III. LES CHANTIERS DE LA SÉCURITÉ CIVILE
1. Une nouvelle réflexion sur le secours à personne
Le secours à personne constitue aujourd'hui la première mission des sapeurs-pompiers (62% des missions des SDIS et 66% pour la BSPP), dont l'intervention doit toutefois être coordonnée avec celle du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) et des ambulanciers privés. En pratique, cette collaboration est à la fois organisée par la régulation médicale, exercée par les centres « 15 » des SAMU, mais aussi par des arrangements locaux en fonction des moyens disponibles.
Lors de son 114ème congrès, le 29 septembre, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France a rendu public son manifeste pour « sauver le secours à personne », qui établit un constat sévère sur la situation actuelle .
Selon elle, la situation du secours à personne en France se dégrade en raison, d'une part, de deux évolutions simultanées, divergentes et inéluctables (croissance de la demande de soins d'une population vieillissante d'un côté et effondrement de la démographie médicale dans bon nombre de territoires de l'autre) et, d'autre part, en raison de l'organisation même du secours à personne . Selon la Fédération, le fonctionnement du dispositif lui-même est entravé par « une régulation médicale par le centre 15 devenue toute puissante », un service de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers (SSSM) sous-exploité, un empiètement des acteurs privés sur les missions d'urgence et un manque de coordination entre les ministères de la santé et de l'intérieur.
Dans ses 24 propositions, elle appelle donc en particulier à : sensibiliser le grand public aux secours et donner à tous les jeunes une formation à la sécurité civile (cet objectif, qui est également une priorité de votre rapporteur pour avis, doit être mis en oeuvre de manière plus efficace (voir le B)) ; promouvoir le déploiement sur tout le territoire des défibrillateurs automatiques externes ; « donner une réponse-réflexe à l'appel d'urgence : les appels de secours ne doivent plus être régulés a priori. La prise de décision doit se faire sur la base d'un questionnaire-type, permettant de déterminer le niveau d'urgence. » ; centraliser à terme l'ensemble des appels de secours sur le 112 à l'échelon départemental et déclencher automatiquement les secours les plus proches ; permettre à tous les centres d'apporter une réponse s'intégrant dans une logique de réponse graduée des secours et renforcer le maillage territorial des SSSM ; rendre automatique l'envoi de renforts lorsqu'ils sont demandés par le commandant des opérations de secours , faire effectuer les transports qui ne relèvent pas de l'urgence par l'hôpital et reconnaître que les sapeurs-pompiers sont désormais chargés de certaines prestations de services ne relevant pas des secours (carences, transports sanitaires) ; faire évoluer le financement du secours à personne ( « le budget des SDIS ne doit supporter que les opérations de secours. L'assurance maladie doit prendre en charge les autres missions demandées aux sapeurs-pompiers en carence des autres acteurs . »).
Sur ce point, il faut rappeler que les carences ambulancières sont remboursées aux SDIS, conformément à l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales :
« Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence.
« Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale . »
Comme l'a exprimé en commission notre collègue Jean-Claude Peyronnet, ce remboursement n'est cependant pas toujours suffisant (en Haute-Vienne, une intervention d'un coût de 500 euros est remboursée 150 euros au SDIS alors que 200 euros serait une participation plus équitable).
Partageant le constat de ce document sur les difficultés actuelles de l'organisation du secours à personne, votre rapporteur pour avis tient à préciser :
- que certains problèmes précités résultent parfois d'une collaboration insuffisante entre SAMU, SDIS et ambulanciers . Lors de son audition devant votre commission des Lois, Mme Michèle Alliot-Marie a déploré que dans certains territoires, chaque service compétent pour recevoir un appel d'urgence tente d'abord d'y répondre seul avant de demander, par défaut, à l'autre d'intervenir, ce qui, en pratique, retarde les délais d'intervention et provoque l'incompréhension des victimes. A l'inverse, elle a salué la collaboration efficace existant entre la BSPP et le SAMU de Paris, expliquant qu'au centre de traitement des appels de la caserne Champerret, elle avait constaté qu'un médecin et un sapeur-pompier se coordonnaient en direct pour envoyer les moyens disponibles les mieux adaptés .
