B. LA RECHERCHE D'UNE GESTION MAÎTRISÉE DES RESSOURCES HUMAINES
1. Les incidences de la loi organique relative aux lois de finances
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances précitée, de nouvelles contraintes et exigences vont exister pour les dépenses de personnels de l'Etat. En conséquence, la gestion de l'emploi public devra certainement évoluer. Lors de son audition devant votre commission 38 ( * ) , M. Renaud Dutreil a d'ailleurs estimé que l'absence d'évolution de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique de l'Etat rendrait la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances difficile, ce qui pourrait conduire à un dysfonctionnement de l'Etat.
Tout d'abord, la loi organique relative aux lois de finances prévoit que les dépenses de personnel seront présentées dans un titre II qui constituera un plafond limitatif en terme de créditsau sein de chaque programme. En plus de ce premier plafond, il y aura pour chaque ministère aura également une limitation de ses autorisations d'emplois . Les emplois budgétaires pour chaque ministère seront donc clairement définis et les dépenses de personnel encadrées.
Ensuite, par cette réforme budgétaire, l'Etat est conduit à se réorganiser du fait de la redéfinition de ses missions. Dans son livre blanc « LOLF, contraintes démographiques, contention budgétaire : quel pilotage des ressources humaines de l'Etat » publié en 2004, le cabinet de conseil Bearing Point considère que « pour permettre, à moyens donnés, de développer les missions et actions nouvelles qui apparaissent nécessaires, seront sans doute à envisager des transformations de l'organisation de tel ou tel service étatique ainsi qu'une externalisation vers d'autres structures » de droit public (décentralisation) ou de droit privé . »
Enfin, la gestion des ressources humaines devrait évoluer. Il appartiendra notamment à l'Etat de développer la « culture de la performance » au sein de ses services. La rémunération au mérite découle directement de cette nouvelle vision de l'administration étatique.
2. La valorisation du travail des fonctionnaires par la rémunération au mérite
La rémunération au mérite est une réflexion qui s'est engagée au sein de l'administration dans le souci d'introduire la « culture de la performance » dans la fonction publique. Elle constitue l'un des éléments essentiels de la réforme de l'encadrement supérieur annoncée dans la communication du ministre chargé de la fonction publique en Conseil des ministres du 22 octobre 2003.
Visant à valoriser le travail effectué par les fonctionnaires, la rétribution au mérite s'inscrit dans la recherche d'une meilleure gestion des ressources humaines.
Avant la mise en place de ce nouveau système de rémunération, une procédure d'évaluation qui se veut claire et objective a été établie par le Gouvernement et s'est notamment traduite par la publication du décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat.
Inspiré des conclusions du rapport « La notation et l'évaluation des agents dans l'administration », du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics de juillet 2001, ce décret simplifie les procédures de notation et d'avancement d'échelon tout en récompensant mieux les fonctionnaires par l'octroi de bonifications d'ancienneté conséquentes leur permettant de voir leurs carrières s'accélérer et leurs rémunérations augmenter en fonction de leurs résultats 39 ( * ) .
La notation s'appuie désormais sur une évaluation établie par le supérieur hiérarchique direct de l'agent et qui repose sur un entretien faisant l'objet d'un compte-rendu. Les résultats de l'agent sont analysés au regard des objectifs qui lui avaient été préalablement assignés et des conditions d'organisation et de fonctionnement de son service.
Les éléments à prendre en compte pour la mise en place d'une rémunération au mérite :
- afficher la part de la rémunération modulée (l'implication au travail des agents n'est pas uniforme mais la différenciation, équitable et légitime, qui en résulte doit porter sur une part raisonnable de la rémunération afin de ne pas compromettre la nécessaire coopération au sein des équipes de travail) et assurer une modulation effective ;
- effectuer une modulation sur la base d'objectifs clairs et de critères d'évaluation aussi objectifs que possible des performances ;
- fixer des objectifs évaluables (définition des indicateurs de performance, articulation entre performance collective et performance individuelle) ;
- tenir compte, dans l'individualisation des salaires, du niveau de responsabilités atteint et de l'autonomie dont bénéficie l'agent dans un contexte de moyens adaptés.
Source : réponses au questionnaire budgétaire
S'agissant de l'avancement de grade, le tableau d'avancement se fonde sur la « valeur professionnelle » de l'agent au regard de ses notations, des propositions motivées des chefs de services et des comptes-rendus d'évaluation.
La rémunération au mérite a été adoptée pour les emplois à la décision du gouvernement .
En outre, elle fait actuellement l'objet d'une expérimentation débutée en 2004 pour les directeurs d'administration centrale de quelques ministères (ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ministère de la défense, ministère de l'équipement, ministère de l'agriculture, ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat) et devrait, comme l'a rappelé M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, lors de son audition devant la commission des Lois 40 ( * ) , être étendue aux directeurs d'administration centrale de tous les ministères en 2005.
Les directeurs d'administration centrale voient donc une partie de leur rémunération modulée dans la limite de 20 % de leur rémunération globale de base, en fonction des résultats qu'ils ont obtenu au regard des objectifs qui leur avaient été préalablement assignés.
Un comité des rémunérations est mis en place dans chaque ministère. Il est composé de trois membres, l'un d'entre eux devant être extérieur à l'administration. Il est chargé de conseiller les ministres sur le montant de la part variable de la rémunération de leurs directeurs, laquelle doit refléter objectivement leurs performances.
Un bilan de l'application de cette rémunération devra être fait par chaque ministère et transmis à la mission interministérielle de pilotage de l'encadrement supérieur qui devrait rendre un premier avis sur la phase d'expérimentation avant la généralisation de la réforme.
La structure des régimes indemnitaires est actuellement en voie d'être simplifiée et pourrait constituer un bon support pour le développement de la rétribution au mérite au sein de la fonction publique de l'Etat.
L'objectif annoncé par le ministre est de généraliser ce système de rétribution au mérite à l'ensemble des fonctionnaires. Dans certains services, la part modulable de la rémunération devrait être fonction du mérite collectif du service tout entier. Le travail individuel de chacun peut en effet s'avérer être difficilement dissociable de celui des autres.
Il convient également de préciser que si quelques ministères ont pu envisager d'étendre à l'ensemble de leurs agents la rémunération au mérite (par exemple le ministère de l'économie et finances), certains agents de l'Etat refusent la mise en place de ces primes modulables. Ainsi, l'ensemble des magistrats de Moulins présents lors d'une assemblée générale le 13 octobre 2003, ont décidé de redistribuer entre eux et à parts égales la prime modulable qui leur avait été respectivement versée afin de marquer leur opposition à la mise en place de la rémunération au mérite, instaurée pour eux par M. Dominique Perben, ministre de la justice. Ils ont en effet considéré que ces primes « constituent une forme d'évaluation individuelle déguisée, réalisée sans critères, ni garantie, ni même d'homogénéité d'une cour d'appel à l'autre » et qu' « elles peuvent être utilisées ou vécues comme un levier de pouvoir entre les mains de la hiérarchie, totalement incompatible avec le statut d'indépendance de la magistrature qui demeure une des garanties fondamentales du justiciable . »
* 38 Voir le bulletin précité de la semaine du 15 novembre 2004.
* 39 La procédure d'avancement d'échelon a été modifiée afin que les bonifications d'ancienneté soient données aux fonctionnaires les plus méritants.
* 40 Voir le bulletin précité de la semaine du 15 novembre 2004.