TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission examine le rapport pour avis d'Alain Vasselle, rapporteur général , sur le projet de loi n° 66 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et entend sa communication en vue de la tenue du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution .
Muguette Dini, présidente . - Au nom de la commission, je souhaite la bienvenue à Mme Catherine Deroche, devenue sénateur de Maine-et-Loire en remplacement de Christian Gaudin et affectée dans notre commission à la place de René Vestri. Elle a fait ses premières armes parmi nous lors de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites, c'était un bon galop d'essai !
Avant de laisser la parole à Alain Vasselle, je rappelle que le projet de loi de programmation des finances publiques qu'il va vous présenter sera discuté en séance publique mercredi 3 novembre à 14 heures 30.
Alain Vasselle, rapporteur général . - Pour la deuxième fois, nous examinons, ce matin, un projet de loi de programmation des finances publiques. La création de cette catégorie de lois, instituée lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, s'inscrit « dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques », peut-on lire au nouvel alinéa de l'article 34 de la Constitution. Désormais, la stratégie en matière de finances publiques élaborée par le Gouvernement, à l'occasion de la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne début décembre, est soumise au vote du Parlement, ce qui constitue un réel progrès.
De même, avec cette catégorie de lois, nous disposons enfin d'une approche globale des comptes publics, qui intègre les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales dans une perspective pluriannuelle. Auparavant, le débat général se limitait à l'évolution des prélèvements obligatoires, et donc aux seules recettes, la réflexion sur les dépenses étant renvoyée aux projets de loi de finances et de financement. Toutefois, en matière sociale, nous disposions, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, d'une annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci comportait une projection des recettes et des dépenses pour les quatre années à venir, tant pour le régime général que pour l'ensemble des régimes obligatoires de base. Malgré ses limites, que nous avions soulignées ces dernières années, cette annexe a pour mérite incontestable de faire apparaître des tendances, et donc le difficile chemin de retour à l'équilibre.
Avec ce projet de loi, nous disposons d'un outil de bonne gouvernance qui apportera un éclairage complet sur l'ensemble de nos finances publiques, soit environ la moitié de la richesse nationale. Toutefois, il ne constitue qu'une programmation : les prérogatives du législateur financier et celles du législateur financier social sont préservées. Cette situation évoluera si le Gouvernement retient la proposition du rapport Camdessus de créer une nouvelle catégorie de loi, les « lois-cadre de programmation des finances publiques » qui s'imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Nous n'en sommes pas là. A ce stade, le Premier ministre a seulement lancé une consultation sur le pilotage des finances publiques et l'introduction dans la Constitution d'une règle d'équilibre des finances publiques, chère au groupe centriste. En la matière, l'expérience des deux dernières années, et singulièrement du premier projet de loi de programmation, incite à la prudence. De fait, la crise, qui venait de se déclarer, a eu tôt fait d'amoindrir la pertinence de l'exercice. Comme l'indique le Gouvernement dans l'exposé des motifs de ce texte, « la trajectoire des comptes publics inscrite dans la loi de programmation du 9 février 2009 a été rendue caduque par la crise économique et financière qui a conduit à une dégradation rapide et marquée des finances publiques ». Le Gouvernement ayant fait le choix, d'une part, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, d'autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, nous devons désormais remettre nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement, crédible et efficace.
La tâche sera plus complexe qu'elle ne l'était il y a deux ans. L'objectif clairement affiché par le Président de la République, repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens, est de ramener le déficit public à 3 % du Pib en 2013. Un objectif ambitieux ! A l'horizon 2011, il est prévu de le contenir à 6 % du Pib. Pour ce faire, le Gouvernement retient plusieurs principes : l'effort de redressement doit engager Etat, sécurité sociale et collectivités locales ; la maîtrise des dépenses est au coeur de la stratégie de consolidation des comptes publics ; enfin, le développement d'instruments de gouvernance des finances publiques, qui ont fait la preuve chez nos voisins, est essentiel pour infléchir les tendances.
