TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mercredi 22 novembre 2006 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , sur le projet de budget de son ministère pour 2007 (mission « Santé » et de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a rappelé que la santé publique, domaine d'action prioritaire du Gouvernement, doit relever un triple défi : celui de l'égalité d'accès à des soins de qualité, celui de la prévention et celui de l'anticipation des nouveaux risques sanitaires.
La mission « Santé » est donc dotée d'un budget de 430 millions d'euros, en progression de plus de 8 % par rapport à 2006. En particulier, le programme « Santé publique et prévention » augmente de plus de 20 %. Sur ses crédits de 290 millions d'euros, il consacrera notamment 24 millions, soit 1,4 million de plus qu'en 2006, à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et, surtout, 120 millions d'euros à la politique de lutte contre le cancer. Au total, les moyens dévolus à cette priorité nationale sont accrus de près de 25 % afin de permettre la généralisation du dépistage du cancer du sein : l'objectif est de dépister 70 % fin 2006, puis 85 % fin 2007, des femmes de la tranche d'âge concernée, et plus spécifiquement celles qui sont les plus défavorisées et les plus isolées. L'institut national du cancer (INCa) voit son rôle de pilotage de l'ensemble du Plan cancer confirmé, grâce à une subvention de 50,5 millions d'euros. L'effort public concernant la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, du Sida et des hépatites est également augmenté de 12 millions d'euros, pour atteindre près de 100 millions d'euros en 2007.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a fait valoir que ces deux premières priorités ne conduisent pas pour autant le Gouvernement à délaisser les autres champs de la politique de santé publique. Ainsi, l'Etat participera, en 2007, à hauteur respectivement de 5 millions d'euros, 6 millions d'euros et 6,6 millions d'euros, au programme national « Nutrition santé », au plan « Psychiatrie et santé mentale » et au programme « Qualité de vie et handicap ».
Par ailleurs, le Gouvernement veille à améliorer la prise en charge des maladies liées au vieillissement : les crédits consacrés à ces pathologies seront multipliés par six.
Enfin, l'Etat participera à hauteur de plus de 11 millions d'euros à la lutte contre toutes les formes d'addictions, à travers le plan global de prise en charge et de lutte contre les addictions récemment présenté.
A ce sujet, le travail de coordination mené par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) doit être reconnu, même s'il est nécessaire de clarifier les rôles entre la direction générale de la santé (DGS) et la Mildt, la première ayant les structures adaptées pour gérer des crédits et la seconde ayant besoin de se recentrer sur son rôle de coordination. Cela suppose que les crédits qui ont été transférés l'année dernière vers la Mildt soient réintégrés au sein du programme « Santé publique et prévention » et à nouveau pilotés par la DGS pour financer des actions dans le domaine des addictions.
Abordant enfin le dernier programme de la mission « Santé », consacré à l'offre de soins, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué qu'il sera doté de 104,17 millions d'euros, en augmentation de 2,29 % par rapport à 2006.
Ces crédits doivent d'abord permettre de pérenniser et d'améliorer le bon niveau de l'offre de soins, grâce notamment à un effort particulier en matière de formation. 5 millions d'euros seront ainsi consacrés en 2007 à la mise en place du stage de médecine générale pendant le deuxième cycle. Par ailleurs, 22 millions d'euros seront affectés à la modernisation du système de santé, notamment à celle des agences régionales d'hospitalisation (ARH).
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la mission « Santé », a souhaité savoir si les plans de santé publique atteindront leurs objectifs à échéance, dans la mesure où la lutte contre le cancer absorbe, en 2007, l'essentiel des crédits disponibles. Le Gouvernement n'envisagerait-il pas, in fine, de mettre progressivement ces dépenses à la charge de l'assurance maladie, qui en finance déjà une part considérable ?
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a indiqué que le cancer ne constitue pas la seule priorité de santé publique du Gouvernement, puisque l'ensemble des crédits de la mission « Santé » augmente de 8 % en 2007. Tous les plans de santé publique, notamment ceux en faveur de la santé mentale, de la lutte contre les maladies chroniques et le plan national nutrition-santé (PNNS), continuent ainsi à être financés pour partie par le budget de l'Etat en 2007. L'Etat en reste donc le pilote et assume les dépenses de la plupart des mesures de prévention, tandis que l'assurance maladie prend en charge les soins et quelques actions de prévention par le biais du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS).
