C. LE RENFORCEMENT DES PROCÉDURES PERMETTANT LE RECOUVREMENT DES INDUS DE PRESTATIONS SOCIALES (ARTICLE 78)
L'article 78 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit d'améliorer le recouvrement des indus :
- en étendant aux organismes du régime général le pouvoir de contrainte dont disposent déjà les caisses de mutualité sociale agricole ;
- en permettant de recouvrer des indus d'une prestation familiale sur d'autres prestations et réciproquement.
Votre commission des finances est très sensible à cette question des indus. Elle a notamment mené une analyse précise de ces sujets lors de l'examen de la proposition de loi de notre collègue Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion 67 ( * ) et, plus récemment, de l'examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion 68 ( * ) .
1. Le renforcement des pouvoirs de contrainte
Le 1° du I de l'article 78 prévoit tout d'abord de confier des pouvoirs supplémentaires au directeur d'un organisme de sécurité sociale en vue de recouvrer une prestation indûment versée. Celui-ci pourra désormais, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire .
Cette disposition est rendue possible, « sans préjudice des articles L. 133-4 du présent code et L. 725-3-1 du code rural », qui traitent notamment des moyens de contrôle à disposition des organismes de sécurité sociale pour apprécier le droit aux prestations.
Un tel pouvoir de contrainte existe déjà dans certains cas : les organismes de sécurité sociale peuvent ainsi délivrer des contraintes pour recouvrer :
- les cotisations de sécurité de sociale impayées, en application de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale ;
- les sommes indûment perçues par les professionnels de santé et les établissements de santé qui ne respectent pas les règles de tarification ou de facturation, en application de l'article L. 133-4 du même code ;
- les pénalités financières sanctionnant l'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations ou l'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le versement des prestations, en application des articles L. 114-17 et L. 162-1-14 du même code.
Les caisses de mutualité sociale disposent également de cette faculté.
Les autres organismes n'ont pas cette possibilité : en cas de non paiement des sommes dues, ils sont obligés de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir un titre exécutoire et exercer le recouvrement selon les voies de droit commun. L'exposé des motifs du présent projet de loi observe que ceci « induit des frais de gestion, un allongement des délais de recouvrement et un encombrement des tribunaux ». Notre collègue Auguste Cazalet avait également pu constater la difficulté rencontrée par les différents organismes concernés pour recouvrer les indus de RMI.
Tous les organismes pourront désormais recourir à cette procédure, exorbitante du droit commun, lorsqu'il s'agira de recouvrer des indus de prestations. Elle sera tout particulièrement utile aux caisses d'allocations familiales, qui exercent chaque année, après échec de la procédure de recouvrement amiable, près de 27.000 recours en répétition d'indus.
Votre rapporteur pour avis est donc favorable à cette disposition.
2. Une fongibilité des prestations pour favoriser la récupération des indus
a) Un principe simple, élargi à l'AAH et au RSA
D'autre part, l'article 78 du présent projet de loi instaure une forme de « fongibilité » des prestations en cas de récupération d'indus.
Actuellement, un indu de prestations sociales ne peut être récupéré par les organismes débiteurs que sur les prestations du même fonds : les indus de prestations familiales sont ainsi recouvrées sur les seules prestations familiales, en application de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale 69 ( * ) , les indus d'allocation de logement sociale sur cette seule allocation, en application de l'article L. 835-3 70 ( * ) et les indus d'aide personnalisée au logement sur la seule aide personnalisée au logement, en application de l'article L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation.
L'article 78, qui donne suite à une recommandation de la RGPP, selon l'exposé des motifs, a pour objectif de faciliter le recouvrement des indus, en permettant aux organismes débiteurs des prestations familiales de recouvrer l'indu d'une allocation sur les autres aides versées à l'allocataire .
Cette mesure vise ainsi à « mettre fin à une incohérence du dispositif actuel où des allocations continuent d'être versées alors que des sommes sont réclamées simultanément au même bénéficiaire mais au titre d'autres prestations ».
Initialement, ce dispositif ne s'appliquait qu'aux trois prestations mentionnées précédemment : prestations familiales, allocation de logement sociale et aide personnalisée au logement.
La formule utilisée est à chaque fois la même : par exemple, tout paiement indu de prestations familiales est récupéré, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution. A défaut l'organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues soit au titre de l'allocation de logement sociale, soit au titre de l'APL.