Comment se présente le projet de loi ? Il définit pour la période 2011 à 2014 une « trajectoire en dépenses et en recettes » pour les finances publiques et une programmation triennale plus précise par mission pour les dépenses de l'Etat.
Guy Fischer . - Bref, de la super-austérité !
Alain Vasselle, rapporteur général . - Conformément au nouvel objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques, inscrit à l'article 34 de la Constitution, il propose une stratégie de redressement dans la perspective d'une réduction du déficit à 2 % du Pib en 2014. Celle-ci, outre qu'elle s'appuie sur la définition de règles de comportement, repose sur une maîtrise ambitieuse des dépenses et une sécurisation des recettes. Le chapitre Ier du texte, qui fixe les objectifs généraux des finances publiques, contient la programmation du redressement des comptes sur la période 2011-2014 avec l'évolution du solde par catégorie d'administrations et une évolution de la dette publique, année après année. Le II porte sur l'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, de l'Etat et de la sécurité sociale. Après le chapitre III relatif aux recettes de l'Etat et de la sécurité sociale, le IV vise à limiter le recours à l'endettement pour certains organismes publics. Enfin, le chapitre V tend à renforcer l'information du Parlement en organisant le suivi de la mise en oeuvre de la programmation, avec la réalisation d'un bilan annuel de la loi.
En outre, le projet de loi s'accompagne d'un rapport qu'il est proposé d'approuver à l'article 2. Ce rapport, assez détaillé, précise le contexte macro-économique et les hypothèses retenues, les objectifs poursuivis pour les finances de l'Etat, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales, ainsi que les conditions de réalisation de la loi de programmation. S'agissant des finances sociales, les principales hypothèses macro-économiques, identiques à celles figurant à l'annexe B du projet de loi de financement pour 2011 que nous examinerons mercredi prochain en commission, sont : un redressement progressif de la croissance en 2010 et 2011 avec des taux respectifs de 1,5 % en 2010, 2 % en 2011, puis plus dynamique, avec un taux moyen de 2,5 % par an, à partir de 2012 ; une augmentation de la masse salariale estimée à 2 % en 2010, à 2,9 % en 20l1 et à 4,5 % par an les trois années suivantes ; une inflation hors tabac de 1,5 % en 2010 et 2011, puis de 1,75 % les années suivantes. Je rappelle que nous devons nous fixer des objectifs ambitieux, sans quoi nous nous ferons taper sur les doigts par l'Europe !
Dans ce cadre, l'objectif de réduction du déficit public à 2 % du Pib en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale à 0,5 % du Pib en 2014, repose sur un premier élément : la maîtrise de la dépense. Un objectif chiffré de dépenses est fixé pour l'ensemble des régimes obligatoires. Il correspond à une croissance annuelle moyenne des dépenses de 3,3 %, inférieure en volume d'environ un point à celle du Pib. La réforme des retraites permettra d'améliorer le solde de la branche vieillesse d'environ 10 milliards à l'horizon 2014. Pour la branche maladie, le taux d'évolution annuel de l'Ondam a été fixé, de manière ambitieuse, à 3 % en 2010, 2,9 % en 2011 puis 2,8 % en 2012 et les années suivantes. Cet objectif est exigeant mais pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010. Nous devrions terminer cette année avec une progression de l'Ondam à 3 %, soit le plus bas niveau atteint depuis des années. De surcroît, ce sera le premier Ondam réellement respecté depuis 1997. Pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l'évolution tendancielle est supérieure à 4 % par an, il faudra trouver chaque année au moins 2,3 milliards d'économies. Le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d'engager des réformes structurelles pluriannuelles : l'amélioration des synergies entre les différents types de prise en charge - ambulatoire, hospitalier, médico-social -, la modernisation des modes d'exercice des professionnels - nouveaux modes de rémunération, promotion du contrat d'amélioration des pratiques individuelles -, ou encore le renforcement de l'efficacité de l'hôpital. Si des économies peuvent être réalisées, prenons garde : la mise en oeuvre des décisions est souvent beaucoup trop lente. Pour les autres branches, le rapport comporte peu d'indications, sinon la nécessité d'assainir les finances de la branche AT-MP, et « l'impératif d'adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales », ce qui reste assez flou, vous en conviendrez.
