3. Changer de nom pour changer d'image
a) En finir avec la contradiction apparente d'un enseignement à vocation professionnelle : les lycées des arts et métiers
Au demeurant, l'appellation de « lycée professionnel » jouit d'une image contrastée dans l'opinion, qui l'associe spontanément aux anciens « lycées d'enseignement professionnel », dont la réputation était singulièrement dégradée.
Votre rapporteure considère qu'il serait opportun de renommer les lycées professionnels, afin de marquer une rupture nette avec l'idée selon laquelle ces établissements seraient une forme d'antichambre du monde du travail et de préparation à des métiers peu qualifiés.
De fait, l'opinion reste encore peu sensible à la complexité des savoirs délivrés dans les filières professionnelles et ne perçoit pas la dimension de haute technicité qui y est souvent associée . Le sentiment trop souvent prédominant est en effet que l'idée même d'enseignement est incompatible avec celle de professionnalisation.
Votre rapporteure propose donc de rebaptiser les lycées professionnels « lycées des arts et métiers » , afin de mettre en avant le caractère qualifiant et valorisant des formations qui y sont délivrées. De plus, cette nouvelle appellation fait écho à celle du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), qui bénéficie pour sa part d'une excellente image.
Le terme d' arts retrouverait ainsi sa signification classique de discipline requérant technique et habileté , au sens où la classification scholastique des disciplines opposait les « arts mécaniques » aux « arts libéraux ».
Cette nouvelle appellation offrirait donc un signe particulièrement net de la revalorisation engagée.
Quant au label « lycée des métiers » , il pourrait être recentré sur son coeur originel : la certification d'une offre de formation globale dans une spécialité particulière. Les lycées en bénéficiant seraient alors renommés « lycées des arts et métiers » de telle ou telle spécialité. A cette condition, le label, légèrement amendé, pourrait retrouver une lisibilité qu'il ne possède en aucun cas à l'heure actuelle.
b) Prévoir plus d'enseignements généraux pour permettre des évolutions de carrières futures
L'image désuète de l'enseignement professionnel se nourrit également de celle qui est couramment attribuée aux métiers auxquels il prépare. Celle-ci est pourtant profondément erronée. En effet, les métiers ont profondément évolué en l'espace de quelques dizaines d'années et exigent des qualifications toujours plus élevées .
L'ÉVOLUTION DES MÉTIERS : L'EXEMPLE DU TOURNEUR-FRAISEUR Jusqu'il y a peu encore, la profession de tourneur-fraiseur demandait avant tout une extrême précision dans les réglages et dans les gestes afin d'usiner les pièces à produire en respectant les spécifications prévues. Ces opérations se réalisaient jusqu'ici dans des conditions qui exigeaient une grande résistance physique. Désormais, les opérations sont très largement automatisées et le tourneur-fraiseur ne les réalise plus directement. Mais il doit gérer l'ensemble de la procédure au moyen de commandes numériques dont l'usage est d'une grande technicité : leur utilisation fait ainsi appel à des capacités de représentation dans l'espace et à l'utilisation des outils informatiques. Le niveau de qualification requis par le métier a donc encore augmenté et suppose une formation renforcée. |
Les lycées professionnels se sont adaptés à cette situation, en renouvelant massivement leurs équipements afin de les moderniser . Tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteure lui ont confirmé cette évolution et ont tenu à souligner l'extrême qualité des machines qui permettent aux élèves de s'exercer.
Ils ont également insisté sur les compétences nouvelles qui sont attendues des lycéens, notamment en termes de maîtrise des outils informatiques dans le secteur de la production.
L'idée que l'enseignement professionnel mène à des métiers manuels dont les exigences sont avant tout physiques est donc plus que jamais fausse. Votre rapporteure souhaite que tous les acteurs du monde éducatif en prennent conscience, afin de ne plus construire les choix d'orientation des élèves sur des schémas de pensée désuets, si tant est qu'ils aient jamais été pertinents.
Par ailleurs, votre rapporteure juge nécessaire de renforcer la part des enseignements généraux dans les filières professionnelles, afin de garantir aux jeunes qui les fréquentent la possibilité d'acquérir la culture et l'ouverture d'esprit nécessaires pour anticiper les évolutions prévisibles des métiers et y répondre .
Dans un temps où les progrès techniques sont toujours plus nombreux et où l'élévation des qualifications requises est continue, il apparaît en effet essentiel de ne pas privilégier une vision étroite de l'enseignement professionnel, qui préparerait seulement à exercer sur tel ou tel poste de travail, mais de donner aux jeunes la capacité d'évoluer en même temps que leurs métiers .
Ce renforcement des enseignements généraux est d'autant plus nécessaire qu'il est la condition pour ouvrir aux bacheliers professionnels la possibilité de poursuivre leurs études ou de reprendre après plusieurs années de vie professionnelle. De ce point de vue, si l'enseignement professionnel a pour but une insertion rapide sur le marché du travail, il ne s'y limite pas et doit permettre plus encore qu'aujourd'hui d'accéder à l'enseignement supérieur.
Aux yeux de votre rapporteure, il convient donc de prendre garde à ne voir dans l'enseignement professionnel qu'une voie tournée quasi exclusivement vers le monde du travail et l'expérience concrète . Car c'est précisément lorsqu'elle nourrit la motivation des jeunes en leur apprenant un métier qu'ils aiment qu'elle peut dans de bonnes conditions leur proposer aussi des cours plus généraux. Ici encore, l'on ne doit pas se situer dans une logique d'exclusion, mais de complémentarité .