2. Les comptes rectifiés pour 2005 : « la multiplication des foyers de déficit »
La sécurité sociale est aujourd'hui confrontée à une situation budgétaire particulièrement difficile. De ce point de vue, l'année 2005 est marquée par « la multiplication des foyers de déficit », pour reprendre l'expression de M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport provisoire de septembre 2005.
En effet, alors que le solde de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale suivait jusqu'à présent celui du régime général, il s'en écarte aujourd'hui en raison de l'apparition d'un déficit important du régime de protection sociale des exploitants agricoles (FFIPSA 4 ( * ) ), comme le montre le tableau suivant :
Note : ces prévisions n'intègrent pas les mesures correctrices éventuelles contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Au total, ce tableau, dont les projections pour 2006 ne tiennent pas compte des mesures de redressement prévues par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, montre que la problématique du déficit de la sécurité sociale n'est plus celle du seul régime général, ce dernier devant par ailleurs faire l'objet d'une analyse différente suivant les branches considérées.
L'article 3 du présent projet de loi de financement, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale 5 ( * ) , qui vise désormais à l'approbation des tableaux d'équilibre rectifiés des régimes de sécurité sociale et organismes concourant à leur financement, au titre de l'année 2005, confirme l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Solde des régimes de sécurité sociale et organismes concourant à leur financement en 2005
(en milliards d'euros)
Ensemble des régimes obligatoires de base |
|
Branche maladie |
- 9,4 |
Branche vieillesse |
- 2,1 |
Branche famille |
- 1 |
Branche AT-MP |
- 0,4 |
Toutes branches |
- 12,9 |
Régime général |
|
Branche maladie |
- 8,3 |
Branche vieillesse |
- 2 |
Branche famille |
- 1,1 |
Branche AT-MP |
- 0,5 |
Toutes branches |
- 11,9 |
Organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
- 2 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
- 1,7 |
Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie |
0 |
Source : PLFSS 2006 |
Le déficit du régime général est estimé par le gouvernement à 11,9 milliards d'euros en 2005, soit le même niveau exactement qu'en 2004. Toutefois, sur un champ élargi englobant l'ensemble des régimes de base ainsi que les organismes concourant à leur financement, le déficit de la sécurité sociale atteindrait en 2005 un niveau record de 15,2 milliards d'euros , soit un creusement de 3 milliards d'euros par rapport à 2004. Ainsi que l'a précisé M. François Monier, secrétaire général de la sécurité sociale dans le rapport précité, « la sécurité sociale s'installe dans une situation de déficit très élevé. La phase actuelle de déficit (....) dépasse en gravité et bientôt en durée celle que la France avait connue au milieu des années 1990 après la récession de 1993, sans qu'on puisse l'attribuer cette fois à une conjoncture aussi négative ».
a) La situation du régime général : un redressement de l'assurance maladie permettant de compenser la dégradation de la situation des autres branches
La stabilisation du déficit du régime général entre 2004 et 2005 masque une évolution divergente des branches, la branche maladie connaissant un début de redressement grâce aux dispositions prises dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie (apport substantiel de recettes et ralentissement des dépenses) tandis que les trois autres branches enregistrent un déficit croissant.
Le tableau suivant retrace l'évolution des soldes du régime général dans son ensemble et de la branche maladie depuis 1990.
Evolution des soldes du régime général et de la branche maladie depuis 1990
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2005)
(1) Le redressement de la branche maladie
L'amélioration du solde de la branche maladie devrait être très significative puisque le déficit à la fin de l'année 2005 s'établirait, selon les projections de la commission des comptes de la sécurité sociale, à 8,3 milliards d'euros, en baisse de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2004 . Ce résultat doit être d'autant plus salué que le déficit tendanciel pour 2005 avait été évalué, au moment de la réforme de l'assurance maladie, à 16,3 milliards d'euros, soit 8 milliards d'euros de plus que le déficit attendu à la fin de l'année.
Ainsi, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé pour 2005 (134,9 milliards d'euros) devrait, pour la première fois depuis 1998, être respecté en valeur . Cette évolution très positive tiendrait notamment à une faible évolution des dépenses de soins de ville, alors que les objectifs des établissements de santé pourraient être dépassés de 650 millions d'euros. La commission des comptes de la sécurité sociale souligne toutefois quelques ombres qu'il conviendra de suivre avec attention, à savoir la consommation des médicaments, le respect des engagements conventionnels pris par les professionnels de santé et les versements aux établissements sanitaires qui excèdent l'objectif assigné.