Deuxième élément : la sécurisation des recettes, qui passe par une dynamique suffisante des ressources du régime général et la poursuite de la stratégie de réduction des niches sociales. Le projet de loi de programmation prévoit une progression annuelle de 4,1 % des produits du régime général. Cet objectif exigeant, un peu supérieur à ce qui a été enregistré dans les années précédant la crise, est directement lié à l'évolution de la masse salariale. Or un point en moins pour celle-ci représente environ 2 milliards de ressources en moins pour la sécurité sociale. Autre méthode : contenir la progression des niches sociales. Bien des années avant le Gouvernement et l'Assemblée nationale, notre commission défendait l'idée d'une taxation des stock-options et de l'instauration d'une flat tax, dénommée aujourd'hui forfait social. L'an dernier, nous avions également proposé une annualisation du calcul de ces allégements pour dégager plus de 2 milliards par an, demande à laquelle le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir avant de la reprendre pour financer la réforme des retraites ! Je ferai de nouvelles propositions lors de l'examen du projet de loi de financement la semaine prochaine. En effet, la recherche de nouvelles recettes est indispensable pour assurer l'équilibre des finances sociales face au défi du vieillissement de la population et de l'amélioration des prises en charge. Je pense particulièrement au déficit structurel de la branche maladie que la seule maîtrise des dépenses, fût-elle extrêmement rigoureuse, ne suffira pas à combler.
Troisième élément, les règles de bonne gouvernance et d'encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales. Les nouveaux principes de fixation d'un montant minimum de hausse des prélèvements obligatoires chaque année et de stabilisation en valeur du coût des niches fiscales et sociales durant la programmation, prévus à l'article 9, seront plus efficaces, je l'espère, que la règle de gage adoptée il y a deux ans. Je suis également favorable à la définition d'une durée de quatre ans pour toute niche nouvelle ou extension de dispositif dérogatoire, à l'article 9 bis, ainsi qu'au principe de l'affectation au désendettement de tout surplus de recettes à l'article 10, qui reprend, en somme, l'idée d'une clause de retour à meilleure fortune que je vous ai proposée lors du projet de loi organique sur la gestion de la dette sociale. Les derniers articles prévoient un meilleur suivi des niches sociales et fiscales : présentation du coût annuel des niches chaque année avant le 15 octobre ainsi que d'un bilan des dispositifs créés, modifiés ou supprimés au cours de l'année passée ; présentation d'un rapport d'évaluation d'une mesure dans les trois années suivant son entrée en vigueur ; enfin, chaque année avant la fin juin, un bilan de la mise en oeuvre de la loi. Ces articles répondent aux souhaits régulièrement exprimés par notre commission. Tout, en effet, n'est pas parfait : les prévisions sur le budget de l'Etat sont, hélas !, toujours plus précises que celles portant sur les finances de la sécurité sociale.
