : il dépasse aujourd'hui les 6 milliards d'euros, sous la forme d'exonérations fiscales et sociales. Ces exonérations ont eu un impact positif sur l'emploi - l'Insee estime que 108 000 emplois en équivalent temps plein (ETP) ont été créés sur la période 2006-2008 - mais celui-ci a sans doute été trop modeste pour que l'on puisse éviter d'aborder la question de la rationalisation de ces dispositifs coûteux pour les finances publiques.
Votre commission n'est pas hostile à ce que certaines exonérations soient remises en cause mais elle s'inquiète des conséquences que leur suppression trop brutale pourrait avoir sur la pérennité de nombreuses structures agréées, et met en garde contre le risque d'une recrudescence du travail au noir, qui priverait l'Etat et la sécurité sociale de recettes.
Concernant tout d'abord la réduction de quinze points de cotisations dont bénéficient les particuliers employeurs en cas de déclaration au réel, votre commission estime préférable de réduire l'avantage, en le ramenant à dix points, plutôt que le faire disparaître entièrement. Cela permettrait d'éviter des suppressions d'emplois, causées par un renchérissement du coût du travail, et un retour à la déclaration au forfait, moins avantageuse pour les salariés.
Votre commission propose ensuite un deuxième amendement tendant à préciser, par décret, la liste des activités de services à la personne ouvrant droit à la réduction de cotisations.
Lors de son audition sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le ministre du budget François Baroin a fait la déclaration suivante : « En supprimant les exonérations de charges pour les services à la personne, nous avons choisi de préserver l'efficacité d'un système conçu, à l'origine, pour soulager les actifs. Il a ensuite évolué, non sans connaître des dérives : on a vu le dispositif utilisé pour rémunérer un coach de gym à domicile ou un clown pour un anniversaire d'enfant... » Votre commission n'est pas certaine que l'embauche de coachs et de clowns soit la cause principale de l'augmentation des dépenses fiscales et sociales en faveur des services à la personne mais elle souhaite néanmoins donner au Gouvernement un nouvel instrument pour contenir d'éventuelles dérives : le décret pourrait exclure certaines activités de loisirs ou à caractère sportif du bénéfice de la réduction de cotisations et être révisé régulièrement en fonction des évolutions constatées sur le terrain.
Votre commission propose enfin un dernier amendement portant sur l'exonération dite « III bis ».
En principe, cette exonération s'applique seulement à des structures qui interviennent auprès de publics « non fragiles ». Cependant, la définition des publics « fragiles » ou « non fragiles », au sens du code de la sécurité sociale, présente parfois un caractère arbitraire et n'est donc pas à l'abri des critiques. La garde de très jeunes enfants ou les interventions d'aide à domicile réalisées auprès de familles en difficulté dans le cadre de la politique d'aide sociale à l'enfance (ASE) ou de protection maternelle et infantile (PMI) des départements ne sont, par exemple, pas considérées comme des services rendus à des publics fragiles.
L'amendement de votre commission propose donc de maintenir le bénéfice de l'exonération « III bis » pour la rémunération des salariés qui assurent les missions susvisées, ainsi que pour le personnel administratif ou d'encadrement des structures qui interviennent auprès de personnes âgées ou dépendantes.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 7 Cf. l'article 6 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
* 8 Cf. le chapitre consacré à « la politique en faveur des services à la personne », dans le rapport public annuel 2010 de la Cour des comptes (première partie).