b) La sous-dotation récurrente de l'aide médicale d'Etat
L'aide médicale d'Etat (AME) est accordée sous condition de ressources, pour une durée d'un an renouvelable, aux personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois qui ne peuvent pas bénéficier de la CMU.
Une série de mesures a permis la mise en place de conditions plus restrictives, qui devait permettre de limiter l'évolution du nombre de bénéficiaires :
en 2003 , la loi de finances rectificative a conditionné le versement de l'AME à une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois, supprimé la possibilité d'admission immédiate et permis une prise en charge forfaitaire par l'Etat des soins urgents pour les étrangers en situation irrégulière, non éligibles à l'AME 7 ( * ) . En limitant le « tourisme médical », ces premières mesures ont entraîné une diminution significative du nombre de prestataires : 147.297 bénéficiaires en 2004 contre 170.318 en 2003 ;
en 2005 , deux décrets 8 ( * ) ont fixé des modalités de calcul et d'accession plus restrictives à l'AME, en précisant :
- la nature des ressources prises en compte et la période sur laquelle porte leur évaluation ;
- les conditions d'agrément des associations ou organismes qui assurent la domiciliation postale des bénéficiaires et les assistent dans leurs démarches ;
- la création et les modalités de remise d'un titre standardisé d'admission à l'AME ;
- les pièces justificatives à fournir pour vérifier le respect des conditions nécessaires pour accéder à l'AME ;
- la nature du suivi des dépenses liées à l'AME.
La révision des modalités de calcul et de versement de cette aide devait permettre, dès 2005, d'enrayer la dérive des dépenses constatée chaque année en exécution.
Or, le 7 juin 2006, un arrêté du Conseil d'Etat a annulé les deux décrets du 29 juillet 2005 . En conséquence, si le nombre de bénéficiaires a diminué entre 2003 et 2004, il a en revanche augmenté de façon significative en 2005, pour atteindre 178.689 prestataires. Il en résulte une dépense de 368 millions d'euros, nettement supérieure aux 233 millions d'euros de crédits prévus en loi de finances initiale, soit un dépassement de crédits de 135 millions d'euros.
Pour 2006 , on peut estimer que les crédits sont d'ores et déjà insuffisants, puisque les dépenses d'AME représentent 334 millions d'euros pour les trois premiers trimestres de 2006. Ainsi, en glissement annuel, pour 2006 , on peut évaluer à environ 445 millions d'euros le coût réel de l'AME, soit un dépassement de crédits qui atteint 210 millions d'euros .
Cette situation alarmante a conduit le Gouvernement à confier à l'inspection générale des finances (IGF) un « audit de modernisation relatif aux conditions de gestion de l'AME et à l'impact des réformes intervenues depuis 2003 », qui a été lancé au cours du second semestre de 2006.
Pourtant, le projet de loi de finances pour 2007 reconduit les crédits de l'AME au même niveau que les années précédentes, soit 233 millions d'euros. Ils incluent, comme en 2006, 20 millions d'euros pour financer la prise en charge des soins urgents pour les étrangers non bénéficiaires de cette aide.
Votre commission déplore la sous-dotation systématique de cette mesure. Elle se traduit inéluctablement chaque année par l'accumulation d'une dette auprès de la Cnam , qui atteint déjà près de 681 millions d'euros à la fin 2005, et dont le montant estimé pour 2006 dépasse 927 millions d'euros 9 ( * ) .
Pour cette raison, votre commission présente un amendement qui vise à transférer une partie des crédits du programme « accueil des étrangers et intégration », afin de réduire le montant des créances de la sécurité sociale sur l'Etat .
En tenant compte des conclusions de l'audit qui aura été conduit sur l'évolution des dépenses d'AME, elle demande également au Gouvernement de proposer, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, un échéancier d'apurement de la dette contractée par l'Etat au titre de cette allocation .
* 7 Circulaire du 16 mars 2005 relative aux soins urgents.
* 8 Décrets n° 2005-859 et 860 du 29 juillet 2005, relatifs à l'AME.
* 9 Rapport de la Cour des comptes relatif à la sécurité sociale- septembre 2006.