Pour conclure, le Gouvernement promettait un retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2012 il y a deux ans, puis un déficit difficilement stabilisé à 30 milliards jusqu'en 2013 l'an passé, pour envisager cette année un déficit de 15 milliards en 2014. Si l'exercice de la programmation comporte de réelles limites, il nous oblige toutefois à inscrire nos débats financiers dans une perspective pluriannuelle et, partant, à mieux mesurer le chemin à parcourir pour réduire nos déficits. Cela est hautement souhaitable. De fait, c'est grâce à la prise de conscience de l'ampleur du déficit de l'assurance vieillesse que l'opinion publique a compris la nécessité de la réforme des retraites. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi tout en présentant plusieurs demandes au Gouvernement. Celui-ci doit s'engager à respecter les trajectoires et à corriger le tir au fil de l'année, comme le préconise le rapport Briet sur l'Ondam ; à rendre compte fidèlement au Parlement de l'évolution des recettes et des dépenses, notamment, en matière sociale, celle des dépenses hospitalières ; à poursuivre la tâche ardue de la maîtrise des dépenses et de la révision des niches, tant fiscales que sociales. A la commission de veiller à ce que le Gouvernement soit au rendez-vous de ses attentes en assumant pleinement ses missions de contrôle et d'évaluation. La tâche sera compliquée par la perspective des élections en 2012, mais nous devons donner au Gouvernement le sentiment que nous sommes vigilants.
Gilbert Barbier . - Le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu un rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises, dont la performance n'est pas avérée. Afin qu'il ne reste pas une déclaration d'intentions, va-t-on s'efforcer cette année de traduire ses préconisations en propositions concrètes ?
Guy Fischer . - Cet intéressant rapport jette une lumière crue sur l'état de nos finances sociales... En vérité, ce projet de loi de programmation constitue le premier acte du plan de super-austérité que la majorité lance pour répondre aux impératifs du pacte de stabilité européen. Après la réforme des retraites, le ton est donné ! La question des niches fiscales et sociales reste taboue : celles-ci s'élèvent à 172 milliards quand la dette sociale est de 130 milliards. En 2002, en d'autres conditions économiques certes, les comptes étaient à l'équilibre, puis on a laissé filer... Les hypothèses de taux de croissance et de progression de la masse salariale, retenues dans ce projet de loi, sont largement surestimées. Et nous savons ce que signifie la maîtrise ambitieuse des dépenses publiques : bientôt, la France rejoindra l'Angleterre ! Votre GVT - glissement-vieillesse-technicité -, qui assurerait une progression des traitements de la fonction publique, s'assimile plutôt à une glaciation générale des salaires et des retraites, qui n'a jamais été aussi forte. Sans compter que les collectivités territoriales vont voir leurs dotations diminuer, elles qui sont aujourd'hui les seuls moteurs de la croissance. Quant à la progression de l'Ondam, vous avez oublié de mentionner, dans votre présentation, qu'elle a été fixée par le Président de la République lui-même dans un discours ! Il est inacceptable de démanteler, au nom de la lutte contre les déficits, nos services publics, à l'heure où la précarité et la pauvreté explosent.
Marc Laménie . - Quelles sont les économies envisagées pour assurer la maîtrise des dépenses de la branche maladie, sujet également évoqué par le Premier président de la Cour des comptes ? De même, en matière de sécurisation des recettes - le terme est particulièrement bien choisi car il est raisonnable de ne pas espérer d'augmentation -, quelles mesures prendre ?
Yves Daudigny . - L'économie, comme les gros paquebots, supporte mal les changements brutaux de cap. Or, en quelques semaines à peine, nous sommes passés d'un plan de relance qui, malgré ses défauts, a permis de maintenir l'économie à flot avec le concours des collectivités territoriales, à une cure d'austérité qui dit désormais son nom et aggravera la précarité, la pauvreté et le chômage.
Pour réduire les déficits publics, vous choisissez d'agir d'abord sur les dépenses. Peine perdue ! Si des gains de productivité sont possibles, les dépenses de santé, par exemple, vont nécessairement augmenter en raison de l'accroissement de la demande et du renchérissement du coût des techniques médicales. Certains Français, déjà, reportent tel ou tel soin, faute de moyens. Nous refusons de mettre en danger nos services publics. Quant à l'action sur les recettes, elle est toujours abordée de manière déguisée en raison du diktat qui pèse dans notre pays sur toute hausse des prélèvements obligatoires. Posons, de manière ouverte, la question des recettes et des niches sociales qui sont totalement inutiles à l'essor économique de notre pays, et arrêtons cette mise en cause constante des collectivités territoriales. Non seulement elles participent à la croissance, mais elles n'empruntent que pour investir. Aujourd'hui, on porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Que se passera-t-il, demain, lorsque leurs ressources seront asséchées et qu'elles ne pourront même plus être donneurs d'ordres ?