M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a rappelé qu'à l'occasion du vote des crédits de la mission « Santé » pour 2006, le Parlement avait, à l'initiative du Sénat, transféré 18 millions d'euros consacrés à la lutte contre le tabac, l'alcool et les drogues illicites du programme « Santé publique et prévention » au programme « Drogue et toxicomanie ». Il a souhaité savoir pourquoi des difficultés de coopération sont survenues à la suite de ce transfert de la DGS vers la Mildt pour l'utilisation de ces crédits. Cette mésentente pose, plus largement, la question de la légitimité de l'inscription du programme « drogue et toxicomanie », piloté par un opérateur interministériel, au sein de la mission « Santé ».
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a considéré que la DGS n'a pas fait preuve de mauvaise volonté pour appliquer la décision du Parlement. La Mildt a rencontré des difficultés dans la gestion de ces crédits, notamment pour la partie destinée à subventionner les associations, car sa mission se limite habituellement à la coordination interministérielle. Cette situation a entraîné des difficultés de fonctionnement pour les directions générales de l'action sanitaire et sociale (Drass) et les associations. Il est convenu que la question du positionnement de la Mildt mérite effectivement d'être posée.
Citant le récent avis de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), qui qualifie de « discriminatoire » la pratique d'un certain nombre de médecins (entre 10 % et 40 % selon les enquêtes et les spécialités) qui refusent de recevoir des patients bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l'aide médicale d'Etat (AME), M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la mission « Santé », a demandé comment on peut faire évoluer les comportements dans ce domaine et quels sont les moyens budgétaires alloués en 2007 à l'amélioration de l'accès aux soins des plus défavorisés.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a fait état de la décision récente d'octroyer un crédit d'impôt pour l'adhésion à une complémentaire santé aux personnes dont les revenus sont supérieurs de 20 % au plafond de la CMU-complémentaire. Il a rappelé qu'une mission sur l'accès aux soins a été confiée au mois d'octobre dernier à M. Jean-François Chadelat, dont les résultats seront connus au mois de décembre. En outre, des brochures sur ce thème seront distribuées prochainement.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis, a soutenu la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre les addictions incluant l'addiction au jeu. Ce plan trouve-t-il déjà une traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2007 ?
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a indiqué que ce premier plan global de lutte contre les addictions sera décliné au niveau de chaque région, avec la mise en place de consultations en addictologie pour permettre aux professionnels d'orienter les patients vers les structures qui répondent le mieux à leurs besoins. L'addiction au jeu, parfaitement décrite dans le rapport du sénateur François Trucy, est encore mal connue. Une enquête a été commandée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour mieux cerner les déterminants de ce phénomène.
Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si les relations entre l'INCa et les cancéropoles sont aujourd'hui apaisées.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , l'a rassurée sur ce point, comme en témoignent la nomination d'un nouveau directeur et la tenue d'une prochaine réunion du conseil d'administration de l'INCa.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur l'utilité de la Mildt et sur les actions concrètes qu'elle a jusqu'à présent menées.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a estimé que la thématique « santé » doit être davantage prise en compte par la Mildt, même si celle-ci a déjà obtenu d'excellents résultats en matière de réduction des risques. Rappelant le débat récemment soulevé par cette mission sur le Subutex, il s'est déclaré défavorable au classement de ce produit comme stupéfiant.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est inquiétée des chiffres encore élevés de la mortalité maternelle. Elle a rappelé les événements graves survenus à Paris, qui ont conduit à faire de l'hôpital Lariboisière un centre de référence pour le soin des hémorragies de la délivrance. Elle a estimé encore insuffisante la prise en charge de la dépression post-partum et le développement d'une politique de prévention, dans les maternités, sur la consommation de drogue, de tabac et d'alcool, à destination des jeunes mères.
M. Francis Giraud a évoqué le problème de la surconsommation médicamenteuse. Lors d'un colloque sur le dossier médical personnel organisé au Sénat, le chiffre de 7 % d'ordonnances dangereuses a été avancé et les services d'urgence sont régulièrement sollicités pour le traitement d'incompatibilités médicamenteuses. Il conviendrait d'entreprendre une campagne de communication sur ce thème et de renforcer la formation médicale en matière de médicament.
M. Alain Vasselle s'est ému des transferts incessants de charges vers l'assurance maladie, au motif que certaines pathologies nécessitent une prise en charge sanitaire. Il a posé la question de la légitimité d'un budget propre au ministère de la santé et des solidarités dans ces conditions et a souhaité que le ministre intervienne prochainement devant la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat sur la question du partage des dépenses de santé entre l'Etat et l'assurance maladie.
