CHAPITRE II - L'AVANCEMENT DES OPÉRATIONS D'ÉQUIPEMENT
I. DISSUASION
Les années 2009 et 2010 marquent une étape très importante dans le renouvellement des deux composantes de nos forces nucléaires, avec l'arrivée du missile ASMP/A dans les forces aériennes stratégiques et celle du missile M 51 dans la force océanique stratégique.
La mise en place, année après année, des financements nécessaires a permis la réalisation de ces programmes dans de bonnes conditions et assuré le respect des échéances qui conditionnent le maintien de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire.
Le projet de budget pour 2010 se situe dans la continuité de cet effort et en conformité avec les objectifs arrêtés par la loi de programmation militaire.
Avant de décrire l'avancement des programmes et leur cadre financier, vos rapporteurs souhaiteraient rappeler la place de la dissuasion dans la stratégie de défense de la France, au moment ou s'engage un débat international sur le désarmement nucléaire.
A. LA DISSUASION DANS LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE LA FRANCE : UN RÔLE CONFIRMÉ
1. Un fondement essentiel de la stratégie de la France dans un cadre de stricte suffisance
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale réaffirme que « la dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de la France » .
Dans un environnement international marqué par la permanence d'arsenaux nucléaires considérables, et l'accroissement de certains autres, mais aussi par la prolifération des armes nucléaires, biologiques, chimiques ainsi que des missiles balistiques et de croisière, la dissuasion vise à garantir « qu'en toutes circonstances, la France, son territoire, son peuple, ses institutions républicaines soient à l'abri d'une agression ou de chantages les mettant directement en péril ».
Dans son discours de Cherbourg du 21 mars 2008, le Président Nicolas Sarkozy a rappelé que notre doctrine, strictement défensive, vise à dissuader toute mise en cause de nos intérêts vitaux par un Etat qui s'exposerait alors à des dommages inacceptables visant en priorité ses centres de pouvoir. Elle intègre également la possibilité d'un avertissement nucléaire destiné à marquer notre détermination et à rétablir la dissuasion, au cas où un adversaire potentiel se méprendrait sur la délimitation de nos intérêts vitaux ou sur notre détermination à les sauvegarder.
Les forces nucléaires françaises sont dimensionnées en accord avec le principe de stricte suffisance. Au cours des vingt dernières années, et au vu des évolutions du contexte stratégique, leur format a été notablement réduit.
Un nouveau pas en matière de désarmement a été fait l'an passé, avec l'annonce de la réduction d'un tiers du nombre d'armes nucléaires, de missiles et d'avions de la composante aéroportée. Une fois cette réduction opérée, notre arsenal comportera moins de 300 têtes nucléaires, soit moitié moins que le nombre maximal de têtes atteint durant la guerre froide.
2. Une position qui n'est pas contradictoire avec le soutien aux efforts de désarmement et de lutte contre la prolifération
Un débat international s'est engagé sur le désarmement nucléaire , dans la perspective de la conférence d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), prévue en mai 2010, et à la suite du discours prononcé à Prague par le Président Obama , qui en avait fait un thème majeur.
Vos rapporteurs considèrent qu'il n'y a pas lieu de créer une opposition artificielle entre la position française, qui soutient les efforts en matière de désarmement tout en pérennisant la fonction de dissuasion, et ce qui est parfois présenté, de manière schématique, comme l'amorce de pas décisifs en direction du désarmement nucléaire.
Tout d'abord, il est essentiel de rappeler l'ensemble des mesures concrètes prises par la France, depuis 15 ans, en direction du désarmement : diminution de moitié de l'arsenal nucléaire, avec l'abandon de la composante sol-sol et la réduction des formats des composantes océaniques et aériennes ; renoncement irréversible aux essais nucléaires par la ratification du traité d'interdiction complète des essais et le démantèlement des installations d'expérimentation ; arrêt de la production de matières fissiles à usage militaire et démantèlement des usines ; politique de transparence sur l'évolution de nos forces nucléaires.
Ainsi, la France soutient clairement les trois piliers du TNP : désarmement, non prolifération et accès aux usages pacifiques de l'énergie nucléaire.
D'autre part, il y a très loin de la vision d'un monde sans armes nucléaires, exprimée par le Président Obama, à sa réalisation pratique . Celui-ci a d'ailleurs, dans son discours, estimé qu'un tel objectif ne pourrait être atteint avant longtemps, et sans doute pas de son vivant. Il a également souligné que tant que les armes nucléaires existeront, les Etats-Unis conserveront un arsenal sûr et efficace pour dissuader tout adversaire, et garantir la défense de leurs alliés.
Nous vivrons encore, durant plusieurs décennies, avec des arsenaux américains et russes considérables. L'apparition de nouveaux Etats nucléaires constitue un risque évident, du fait des difficultés à endiguer la prolifération. L'entrée en vigueur des traités de désarmement que la France soutient est encore hypothétique, que ce soit le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qui reste à ratifier par des Etats majeurs 4 ( * ) , à commencer par les Etats-Unis, ou celui sur l'arrêt de la production de matières fissiles militaires, dont la négociation n'a pas démarrée et promet d'être très difficile.
Vos rapporteurs considèrent que la France doit se montrer ouverte à de futures perspectives de désarmement nucléaire . Force est cependant de constater que celles-ci sont subordonnées à des progrès qui sont aujourd'hui loin d'être acquis . On peut citer notamment la ratification par les Etats-Unis et les autres Etats concernés du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la réduction significative des stocks d'armes nucléaires des deux superpuissances, y compris les armes en réserve, l'arrêt du développement de l'arsenal nucléaire chinois, le règlement des crises nord-coréenne et iranienne et la consolidation du régime de non-prolifération, le règlement des conflits au Moyen-Orient pour en faire une zone exempte d'armes nucléaires, ou encore l'élaboration d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles militaires.
Vos rapporteurs considèrent ainsi qu'à l'horizon prévisible de 15 à 20 ans, qui est celui du Livre blanc, la posture française conserve toute sa pertinence, ce qui n'est en rien antinomique avec les efforts que notre pays entend poursuivre en faveur du désarmement et de la non-prolifération .
* 4 Etats-Unis, Chine, Israël, Inde, Pakistan, Iran, Corée du Nord notamment.