En outre, une harmonisation des rédactions est recherchée, notamment afin de prévoir systématiquement la possibilité de réduction ou de remise de la créance de l'organisme en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
Comme le précisait l'exposé des motifs du présent projet de loi de financement, « cette compensation inter-fonds est limitée dans un premier temps au fonds national des prestations familiales (FNPF) et au fonds national d'aide au logement (FNAL) et ne concerne donc que les seuls recouvrements des prestations familiales et des aides personnelles au logement. Elle a vocation à être étendue à terme au revenu de solidarité active, dès que les modalités techniques auront été fixées en lien avec les départements ».
L'Assemblée nationale a souhaité accélérer cette démarche et a prévu, à l'initiative de notre collègue députée Mme Boyer, et sous le bénéfice de cinq sous-amendements présentés par la commission des affaires culturelles, inclure dans le champ de cette « fongibilité » l'allocation aux adultes handicapés et le revenu de solidarité active .
A défaut de pouvoir être récupéré sur la prestation initiale, un indu de prestations familiales pourra ainsi être récupéré sur l'allocation aux adultes handicapés ainsi que sur le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome (dans la limite de la retenue mensuelle calculée selon le barème de recouvrement personnalisé, qui tient compte de la capacité contributive de l'allocataire) ou sur le revenu de solidarité, et vice versa.
Compte tenu des travaux techniques préalables, la date d'effet des dispositions relatives l'élargissement de ce mécanisme au RSA est fixée au 1 er janvier 2010 .
b) Une mise en oeuvre qui pourrait s'avérer complexe et doit faire l'objet d'un réel suivi comptable
Le principe de ce dispositif est simple et obtient l'approbation de votre rapporteur pour avis , dans la mesure où il permet d'optimiser la gestion de l'argent public et de recouvrer, sur des prestations financées par des fonds publics, des sommes ayant été indûment versées grâce à des fonds publics.
Sa mise en oeuvre est en revanche plus complexe et doit faire l'objet d'une attention toute particulière.
D'une part, le texte proposé, notamment pour le RSA, s'avère en apparence moins protecteur que celui du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, qui fixait une limite mensuelle aux retenues possibles. Dans le texte adopté par l'Assemblée, une harmonisation des différentes règles est recherchée - ce qui est effectivement souhaitable - et c'est le dispositif prévu pour l'allocation de logement sociale qui s'appliquera : dans des conditions définies par décret, les retenues sont déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales, à l'exception de celles précisées par décret. Il conviendra donc d'obtenir du gouvernement des précisions sur ses intentions, afin de ne pas placer certaines personnes dans des situations socialement intenables.
D'autre part, une telle mesure nécessitera un suivi comptable très précis, car les prestations faisant l'objet de cette « fongibilité » en cas d'indus ne sont pas financées par les mêmes personnes morales : les prestations familiales dépendent des caisses d'allocations familiales, l'AAH est financé par l'Etat, tandis que le RSA relèvera des départements pour le RSA de base et du fonds national des solidarités actives (FNSA) pour le RSA chapeau.
Or, votre rapporteur pour avis observe qu'aucune précision n'est apportée sur ce point dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
* 67 Se reporter aux rapports de notre collègue Auguste Cazalet.
* 68 Se reporter au rapport pour avis de notre collègue Eric Doligé.
* 69 Tout paiement indu de prestations familiales peut, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, être récupéré par retenues sur les prestations à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution.
Dans des conditions définies par décret, ces retenues sont déterminées en fonction de la composition de la famille, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales, à l'exception de celles précisées par décret. Les mêmes règles sont applicables en cas de non-remboursement d'un prêt subventionné ou consenti à quelque titre que ce soit par un organisme de prestations familiales, la caisse nationale des allocations familiales ou les caisses centrales de mutualité sociale agricole. La créance de l'organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
* 70 Tout paiement indu d'allocation de logement sociale peut, sous réserve que l'allocataire n'en conteste pas le caractère indu, être récupéré par retenues sur l'allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l'allocataire opte pour cette solution.
Dans des conditions définies par décret, ces retenues sont déterminées en fonction de la composition du ménage, de ses ressources, des charges de logement, des prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales, à l'exception de celles précisées par décret.