Mme Patricia Schillinger a demandé quelles mesures de prévention sont prévues en direction de la population masculine, en particulier pour le dépistage du cancer de la prostate et les risques d'infarctus.
Mme Anne-Marie Payet s'est félicitée du lancement du plan de lutte contre les addictions, notamment dans les départements où l'addiction au jeu est importante, comme en Corse et à la Réunion. Ne conviendrait-il pas de limiter la publicité incitant au jeu d'argent dans les départements les plus sensibles à cette tentation ?
En réponse aux différents intervenants, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que le plan périnatalité bénéficiera de 214 millions d'euros sur trois ans. Il devra s'attacher à améliorer les résultats du système de santé en matière de mortalité maternelle et à répondre aux besoins en personnel, notamment des gynécologues obstétriciens et des sages-femmes.
Il a précisé que le plan de lutte contre les addictions sera ciblé sur les adolescents, les femmes enceintes et le monde du travail.
Il a considéré que le problème de la polymédication ne peut pas être traité par le seul recours à des campagnes d'information et qu'il convient également de développer les logiciels d'aide à la prescription. Le dossier médical personnel devrait aussi permettre d'éviter les interactions entre produits.
Il a estimé que la santé ne doit pas être considérée comme une dépense ordinaire pouvant relever de la maîtrise comptable et s'est déclaré très disposé à s'entretenir de ce sujet avec les membres de la Mecss.
Concernant la politique de prévention, il a indiqué que la plupart des actions, comme le dépistage du cancer du colon, sont indifféremment destinées aux hommes et aux femmes, mais a convenu qu'un effort particulier doit être fait en direction des jeunes hommes, qui n'ont souvent que peu de contacts avec les professionnels de santé. Il a souhaité qu'ils puissent, comme les étudiants, bénéficier d'une consultation de prévention.
M. Nicolas About, président , a confirmé que les femmes sont en moyenne mieux suivies par le système médical que les hommes : ainsi, 15 % des nouveaux cas de Sida détectés le sont au cours d'une grossesse. Par ailleurs, le fait que 45 % des cas de Sida soient découverts lors d'opérations de dépistages volontaires justifie leur utilité. Il s'est, en conséquence, inquiété que l'on puisse envisager la suppression de la visite médicale prénuptiale.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , s'est déclaré opposé à cette suppression. Il a également annoncé qu'un rendez-vous santé de prévention sera mis en place pour les personnes de soixante-dix ans. Il a enfin indiqué avoir saisi le Conseil national du Sida de l'opportunité de rendre le dépistage du Sida systématique, comme tel est le cas aux Etats-Unis.
En réponse à Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a ajouté que le plan périnatalité permettra de multiplier les rendez-vous entre les jeunes parents et la protection maternelle et infantile (PMI) - au quatrième mois de grossesse, à la maternité, à domicile et à la crèche - afin de repérer les femmes qui connaissent des difficultés avec leur enfant. Ces actions se poursuivront quand l'enfant grandira, en lien avec la médecine scolaire. Toutes ces mesures, prévues par le projet de loi sur la protection de l'enfance, seront financées par un fonds spécifique abondé par le fonds national d'action sociale (Fnas) de la Cnaf. Il a confirmé que ce projet de loi sera bien adopté avant la fin de la session parlementaire.
Il s'est félicité, en outre, de la mise en place d'une visite de prévention à soixante dix ans dans le cadre du plan « grand âge », qui devrait faciliter le dépistage des troubles cognitifs, psychiques et de la nutrition.
Mme Marie-Thérèse Hermange s'est déclarée très favorable au développement des visites à domicile pour les jeunes mères. Aux Pays-Bas, toutes les mères ont droit à un soutien à domicile pendant le mois qui suit la naissance de leur enfant. Ce soutien devrait être systématique en France, y compris si la mère et l'enfant n'ont pas de problème médical particulier, car les dépressions post-partum surviennent dans 15 % des naissances environ.
Elle s'est également félicitée de la mise en place d'une consultation de prévention pour les personnes âgées, même si l'âge de soixante-dix ans lui semble trop élevé, notamment pour les hommes, qui sont exposés à des pathologies spécifiques à partir de cinquante cinq ans.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a reconnu qu'il faudrait mettre en place d'autres consultations de prévention spécifiques aux hommes.