B. 2006 : UN CODE QUI DEVRAIT EFFICACEMENT FACILITER L'ACCÈS DES PME AUX MARCHÉS PUBLICS

Le nouveau code institué par le décret n° 2006-975 du 1 er août 2006 est entré en vigueur le 1 er septembre 2006. Il intègre de nouvelles mesures décisives qui devraient favoriser l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique:

- l'allotissement comme règle : afin de permettre aux PME d'accéder aux marchés publics d'un montant qui soit adapté à leur surface financière, le nouveau code prévoit, à l'article 10, la généralisation de l'allotissement en tant que mode de dévolution de tous les marchés publics, alors que la réglementation précédente mettait l'allotissement et le marché en entreprise générale sur un pied d'égalité. Les marchés publics doivent être passés en lots séparés sauf dans les cas où l'acheteur peut justifier qu'il ne peut pas y recourir pour des motifs d'ordre financier ou technique ou qu'il ne peut assurer lui-même les missions d'organisation, de pilotage ou de coordination (OPC) de son opération. Ceci répond à une demande de longue date des petites entreprises du bâtiment en leur ouvrant l'accès à des marchés jusque là destinés à des entreprises- tous corps d'Etat, même si la dérogation à la règle de l'allotissement prévue pour les cas où le maître d'ouvrage n'est pas en mesure d'assurer lui-même la mission OPC est mal comprise des artisans, du fait que cette mission peut être confiée à la maîtrise d'oeuvre ;

- l'ouverture aux entreprises sans références (article 52 I) : la suppression, dans le cadre de la mise en concurrence, de l'obligation de référence à de précédents marchés de même nature permettra aux PME et aux entreprises nouvellement créées qui sont en général des PME, voire des très petites entreprises, d'être sélectionnées sur leurs capacités réelles de réaliser les prestations afférentes aux marchés publics auxquels elles soumissionnent. Ainsi, des entreprises pourraient par exemple se prévaloir de références de chantiers réalisés dans le secteur privé ;

- l'obligation de proportionnalité (article 45) : les acheteurs publics doivent veiller à définir des critères de sélection des candidatures proportionnels à l'objet et aux caractéristiques spécifiques du marché et à ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la mise en place d'une saine mise en concurrence. Il ne sera donc pas exigé systématiquement des certificats de qualification professionnelle qui auraient évincés beaucoup d'entreprises de la commande publique ;

- l'encouragement des groupements momentanés d'entreprises : en cas de défaillance d'un membre d'un groupement momentané d'entreprises entre le dépôt de candidatures et la signature du marché, le groupement ne sera plus écarté de la consultation. Cette souplesse, introduite par l'article 51, facilitera le regroupement des PME et encouragera leur participation sous cette forme à la commande publique, ce qui leur donna accès, ensemble, à des marchés plus importants et offrira à chacune des références fondées sur un lien contractuel direct avec le client 15 ( * ) . Pour la collectivité territoriale, le groupement permet en outre de réunir les avantages de chacun des deux modes de dévolution : un seul interlocuteur -le « mandataire commun » solidaire- chargé de l'organisation, du pilotage et de la coordination 16 ( * ) , comme dans le cas du marché unique, et l'intervention d'entreprises -souvent locales- spécialisées corps d'Etat par corps d'Etat, comme dans le cas des marchés en lots séparés;

- la possibilité d'un financement par avances plus importantes (article 87): le dispositif de financement des marchés publics permet aux acheteurs publics de faire des avances de paiement pouvant aller jusqu'à 30 % voire 60 % du montant du marché. Ceci permettra aux petites entreprises de préfinancer le commencement de l'exécution des travaux sans que cela ne pèse trop sur leur trésorerie ;

- le droit à l'actualisation des prix en cas de marché conclu à prix ferme : l'inscription de ce droit dans le nouveau code cherche à répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises en matière de variation des prix entre la date de présentation de l'offre et la date de début d'exécution des prestations.