Marie-Thérèse Hermange . - L'image du paquebot est parlante : la difficile évolution des mentalités fait parfois obstacle aux réformes structurelles nécessaires au respect de l'Ondam mentionnées dans le rapport annexé au projet de loi. Il est question d'améliorer les synergies entre les différents types de prise en charge. Mais prenons l'exemple de l'accueil temporaire qui réduirait les prises en charge hospitalière et médico-sociale : un décret a été publié, et nous ne sommes toujours pas capables de prendre en charge les personnes les plus vulnérables. Cette situation pèse sur nos finances sociales. La commission ne pourrait-elle pas se pencher sur ce type novateur de prise en charge ? Autre sujet dont il est question dans le même rapport : l'adaptation de la politique familiale. Nous devons remettre à plat les prestations familiales, notamment la prestation d'accueil du jeune enfant, la Paje dont je suis l'une des promotrices, mais qui n'est plus adaptée.
François Autain . - La prévision est effectivement un art difficile... M. Douste-Blazy annonçait en 2004 un retour à l'équilibre en 2007 grâce au dossier médical personnalisé ; un peu plus tard, M. Bertrand avançait la date de 2009 et on nous parle aujourd'hui de 2012 ! Devant un réel problème de financement, le Gouvernement biaise en reportant la charge sur les générations futures - et je ne parle pas des retraites - via l'allongement de la durée de vie de la Cades. Quel manque de courage politique ! Même avec les hypothèses optimistes retenues dans le projet de loi, nous aurons un déficit.
En outre, pourquoi n'avoir rien dit la privatisation rampante de notre système de santé ? Les assurés, du fait de la politique de déremboursement et de l'augmentation du reste à charge, doivent nécessairement souscrire une mutuelle. Or de plus en nombreux sont ceux qui n'en ont pas les moyens. Résultat, les catégories les plus fragiles seront les premières victimes de ce refus d'augmenter les prélèvements obligatoires.
Enfin, l'hôpital ne doit pas être le bouc émissaire des problèmes de l'assurance maladie d'autant qu'il ne se résume pas à la prise en charge, dont l'efficacité, je le crains, risque de diminuer. On y utilise aussi des médicaments. Le renchérissement de 20 % du coût des médicaments hors T2A de la liste en sus par an posera un gros problème à long terme !
Sylvie Desmarescaux . - M. Vasselle, dans son rapport, a fait un excellent exercice de lucidité. De fait, les économies ne suffiront pas pour faire face à un allongement de la durée de vie. Les familles fragiles, j'y insiste, ne doivent pas subir ces moindres remboursements. Certains dossiers n'avancent pas assez vite, notamment celui de l'hospitalisation à domicile et des dialyses. L'hôpital de Dunkerque accueille jour et nuit des patients alors que cette intervention se pratique parfaitement à domicile.
Jacky Le Menn . - La programmation est un exercice intéressant à condition de le pratiquer de manière exhaustive. A considérer l'hypothèse retenue pour la progression de la masse salariale, la marge est parfois ténue entre le volontarisme et l'irréalisme. Prenons garde au risque de démobilisation. Il faut mener une réflexion plus globale : sur les prélèvements obligatoires et l'amélioration de leur progressivité - je pense à la TVA qui frappe pauvres et riches à égalité ou encore à la fiscalité du patrimoine - ; je pense aux dépenses - loin d'être laxiste en la matière, je suis partisan, comme en Allemagne, d'un meilleur positionnement des dépenses dans le cadre d'une programmation - je pense aussi au sens de la restructuration à mener dans un contexte de vieillissement de la population - quid des affections de longue durée et des difficultés dans les années à venir avec les nouveaux médicaments et les nouvelles thérapies ? Je pense, enfin, aux collectivités territoriales - quelles seront les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle en 2014 ? - elles qui sont déjà en difficulté tout en représentant pas moins de 70 % de l'investissement public. Le rapport, même s'il reste insuffisant, a le mérite de mettre le doigt sur les points sensibles.