Par ailleurs, la régulation médicale, probablement imparfaite, a néanmoins permis d'améliorer de 30% le taux de survie des victimes et de diminuer les besoins de réanimation.
Mais, comme le préconise le manifeste, les schémas régionaux d'organisation sanitaire (ou SROS) et les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (ou SDACR), élaborés par chaque SDIS et validés par le préfet, doivent être établis selon des logiques complémentaires.
Au plan national, il est indispensable que les administrations centrales des ministères de l'intérieur et de la santé, qui ont mis en place un dialogue depuis la canicule de 2003, aient des échanges permanents ;
- simultanément, comme l'a rappelé notre collègue Jean-Claude Peyronnet lors de la réunion de commission du 20 novembre, dans certains territoires, il devient de plus en plus difficile pour la population de trouver un médecin de garde . Les personnes malades reportent donc leurs appels sur les centres 15, victimes de leur succès, et sollicitent les moyens des services d'incendie et de secours.
Comme l'a mentionné le rapporteur pour avis de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, les dysfonctionnements de l'organisation de la permanence des soins ont déjà fait l'objet de plusieurs rapports récents. Ainsi, un rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l'administration (IGA) établi en mars 2006 relevait une « tendance générale au désengagement de la médecine libérale en seconde partie de nuit » et une « absence de couverture intégrale des autres plages horaires de la permanence de soins ».
De même, en août dernier, le docteur Jean-Yves Grall 13 ( * ) constatait que « trouver un médecin devient un sujet d'inquiétude et les difficultés d'accès [...] suscitent l'incompréhension de la population et de ses élus . » La carence de la permanence des soins « induit une orientation ou un recours spontané vers les structures d'urgence, dont on observe l'accroissement continu de l'activité dans les services d'urgence ou au niveau des SMUR. Une augmentation de l'activité des SDIS depuis 2003 est également relevée . ».
En réponse à ces inquiétudes, le 29 septembre, le Président de la République a lancé une réflexion globale sur l'amélioration de l'organisation du secours à personne en précisant qu'elle serait fondée sur les principes suivants : la valorisation de notre potentiel et l'optimisation des compétences et une répartition plus claire de ces compétences et des responsabilités dans le respect de chacun. Pour ce faire, « notre organisation devrait reposer sur une réponse graduée des secours et la reconnaissance d'une responsabilité d'orientation de l'intervenant de premier niveau . (...) Le partage des responsabilités doit être formalisé dans un référentiel de régulation des interventions SDIS SAMU, établissant une typologie des pathologies et des circonstances aggravantes, en vue de préciser les cas dans lesquels le premier niveau détient une capacité de décision propre . » ; la maîtrise des coûts ; l'adaptation au terrain.
Selon Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, cette réflexion a débuté entre les deux ministères compétents et associera les élus locaux .
En complément, une concertation avec les médecins a été initiée pour remédier aux difficultés de la permanence des soins. Comme le soulignait le Président de la République dans son discours précité, « c'est un sujet de société majeur. Et, dans ce domaine, je souhaite en appeler à la responsabilité individuelle de manière plus forte. Les libertés d'installation, de choix par les patients de leur médecin, auxquelles nous sommes tous profondément attachés, vont de pair avec une responsabilisation de tous les acteurs. Il n'est pas normal que la répartition des médecins sur le territoire soit aussi inégale, il n'est pas acceptable, et je pèse mes mots, que la permanence des soins ne soit pas assurée . »
* 13 Rapport de la mission de médiation et propositions d'adaptation de la permanence des soins, ministère de la santé, de la jeunesse et des sports.