III. LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES URBAINES ET LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE

A. UN EFFORT IMPORTANT POUR RENDRE L'ETAT PRÉSENT DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

1. Un déploiement progressif des UTeQ

a) Le débat sur la police de proximité

La police communautaire, la police de proximité sont des pratiques de la police qui, sous des formes diverses, ont été mis en oeuvre dans la plupart des pays occidentaux au cours des dernières années. Ces pratiques consistent en un alliage réussi entre la prévention, la répression, la coopération avec les habitants et avec les autres institutions, la connaissance du territoire et la qualité du « service rendu », qui doivent finalement permettre de faire reculer le sentiment d'insécurité. Selon les pays, l'accent sera davantage mis sur tel ou tel aspect : ainsi, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, la dimension de participation de la population au travail de la police sera mise en avant, tandis qu'elle reste pour l'essentiel étrangère à la conception française du maintien de l'ordre.

En France, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 a pour la première fois explicitement mentionné la police de proximité. Cependant, celle-ci a été mise en place entre 1997 (année du colloque de Villepinte) et 2002, avec la création de nouvelles structures déconcentrées, commissariats et postes de police, devant permettre de rapprocher la police de la population.

Si cet objectif était en soi pertinent, sa mise en oeuvre était plus discutable. En effet, les nouvelles structures ont souvent fixé les policiers sur des lieux déterminés au détriment de leur présence sur la voie publique , et les horaires d'ouverture des commissariats et postes de police ne permettaient pas d'assurer une présence tardive et nocturne, pourtant indispensable pour contenir la délinquance.

Depuis 2002, les bons résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance générale et de proximité coexistent avec une grande difficulté à améliorer sensiblement la sécurité dans les « quartiers difficiles », où les modes opératoires de la police ne semblent pas permettre de traiter les spécificités de la délinquance. Les interventions des forces de police prennent alors essentiellement une forme réactive, passagère, et ces interventions, de par leur caractère ponctuel même, apparaissent de plus en plus arbitraires à la population.

b) Les caractéristiques des UTeQ

Ce constat a justifié l'expérimentation des Unités territoriales de quartier (UTeQ) à partir de 2008 .

Le gouvernement a insisté sur la différence entre ces UTeQ et la police de proximité telle qu'elle a été supprimée en 2002. En effet, les nouvelles UTeQ doivent être imprégnées de la même « culture du résultat » que les autres forces de police, qui a permis d'obtenir de bons résultats en termes de baisse de la délinquance. Elles doivent ainsi exercer un rôle de répression autant que de prévention, arrêter les délinquants et alimenter les procédures judiciaires.

Selon les termes officiels, ces unités territoriales de quartiers ont ainsi pour objectifs de « lutter contre la délinquance et les violences urbaines, de rechercher le renseignement opérationnel et de développer le lien de confiance entre la police et la population » pour « aller au devant des faits ou des événements et y donner des réponses immédiates », seules ou avec des renforts adaptés et immédiatement disponibles, de manière privilégiée des compagnies de sécurisation (voir ci-dessous). Elles devront ainsi lutter contre les faits de délinquance, de violence et les trafics, en identifiant les délinquants ou les fauteurs de troubles et en procédant à leur interpellation.

Ces unités se voient assigner des objectifs à partir, notamment, de l'analyse des données fournies par l'état 4001 des crimes et délits et de la main courante informatisée, ou de données qualitatives venant, par exemple, des partenaires, des élus ou des associations présents sur le site. Les UTeQ doivent progressivement développer la connaissance des quartiers et de leur population et y créer des liens de confiance .

Le « renseignement opérationnel » sur lequel insiste le ministère, consiste notamment dans l'identification des délinquants, des fauteurs de troubles, et des trafiquants, et sera utilisé par les services chargés des enquêtes judiciaires - les brigades de sûreté urbaine ou départementale, les services de la police judiciaire, les groupes d'intervention régionale ou les services départementaux d'information générale.

Les UTeQ sont organisées en patrouilles pédestres ou portées. Selon les quartiers, chaque vacation est assurée par 8 à 10 policiers, réellement présents sur le terrain, ce qui nécessite l'affectation d'un effectif global de 21 à 24 policiers par UTeQ, tous volontaires. Les policiers des UTeQ doivent assurer une présence continue selon des plages horaires adaptées aux spécificités locales de la délinquance. Ainsi, elles sont présente le samedi et le dimanche et en soirée.

Contrairement à l'ancienne forme de la police de proximité, les UTeQ ne rendent pas nécessaires l'ouverture de nouveaux postes de police. En effet, l'administration ou le suivi des procédures judiciaires n'incombent pas aux UTeQ, qui se concentrent sur la présence effective sur la voie publique.

Après l'ouverture des premières UTeQ en 2008 dans le département de la Seine-Saint-Denis, à Marseille et à Toulouse, trente-cinq UTeQ sont désormais opérationnelles. Un total de 100 UTeQ devait initialement être créé avant la fin 2009. Cependant, le dispositif ne sera finalement généralisé qu'après une évaluation, qui sera conduite en 2010 afin d'en ajuster en tant que de besoin le fonctionnement. En effet, le premier bilan de l'activité des UTeQ est globalement positif mais certaines difficultés se sont manifestées.