Gisèle Printz . - A lire ce rapport, le vieillissement de la population apparaît comme une cause du déficit public évalué à 47 milliards en 2018 et à 100 milliards en 2050. Est-ce un reproche adressé aux personnes âgées ? A qui va-t-on demander de faire des efforts ? J'espère que l'on ne suivra pas le modèle de l'Angleterre, qui consiste à ne pas soigner certaines maladies à partir d'un certain âge.
René Teulade . - Je passe rapidement sur les compliments et les réserves d'usage : des travaux de qualité suscitent une réflexion collective.
Nous restons ici confrontés à un problème de fond, que nous n'avons pas su résoudre malgré toutes les tentatives. Comment concilier des prescriptions libérales et des prestations socialisées ? On sent qu'une réponse suppose une modification des comportements. On ne fera rien sans les professionnels de santé, et c'est pourquoi j'avais en 1993 défendu la loi sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé - au moment de me succéder, Mme Veil m'avait avoué que sa majorité l'empêcherait d'utiliser les outils que je lui laissais... Je m'inquiète en outre de l'évolution du concept de solidarité. Il y a eu le ticket modérateur qui a provoqué la plus grande pétition de l'histoire, sous forme de cartes postales adressées au président de la République, avant que le Premier ministre ne revienne sur son projet ; nous avons ensuite essayé les franchises, mais la dérive du concept de solidarité s'accélère, et des organismes complémentaires qui osent s'intituler mutuelles proposent maintenant un bonus malus pour la maladie ! Nous assistons à une remise en cause de la solidarité et des principes sur lesquels la sécurité sociale est fondée. Nous pouvions être fiers d'un système dans lequel les plus modestes pouvaient être soignés comme les plus riches, mais cela est remis en question.
Marie-Thérèse Hermange . - Allez à Tenon !
René Teulade . - En 1993, le déficit atteignait 17 milliards ... de francs. Combien aujourd'hui ? Informer et mettre un terme à la dérive du concept de solidarité représente un gros travail.
Annie David . - Je partage ce qui a été dit par mes collègues de gauche, mais je rejoins aussi Mme Desmarescaux sur la dialyse et Mme Hermange sur le manque de réactivité sur l'hospitalisation à domicile. S'agissant des recettes, s'il y a accord sur le diagnostic, nous divergeons sur l'ordonnance. Bien sûr, il ne faut pas jeter l'argent par les fenêtres, mais il ne faut pas non plus que les économies pèsent sur les plus démunis. De même, on ne peut pas approuver la révision générale des politiques publiques (RGPP) et voter la suppression de 100 000 emplois dans la fonction publique, tout en tablant sur une augmentation de la masse salariale, comme si les économies réalisées par l'Etat ne se répercutaient pas sur d'autres budgets. Cela s'apparente à de la schizophrénie.
Jean-Louis Lorrain . - Quand même !
Annie Jarraud-Vergnolle . - Oui, le Gouvernement va faire porter l'essentiel de l'effort sur les salariés. Quant aux niches fiscales, ce petit fascicule montre qu'on leur préfère des économies de bouts de chandelle. Certaines dispositions apparaissent redondantes. Les exonérations sur les heures supplémentaires coûtent 3 milliards, mais on préfère parler des exonérations des zones de revitalisation rurales. Les mesurettes ne servent à rien. La vraie question, je le vois bien quand je fais le budget de ma commune, c'est d'augmenter les recettes en s'adaptant à la réalité. Je suis d'accord avec Mme Hermange, on ne va pas dans le sens de l'innovation, qui a un coût mais qui en évite d'autres. Les réseaux médicalisés permettent, par exemple, d'éviter des hospitalisations.
