III. QUELLES PERSPECTIVES POUR NOTRE POLITIQUE D'ÉQUIPEMENT MILITAIRE AU-DELÀ DE 2008 ?

A. L'AUGMENTATION PRÉVISIBLE DES BESOINS FINANCIERS

La poursuite de notre politique d'équipement est d'ores et déjà conditionnée par le volume des commandes passées au cours des dernières années. Elles correspondent pour l'essentiel à des équipements nouveaux dont le calendrier a déjà connu certains glissements et dont l'entrée en service est attendue en vue de remplacer des équipements vieillissants et coûteux en entretien.

Le projet annuel de performances précise que pour le seul programme « équipement des forces » , qui couvre la majorité des opérations relevant du périmètre de la loi de programmation militaire, le « reste à payer » à partir de 2009, correspondant juridiquement à des engagements susceptibles d'avoir été passés jusqu'en fin d'année 2008, s'établirait à 35,5 milliards d'euros .

Huit programmes représentent à eux seuls 63 % du reste à payer . Ce sont les programmes A400M (4,96 milliards d'euros), Rafale (3,96 milliards d'euros), frégates multi-missions FREMM (3,82 milliards d'euros), porte-avions n°2 (2,98 milliards d'euros), sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda (2,54 milliard d'euros), missile balistique M51 (1,54 milliard d'euros), hélicoptères NH90 (1,34 milliard d'euros) et hélicoptères Tigre (1,27 milliard d'euros).

Les crédits de paiement conditionnés par les engagements juridiques passés et ceux prévus pour 2008 se monteraient à 10,2 milliard d'euros en 2009, soit pratiquement l'équivalent des crédits de paiement du programme en 2008. A ces besoins inéluctables s'ajouteraient ceux résultant des engagements passés en 2009.

Pour 2010, les crédits de paiement nécessaires sont d'ores et déjà évalués à 8,1 milliards d'euros, auxquels s'additionneraient les besoins liés aux engagements de 2009 et 2010.

Ces montants n'incluent pas les crédits de paiement qui seraient induits par des commandes passées à compter de 2009. Or de nouvelles et importantes commandes étaient envisagées au cours de la prochaine loi de programmation , que ce soit pour poursuivre des programmes en cours (commande d'une tranche supplémentaire de 60 Rafale, des deuxième puis troisième sous-marin Barracuda, des 9 autres frégates multi-missions, d'une 3 ème lot de missiles M 51, de 34 hélicoptères NH90, de missiles de croisière navals, d'hélicoptères Tigre, d'armements air-sol modulaires) ou pour en lancer de nouveaux (avions ravitailleurs multi-rôles MRTT, missile d'interception Meteor, drones Male).

Le ministre de la défense a précisé que les besoins en crédits d'équipement nécessaires sur les années 2009 à 2013 seraient en moyenne supérieurs de 40 % aux crédits ouverts sur la période 2003-2007 .

Cet ordre grandeur cumule les besoins de paiements liés aux commandes passées et ceux qui résulteraient de commandes à venir, si elles étaient passées dans les conditions de calendrier, de quantité et de coûts initialement envisagées au vu des contrats opérationnels.

L' annuité moyenne théorique sur le périmètre de la loi de programmation pourrait atteindre 21,9 milliards d'euros sur la période 2009-2013 , contre 15,4 milliards d'euros en moyenne sur la période 2003-2007.

Une forte augmentation des besoins devrait se manifester dès 2009 (19,1 milliards d'euros) , puis à nouveau en 2010 (21,4 milliards d'euros), avec une progression plus modérée en 2011 (22,2 milliards d'euros) et en 2012 (23 milliards d'euros).

Cette situation a d'ores et déjà conduit à ralentir, sur 2007, les passations de commandes , afin de modérer les besoins de paiement sur les années à venir. Le niveau réel des engagements qui sera réalisé sur 2007 n'est pas encore connu, la mise en réserve de certaines autorisations d'engagement n'ayant toujours pas été levée.

Quant aux dotations prévues pour 2008 , qui s'élèvent à 9,9 milliards d'euros pour le programme « équipement des forces », elles incluent un montant conditionnel de 3 milliards d'euros au titre du second porte-avions . D'autres opérations de moindre ampleur, pour lesquelles des autorisations d'engagement sont prévues dans le projet de loi de finances, pourraient également être suspendues aux conclusions de la revue de programmes en cours et aux arbitrages sur la future loi de programmation.

Le volume d'autorisations d'engagement disponibles en 2008 dépendra de celui des autorisations d'engagement non consommées sur 2007 qui pourront être reportées sur l'exercice suivant. La réalisation effective des engagements sera directement conditionnée par le niveau de ressources fixé pour la prochaine loi de programmation .