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a également connu une baisse de ses frais financiers de 400 millions d'euros en raison de la reprise de 35 milliards d'euros de déficits par la CADES fin 2004.
Cette embellie découle également du surcroît de recettes enregistré à la suite des mesures prévues par loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. La CNAMTS bénéficierait ainsi, en particulier, d'une hausse de recettes de CSG évaluée à 2,7 milliards d'euros, d'une augmentation d'un milliard d'euros du produit des droits sur les tabacs, ainsi que de 800 millions d'euros correspondant au produit de la contribution additionnelle à la C3S.
Dans son rapport de juillet 2005, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie insiste sur l'importance des recettes dans le redressement actuel : « à système de recettes inchangées, la progression des dépenses prévues en 2005 serait supérieure à celle des recettes et le déficit 2005 serait de plus de 12,5 milliards d'euros ».
La branche maladie, dont le déficit au titre de l'année 2005 a d'ores et déjà été transféré à la CADES, devrait connaître un déficit de 7,2 milliards d'euros, hors mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit une diminution de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2005 . D'après les analyses de la commission des comptes de la sécurité sociale, cette évolution résulterait à la fois d'un nouveau ralentissement des dépenses et d'une croissance dynamique des recettes.
Si l'on se peut se féliciter du ralentissement de la progression des dépenses, la situation n'en reste pas moins préoccupante, puisque, en dépit de cette amélioration, le déficit - avant mesures correctrices du projet de loi de financement de la sécurité sociale - serait plus élevé que ceux connus au cours de la période 1993-1997, dont le point bas, atteint en 1995, s'établissait à environ 6 milliards d'euros.
L'analyse du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie « Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2005, le déficit probable de la branche assurance maladie du régime général s'établirait pour l'année 2005 à 8,3 milliards d'euros. « Dans ces conditions et compte tenu des déficits des années antérieures, il resterait 6,7 milliards d'euros de disponible dans le plafond de transfert de dette à la CADES pour financer le déficit de 2006. « Il n'est pas prévu à ce jour de recettes supplémentaires en 2006 (à l'exception d'une nouvelle tranche d'augmentation du forfait journalier). A taux de prise en charge inchangé, le déficit de l'assurance maladie ne sera contenu à 6,7 milliards d'euros que si l'ONDAM pour 2006 progresse à un rythme inférieur à l'évolution de ses recettes (résorber 1,6 milliard d'euros de déficit pour le ramener de 8,3 à 6,7 milliards d'euros représente 1,2 % de l'ONDAM). « La réalisation des économies prévues dans le plan de redressement est donc le gage de la tenue du déficit dans la limite précitée. « Le retour vers l'équilibre en 2007 est un objectif extrêmement ambitieux à taux de prise en charge et à structure de recettes inchangés. Un équilibre des comptes dès 2007 conduirait en effet à fixer l'ONDAM 2007 au même niveau en valeur absolue que 2006. « Rien ne serait pire pour y parvenir que de brusquer le cours des réformes en cours, dans les soins de ville comme dans le secteur hospitalier. La continuité est ici le gage du succès. « Si l'évolution de la dépense remboursable ne permet pas d'atteindre l'équilibre attendu, il faudrait étudier la combinaison optimale entre un déport sur la CADES (mais le Haut Conseil n'y est pas favorable), un ajustement des taux de prise en charge et/ou un ajustement des recettes ». Source : rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, juillet 2005 |
Si la réforme de l'assurance maladie menée en 2004 conduit à un redressement qu'il convient de saluer, les efforts doivent encore être poursuivis pour parvenir à l'équilibre de cette branche, qui ne sera pas atteint en 2007, contrairement à l'objectif affiché par le gouvernement lors de la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait toutefois contribuer à limiter le déficit de la branche, les mesures qu'il propose devant permettre de ramener le déficit de l'assurance maladie à 6,1 milliards d'euros fin 2006.
* 4 Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, établissement public qui a « pris le relais » du BAPSA à compter du 1 er janvier 2005.
* 5 L'Assemblée nationale a adopté un amendement supprimant l'article 4 du présent projet de loi de financement, relatif au tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, et intégrant ses dispositions au sein de l'article 3.