Bernard Cazeau . - Soyons réalistes : ce texte programme la rigueur, que ses articles justifient très succinctement. On pose des principes, dont le premier est qu'il faut être en accord avec l'Europe, d'où les 3 %, d'où toute une série de mesures comme des fonctionnaires qu'on retire à l'Education nationale. L'on peut dégager des économies dans certains ministères, mais pas dans ce secteur ! On justifie aussi ce qui se passe au niveau des collectivités locales (la réforme, qui a du mal à passer en commission mixte paritaire, annonce la suppression de la région ou, plus probablement, du département). Quant à la santé, on justifie la régression que constitue un Ondam ramené à 2,8 %. On prend les choses par le mauvais bout. Si la santé a un coût, il ne faut pas oublier la demande de santé. Pour réaliser sur la dialyse les économies que souhaite M. Van Roeckeghem, il faut que les patients subissent des systèmes plus longs et plus douloureux. Puisque les coûts vont augmenter, l'Ondam doit l'être aussi. On préfère faire n'importe quoi et, dans deux ans, l'on changera de gouvernement... M. Vasselle arborait d'ailleurs, en présentant ce projet, le sourire qui lui est familier quand il ne croit pas à ce qu'il dit, tant les chiffres annoncés sont irréalistes. Mais ce document extrêmement important a failli passer inaperçu.
Marie-Thérèse Hermange . - Les mots ne sont pas équivalents, et rigueur n'est pas nécessairement synonyme de rentabilité. M. Teulade a évoqué la dérive du concept de solidarité, mais il y aurait aussi à dire sur les prestations socialisées : à force de décharger les familles, elles s'en remettent entièrement à la société, ce qui a un coût. Nous sommes des élus de terrain, nous avons tous visité les urgences. Je connais bien les hôpitaux parisiens - j'ai été à l'improviste à Lariboisière comme dans la maternité de Tenon, ou d'autres établissements - : on ne peut laisser dire que l'on n'est pas accueilli dans les hôpitaux publics.
René Teulade . - Des opérations sont retardées d'un an !
Marie-Thérèse Hermange . - On accueille même ceux qui sont en situation irrégulière.
François Autain . - On accueille même ceux qui devraient l'être en ambulatoire, ce qui est une partie du problème.
Alain Vasselle, rapporteur général . - Il y a eu plus de commentaires que de questions. M. Marini répondra sur l'impact des mesures budgétaires, je m'en tiendrai pour ma part aux lois de financement de la sécurité sociale. Le débat général nous permettra d'aborder tous les sujets.
L'un des objectifs du texte est l'examen des niches fiscales évoquées par M. Barbier. Si l'on ne dispose pas d'un bilan pour chacune, l'idée est bien de les évaluer et de les limiter dans le temps. Je formulerai des propositions la semaine prochaine. Les solutions ne sont toutefois pas faciles à trouver, parce que l'on manque d'une estimation de leur impact. L'an dernier, le Gouvernement s'était opposé à l'annualisation en expliquant que 80 000 emplois étaient en jeu, mais il met aujourd'hui cette mesure en oeuvre. Quant aux allègements de charges sur les heures supplémentaires, qui coûtent de 20 à 30 milliards, il évoque entre 800 000 et un million d'emplois qui seraient en jeu, ce que confirme le rapport Tavernier, d'ailleurs non publié. La commission des finances est-elle en mesure de procéder à une évaluation ? Je n'ai pas pour ma part l'expertise nécessaire. On voit en revanche que certaines niches pourraient disparaître, mais cela ne concerne pas le PLFSS.