Si les crédits d'équipement devaient rester à leur niveau actuel au-delà de 2009, il est clair que le plan d'engagement de 2008 devrait se situer en dessous du niveau des dotations d'autorisation d'engagement inscrit dans le projet de loi de finances, du fait de la rigidité des besoins de paiement liés aux engagements antérieurs . De ce point de vue, et comme l'avait souligné le président Serge Vinçon dans son rapport d'information sur les équipements militaires en juillet dernier, le lancement de la commande du second porte-avions mérite d'être strictement lié à une augmentation à due concurrence des crédits de paiement à partir de 2009 . Si tel n'était pas le cas, les besoins de paiement générés par cette commande, à savoir une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions d'euros sur la prochaine loi de programmation militaire, devraient être couverts au détriment d'autres programmes essentiels.

B. LA NÉCESSITÉ DE DÉGAGER DE NOUVELLES MARGES DE MANoeUVRES EN RATIONALISANT L'OUTIL DE DÉFENSE

La « bosse » financière constituée par les besoins de paiement des programmes d'équipement impose la recherche de marges de manoeuvre au sein de la mission « défense ».

L'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale doit permettre de disposer d'un cadre de référence rénové, définissant nos ambitions et nos priorités, de manière à guider les choix qui devront être effectués.

La revue des programmes d'armement en cours, de même que la révision générale des politiques publiques engagée pour l'ensemble des ministères, contribueront à réaliser ces arbitrages.

Il n'appartient pas à vos rapporteurs, dans le cadre de ce rapport consacré à l'équipement des forces, de se prononcer sur la réorganisation des fonctions de soutien qui, prises au sens large, mobilisent environ le tiers des moyens en personnels du ministère de la défense.

Ils se permettent seulement de signaler l'enjeu lié à l'arrivée dans les forces d'ici quelques années d' équipements réalisés en coopération européenne , tels que l'avion de transport A400M ou l'hélicoptère NH90. Il serait regrettable que des économies d'échelle ne soient pas obtenues sur l'entretien de ces matériels, sur la formation des personnels appelés à les utiliser, voire sur leur emploi opérationnel. La création d'un commandement européen du transport aérien avec l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas mérite de ce point de vue d'être saluée.

Enfin, il faut aussi souligner les bénéfices susceptibles d'être retirés d'une approche interarmées renforcée . La rationalisation interarmées de la défense sol-air engagée cette année, avec le transfert à l'armée de l'air des systèmes de défense sol-air à courte et moyenne portée, en est une bonne illustration. Le projet d'un commandement intégré des hélicoptères , supervisant les appareils de l'armée de terre et de l'armée de l'air, va dans le même sens. Interrogé au cours de son audition devant notre commission, le chef d'état-major des armées a précisé que l'objectif était de mettre en place une gestion globale du parc d'hélicoptères à tous les stades, qu'il s'agisse de l'achat, de l'entretien ou de l'emploi. Il a ajouté que les avions de combat, dont la part commune entre l'armée de l'air et la marine va devenir croissante avec le renforcement du parc Rafale, pourraient également bénéficier d'une gestion plus globale.

C. UN EFFORT DE DÉFENSE QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉ

Le redressement de l'effort financier de défense engagé à partir de 2002, après le brusque décrochage intervenu en 1997, ne doit pas masquer le poids des retards accumulés, qui n'a pu être rattrapé.

Ainsi, par rapport au PIB, et selon les normes de l'OTAN utilisées pour les comparaisons internationales 1 ( * ) , l'effort de défense a reculé, passant de 2 % en 1996 à 1,65 % aujourd'hui , malgré les moyens financiers supplémentaires dégagés depuis 2002.

Rappelons que le Président de la République , notamment dans sa lettre de mission à la commission du Livre blanc, a manifesté sa volonté de maintenir et « conforter un effort de défense d'environ 2 % du PIB », sans que soit cependant précisé le périmètre retenu.

Si le niveau de l'effort de défense était resté constant par rapport au PIB depuis 1996, il serait aujourd'hui supérieur de plus de 6 milliards d'euros à son niveau actuel. Pour donner un autre élément d'appréciation, l'effort de défense britannique, auquel il est souvent fait référence, est globalement supérieur de 9 milliards d'euros par an à celui de la France. Le nouveau premier ministre, M. Gordon Brown, a par ailleurs annoncé au mois de juillet une progression du budget de défense de 1,5 % par an dans les trois prochaines années.

Dans son rapport d'information de juillet dernier, le président Serge Vinçon avait souligné, au nom de la commission, que sur le moyen terme, notre politique d'équipement ne pouvait se résigner au maintien pur et simple du budget de défense à son niveau actuel , tout en devant rester réaliste sur le rythme et le niveau d'une possible remontée.

Vos rapporteurs souscrivent à cette analyse. La hiérarchisation des priorités et les arbitrages nécessaires ne leur paraissent pas exclusifs de la poursuite, sur le moyen terme et en tenant compte de la situation des finances publiques, du redressement du budget de défense engagé ces dernières années, qui leur semble toujours indispensable au vu des défis de sécurité auxquels font face la France et l'Europe.

* 1 Hors pensions, hors forces de police à statut militaire, la gendarmerie étant cependant pris en compte pour 5 % au titre de son activité militaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page