2. Des actions concrètes pour redonner un sens à la communauté francophone
a) Réaffirmer la spécificité du monde francophone
Au nombre des actions susceptibles de renforcer la dimension identitaire de la communauté francophone, figure notamment, parmi les recommandations du rapport de M. Bourges, la création d'un « visa francophone » afin de concilier politique migratoire et francophonie, sous l'égide du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. La politique des visas en France est appelée, en effet, à mieux prendre en compte la spécificité francophone
À cet égard, votre rapporteur pour avis estime qu'une réflexion doit être menée sur l'articulation possible entre la politique migratoire de notre pays et sa politique francophone, en concertation avec l'ensemble de ses partenaires francophones, sur la base notamment des enseignements tirés du modèle que constitue le « visa Commonwealth » dans le monde anglophone. La politique des visas doit notamment prendre en compte la nécessité de faciliter les échanges éducatifs dans l'espace francophone : un visa étudiant accordé c'est une intelligence francophone pour demain.
Afin de renforcer la visibilité de la francophonie, la France s'investit également de façon significative dans la préparation des Jeux de la francophonie à Beyrouth du 27 septembre au 6 octobre 2009. Le budget des Jeux est évalué à 10,3 millions d'euros. La part demandée aux bailleurs s'élève à trois millions d'euros.
La France présente une contribution volontaire de 1,588 millions d'euros pour l'organisation des Jeux (dont 1,5 million d'euros du ministère des affaires étrangères et européennes inscrits sur le PLF 2009, le solde étant assumé par le secrétariat d'État aux sports, à la jeunesse et à la vie associative). Le ministère de la culture et de la communication a signifié qu'il ne participerait pas.
b) La nécessité de dynamiser l'espace public francophone et de conférer aux débats sur la francophonie un caractère plus populaire
L'élaboration d'un plan de relance de TV5 Monde comme média identitaire de la francophonie sous l'impulsion du ministère des affaires étrangères et européennes, de même que l'organisation d' « États généraux francophones » sur les grands problèmes actuels sont également avancées par le rapport susvisé comme des actions concrètes susceptibles de dynamiser un espace public francophone aujourd'hui insuffisamment médiatisé. Ce type d'actions a pour but, en particulier, de dépasser le caractère essentiellement intergouvernemental des institutions francophones et de conférer aux débats sur la francophonie une dimension plus populaire , en impliquant plus fortement les acteurs de la société civile, notamment les associations, les entreprises, les universitaires, etc.
Au travers de l'audition de M. Dominique Wolton, votre rapporteur pour avis a eu l'occasion de s'interroger sur l'articulation possible entre l'outre-mer français et la politique francophone de notre pays. Les départements et régions d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie constituent des atouts majeurs pour notre politique publique francophone, comme M. Wolton le souligne dans son ouvrage Demain la francophonie .
En effet, nos territoires ultra-marins entretiennent des liens très étroits, tant sur le plan culturel, politique que économique, avec les pays qui les entourent, qui s'inscrivent bien souvent dans une zone de solidarité prioritaire. Votre rapporteur pour avis a pu, lui-même, observé, lors de l'inauguration de la Maison Victor Hugo à la Havane, la qualité du lien qu'entretenaient les universitaires martiniquais, guadeloupéens et guyanais avec leurs homologues cubains. Nos outre-mer sont insuffisamment associés à notre politique francophone, votre rapporteur pour avis le regrette très profondément. Une réflexion sur le levier que constitue la coopération décentralisée par nos collectivités territoriales d'outre-mer mérite d'être menée quant à la conduite d'actions de promotion de l'enseignement du/en français avec leurs voisins. Nos collectivités ultra-marines ont vocation à s'imposer comme de véritables fenêtres de notre politique francophone.
C'est pourquoi, dans la logique des États généraux de la francophonie suggérés précédemment, votre rapporteur pour avis estime que le Sénat a un rôle à jouer dans la médiatisation des enjeux francophones. Aussi propose-t-il à la commission des affaires culturelles de recommander l'organisation au Sénat d'une série de rencontres qui réuniraient les parlementaires de l'outre-mer, les parlementaires représentant les Français établis hors de France, les parlementaires manifestant un engagement tout particulier en faveur de la francophonie (et au premier chef, nos représentants à l'Assemblée parlementaire de la francophonie), les élus à l'Assemblée des Français de l'étranger ainsi que des représentants de la société civile afin de s'entretenir sur les actions envisageables pour encourager la coopération en matière de francophonie entre les outre-mer français et leurs voisins. Ces réunions n'exigent pas la mise en place d'une structure permanente : au contraire, elles prendraient la forme de tables rondes ponctuelles ou de forums informels, organisées une voire deux fois par an. Votre rapporteur pour avis y voit là une opportunité intéressante d'établir une connivence entre les parlementaires de l'outre-mer et les représentants des Français de l'étranger autour d'une cause commune, la francophonie.
À l'heure où le système financier international d'inspiration anglo-américaine fait l'objet de sérieuses remises en cause, l'espace public francophone est appelé à se saisir de questions politiques et économiques de la plus haute importance, telles que la crise financière, la crise énergétique ou encore la crise alimentaire. Votre rapporteur pour avis est convaincu de la nécessité pour la communauté francophone de saisir l'opportunité qui se présente à lui de promouvoir le multilatéralisme dans la résolution des crises internationales. C'est dans cette logique que s'est inscrit le XII e sommet de la Francophonie à Québec qui a été l'occasion, non seulement de réunir le premier forum Nord-Sud sur la crise financière , mais aussi d'appeler à une « position francophone concertée » aux deux prochaines conférences sur le climat , à Poznan (Pologne) en décembre 2008 et à Copenhague en 2009.
Votre rapporteur pour avis en est persuadé, la francophonie a des valeurs économiques propres à faire valoir : une économie mondialisée qui fait du développement solidaire et durable sa priorité, un rééquilibrage de la finance internationale entre le Nord et le Sud, une régulation raisonnable du système financier international par des institutions multilatérales, le respect de la diversité culturelle dans les échanges commerciaux, etc.
À ce titre, votre rapporteur pour avis souhaiterait souligner que « jouer » la diversité culturelle en économie est un investissement : la France a une lourde responsabilité dans la mise en oeuvre effective de la Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, notamment sa prise en compte dans les réglementations établies par l'Organisation mondiale du commerce. La crédibilité de la France sur ce sujet est un enjeu précisément à l'heure où le système financier international est profondément remis en cause.