Si ces mesures devraient être efficaces pour faciliter l'accès des PME à la commande publique, d'autres, pourtant conçues dans le même esprit, pourraient n'avoir que des effets incertains :

- la possibilité de fixer un quantum de PME parmi les candidatures admises : dans le cadre des procédures restreintes, pour la sélection des entreprises appelées à soumissionner, l'acheteur public aura désormais la possibilité d'élargir la concurrence aux petites et moyennes entreprises en fixant, préalablement à la réception des offres, un nombre minimum de PME admises à présenter leur offre. Votre rapporteur pour avis relève que cette mesure n'est pas obligatoire, ce qui rend son application incertaine, certains, dont la CAPEB, craignant même qu'elle ne fasse peser un risque juridique sur la passation du marché ;

- l'indication de la part du marché donnée en sous-traitance (article 48): les soumissionnaires peuvent être amenés par les acheteurs publics, dans le cadre de la mise en concurrence, à devoir indiquer, dans leur offre, la part du marché qu'ils ont l'intention de sous-traiter à des tiers et notamment à des petites et moyennes entreprises. La part donnée en sous-traitance n'est heureusement pas un critère possible d'attribution du marché : ceci aurait été de nature à encourager la sous-traitance aux PME et artisans plutôt que leur accès direct qui reste l'objectif premier de ces derniers. Il reste que l'impact d'une telle disposition sur l'attribution des marchés paraît limitée ;

- enfin, la mesure des commandes passées aux PME : les acheteurs publics doivent désormais participer activement au recensement des marchés publics, mesurer et rendre compte des commandes passées à des PME.

Globalement, votre rapporteur pour avis considère que le code des marchés publics en vigueur depuis le 1 er septembre 2006 est satisfaisant, les mesures positives qu'il introduit devant faire leurs preuves sur le terrain. Après trois réformes successives, la réglementation gagnerait donc à se stabiliser pour être mieux connue et donc mieux appliquée.

En effet, les outils mis en place sont mal connus des maîtres d'ouvrage, particulièrement dans les petites communes, dont le secrétaire de mairie peine à suivre les évolutions du code tous les deux ans... Votre rapporteur pour avis partage le désarroi de nombreux maires de petites communes.

Parallèlement, les maîtres d'oeuvre -le plus souvent, les architectes-, qui rédigent les dossiers de consultation, mettront sans doute du temps à se départir de leur habitude qui consiste à lancer des appels d'offre n'autorisant pas de variantes 17 ( * ) , d'autant plus qu'il leur est plus facile d'étudier des dossiers de structure identique.

Recueillir les fruits de ces réformes successives du code nécessitera donc du temps. Parallèlement, d'autres pistes d'amélioration méritent d'être explorées.

* 15 Ainsi, la Fédération française du bâtiment (FFB), que votre rapporteur pour avis a auditionnée, lui a appris qu'en Ile-de-France, une cinquantaine de PME du bâtiment s'étaient constituées en groupement fonctionnel dans les années 1990 pour faire face aux candidatures des grandes entreprises sur de petits chantiers : le groupement répond en commun aux consultations, leur mandataire commun assumant, contre paiement, la mission OPC et ne recourant pas toujours aux mêmes entreprises de ce groupement fonctionnel.

* 16 Dans ce cas de « groupement d'entreprises conjointes avec mandataire commun solidaire » , il convient de ne pas confier la mission OPC au maître d'oeuvre , qui, en revanche, reste en charge de la conception et de la réalisation et, à ce titre, participe tout de même aux réunions de chantier, conformément à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.

* 17 Avant, les variantes étaient possibles tant qu'elles n'étaient pas explicitement interdites ; depuis le code de 2006, en application des directives communautaires qu'il transpose, la règle s'est inversée, c'est-à-dire que les variantes doivent être expressément autorisées.

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