Ainsi, l'effet de l'activité des UTeQ sur les statistiques de la délinquance semble positif : la délinquance en Seine-Saint-Denis a diminué de 12 % à Clichy-sous-Bois et à Saint-Denis, avec une diminution allant respectivement jusqu'à 24 % et 30 % de la délinquance de voie publique. Cependant, la délinquance a augmenté de 5 % à la Courneuve.

En outre, les premières UTeQ ont parfois dû subir des actions violentes du fait même de leur nouveauté et du projet de « reconquête » de certains quartiers dont elles sont porteuses, comme à Villiers-le-Bel en mai 2009. Le risque est en effet que l'arrivée des UTeQ provoque une « lutte de territoire » avec la minorité la plus active et la plus violente présente dans le quartier.

Ce risque doit être cependant en partie maîtrisé grâce au soutien dont les UTeQ doivent bénéficier. En effet, elles sont appuyées au niveau départemental par des compagnies de sécurisation.

2. Les compagnies de sécurisation

Les UTeQ traduisent une approche territorialisée de la sécurité. Or, le maillage territorial des UTeQ connait certaines limites en termes d'effectifs dans les zones présentant un caractère particulièrement sensible en fonction de l'actualitéì (par exemple : des risques d'affrontements dans certains quartiers), des horaires de la journée, des périodes de l'année (vulnérabilitéì de certains commerces aÌ l'approche des fêtes), ou exposés, statistiquement, aÌ certains types de délinquance récurrents (vols aÌ l'arracheì,vols d'automobiles, trafics de stupéfiants...).

Les compagnies de sécurisation sont ainsi le complément logique des UTeQ . Chaque compagnie constitue en effet une réserve opérationnelle projetable dans tout le département, placée sous l'autorité du directeur départemental de la sécurité publique, dans des départements choisis en raison de leur taux de criminalité élevée, en particulier sur le plan des violences urbaines.

Les compagnies de sécurisation se substituent ainsi aux forces mobiles de la police nationale et de la gendarmerie nationale (CRS et gendarmerie mobile) dans leurs missions de sécurité publique (par opposition aux opérations de maintien de l'ordre public pour lesquelles ces forces mobiles ont été créées et qui constituent toujours leur vocation première), pour lesquelles elles ne sont pas réellement adaptées. En effet, les CRS et les gendarmes mobiles ne sont pas projetables à la demande en fonction des besoins des unités territorialisées, étant toujours susceptibles d'être mobilisés pour le maintien de l'ordre lors de manifestations, d'événements festifs ou sportifs, etc. En outre, ils ne sont pas formés à l'intervention de sécurité publique dans des conditions difficiles, sur des terrains qu'ils ne connaissent pas et n'ont pas à connaître du fait de leurs missions propres.

La compagnie de sécurisation est, comme les UTeQ, composée de fonctionnaires de police volontaires et spécialement formés, notamment pour des interventions dans les violences urbaines. Elles sont équipées de lanceur de balles de défense et de Tasers, ainsi que de mini-caméras clipées à l'uniforme des chefs de patrouille, devant permettre de collecter des preuves lors des interventions. Les policiers opèrent aussi bien en civil qu'en uniforme et l'unité dispose de véhicules et de motos. Le personnel en uniforme assure notamment un rôle préventif et dissuasif, tandis que l'action des policiers en civil est davantage orientée sur les interpellations pour vols aÌ la tire, les vols de véhicules et les trafics, qui nécessitent souvent un travail de recherche et de filature.

Le personnel des compagnies de sécurisation bénéficie d'une formation spécifique, visant à permettre l'intégration rapide aÌ un dispositif collectif d'intervention, l'interpellation de l'auteur d'un délit au sein d'un groupe et celle d'individus montés aÌ bord d'un véhicule, ou encore l'intervention en renfort de policiers en difficultéì ou blessés.

La première compagnie de sécurisation, composée de 150 policiers, a été installée à Paris le 8 décembre 2003 par le ministre de l'intérieur, au sein de la direction de la police urbaine de proximité, sous la responsabilité du préfet de police. Outre ses interventions pour améliorer le sentiment de sécurité sur la voie publique, il était indiqué que la compagnie était également susceptible d'intervenir ponctuellement dans le cadre des plans antivols à main armée, ou d'opérations conjointes de contrôles routiers avec les services des douanes au titre de la lutte contre divers trafics. La compagnie de sécurisation de Paris fut employée, souvent aux avant-postes d'une compagnie CRS, par exemple lors des événements de la Gare du Nord en mars 2007, des émeutes de Villiers-le-Bel en septembre 2007 ou pour le dispositif de sécurité du parcours de la flamme olympique en avril 2008.

Une nouvelle compagnie de sécurisation comprenant 113 personnels a ensuite été installée à Bobigny le 30 septembre 2008, dans le cadre du plan de cohésion pour la Seine-Saint-Denis, susceptible d'intervenir également à Rancy, Saint-Ouen, Villetaneuse et Noisy-le-Sec, voir sur un périmètre plus large. Cette compagnie est dotée d'une quarantaine de véhicules et de motos.

Désormais, sept compagnies de sécurisation sont opérationnelles, dans les Bouches-du-Rhône (100 personnels), la Haute-Garonne (100 personnels), l'Essonne (96 personnels), le Bas-Rhin (60 personnels), les Yvelines (67 personnels), le Val d'Oise (50 personnels) et la Seine-Saint-Denis (140 personnels).

Notons qu'en zone gendarmerie, les brigades de proximité sont appuyées par des gendarmes mobiles constitués en détachement de surveillance et d'intervention (DSI).

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