b) Une situation particulièrement dégradée des finances sociales appelant des mesures correctrices : les voies à explorer
Comme le relève M. François Monier dans son avant-propos au rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2005, « la sécurité sociale s'installe dans une situation de déficit très élevé. La phase actuelle de déficit de la sécurité sociale dépasse en gravité et bientôt en durée celle que la France avait connue au milieu des années 1990 après la récession de 1993, mais sans qu'on puisse l'attribuer cette fois à une conjoncture aussi négative . Certes, l'évolution de la masse salariale est depuis 2002 inférieure à sa tendance de longue période, mais elle ne s'est jamais effondrée. Le déficit actuel doit davantage que celui d'il y a dix ans à l'augmentation des dépenses. [...] Dans ces conditions, la simple stabilisation du déficit suppose un apport annuel de recettes nouvelles. Sa réduction requiert des actions très vigoureuses ».
Face à ces défis, votre rapporteur pour avis estime que toutes les pistes de réforme possibles doivent être explorées, sans tabous ni a priori , et que, en particulier, les sujets de socialisation des besoins et de structure de financement de la protection sociale doivent être étudiés.
(1) Quelle socialisation des besoins ?
La problématique de la socialisation des besoins est essentielle et doit être explorée, en particulier dans le domaine de la santé.
Dans ce domaine, deux questions principales se posent : d'une part, la question de la répartition des rôles entre régimes obligatoires et organismes complémentaires, d'autre part, la question de la prise en charge par les assurés eux-mêmes de certains frais jusqu'ici supportés par la collectivité.
En France aujourd'hui, 76 % des dépenses de santé sont financés par des fonds publics, un niveau plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE qui se situe à 72 %. Le reste des dépenses de santé est assuré à hauteur de 14 % par les assurances privées et de 10 % par les versements nets des ménages, alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, 35 % du total des dépenses de santé sont pris en charge par les assurances privées et 15 % par les consommateurs, et qu'en Suisse, 10 % seulement des dépenses totales de santé sont financées par les assurances privées tandis que 33 % sont payées directement par les consommateurs.
S'agissant de la répartition des rôles entre régimes obligatoires et organismes complémentaires , des propositions existent pour une plus grande rationalisation de ce partage. Ainsi, le groupe de travail de la commission des comptes de la sécurité sociale sur la « répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé », présidé par M. Jean-François Chadelat, avait proposé, dans son rapport datant du mois d'avril 2003, la création d'une couverture maladie généralisée, consacrant l'existence d'un mécanisme de prise en charge à deux étages, le premier correspondant aux assurances maladie obligatoires, le second aux assurances maladie complémentaires. Le rapport préconisait notamment de faire des assurances maladie complémentaires des acteurs à part entière de la couverture maladie et de définir certains actes ou certaines catégories d'actes pour lesquels les complémentaires santé pourraient devenir les acteurs pilotes du dispositif. Parmi ces actes, on peut penser notamment aux soins optiques, dentaires ou encore au domaine de l'appareillage au sens large.
La piste d'une redéfinition des champs d'intervention respectifs de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance complémentaire mérite donc d'être creusée.
S'agissant de la question de la responsabilisation des assurés sociaux , une réelle réflexion sur la définition des actes qui relèvent de la prise en charge par la collectivité, au nom du principe de solidarité, et de ceux qui relèvent de la responsabilité individuelle de l'assuré, doit aujourd'hui être menée.
Il est, en effet, nécessaire de remettre en perspective l'idée selon laquelle le remboursement social est seul garant de l'accès aux soins et de trouver le juste équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle.
La responsabilisation des assurés sociaux peut prendre différentes formes : l'acceptation du déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant, le développement des assurances privées et une participation accrue des patients eux-mêmes s'agissant de la couverture de pathologies résultant de conduites à risque imputable au seul assuré (comme par exemple, la pratique d'un sport à haut risque). Ainsi, il est possible d'envisager que des mécanismes d'assurance personnalisée prennent le relais de l'assurance maladie pour la couverture de certains frais accessoires ou relevant directement de la responsabilité individuelle du patient.
Dans cette optique le financement de la protection sociale pourrait reposer sur un nouvel équilibre entre prélèvements obligatoires et contributions volontaires.