M. Fischer a fait beaucoup de commentaires. J'ai bien compris ses préoccupations. Les chiffres 2010-2011 sont assez proches de la réalité, les objectifs 2013-2014 sont très ambitieux. Personne ne nie que la croissance des dépenses sera plus dynamique que celle des recettes. Les nouvelles molécules sont plus coûteuses et la population vieillit - Mme Desmarescaux y a d'ailleurs fait allusion, nous aurons 200 000 centenaires dans quelques dizaines d'années ! Je reste persuadé que l'on peut dégager des marges à l'hôpital sans compromettre l'efficacité des soins : on peut mieux utiliser le potentiel et optimiser nos moyens. Quant à l'impact sur les complémentaires, cela nous fait entrer dans le périmètre des finances publiques. La mutualité parle de 7 % à 8 % d'augmentation, le Gouvernement de 1 % à 1,5 %. J'ai demandé au cabinet de M. Baroin de me communiquer les éléments sur lesquels il s'appuie pour justifier ses estimations. On avait en effet d'abord prévu 3,2 milliards d'euros pour financer la Cades, prélevés sur les assureurs, mais l'on a ensuite décidé, par amendement à l'Assemblée nationale, de passer par la branche famille.
M. Laménie m'a interrogé sur les recettes retenues pour l'assurance maladie. Ce sont celles que l'on connaît, pour 2,5 milliards d'euros : tarifs, déremboursements, dépenses de transports, référentiels, ambulatoire... J'entends parler de la sécurisation des recettes depuis que je suis parlementaire. Le seul remède est de sécuriser celles de la Cnaf par une disposition organique. Quand je l'ai proposé, le Gouvernement n'y était pas favorable et il n'y avait pas de majorité pour cela. On se heurte en outre à l'écueil maastrichtien. Si l'on avait suivi M. Camdessus on aurait mis dans la loi de finances toutes les dispositions à caractère fiscal avant de les ventiler entre les branches, ce qui nous aurait ramenés à la situation antérieure à 1996.
Je partage la préoccupation de Mme Hermange sur la lenteur à laquelle nous évoluons. Nous prendrons des initiatives. La même réponse vaut pour les dialyses : pourquoi certains départements ou régions sont-ils très dynamiques et d'autres pas du tout ?
Fidèle à lui-même, M. Autain m'a appelé à beaucoup d'humilité et il est vrai que la réalité dément souvent les prévisions de la veille. Nous tablions l'an dernier sur un déficit de 30 milliards en 2010 ; il ne sera que de 20 milliards, grâce à la progression des recettes comme au respect de l'Ondam. L'on peut néanmoins identifier d'autres recettes, le Gouvernement s'y est efforcé et nous avons pris des initiatives, ainsi sur le forfait social. M. Fischer en a énoncé d'autres à l'occasion de la CMP sur les retraites. Encore faut-il qu'elles ne nuisent pas à notre compétitivité : il faut trouver un point d'équilibre. La réforme fiscale, souhaitée par M. Le Menn, s'engagera au printemps prochain dans la perspective d'une harmonisation avec l'Allemagne.
Le remède au vieillissement de la population évoqué par Mme Printz réside dans la réforme des retraites. On ne peut jamais faire un copier-coller de la politique des Américains et des Anglais. La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) a prévu d'aller en Angleterre ; si vous êtes intéressée, inscrivez-vous.
M. Teulade a opposé prescriptions libérales et prestations socialisées. Je préciserai juste à l'intention de Mme David que la masse salariale dont il s'agit n'inclut pas les fonctionnaires. Que M. Cazeau se rassure, je partage ses interrogations. La prévision est un exercice bien difficile. Un Ondam de 2,8 % marque-t-il une régression ? Nous verrons cela à la fin de l'année prochaine. Nous devons progresser vers une maîtrise médicalisée des dépenses. Nous avançons déjà d'année en année, mais il faut aller plus vite sur l'hôpital.
Les conclusions du rapport sont approuvées.
Acte est donné de cette communication.