C. LA TRIPLE HYPOTHÈQUE BRUXELLOISE
Au-delà des débats communautaires qui s'engagent autour de la prochaine directive postale, La Poste française reste soumise à trois hypothèques bruxelloises, concernant le livret A, les retraites de ses fonctionnaires et son statut public.
1. Le livret A, contraire à la liberté d'établissement et de prestation de services ?
La Commission européenne a adressé aux autorités françaises, le 7 juin 2006, une lettre de griefs sur le droit spécial de distribution des Livrets A et bleu accordé aux Caisses d'épargne, à La Banque Postale et au Crédit Mutuel, qu'elle estime contraire à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services. Depuis l'ouverture de cette procédure d'infraction, les autorités françaises ont eu l'occasion de produire une argumentation détaillée visant à justifier la compatibilité du dispositif actuel avec le traité : en raison de ses spécificités, le livret A peut valablement être présenté par La Poste à la Commission européenne comme un « service d'intérêt économique général ». La procédure est en cours.
Ce sujet est d'importance aussi bien pour le logement social que pour La Poste, tant le livret A participe de son image de banque pour tous et de banque « pas comme les autres ».
Comme l'avait souligné devant votre commission des affaires économiques le président Jean-Paul Bailly lors de son audition le 29 mars 2006, il existe un compte du livret A, qui était tout juste à l'équilibre avec une commission de 1,5 % et qui est aujourd'hui en perte d'un peu plus de 100 millions d'euros avec le nouveau taux de 1,3 %, attestant que la distribution par La Poste du livret A ne représente pas une aide d'Etat.
En outre, le livret A distribué par La Poste présentait des caractéristiques qui le distinguaient des autres livrets :
- d'une part, en raison de l'obligation, pesant sur La Poste, d'ouvrir un tel livret à quiconque le demande, alors même que d'autres acteurs distribuant le livret A peuvent le refuser ;
- d'autre part, du fait de la très grande accessibilité de ce livret grâce à la présence physique de La Poste dans les zones urbaines sensibles, où elle compte 1.500 points de contact ;
- enfin, à cause du caractère très populaire de sa clientèle, 13 millions des 23 millions de livrets A ayant un encours moyen inférieur à 150 euros et effectuant la moitié des opérations.
Donc, si le financement de La Poste à hauteur de 1,3 % est à proportion des encours, il ne faut pas négliger le fait que la Banque postale gère en fait quasi gratuitement la moitié des livrets A, dont la somme ne représente que 0,7 % de l'encours global. Une banalisation brutale du livret A ne serait pas sans incidence sur la cohésion sociale, en développant l'exclusion bancaire ; elle porterait aussi atteinte à la Banque postale et à son équilibre, puisqu'une remise en cause des commissions qu'elle perçoit au titre de la distribution du livret A risquerait de la priver, selon le Président Bailly, de huit points d'exploitation ; elle serait enfin coûteuse pour les finances publiques.